La Brèche n°6 (Février 1975)

Février 1975

 

La Brèche, bulletin du Secteur Second Degré de l'ICEM
1974 - 1984, dix numéros par an
Des réflexions, des témoignages de pratiques, des comptes-rendus de lectures, de débats, ......
 

La coopé .... bof!

Février 1975

 

La Coopé ... Bof!!!

 C'est la réponse d'un bon nombre de gars du lycée, qui ne voient nullement l'importance·de la coopérative. ou qui ne voient à travers ce nom que le foyer (la salle 12) représentant pour eux  la possibilité de ne pas aller dans des permanences où il est interdit de parler.

 Mais la coopérative c'est aussi autre chose. Remarquez que la pauvre depuis 2 ans commence à s'essouffler si bien que l'on n'entend plus sa voix. Pourtant sa naissance ne date pas de tellement longtemps (1969-70). Ses premiers pas furent assez encourageants. et porteurs de grandes espérances ... Mais à l'heure actuelle tout le monde semble s'en détourner. Sa nécessité n'en est pas moindre ... au contraire : ce besoin de meilleures relations professeurs-élèves est un problème toujours d'actualité, le besoin d'humaniser le lycée reste un but à atteindre, le besoin d'activités de plus en plus nombreuses et diverses est encore réel.

 En fait, le foyer coopératif est un moyen de faire le contre poids d'un enseignement traditionnel et structuré dans lequel l'initiative et la responsabilité sont refusées. C'est la possibilité que le lycée ne devienne un lieu où l'on ne vienne simplement que pour prendre une certaine dose de culture pour ensuite partir. C'est une des façons les plus réelles de commencer à prendre notre vie en main, par la grande part offerte à l'esprit critique, à l'initiative, aux responsabilités, à la réflexion.

 Nous voilà au fond du problème : commencer à prendre sa vie en main !!! Mais nous en laisse-t-on vraiment la possibilité ? Et puis, voulons-nous réellement de cette responsabilité qui est souvent lourde à assumer et pleine de conséquences? Je crois que nous la craignons tous plus ou moins ...

 Mais faisons au moins chacun l'effort d'aller jusqu'au bout, c'est-à-dire de prendre les moyens pour commencer dès à présent à améliorer notre vie au lycée ? Ne laissons pas échapper ces possibilités de changer un enseignement trop limité en un enseignement vivant !

 Si l'on prend l'exemple de la coopé, on s'aperçoit vite que si le désintéressement dont elle fait l'objet continue au rythme actuel, elle ne pourra pas y survivre longtemps ... Et ce sera une possibilité en moins de satisfaire certaines de nos revendications, car il serait inutile de croire que si nous la laissons mourir, nous puissions ensuite, ayant pris conscience de sa nécessité, la faire revivre ! C'est donc maintenant qu'il faut s'apercevoir que la coopérative est indispensable ! C'est maintenant que nous devons lui redonner un second souffle en préparant activement la soirée coopérative en invitant nos professeurs à organiser avec nous des activités qui nous intéressent , en en parlant autour de nous et en cotisant aussi pour subvenir aux besoins financiers des différents clubs déjà existants et peut-être si nous le voulons des nouveaux à venir !!!

 M. AUDOIRE

 

Et si la coopé disparaissait ?

 J'ai beaucoup apprécié l'article de M. Audoire sur la coopé. Il a fort bien cerné les buts de la coopé, ses difficultés et sa crise actuelle.

 Je ferai seulement une correction, pour l'Histoire : la coopé existe - du moins sur le papier - depuis 1964 et non 1969. Mais cette erreur me parait significative : la coopé a mis du temps pour avoir une existence réelle, pour qu'elle apparaisse vraiment comme une communauté d'élèves et d'adultes. Au début, c'était plutôt une juxtaposition d'activités, de clubs, sans lien véritable. L'aspect financier restait prédominant (vente de petits pains, solidarité et entraide ... ) Elle demeurait gérée trop exclusivement par des adultes (dévoués !)

 C'est en 1967-68 que les élèves commencèrent à prendre conscience de ce que pouvait être la coopé, et commencèrent à prendre en main ses destinées ils découvrirent les "statuts" qui montraient bien que la coopé est une affaire d'élèves et non d'adultes (exactement : d'élèves avec le conseil de quelques adultes) ;

 - en janvier 68, une importante délégation d'élèves de la coopé participa activement à de passionnantes journées de I'AROEVEN sur les rapports jeunes-adultes ;

 - en mars 68, une commission constituée d'élèves et d'adultes de la coopé fut constituée pour revoir le règlement intérieur du lycée.

 Cet état d'esprit se concrétisa tout naturellement pendant les "événements" de MAl 68 : les élèves du lycée de La Bastide se retrouvèrent aux premiers rangs parce qu'ils avaient appris à s'organiser, à discuter, à s'écouter, à prendre des décisions et des responsabilités.

 Il serait trop long de relater toutes les péripéties qui suivirent : les hauts et les bas, les incidents avec quelques adultes (1), l'organisation des diverses fêtes et manifestations, les expositions, l'ouverture de la salle 12, la naissance et la mort de certains clubs ...

 Cette vie a toujours été fragile : la coopé repose sur le dévouement d'une poignée d'élèves et d'adultes qui prennent sur leur temps de loisir et de travail. SITUATION ANORMALE : une coopé devrait faire partie intégrante des horaires des élèves et des professeurs. Faire fonctionner des clubs de 13 h à 13 h 45, ou à partir de 17 h (quand on habite à 10 km, quand on a un car à prendre, quand on a des centaines de copies à corriger ... ), c'est une gageure bien difficile à tenir. Je pense donc que la crise que signale M. Audoire n'est pas nouvelle. Mais elle s'aggrave parce qu'elle est liée à la crise actuelle de l'enseignement et de la pédagogie, à la crise sociale et politique.

 Allons plus loin : l'existence même d'une coopé - telle qu'elle est - (comme des 10 %). c'est le signe révélateur que rien ne va plus, qu'il faut autre chose. Mais dans une société, juste et humaine, dans un enseignement réellement démocratique, une coopé sous sa forme actuelle (comme les 10 %) devrait disparaître, ou alors s'étendre à l'établissement tout entier et se confondre avec lui (et les 10% devenir 100 %).

 En fait, dans les conditions actuelles, la coopé (de même que les 10%), est aussi efficace qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Il serait même dangereux de laisser croire comme certains (et comme le ministère) que la coopé (comme les 10 %) pourrait être une solution miracle aux problèmes de l'enseignement.

 Cela dit, faut-il laisser mourir la coopé, et attendre les réformes et les révolutions qui d'un coup de baguette transformeront tout ? Je ne le crois pas : elle reste un moyen pour préparer les changements que nous souhaitons.

 Mais c'est à TOUS LES COOPERATEURS, jeunes et adultes, d'en discuter et d'en décider.

 J. BRUNET

 



 

(1) euphémisme

 

Dialogue avec un adolescent

Février 1975


 

Dialogue avec un adolescent

 Il me· dit ce que j'ai déjà entendu cent fois :

- "Maintenant j'arrête pas de me poser des questions. Et je ne parviens à répondre à aucune. Et j'arrête pas de voir, partout, autour de moi, des trucs qui me choquent, et ça relance les questions.

- Je me demande si je n'étais pas plus heureux quand j'avais des oeillères, quand je ne me posais pas de questions. La vie est bien plus facile pour moi. C'est peut-être ainsi qu'on parvient à atteindre le bonheur.

- Qu'est-ce que le bonheur ?

- C'est un idéal vers lequel on tend mais qu'on ne peut atteindre parce qu'on est dans une société où tout est contre nous, alors on doit se battre. Je te dis ça aujourd'hui, mais il y a un an j'aurais dit autre chose ! C'est marrant parce que je croyais au bonheur au prix de la résignation – un certain type de bonheur pépère - tandis que maintenant je ne crois plus, au bon heur et pourtant j'y crois plus qu'avant puisque je me bats !

