La Polalhera, février 2015, page 13...

les sorties
l'oenologie et histoire de bancs

 

Ce qui a été vécu, par le groupe oenologie :

 

Visite du jardin de la cave, géométrie, plusieurs formes graphiques, chemin détourné vers l'art, vieux outils (idée de vieux métiers), visite de la cave avec le vigneron qui est venu vers eux. La vigne, les ceps, la vinification (vocabulaire), odeurs, portail, histoire de la case (une des plus vieilles de la région). On peut partir dans l'imaginaire grâce au château de cette cave, aux heurtoirs qui sont très hauts (on peut heurter à cheval), botanique, irrigation, noria, roue à aube avec petits godets, rigole qui amène l'eau dans un bassin, murs en pierres de vigne, plantes aromatiques.

Promenade dans les vignes, forêt de cyprès, idées de jeux d'orientation avec boussole, carte

activités très scolaires : dessiner un paysage au niveau d'un point de vue avec les différents plans (croquis), faire un plan du lieu, reportage du public qui fréquente le parc (public, personnel), avec photos légendées, notion de perspective

Lignes du paysage, grand chemin de terre à perte de vue, lignes de cyprès pour couper le vent, contraste lignes/touffu, ont rapporté un gland qui a pris racine, un cocon de ???, vigne dans une crau, plein de cailloux pour faire du son, causses de genêt, pomme de pin grattée... Sensibles au vent, plus de vent, moins de vent, les odeurs... Importance de la discussion comme les enfants en sortie (communication orale entre pairs).

A pied puis en voiture vers le village jusqu'au monument aux morts : il y a un oratoire d'un personnage important (Goujon ? ) qui a créé une école laïque, lecture de plaques, d'un texte en provençal sur plusieurs périodes historiques (travail sur les dates, deux dates pour une même personne), buste de Goujon, qui a été enterré avec ses servantes, impression de château fort avec une architecture ancienne et une architecture moderne, restes, vestiges, murs en pierre et chaux à la provençale, partie inaccessible près de l'église avec des arcades, travail sur l'orientation car il y a un chemin court par le cimetière pour revenir du village, fontaine dédiée aux félibriges (nom de 7 poètes provençaux) qui était avant un lavoir, renfort tout en pierre contre une maison qui pourrait être l'entrée des anciens remparts. Clocher carré car il a été transformé en poste de télégraphe (travail sur les nouvelles technologies). Une étoile à 7 branches, sur la fontaine : qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça symbolise ? D'où ça vient ?

Le thème du chiffre 7

Lignes, détails, retrouver l'endroit dans le parc à partir de détails, puis compositions, faire du lien en arts plastiques, graphismes.

Lignes des ombres ; ombres différentes selon la disposition des bancs, enregistrement des sons en marchant (mais il y a du vent!), sons des objets trouvés par un autre groupe.

Il y a un oléoduc qui passe ici apparemment, il y a un panneau : de quoi s'agit-il ? Beaucoup de traces (engins agricoles...), c'est boueux. Peut-on déterminer la marque du pneu à partir de la trace ?

Histoire : ici, c'est un château.


Par rapport à une situation de classe, qui est toujours guidée, c'est très inhabituel.


Il y a beaucoup de mathématiques (graphique, géométrique), mais aussi de la littérature, de l'histoire, travail sur les sens, sur le son, l'orientation, la géographie, les sciences (mouvements des planètes, moment où l'ombre est la plus longue ; botanique : végétation provençale, développement des végétaux, germination ou pas, pourquoi il y a de la mousse sur certains côtés des arbres), l'agriculture locale, intervention de l'homme sur les éléments naturels, s’approprier l'espace, les arts (land art ? ), activité physique (course d'orientation), langage (vocabulaire spécifique du vigneron par exemple – barrique, mi, fût, foudre... et pas tonneau qui est sans doute lié au milieu marin).

Au niveau disciplinaire, on a un g, et possibilité de tout décliner... On n'est pas obligé de tout exploiter, ni de tout faire collectivement, chacun peut travailler par petits groupes, avec des retours au grand groupe. La sortie en soi est déjà une activité dans laquelle on apprend, on peut aussi sortir plusieurs fois. Une problématique se met en place dans la classe, c'est important d'être à l'écoute en tant qu'enseignant et d'y accorder de l'importance. Il nous faut un bagage assez vaste sur ce qui peut intéresser les enfants, casser les recherches disciplinaires, redéfinir tout ça. Qu'est-ce qui est important dans la géographie ? Comment faire un vrai travail de géographe ? Créer un outil qui va nous permettre de savoir où est le soleil à un certain moment ?


On va chercher ce qui va être l'objet des ateliers longs du matin : qu'est-ce qui nous manque, on a envie d'en faire quoi, vraiment, personnellement ? On ne se met pas dans la peau des enfants, mais la démarche est le même. Il est important d'être accompagnateur, d'être surpris par l'intérêt de tel ou tel enfant, auquel on ne s'attendait pas, ce sur quoi on veut s'engager personnellement. Le résultat final n'est pas l'essentiel, mais l'investissement dans son projet, la reconnaissance de son travail.