- C'est contradictoire non ?

- P't être ! Mais on est obligé de vivre dans un monde qui nous plaît pas, un monde qui nous interpelle par des questions insolubles, alors on réagit:

- J'croyais que tu allais encore m'accuser d'avoir rompu ta tranquillité, de t'avoir démoli sans rien mettre d'autre à la place !

- J'en ai envie, c'est vrai. Je me bats pour quelque chose que je sens formidable mais que je n'arrive pas à exprimer. Et en même temps je t'en veux de m'avoir "débloqué". Je regrette mon bandeau sur les yeux. Pourquoi est-ce que je me pose des questions ? Pourquoi je ne peux revenir sur le passé, au temps où je n'avais pas ces questions ? Pourquoi je n'arrive pas à énoncer clairement ces questions ?

- Et tu crois qu'un monde sans questions serait idéal ?

- Bien sûr que non qu'il serait pas idéal, mais au moins, quand on ne se pose pas de questions, on est bien dans sa peau. Il paraît !

- Dis donc, si j'avais le pouvoir de faire que tu ne te poses plus de questions, tu accepterais le coup de baguette magique?

- ... Non ! "
Problème-clé : a-t-on le droit d'aider les autres à devenir conscients... conscients d'eux-mêmes, de leurs questions soigneusement refoulées d'année en année - il ne s'agit pas, ici, de propagande ? - L'autistique n'est-il pas le plus heureux des hommes ?
Christian POSLANIEC

 

Des adolescents parlent de nos congrès

Février 1975

 

DES ADOLESCENTS PARLENT DE NOS CONGRES

Ils étaient vingt-trois jeunes, issus de classes Freinet de CES, lycées ... Et combien étaient présents au Congrès ?

Ils ont été neuf (9) de Thann, Bordeaux, d'Altkirch. À répondre à un questionnaire, adressé à la plupart d'entre eux par l'intermédiaire de leurs profs. tout en précisant d'ailleurs le plus souvent l'existence d'un malaise vis-à-vis de ce questionnaire.


 

A noter que la plupart d'entre eux ont répondu collectivement (sept sur neuf). Et bien souvent les réponses se recoupent :Dans leurs témoignages. ils évoquent des aspects positifs, des aspects négatifs du congrès. Ils en font un bilan : leur jugement nous offre l'occasion de remises en causes urgentes !

Oui, le congrès, dans son ensemble, les a intéressés, soit par l'ambiance. soit par les sujets traités. Et tous souhaitent revenir à Bordeaux en 1975.

L'aspect positif généralement évoqué, c'est l'ambiance du congrès, qui permet liberté et communication. Mais cette impression agréable ressentie dès l'abord est trop vite ternie par une constatation quasi-unanime : les gens ne savent pas écouter !

Les éducateurs planent ! Aux problèmes posés, on tente vraiment d'apporter des réponses. Des relations se créent , superficielles, et ne se poursuivent pas. D'où celle impression pénible de solitude dans la masse ... des points de repères leur manquent !

Les adolescents, élèves de classes Freinet. Où, du moins, un seul prof sur 7 tente d'implanter l'expression libre que ce soit en maths, dessin. Français .… ces adolescents-là se sentent étrangers aux commissions de travail qu'ils disent - à tort , à raison, (à vous de juger) ! -· réservées aux éducateurs. (C'est grave. Non! Le militant Freinet travaille en circuit fermé ! ) De plus, les jeunes manquent d'information sur le contenu des travaux de la commission. Et, comme personne

n'essaye de les y intégrer. pendant l'année, aucune motivation n 'existe en eux lors du Congrès.

Des constats : les adolescents interviennent rarement au cours des "grands débats", que ce soit par timidité, par sentiment d'infériorité vis-à-vis des "grands parleurs de I'ICEM" (autre jugement qui doit faire réfléchir), ou tout simplement , par satisfaction de ce qui y est dit.

Les débats appréciés ont été ceux portant sur des thèmes concrets : ainsi la discussion menée lors du débat sur "L'enfant et la société de consommation'' a été très prisée.

Les jeunes. dans leurs réponses, posent, implicitement souvent, des jalons pour l'organisation d'un congrès en 1975.

Pour se connaitre, ils aimeraient se retrouver souvent. Comment ?Ils aimeraient qu'on leur réserve une salle ; mais ils ne voudraient pas s' isoler dans un groupe spécifique : ils préféreraient que leurs départements d'origine les aident à s'intégrer dans les commissions de travail. et ce en préparation du congrès. Ils voudraient que les groupes départementaux les invitent à préparer le congrès avec eux. Certains d'entre eux souhaiteraient que les jeunes créent quelque chose et le proposent au congrès comme les autres groupes.

Deux points centraux se dégagent donc nettement en relief de ces témoignages. L'intégration des jeunes. qu' ils soient élèves de profs Freinet ou normaliens ne peut se faire que pendant l'année, dans le département, avec l'aide du groupe départemental. Et là que les groupes départementaux

se déclarent prêts à accueillir les jeunes, si ceux-ci le désirent, ne suffit pas. Dans le monde adulte, les relations entre les jeunes et les adultes sont en général tellement perturbées que les jeunes ont beaucoup de peine à aller dans un groupe d'adultes. Aussi faudrait -il que les groupes de l'Ecole Modeme amènent véritablement ces jeunes à travailler avec eux, et qu'ils en prennent volontiers l'initiative. Or, est-ce souvent le cas ?Attendre le congrès pour assurer cette intégration amène souvent , voire toujours, à l'échec. En deuxième lieu, les jeunes demandent unanimement une salle mise à leur disposition, mais rejettent l'idée d'une commission adolescents.Ils aimeraient pouvoir se retrouver pour planifier leur participation aux groupes de travail et débats, et en rendre compte.

Suite à ces réponses. je pense qu'il se rait bon que chaque prof qui compte amener avec lui des ados au Congrès commence dès maintenant à parler du congrès, à le préparer avec les éventuels participants, matériellement au moins.

Synthèse élaborée par J. Desbordes

5/10/74

 

 

Dialogue avec un poète

Février 1975

 

 

Dialogue avec un poète

 

Des quatrièmes tout nouveaux, très conditionnés ... Je cherche toutes les motivations possibles pour qu'ils aient envie ou simplement l'occasion de s'exprimer. Cette lettre à J.C. Renard est une brèche. Nous la rédigeons collectivement. Ils se débrouillent pour la présenter joliment avec un alu repoussé sur papier glacé. On l'adresse à tout hasard chez Casterman et on attend. ..

 

 

Vous dire leur joie, leur fierté à la réception de la réponse est inutile.

 On la passe à l'analyseur afin que chacun ait un exemplaire que toute la famille lira !

Il faudra la déchiffrer, la lire et la relire. Cette brèche a eu son importance ... Ils ont réécrit depuis au poète, ont expédié leur journal. C'est le cadeau amical de l'échange ...

 Pour les adolescents et avec eux, il faut avoir toutes les audaces.

  Janou LEMERY

 Cher poète

Nous avons fait connaissance avec vous par l'intermédiaire d'un de vos poèmes : "Être comme un enfant". Nous sommes en quatrième au C.E.S. de Chamalières, et depuis le début de l'année, nous découvrons des poètes du 20e siècle et plus particulièrement des poètes qui vivent, ce qui est une grande nouveauté pour nous.

C'est la première fois que nous écrivons à un poète ; nous sommes un peu émus et anxieux de votre réponse. Nous avons pourtant de nombreuses questions à vous poser et nous serions très contents de vous mieux connaître par lettre.

Nous commençons à écrire des textes libres, des poèmes, à dessiner et, peindre librement et allons poursuivre l'édition d'un journal " Joie de vivre" que d'autres élèves avaient créé avant nous, avec nos professeurs. Nous vous l'offrirons avec grande joie.

Pour savoir comment vit un poète à notre époque, chacun de nous a posé des questions que nous avons rassemblées. N'allons-nous pas vous importuner ? Nous comptons quand même sur votre gentillesse et vous transmettons notre amitié.


 QUESTIONS

 - Tentez-vous d'être comme un enfant ? Y parvenez-vous ? Sinon quelles failles vous-reconnaissez-vous ?

- Dans votre poème, vous jugez durement les adultes. Votre entourage est-il plus spécialement composé d'enfants ? Avez-vous eu une enfance heureuse ? Pensez-vous souvent à votre enfance ?

- Avez-vous des enfants ? Les inciterez-vous à écrire ?

- Ecrivez-vous pour votre plaisir ? L'inspiration vous vient-elle naturellement ou en cherchant, ou en dormant ?

A quel âge avez-vous commencé à écrire ? Avez-vous été incité par votre père ou votre mère ? et par vos professeurs ?

Quand vous étiez adolescent, quel poète préfériez-vous ?

Que pensez-vous des poètes actuels, lisez-vous beaucoup de poésie ?

Aimez-vous d'autres arts, comme la peinture, la sculpture ?

Pourriez-vous être romancier ?

Les gens vous reconnaissent-ils dans la rue et posent-ils des questions sur vos poèmes ? Vous écrivent-ils ? Est-ce que vous aimez dialoguer avec les jeunes ?


Jean-Claude Renard

15 avenue Perrichont

75Paris.

le 21 octobre 1974

Aux élèves de la classe de 4e D

CES Teilhard de Chardin

63400 - CHAMALIERES016 PARIS


Chers amis,

Votre lettre du 16 octobre m'a profondément touché. Vous savez que les poètes sont très sensibles à l'amitié et qu'ils écrivent pour partager avec ceux qui les lisent la manière selon laquelle ils vivent, ils rêvent, ils voient les êtres et les choses d'une façon peut-être un peu différent parce qu'elle est plus libre que celle sous laquelle l'habitude, les conventions, la connaissance nous les représentent.

Se sentir compris est donc, pour un poète, se sentir aimé, constater que ses mots ne sont pas des mots morts mais des mots vivants, des mots qui créent un monde - si mystérieux qu'il soit - où d'autres hommes peuvent entrer, où ils peuvent faire des voyages nouveaux, découvrir des pays qui étaient cachés en eux et qui deviennent alors visibles, sont à la fois leurs propres pays intérieurs et les pays intérieurs du poète. Une communion particulière s'établit ainsi entre les uns et les autres. Le lecteur du poème se transforme lui·même en poète. Il le réinvente avec les mêmes mots mais en le vivant ; en le comprenant comme il ressent le besoin de le vivre, de le comprendre. Et c'est à ce moment-là que le poème lui appartient. se change en chacun de ceux qui le lisent, les appelle par leur nom, les invite à laisser s'ouvrir toute grande leur imagination personnelle, à parler eux-mêmes d'eux-mêmes. Votre professeur (que je vous demande de remercier de ma part d'avoir aimé, comme vous, "Être comme un enfant") pourra, mieux que je ne puis le faire dans cette lettre, s'entretenir avec vous de ce que je vous dis là , si vous le souhaitez.

Je suis en tout cas très heureux de savoir que vous commencez vous-mêmes à écrire des textes libres, des poèmes, à dessiner et peindre librement, à éditer un journal dont le titre, "Joie de vivre", résume une intention essentielle que beaucoup trop d 'adultes, aujourd'hui, ne sont plus capables de comprendre parce qu'ils ont malheureusement perdu le sens de l'enfance, de sa richesse créatrice, de tout ce qu'elle comporte d'espoir, d'avenir, de lumière, de vie, de liberté qu' il faut essayer, à n'importe quel prix, de garder en soi présent et agissant au cours de toute son existence.

Car, si l'on détruit ou si on laisse mourir ces forces vives, on risque de ne plus jamais pouvoir les retrouver pour les opposer comme l'amour à la haine, comme la parole au silence, comme la paix à la guerre, aux terribles forces d'extermination qui menacent l'humanité et la terre natale.

Cela vous explique pourquoi certains poètes tentent d'être comme un enfant, de préserver sans cesse ce pouvoir de vie qui permet non seulement d'exister, mais de regarder au-delà des apparences, de saisir les sources à leur source, de maintenir l'eau jusque dans le désert que nous devons souvent traverser, d'empêcher la vie de se figer comme un étang l'hiver, dans la glace, de la renouveler continuellement , de lui permettre de porter toujours des fruits nouveaux , de rester ouverte à tous les secrets qui nous entourent, même si nous ne parvenons pas à les déchiffrer, parce que leur présence est comme la présence de l'infini dans le monde, de l'illimité dans l'homme.

Mais ce n'est pas facile. Il faut perpétuellement lutter contre ce qui tend à nous immobiliser, à nous interdire de nous avancer plus loin. Et, bien sûr, il arrive que l'on échoue, que l'on ne puisse plus marcher. Mais ce n'est pas une raison pour renoncer au combat. pour abandonner la route. Il faut au contraire la reprendre le plus vite possible. C'est ce qu'essaie de faire le poète qui ne cède pas au désespoir, qui sent que l'enfance ne l'a pas quitté et qu'elle est prête à lui porter secours, à l'aider à repartir vers lui-même et vers les autres, à se rapprocher de ce qu'il n'atteindra peut-être jamais, de ce que jamais peut-être il ne verra totalement, mais dont la présence inconnue est pour lui plus présente que les frontières de la réalité apparente. Si vous avez eu l'impression que, dans mon poème. je suis un peu sévère pour les adultes. c'est pour ce seul motif. Car je ne me reconnais pas le droit de "juger" qui que ce soit - pensant qu'il y a toujours, chez quiconque, quelque chose de plus grand que ce qu'il peut nous apparaître et que c'est cela que nous devons essayer de déceler et de respecter en lui.

Oui, je songe souvent à mon enfance. Elle fut solitaire (car je n'ai ni frères, ni soeurs), mais heureuse parce que mes parents s'aimaient et m'aimaient. J'ai trois fils - dont deux mariés et le dernier de vôtre âge. J'ai aussi un petit-fils : Nicolas. Comme nous nous aimons tous beaucoup, je crois que - malgré les inévitables difficultés de l'existence et les différences, aussi nécessaires que fécondes, de la personnalité de chacun - ils ont eu, eux aussi, une enfance heureuse et libre, une enfance responsable d'elle-même, où l'on partage tout, où l'on évite de se mentir, où l'on dit ce que l'on a à dire. Mais il faut, pour cela, y mettre chacun du sien, comprendre que chacun est ce qu'il est et trouver l'harmonie qui doit correspondre à la possibilité d'un "épanouissement'' à la fois individuel et collectif.

Mon fils ainé écrit lui aussi. Mais, étant Professeur de Sociologie à la Faculté de Montpellier, ses travaux sont d'un autre ordre que les miens. Ce qui ne l'empêche pas de s'intéresser à la poésie comme mon plus jeune fils : le deuxième s'étant, quant à lui, tourné vers les études économiques.

Tous trois ont toujours pu lire ce qui les intéressait, car j'ai une abondante bibliothèque. Jamais je ne les ai "forcé" à lire mes propres livres, ni à écrire. Chacun a fait ce qu'il a· voulu.

Mais comme on leur parlait quelquefois, en classe, de leur père, comme ils me voyaient travailler, ils m'ont souvent demandé de les aider dans leurs études, de leur commenter tel ou tel livre, quels qu'ils fussent, et le goût d'écrire (même si ce n'était pas des poèmes) leur est ainsi venu naturellement, sans intervention de ma part.