Comment mettre en place cela en classe ? La question est la démarche, s'engager dans une recherche. Ce qu'il faut réussir est permettre aux enfants de s'autoriser à poser des questions, respecter les vraies questions qu'ils se posent, ce qui amène une vraie démarche de chercheur. Perdre son objectif propre pour s'attacher à celui des enfants. Ils vont faire plus que le programme, mais pas en même temps. Il y a des mises en commun, qui permettent à tous d'avoir une connaissance de ce qui a été fait. En fonction de ce que les enfants vont faire, tu coches ce qui est abordé au niveau des programmes, et tu te rends compte qu'en fait, la démarche est acquise. Le savoir, ils le construisent d'eux-mêmes. Il se passe beaucoup de choses entre les enfants, informellement, en dehors de nos oreilles et de nos yeux.


Mise en commun :

Personne ne fait pareil en pédagogie Freinet. On peut s'en rendre déjà compte au niveau de la présentation des travaux des deux groupes.

Projets :

 

TRAVAILLER ENSEMBLE AUTOUR D'UN PROJET: LES BANCS


CE QU'ON DEMANDE AUX ENFANTS VECU DE L'INTERIEUR.........

PAS SI FACILE !!!!!!!!


Choix complètement libre sans consigne, concessions, appropriations et acceptation du choix d'idées différentes des siennes, frustrations, enrichissement par les trouvailles des autres, négociations,plaisir à un moment de se retrouver sur la même idée pour aboutir à un projet commun jubilatoire :

c'est peut-être ça coopérer ?


Par Sylvie Cuny, coorganisatrice du stage mais novice en sortie libre....et peut-être même un peu réfractaire au début mais décidée à la fin à le faire vivre aux enfants en classe verte en avril...


Mardi après-midi:

Tous réunis dehors, consigne: vous avez une heure pour sortir librement, seul, à plusieurs, vous regardez, vous pouvez faire ce que vous voulez.

Bon, d'accord!

Je n'ai jamais pratiqué ça la promenade libre, avec un regard disciplinaire oui, mais libre jamais.

Je pars donc seule, en 10 minutes j'ai terminé ma promenade: des bancs m'ont sauté aux yeux:

deux qui se font face, un isolé et deux côte à côte.

Je les photographie, je les dessine.

Ils me renvoient aux situations de communication, je travaillerai là-dessus.

Je peux rentrer me mettre au chaud à l'abri du vent en attendant la première mise en commun.

On liste ce que chacun a noté dans sa promenade.

Nouvelle consigne: à partir de cette liste choisissez de travailler sur un sujet qui vous intéresse,

c'est votre projet d'adulte, faites vous plaisir, vous pouvez vous regrouper ou travailler seul.

Vous aurez trois temps d'atelier long de 1h30 et vendredi après-midi vous aurez 5 minutes pour présenter aux autres votre travail abouti ou non.

A partir de cette liste les uns et les autres se regroupent ou pas autour d'un thème qui les inspire.

On note une dizaine de projets: le monument aux morts, un jeu d'orientation, détournement d'objets...

Les stagiaires, à part une, se regroupent.

Je fais le canard dans mon coin je n'ai rien choisi, je m'apercevrai le lendemain que je n'étais pas la seule......


Mercredi matin:

Regroupement avant le départ en ateliers longs pour travailler sur nos projets, je demande innocemment; et si certains n'ont pas de projets...... et c'est alors que deux stagiaires que je ne connaissais pas me disent nous ça nous intéresse ton histoire de bancs parce que ça n'est pas scolaire et on n'avait trouvé au cours de notre sortie que des projets ayant trait à des disciplines.

Bon d'accord travaillons ensemble.. mais dans ma tête je me dis ….bon j'espère que je vais quand même pouvoir faire ce que je veux...

On fait connaissance, je leur explique mon idée et elles proposent qu'on refasse le tour du parc en regardant tous les bancs et en notant nos remarques. D'accord et on part.

Je me dis.. mais c'est pas du tout ce que je voulais moi, j'avais déjà choisi mes bancs j'ai pas besoin d'en voir d'autres...

Au retour on se dit ce qu'on a noté moi pas grand-chose..pour ne pas dire rien du tout mais j'acquiesce à toutes leurs remarques.

On tourne, on retourne, toutes nos idées;

L'heure tourne aussi ….L'une dit: et si on écrivait l'histoire d'un des bancs.....On est d'accord toutes les trois. Bon on s'y met demain.

Alors là je suis contente...c'est super cette idée, faire parler le banc.....je ne sais pas si j'y aurais pensé en travaillant seule.


Jeudi matin

Une autre stagiaire venue pour la journée se joint à notre groupe, on repart sur notre idée de faire parler le banc, les idées fusent on pourrait mimer toutes les personnes qui viennent sur le banc: un couple d'amoureux, un SDF, une maman pour changer la couche de son bébé, quelqu'un qui laisse un livre..... une propose de prendre le contre-pied des situations habituelles, une autre l'histoire de la mémé qui a fugué … On se met d'accord sur l'idée d'une voix off qui parlerait pour le banc et les deux autres mimeraient. Je propose qu'on écrive chacune le début de l'histoire du banc.