J'écris à la fois par nécessité intérieure d'être en m'exprimant, par besoin de communiquer avec les autres, pour moi et pour autrui. C'est parfois un plaisir, parfois une souffrance. Car le langage poétique est un langage qui demande un maniement très particulier. L'inspiration peut venir de n'importe quoi : aussi bien d'une émotion, d'un mot, d'une image que d'une rencontre avec un être, une chose, un paysage, une idée, une lecture etc. - naître "naturellement" ou d'une recherche, d'une "mise en condition" spéciales, - se produire n'importe où et n'importe quand, si du moins on se trouve dans un état de disponibilité suffisant, - surgir durant la veille ou le sommeil (beaucoup d'écrivains gardent sur leur table de nuit un crayon et du papier pour prendre des notes s'ils se réveillent). Mais, quoi qu'il en .soit, il est extrêmement. rare qu'un poème entier provienne d'un seul coup de l"' inspiration". Celle-ci ne fournit en général que des fragments qui doivent être ensuite organisés en un tout. C'est pourquoi écrire oblige à un long et difficile travail de mise au point. .

J'ai commencé d'écrire vers 12-13 ans. Mon père et ma mère ne sont intervenus ni dans un sens ni dans l'autre. Ils m'ont laissé faire à ma guise. Mais j 'ai toujours eu la chance de recevoir de mes professeurs des encouragements : car. j'aimais la littérature et obtenais de bons résultats en français. Ce sont eux qui m'ont aussi fait connaître des poètes que l'on n'étudiait pas alors en classe. Ce qui m'a permis de lire les oeuvres les plus diverses avec autant d'intérêt pour les unes que pour les autres : sans compter les poètes grecs et latins inscrits à nos programmes. Je ne puis donc énumérer ici tout ce que j'ai lu. Je vous dirais simplement que je lisais avec la même passion Villon et Scève, Ronsard et Du Bellay, Corneille et Agrippa d'Aubigné, les poètes "spirituels" du XVIIe, Chénier, Hugo (qui est, pour moi, le père de la poésie moderne) et Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé,·Valéry, Claudel, Breton, Desnos, Supervielle, etc. Tous m'ont plus ou moins influencé. Et ce n'est que peu à peu, qu'une fois assumées ces influences, je suis parvenu à trouver ma "voix" personnelle, tout en continuant à me nourrir de celles du passé et du présent, des plus "classiques" comme des plus "insolites" . ·

Toutes les expériences poétiques m'intéressent. La question que je me pose d'abord devant celles d'aujourd'hui n'est pas de savoir si je les aime ou non, mais si elles comportent une parole valable qu'il faut découvrir à travers ce qui peut nous en éloigner ou nous rebuter. Car si la poésie peut nous apparaître parfois comme un jeu gratuit de mots, si elle est devenue aujourd'hui plus difficile à comprendre que jadis, c'est parce qu'elle a pris conscience de sa spécificité, qu'elle veut être un langage absolument distinct des autres. La seule limite que l'on peut lui assigner est le risque de la voir se changer, à force d'exercices de plus en plus complexes, en une parole entièrement incompréhensible qui ne communiquerait plus rien et, par suite, se détruirait elle-même.

Il ne faut pas croire non plus que l'obscurité est nécessairement un signe de profondeur. Elle peut ne recouvrir que du vide. Aussi doit-on distinguer le secret d'un. poème, son mystère , qui peut être porté par des mots très simples, - des ténèbres d'un langage rendu artificiellement obscur.

Ce n'est pas toujours facile ; Mais vous le sentirez vous-mêmes : vous le devinerez peu à peu.

Voilà le petit conseil que je me permets de vous donner en face des "rébus" de la poésie moderne : laissez-vous conduire dans le labyrinthe si vous trouvez un fil à sa porte, même un fil de verre aussi mince qu'une aiguille. Si vous n'en trouvez pas, cherchez ailleurs. Cela suppose une initiation progressive, que vos maîtres devront vous aider à obtenir. Mais tirez-la d 'abord de votre sensibilité : de ce qui, en étant poésie en vous, d 'avance vous porte vers le poème, vous incline à vous reconnaître dans celui-ci ou dans celui -là, vous donne l'envie et le goût de créer, d 'écrire à votre tour.

Vous me demandez si j'aime les autres formes d 'art : peinture, musique, sculpture, etc.

Oui , je les aime, non pas en "spécialiste" mais pour tout ce qu'elles m'apportent, pour tout ce dont elles m'enrichissent et qu'il me serait impossible de créer moi-même, de connaître, d'éprouver sans elles.

En revanche, je ne me sens pas fait pour écrire des romans et pense que je n!en serais pas capable. Je suis trop "possédé" par la poésie et ma vraie langue est le poème. Mais l'essai m'intéresse : la réflexion sur les questions que me pose le langage poétique comme sur les questions que me pose, comme à chacun de nous, le fait d 'être un homme, de vivre l'énigme humaine.

C'est pourquoi j'ai écrit deux livres : Notes sur la poésie (Editions du Seuil, 1970) et Notes sur la foi (Gallimard, 1973). J'en écris maintenant un troisième qui sera consacré au " mystère".

N'ayant aucun goût pour les "mondanités" - et étant obligé, de surcroît, d 'avoir un métier pour gagner ma vie : car les poètes ne peuvent pas vivre de ce qu'ils écrivent, sinon très rarement, j'ai trop de travail pour perdre mon temps à " jouer" aux "vedettes" . Il arrive, mais peu souvent, que quelqu'un me reconnaisse dans la rue s'il a vu ma photographie dans un journal, un livre ou à la télévision. Il arrive, mais tout aussi rarement, qu'il me parle a lors de mes poèmes.

L'important, pour moi, n'est pas là. Il est dans les lettres que des lecteurs inconnus, des amis inconnus comme vous m'écrivent. Car c'est dans ces témoignages spontanés, dans ces confidences, dans ces questions que réside l'essentiel : que j'ai le sentiment de ne pas avoir écrit pour rien, de communier avec les autres, d'être en fraternité avec eux.

Enfin, j'aime beau coup dialoguer avec les jeunes, parce qu'il s savent poser de vraies questions et écouter ce qu'on leur répond. Je donne parfois de petites causeries - qui sont plutôt des entretiens, une conversation - dans les lycées, collèges et Universités·. Mais les loisirs me manquent pour aller partout où l'on a l'amitié de me demander d' aller (et je vais quelquefois très loin : en Amérique, par exemple). Ce la m'attriste, car je serais heureux de pouvoir parler avec tous ceux qui le souhaitent , lire leurs poèmes, les aider si je le puis. Mais il ne me serait plus alors possible de travailler et ce serait, pour moi, comme une sorte de mort. Voilà pourquoi il faut pardonner aux poètes de vivre aussi un peu solitairement, de s'enfermer parfois dans leur chambre pour méditer et écrire, de refuser parfois de faire ce qui ne serait plus d 'abord leur vraie raison d 'être : créer de la poésie et se donner à travers leurs livres, offrir aux autres ce qu'ils n'ont qu'à leur offrir : une parole chargée de toute leur vie, de tout leur amour, de tous leurs espoirs, de toute leur révolte contre ce qui veut détruire l'homme, la nature, le nom secret des êtres et des choses.

J'espère que cette lettre ne vous décevra pas. J'ai essayé trop vite de vous y dire le principal par rapport à vos questions. Mais le principal reste pour moi la lettre que vous m'avez écrite tous ensemble avec tant de sympathie et de ferveur. Rien ne pouvait m'émouvoir davantage.

Croyez-moi tous votre ami.

J .Cl. Renard


P.S. Puisque vous avez aimé "Etre comme un enfant", je vous envoie un petit livre, "Métamorphose du Monde" ( écrit voici déjà longtemps, en 1951, et republié en 1963) où vous trouverez d'autres poèmes sur l'enfance ("Incantation des enfances" ) qui peut -être vous plairont. Si vous désiriez connaître un peu plus mon travail, vous pourriez demander à votre professeur de se procurer, pour votre bibliothèque de classe, une étude intitulée : Jean-Claude Renard , publiée en 1966 dans la collection "Poètes d'aujourd'hui" n° 155 aux Editions Seghers, à Paris.

 

 

L'esprit d'escalier

Février 1975

 

L'ESPRIT D'ESCALIER

 (relations avec les parents)

 

Depuis longtemps, 10 ans de pédagogie Freinet, je suis obsédée par Je remords de ne rien "donner" au groupe.

Je n'ose pas, j'ai un peu l'esprit d'escalier : il m'est arrivé souvent de trouver dans l'Educateur ou le Bulletin du 2nd degré, la description d'une étape que je venais, moi aussi, de franchir. Alors, à quoi bon le redire ...

 

Aujourd'hui encore, en ouvrant la Brèche, je tombe sur l'article de Favry "les relations avec les parents" et j'y retrouve ma propre démarche. Il s'agit de ma classe de 5e, le climat en 3e étant tout à fait différent.

Dans la première quinzaine de septembre, j'ai proposé le plan de travail. J'avais déjà expliqué que nous ne ferions pas de "rédactions" que je ne donnerai pas de "récitations" mais que chacun pouvait m'apporter et éventuellement lire à la classe des textes personnels et demander à dire devant la classe un poème qu'il aimerait.

"CA SERA NOTE ?" "ON SAURA JAMAIS QUEL COURS C'EST, SI C'EST TOUS LES JOURS PAREILS !" Il fallait mettre les choses au point et c'est à cause de ces "damnées" notes que j'ai éprouvé le besoin d'un collaboration effective avec les parents.

Dans mon établissement, les enfants ont entre les mains un carnet de correspondance sur lequel ils inscrivent toutes les notes qui leur sont attribuées, c'est vérifié une fois par mois par les surveillants et signé par les parents. Un peu sec comme contact. Donc il fallait trouver un autre rapport et d'abord s'organiser avec les enfants. Après une discussion houleuse sur le but et la signification des notes, nous avons décidé de :

- noter chaque semaine 1 exercice de grammaire, 1 explication de texte issu de nos préoccupations, certes, mais imposés à tous ;

- apprécier en commun après présentation à la classe tout exposé ou diction de poème et matérialiser notre appréciation par une lettre (A, B...).

Ces appréciations jointes à l'observation par l'élève du volume de travail qu'il a programmé et justifié dans son plan de travail personnel, lui permettent de chiffrer son effort à l'expiration de son contrat (1 mois) la classe statue en dernier ressort. En fait ce trimestre-ci nous n'avons réellement accompli qu'un seul plan de travail, le second est en cours et doit me revenir vers le 20 janvier. Car ce plan comportait en dernière rubrique "ce que je pense de la vie de la classe, de mon travail, ce qu'en pense le professeur, ce qu'en pensent les parents"

Les autres professeurs de la classe ne pratiquent pas tout à fait de même, mais ils sont intéressés par le principe ; j'en ai profité pour leur proposer de venir tous en même temps en discuter avec les élèves. Nous avons alors adopté la dernière rubrique. La première semaine de décembre, les parents me retournaient, avec leurs remarques, les plans de travail individuels et la semaine suivante, ils venaient nous retrouver en conseil de classe sur une base de travail qui nous était propre : mais au lieu du défilé type confessionnal de chaque parent devant chaque prof, spontanément la discussion a été commune, nous avons débattu, tous ensemble, du problème de chacun et de l'interaction groupe-individu/ individu groupe et les parents parlaient entre eux et posaient des questions, et nous étions, enfin, un groupe de travail et non plus un tribunal.

L'appréciation ne portait plus uniquement sur des notes, le cas d'un élève n'était plus isolé de la vie du groupe. Depuis cinq ans que je suis dans ce C.E.S ., j'oeuvre dans ce sens à tous les conseils de classe auxquels je participe, insistant sur l'aspect affectif des problèmes, la situation de l'individu dans le groupe et aussi l'aspect formel de certaines acquisitions (devoirs de grammaire "justes" mais truffés de fautes d'orthographe).

Et, enfin, cette année, les collègues constatent que les élèves ayant tâté de méthodes Freinet sont actifs, curieux (pas toujours dociles, hum !), les parents constatent qu'ils aiment (?) aller en classe et se découvrent des capacités insoupçonnées. Au bout de cinq ans, quelques collègues viennent au groupe ...

Je ne sais pas faire une analyse claire et efficace comme le fait Favry, je suis un peu allergique de nature à ce qui est bien structuré tant que je n'en ai pas bien senti l'utilité aussi ces quelques lignes ne sont-elles qu'un simple témoignage, je tâtonne, je bataille, comme vous.

Fernande LANDA

93 - Bagnolet

 

Reconstituer la date d'un journal

Février 1975

 

L'histoire en troisième

 

RECONSTITUER LA DATE D'UN JOURNAL

Cet article de Marc Privai est le troisième d'une série Intitulée : «L'histoire en 3e» dont les deux premiers ont déjà été publiés dans notre numéro précédent


 

L'autre jour, en rangeant une armoire, j'ai fait une découverte formidable et l'idée a jailli en même temps que la chose ! La "chose" était un journal jauni et plutôt mal en point qui recouvrait une encyclopédie. J'enlève ce journal et avant de le jeter je m'amuse à le parcourir. Je lis les titres et certains événements faisant allusion à l'Algérie me rappellent qu'il s'agit d 'un vieux journal. Impression confirmée par la lecture d u nom du quotidien : "La liberté" disparu il y a une dizaine d'années à la suite d'une longue grève de typos et absorbé par son concurrent "La Montagne" !

J'essaie de jouer le jeu : je cache provisoirement la date du coin droit et j 'essaie de reconstituer la date de parution par les événements qui font la "une" et les autres rubriques. Cela m'est d'autant plus facile que ces faits sont survenus à une époque oit je m' intéressais déjà à l'actualité. J'arrive à l'année 1957.

Et si j'essayais de faire reconstituer cette date par mes élèves ?


LA RESTAURATION DU JOURNAL

Mais voilà : comment faire utiliser cette loque par deux classes de troisième ? A la première manipulation, il tombera en lambeaux ... Je déplie alors méticuleusement les coins retournés, je repasse, et je recouvre le tout d'un plastique adhésif, transparent bien sûr. Le résultat est satisfaisant : le quotidien peut être affiché ou manipulé ; il peut durer ; et surtout on peut écrire sur le plastique.


LA PREPARATION DE L'ACTIVITE

Je cercle au gros feutre rouge sur le journal plastifié les titres qui me paraissent devoir faciliter la recherche soit parce q ue ce sont des faits à résonance historique (Suez), soit parce qu'allusion est faite à des personnages encore vivants et fort connus (Mitterand, garde des Sceaux).

Le journal est affiché au tableau par quatre plots magnétique (il peut être retourné facilement) et laissé à la libre consultation des élèves. Inutile de dire que tous les éléments pouvant prêter à datation on t été dissimulés(traits au feutre).

Un polycopié est distribué alors qui conseille une démarche et reprend les principales rubriques :

- politique étrangère, diplomatie internationale

- politique intérieure française (débats à la Chambre)

- Sports (Miguel Poblet remporte Milan-San Remo)

- Cinéma (Et Dieu créa la femme)

- avis d'obsèques (décès de la grand-mère de Giscard).


Je donne ici le texte intégral d'une recherche d'élève. On se rend ra mieux compte du travail accompli.

RECHERCHE DE DANIEL

"Lorsque M. Nixon était vice-président des U.S.A,. D. Eisenhower était président, soit de 1952 à 1960 .Sur le livre d'histoire , page 274, j'ai trouvé que la Tunisie a fêté son indépendance en 1956. Donc ce journal a été publié entre 1956 et 1960 .

Sur un dictionnaire, au service de Doc .. page 2936, j'ai pu lire que M. Ramadier Paul a été ministre des finances de 1956 à 1957.