Chacune écrit, on se lit nos histoires, on discute, on surligne ce qu'on garde de chacune et notre histoire commune démarre.

C'est déjà l'heure, l'une propose demain de prendre son ordi et de tout recopier.

Je suis ravie.... finalement écrire à plusieurs c'est pas mal aussi.... bon d'accord ce ne sera pas mon histoire, ce ne sera pas ce que j'avais prévu au départ mais ça me plait et puis je pourrais toujours écrire la mienne plus tard..


Vendredi matin

On termine notre histoire qui finalement se nourrit de nos échanges et que vous lirez si vous le souhaitez ensuite. On est trop contente toutes les trois, émues et finalement on se dit que c'est mieux de ne pas mimer, on mettra trois chaises, recouvertes d'un tissu: le banc, et nous assises parterre derrière, cachées et parlant pour le banc, chacun des stagiaires pourra ainsi laisser vagabonder son imaginaire. Très vite on décide de lire chacune une partie de l'histoire, mais il y en a quatre, on a la même idée, on lira ensemble la dernière partie.

Comment choisir qui lira quoi. L'une, généreuse, me dit, choisis toi c'est quand même de ton idée qu'on est parti, alors je choisis, le passage du vieil homme, pourquoi je ne vous le dirai pas...

Puis on répète deux fois la lecture ensemble, nos voix s'accordent.

Nous jubilons ensemble.....mais oui c'est vrai!!!!!!!!

Je suis ravie de ce texte élaboré ensemble, je pense aux enfants dans ma classe qui dès qu'ils ont écrit leur texte me demandent je peux lire mon texte même si ce n'est pas le moment.....je comprends mieux leur frustration de devoir attendre le « regarder-écouter » ….....


Vendredi après-midi

C'est le moment des présentations, chaque groupe présente son travail, je suis admirative devant la diversité, la créativité, la richesse des productions.

A notre tour nous sommes le banc.

Je suis émue en lisant mon texte mais je sens mon émotion s'amplifier quand nos trois voix s'unissent pour lire la fin de l'histoire.

 

Les bancs

Je suis un banc avec la peinture écaillée. Le vent, la pluie, la neige m’ont abimé. Le jardinier du parc taille les arbres qui m’entourent. Il les traite, les protège du froid, il ne s’occupe pas de moi.

J’ai froid, ce vent violent m’agresse, j’ai envie de soleil, de chaleur. Et cet arbre immense qui me cache et m’isole. Les quelques personnes qui passent, s’arrêtent, devant lui, s’émerveillent de sa haute taille de ses branches noueuses et ils le photographient. Moi, je suis ignoré, je reste là, seul. L’arbre voyage, passe de mains en mains, sur des photos… et moi je suis condamné à mon immobilisme et à ma solitude.

Heureusement que j’ai une belle vue sur le Mont Ventoux. Le parc vient d’ouvrir. Quels vont être les visiteurs du jour ? Et voilà, ils tournent, se promènent mais jamais personne ne s’arrête pour s’asseoir et me tenir compagnie. La journée va être longue encore…..


Tiens quelqu’un s’approche, seul lui aussi, il marche d’un pas lent, il a l’air accablé…enfin il s’assoit…oh enfin un peu de chaleur….mais que se passe-t-il ? Il s’allonge carrément ! Je deviens lit, je deviens matelas moelleux, … mais pourquoi suis-je mouillé tout à coup, mais cet homme, il pleure…il est vieux, il est beau malgré ses rides et ses cheveux blancs. Il marmonne : comment continuer à vivre sans elle….

Il se lève repart, tremblant, hésitant. Mais il a oublié son livre.


Aujourd’hui, le temps s’écoule doucement, personne ne vient. Enfin, j’entends des pas qui s’approchent lentement de moi. Elle m’a choisi elle aussi… Elle s’installe et se perd dans ses pensées en regardant au loin le Ventoux. Mais cette vielle je la reconnais à sa façon de me caresser. Cela me rappelle ma jeunesse, elle venait chaque soir avec son amoureux, ils fredonnaient ensemble toujours le même air. Tiens elle prend le livre et l’ouvre. Mais pourquoi se met elle aussi à pleurer. Elle semble émue, je l’entends qui répète «  Georges, Georges… » en caressant du bout des doigts ce prénom écrit sur la première page du livre.


Tiens le revoilà, il a dû s’apercevoir qu’il avait oublié son livre, il s’approche lentement.


Il aperçoit une silhouette sur le banc et entend son prénom murmuré par cette vielle dame. Qui est-elle ? Mais cette façon de s’asseoir, cette manière de pencher la tête il la reconnait. Des larmes apparaissent alors dans ses yeux. Des souvenirs d’adolescents amoureux resurgissent, des frissons, des attentes, des baisers volés. Le vieil homme s’approche, la femme lève doucement la tête. Et leurs regards se croisent avec la même intensité que la première fois. Il s’assoit contre elle et lui le prend la main. Et ils fredonnent ensemble leur chanson.