Ce journal a été publié soit en 1956, soit en 1957.

Je n'ai pas trouvé de documents situant les 4 peines de mort à Alger pour les terroristes des stades.

Sur le livre, page 278, on nous apprend qu'en 1957, la France est au bord de la faillite financière. J'en déduis que c'est pour ne pas être en faillite qu'il y a eu l'emprunt d'état qui rapporta 20 milliards.

Je pense que ce journal a été publié en 1957, mais pour en être sûr, je continue mes recherches.

Je n'ai pas trouvé de documents situant le départ de MM. Marc Millan et Selwyn Lloyd pour les Bermudes.

Sur un dictionnaire, page 2388, j'ai trouvé que Nehru était ministre des Affaires Etrangères de l'Inde depuis 1947, et sur le même dictionnaire, page 2373, j'ai également trouvé que Nasser était président de l'Egypte depuis 1956. Mais je n'ai rien trouvé sur le message.

Le dictionnaire, page 2276. j'ai trouvé que M. Guy Mollet était président du Conseil de 1956 à 1957.

Sur le journal "Le Monde", on a écrit que M. Valéry Giscard d'Estaing a été élu députéen 1956.

Ce journal a été publié en 1957".


MES REMARQUES

La démarche de recherche est remarquable de ténacité et de flair. Daniel est le seul à avoir utilisé son manuel, alors que c'était le premier document accessible. Le style est exécrable, mais ce n'était pas un devoir rédigé que je demandais.

Quand on saura que cet élève est un hyper-timide, élève considéré comme très moyen (y compris par moi) vous comprendrez mon étonnement et ma joie profonde de l'avoir vu mener à bien cette enquête chronologique.


DES AUTRES ELEVES

Ils ont eu également de bonnes idées. En vrac :

- · téléphoner à "'La Montagne" . pour savoir quand ils ont absorbé "La Liberté". Pas de réponse !

- téléphoner à la marie de Chamalières pour savoir quand avait trépassé la mémé de Valéry. Y-z-ont-pas-voulu-répondre!

- téléphoner à . la Mairie de Chamalières pour savoir quand avait été tourné (et était sorti) "Et Dieu créa la femme". On leur a fourni 1956 et 1957.


CONCLUSION

Je craignais un peu que ce jeu d'adulte (né fortuitement) ne soit pas à la portée de mes troisièmes. Ils se sont avérés de remarquables limiers de l'histoire. Témoin, ce petit malin qui a été dénicher cet entrefilet :

" la classe 1942 a fêté ses 35 ans dimanches 17 mars".

et de conclure : "on a bien 1942 - 20 = 1922, et 1922 + 35 = 1957 ! "

Ils ont bien assimilé la méthode des fourchettes chronologiques entrecroisées, qui permet par approches successives un resserrement des dates.

Ils ont appris un certain nombre de données sur les hommes et les événements d'une époque (un lexique avait été exigé).

Ils ont surtout compris que l'histoire doit s'étudier dans sa globalité (c'est ça le contexte historique) politique, économique, sportive; cinématographique etc.

 

Marc PRIVAL

 

 

CES

 

 

63800 - COURNON

 

 

Commission histoire-géographie, fiche technique

Février 1975

 

COMMISSION HISTOIRE-GEOGRAPHIE

 Fiche technique

 La commission histoire-géographie poursuit le travail de mise au point des fiches-guides de travail (voir la Brèche n° 2)

 Voici un exemple de fiche technique destinée à des 1ère ou à des Terminales.

 La responsable de ce chantier est Hélène COULON

 26 rue Bellevue

 24000 Perigueux

 


 

REPERES POUR ELABORER UN CROQUIS

 1) CROQUIS AGRICOLE

 

Ne pas laisser de zones en blanc sauf les déserts

 Ne pas composer une légende où figurent uniquement des productions, mais préférer les types de cultures, la notion de région agricole

 Exemple pour les U.S.A.

 Représenter non le blé, mais la zone de culture extensive et mécanisée du blé dans le cadre de grandes propriétés.

 

2) CROQUIS INDUSTRIEL

 Mettre en valeur les régions industrielles et les grands centres au lieu de chercher à faire figurer toutes les activités d'une ville.

 

3) REMARQUES SUR LE CHOIX DES SIGNES

 Choisir des teintes peu appuyées pour les activités qui occupent de vastes espaces élevage, blé, bassin houiller.

 Choisir des signes pour celles qui intéressent des zones peu étendues

 Un rapport doit exister entre l'intensité de la représentation et l'importance de l'activité représentée : les zones où l'activité est la plus intensive doivent être les plus sombres.

 De même, par exemple, la taille des signes peu varier avec le nombre des habitants (utiliser plutôt des carrés, plus faciles à calculer que des cercles). 


  500 000 habitants





  2 millions d'habitants

 Couleurs conventionnellement utilisées

Rouge = Volcans - Granite   
              Vignes - Vergers
            Sidérurgie - Industrie - Voies ferrées - Frontières

 Marron = Massif ancien
               Montagne

Noir ou gris = Charbon - Massif ancien

Vert = Elevage - Prairies – Forêts
           Ports
          Vallée

 Bleu = Plateaux
            Fleuves - Mers – Canaux

Jaune = Plaine
             Blé
            Textile

 Signes conventionnels

 

Une carte n'a de signification que si elle comporte un titre précis et une date, une légende complète et une échelle des distances

 Fiche proposée par Marielle LERIDON

Lycée Cézanne

 13 - AIX-en-PROVENCE

 

 

 

Des outils mathématiques en classe de sixième

Février 1975

 

DES OUTILS MATHEMATIQUES EN CLASSE DE SIXIEME

 Tous ceux qui tentent quelque chose au Second degré ressentent le poids des structures de l'enseignement comme autant d'entraves, mais aussi celui de leur isolement qui est sans doute responsable de bien des abandons. Aussi à défaut de trouver des échos et de l'aide au Second degré est- il souvent salutaire d'aller les chercher au Premier degré. C'est grâce à des contacts suivis, grâce à un travail constant avec les camarades du primaire que j'ai ressenti la nécessité de disposer d'outils variés pouvant permettre à l'élève de choisir. Or que pouvais-je offrir à mes élèves, à part une bonne volonté ?

C'est pour combler ces lacunes que cette année j'ai essayé de doter ma classe de 6e d'un éventail d'outils assez large.

 

 

D'abord une collection des livrets qui leur sont accessibles. Ce n'est pas la première année que je les utilise. Leur caractère de témoignage, de "reportage" leur enlève un peu d'efficacité car je n'ai jamais vu un élève "refaire" un livret. Ce que l'on voit, dans le meilleur des cas, c'est un élève qui "pique" une idée ici ou là, et ne se souciant plus du livret, poursuit sa propre route. Ainsi grâce au livret n° 6 "Nous avons déchiré nos tables de multiplication", j'ai souvent eu des recherches intéressantes. De même à partir du n° 14 "Carrés magiques". Mais ce qui a le plus de succès c'est le SBT "Polyèdres". Chaque année on se l'arrache. D'abord il permet d'apprendre à construire des polyèdres simples, puis il est abandonné et les enfants n'ont plus qu'à imaginer.

 J'ai été un peu déçu par les PRM. Aussi vais-je prochainement les mettre en pièces, c'est-à-dire les découper pour en faire des fiches. Cependant je me demande si nous n'avons pas été un peu trop ambitieux lors de leur rédaction. En effet, ces fiches sont inspirées par des recherches réussies. Or la recherche réussie cela se passe peut-être 7 ou 8 fois dans l'année. Le reste, le quotidien, le banal, n'a pas sa place dans les PRM. Or nous vivons dans la banalité et si certaines activités élémentaires ne peuvent avoir lieu, inutile d'espérer des réussites (autant essayer de faire tenir une pyramide la pointe en bas).

 Si les livrets ont été surtout un témoignage des possibilités de la libre recherche, s'ils peuvent être occasionnellement d'un grand secours, j'ai essayé de les compléter par d'autres apports. C'est ainsi que j'ai introduit les 100 fiches (201 à 300) du Fichier de Travail Coopératif (FTC), et je me félicite de l'avoir fait. Je ne dis pas que j'ai eu droit au miracle quotidien mais depuis le début de l'année, on n'a guère le temps de s'ennuyer !

 Chacun doit connaître comme moi cette espèce de balancement de valse-hésitation, entre programme et activités libres. Le problème n'est pas résolu ! Mais tout de même j'ai eu cette année la satisfaction de ne pas "attaquer" par les ensembles. Par contre .la multiplication et l'addition ont été fort à l'honneur. Par exemple, grâce au FTC, et à la fiche "Multiplication arabe", certains élèves ont pu prendre conscience, découvrir qu'ils ne savent ce qu'ils font lorsqu'ils font une opération, tellement c'est devenu un mécanisme ! (et aussi parce qu'ils l'ont apprise à un âge ou l'on ne peut tout comprendre ! ). Nous avons -mis au point une "addition arabe" (? )

 

Pas bien commode, mais ceci l'est beaucoup plus

   et ça va beaucoup plus vite.

 On a même organisé des courses de vitesse : addition classique et addition "arabe". Les "arabes" ont souvent battu les autres et la conclusion est venue, logique : "si on avait su ça à l'école primaire, on ne se serait pas tant embêtés avec les retenues". On n'a pas fait que ça, loin de là : mise au point d' une table "automatique" de multiplication par 99, 999, 9999 etc. ce qui nous a fait revenir à la multiplication par 9 ; multiplication en modulo 9 , etc. Le FTC nous a occupés aussi un bon moment avec un problème de recherche de chemins sur un damier, recherche de chemins qui a évolué en recherche sur des nombres placés sur un damier et a permis la découverte de la symétrie centrale (déjà entrevue avec la table de multiplication modulo 9).

 Nous avons fait aussi de nombreuses décompositions de nombres en un produit de deux facteurs.

 J'y ai encouragé fortement car je me rends compte, en 4e et 3e, comme les nombres sont peu familiers aux élèves ! Lorsqu'on demande en 3e de transformer ⱱ80, 9 fois sur 10 on obtient 2ⱱ 20 car ce qui vient à l'idée immédiatement c'est 80 = 4 x 20 or pour cet exercice il vaudrait mieux penser à 80 = 16 x 5 !

 Après cet essai, je suis tenté de dire : Vive le FTC ! Son utilisation continue, malgré une petite désaffection en ce moment. Car j'ai voulu compléter la panoplie avec des outils de mon crû, sous forme de fiches auto-correctives. J'en ai réalisé une cinquantaine portant sur : Ensembles, Ensemble [N, mesures, géométrie, divers. Fiches d'acquisition, parfois de recherche, de révision aussi (mesures).

 Est-ce le fait qu'elles soient manuscrites, les élèves les préfèrent aux fiches imprimées et il arrive fréquemment que j'aie prévu une séance collective mais, presque à mon insu, l'échange de fiches entres les élèves se réalise et ils se plongent dans leur travail : je n'ose plus les interrompre.

 Ils sont 32 et tout cela se fait dans le calme sans intervention de ma part. Ça réconforte !

 J'ai polycopié un planning de ces fiches que j'ai distribué à chaque élève qui coche au fur et à mesure les fiches qu'il a faites. J'ai rédigé aussi quelques fiches-test que je corrige sur le champ, en présence de l'élève. Enfin certaines fiches ont été réalisées par des élèves, des codages surtout. Je pense les encourager à persévérer dans cette voie car des expériences semblables dans les années passées m'ont prouvé que c'est profitable et intéressant.

 Et la recherche libre ? Avec l'engouement pour le FTC et les fiches auto-correctives elle est un peu délaissée. c'est certain. Mais je ne pense pas qu'elle disparaîtra car elle est toujours présente malgré tout. Je pense qu'au second trimestre elle aura une part plus grande dans nos activités, favorisée par la correspondance qui n'a pu démarrer vraiment, le courrier restant bloqué dans quelque sac postal.

 Si j'ai écrit ce compte rendu c'est parce que je .suis satisfait du démarrage dans cette· classe, parce que je retrouve l'ambiance et les formes de travail que je peux voir dans les classes primaires.

 Si j'ai un regret à formuler c'est celui de n'avoir que 4 heures hebdomadaires, nous en aurions besoin du double !

 Je regrette aussi de ne pouvoir disposer de tant d'outils dans les autres classes puisque si en 5e, les livrets auto-correctifs sont fort utiles ainsi que les PRM et livrets de libre recherche, si en 4e les livrets expérimentaux jouent le même rôle, si en 3e je rédige au fur et à mesure que nous avançons, des fiches auto-correctives, il manque quelque chose, ce quelque chose qu'apportent le FTC et les autres fiches manuscrites.

 

Roger CASTETBON

 


 

 

 

Nous, biologistes après tout

Février 1975

 

NOUS, BIOLOGISTES APRES TOUT ...

 Eh bien, nous aussi nous sommes représentés dans le groupe Freinet Second degré.

 

Les réunions :

 Les collègues biologistes de la région parisienne se retrouvent aux réunions générales qui ont lieu une fois par mois environ, le mercredi après midi. Comme les professeurs des autres disciplines, nous nous réunissons entre temps pour débattre des problèmes plus particuliers aux sciences naturelles. Cela nous a permis d'échanger des "trucs" sur les élevages, certaines techniques d'observation, des adresses etc. Nous pouvons aussi discuter, expliquer notre travail, nos techniques.

 Avec comme idée de départ : des sujets de travail choisis par les élèves et des équipes formées autour de ces sujets, il semble qu'aucun de nous ne s'ennuie dans sa classe ! Il se passe toujours quelque chose !

 Les problèmes et les solutions sont multiples. Une difficulté constante : faire transmettre aux élèves, les résultats de leurs travaux. Lorsque l'horaire hebdomadaire est réduit à 1 ou 2 heures, l'exposé des camarades est considéré comme un cours qui retarde l'aboutissement du travail que l'on a choisi. Une enquête préalable menée par l'équipe dans la classe : "que voulez-vous savoir sur tel sujet ? " et la distribution de polycopies facilitent parfois les choses. Enfin un travail n'est bien accepté par tous que lorsqu'il apporte aux autres quelque chose que l'on n'aurait pu trouver tout seul sans difficulté.

 Nous avons parlé du problème que nous pose l'information éducation sexuelle. Des problèmes plutôt, et des multiples façons d'en · sortir ... Cette information· éducation sexuelle ne peut être et ne doit pas être l'apanage des professeurs de biologie. Serions-nous les seuls capables (coupables) ? Il nous semble plus important, pour nous pencher sur les questions de nos élèves, de nous connaître bien nous-mêmes et d'avoir fait personnellement le point sur cette question. Le groupe Second degré de la région parisienne a accepté des réunions sur ce thème avec des collègues de toute discipline. A nous· de préparer quelque chose, à tous de nous faire parvenir des idées et des documents.

 Les visites de classe :

 Il est question aussi de "voir" travailler les autres.

 NOUS avons donc compulsé emplois du temps et horaires des trains. Quelques rendez-vous sont pris. Ainsi je dois, un vendredi matin. de janvier, rendre visite à une collègue dans sa classe, non pas pour la voir se "dépatouiller" mais plutôt' pour essayer de participer quelques heures à son travail et en discuter.

 

 Les cahiers de roulement :

 Les contacts ne se limitent pas aux collègues de la région. Nous communiquons avec les naturalistes éloignés par l'intermédiaire du cahier de roulement.

 Comme nous nous comptons 17 cette année, plusieurs cahiers circulent. Nous sommes 5, inscrits avec notre adresse, sur la première page de celui où je figure. A tour de rôle, chacun y inscrit ce qu'il fait, pense, regrette, espère, ce qui le remplit de rage ou de béatitude.

 La page en regard du texte est laissée blanche, de façon à ce que les lecteurs puissent écrire ... en face ce qu'ils pensent sur un point précis. On peut aussi, bien sûr, répondre à celui qui a écrit sur celui qui a écrit sur ... ce qui peut aller loin, jusqu'en bas de la page au moins ... laquelle se remplit de points de vue différents.

 Le cahier est envoyé par la poste au suivant sur la liste ! Et comme le dernier de la liste est un petit malin, il l'envoie à celui qui est en tête et... ça roule ...

 Ainsi le récit de votre expérience personnelle vous revient, accompagné de commentaires divers : approbations, critiques, encouragements ou conseils. Ce système permet de faire le · point sur notre propre évolution pédagogique, d'être informé d'autres façons de travailler.

 Le petit nombre de participants par cahier doit favoriser un roulement rapide ... et si le départ n'a pas été fulgurant au 1er trimestre ce n'est pas du tout du tout de notre faute !

 Ce cahier peut aussi donner envie d'écrire. C'est ainsi qu'il m'a donné envie d'écrire cet article que je dois faire depuis 1 mois ... Enfin il est là, et vous me pardonnerez ce retard. Pensez que pendant des années j'ai écrit ce qu'il fallait, ce qu'il convenait, ce qui plaisait (pas à moi ; quand ça me plaisait, on me disait que c'était mauvais) . Puis pendant des années j'ai noté, en virtuose de l'écriture rapide, les cours à ressortir tels quels à l'examen. Maintenant, plus personne ne m'oblige à écrire (c'est plus la peine, je n'ai plus envie). Que c'est difficile même lorsque je le veux ! c'est le blocage ! toutes les excuses sont bonnes pour retarder le moment de m'asseoir au bureau : tasse de café pour me donner du courage, calcul du nombre de jours qu'il me reste pour ce travail avant la fin des vacances, bricolage urgent etc.

 Heureusement, il y a le cahier, les réunions, les camarades qui attendent, alors, on se force ... et c'est bon.

 Voilà. en quelques mots ce que nous, biologistes par désir, nécessité, ou "hasard" (?) faisons pour exister.

 Fait le 2 janvier 74 pour le journal La Brèche à la demande de mes collègues biologistes du groupe Freinet Second degré

 Gisèle ROSSETTI

 

Et vive l'éducation sexuelle

Février 1975

 

ET VIVE L'EDUCATION SEXUELLE

 Manuels et matériels audio-visuels prolifèrent dans les maisons d'édition comme les champignons en automne :

 

- telle maison offre une série de 48 diapositives : sur ces 48 diapositives, qu'y a-t-il pour l'homme ?

 3 diapositives de fœtus (pas une de plus) ;

 - telle autre une série de documents : "pour une approche de la sexualité" : Il faut reconnaître que l'approche est prudente, et avant que les fillettes osent parler des inquiétudes qui accompagnent leurs 1ères règles et les garçons des problèmes que leur posent la masturbation ou leurs pollutions nocturnes,- il leur faudra méditer sur ... (je cite) :

 * l'accouplement du Tantrède (cimbex femorata) dans une feuille de saule (on est poète chez les Tantrèdes)

 * la tarière de la femelle "Sirex gigas".

 * la ponte de Tibia (c'est pour les ignorants - dont je suis- un gastéropode marin)

 * et le dimorphisme chez I'Orgyia antiqua (rien à voir avec la Rome décadente : l'Orgyia antiqua est un innocent papillon de la famille du Bombyx !

 Le clou est la planche, envoyée en spécimen aux professeurs, et destinée à donner une · idée de l'ensemble des documents proposés ne l'oublions pas - à des élèves de 6e :

- un cas d'hermaphrodisme chez le taureau !

 Sur 24 diapositives et 63 croquis soit 87 figures, savez-vous combien de planches pour instruire les élèves, garçons et filles, sur leur propre corps : UNE - sur laquelle figurent à la fois les organes sexuels de l'homme et de la femme.

 Hormis 6 croquis du développement du foetus et 3 planches traitant de la gestation et de l'accouchement, sur 87 figures, 77 traitent de la sexualité animale, et rien que des cas les plus familiers comme : "la parade du fou à pied rouge" ou "la parthénogénèse du puceron des céréales". !

 

ET VIVE L'EDUCATION SEXUELLE

 D:K.

 

Vive l'éducation sexuelle

Février 1975

 

ET VIVE L'EDUCATION SEXUELLE

Manuels et matériels audio-visuels prolifèrent dans les maisons d'édition comme les champignons en automne :

 

 

- telle maison offre une série de 48 diapositives : sur ces 48 diapositives, qu'y a-t-il pour l'homme ?

 3 diapositives de fœtus (pas une de plus) ;

 - telle autre une série de documents : "pour une approche de la sexualité" : Il faut reconnaître que l'approche est prudente, et avant que les fillettes osent parler des inquiétudes qui accompagnent leurs 1ères règles et les garçons des problèmes que leur posent la masturbation ou leurs pollutions nocturnes,- il leur faudra méditer sur ... (je cite) :

 * l'accouplement du Tantrède (cimbex femorata) dans une feuille de saule (on est poète chez les Tantrèdes)

 * la tarière de la femelle "Sirex gigas".

 * la ponte de Tibia (c'est pour les ignorants - dont je suis- un gastéropode marin)

 * et le dimorphisme chez I'Orgyia antiqua (rien à voir avec la Rome décadente : I'Orgyia antiqua est un innocent papillon de la famille du Bombyx !

 Le clou est la planche, envoyée en spécimen aux professeurs, et destinée à donner une  idée de l'ensemble des documents proposés ne l'oublions pas - à des élèves de 6e :

 - un cas d'hermaphrodisme chez le taureau !

 Sur 24 diapositives et 63 croquis soit 87 figures, savez-vous combien de planches pour instruire les élèves, garçons et filles, sur leur propre corps : UNE - sur laquelle figurent à la fois les organes sexuels de l'homme et de la femme.

 Hormis 6 croquis du développement du foetus et 3 planches traitant de la gestation et de l'accouchement, sur 87 figures, 77 traitent de la sexualité animale, et rien que des cas les plus familiers comme : "la parade du fou à pied rouge" ou "la parthénogénèse du puceron des céréales". !

 

ET VIVE L'EDUCATION SEXUELLE

D:K.

 

Expression libre orale : la famille

Février 1975

 

EXPRESSION LIBRE ORALE : LA FAMILLE

 (Novembre 1974 - classe de 6e - français - groupe de 15 enfants)

 La famille est un thème qui revient souvent dans les conversations, les textes des enfants. Problèmes d'autorité, de liberté sont toujours sous-jacents dans la vie de la classe.

 

 

Ce matin, j'ai décidé de leur lire quelques passages de l'Arrache-Coeur de Vian (Livre de poche). Pourquoi ce choix ? Peut-être parce que, moi-même, mère de famille j'ai en ce moment des problèmes avec mes propres enfants. Avec mon fils aîné ( 15 ans) on a discuté du bouquin de Vian ...

 L'autorité maternelle c'est aussi par transfert , dans la classe, mon autorité ...

Je leur lis donc l'entretien entre Clémentine et Jacquemort, pages 188 à 192 et les enfants au jardin pages 193 à 201. Je n'en lis pas plus. La fin est trop perturbante à mon avis pour des gamins de cet âge parce que très pessimiste.

 Les enfants connaissent déjà Boris Vian par quelques unes de ses chansons, en particulier la "Complainte du progrès" qui les a fait bien rire et qui nous a servi de point de départ pour étudier la formation des noms composés en fabriquant nous-mêmes quelques nouveautés savoureuses, chasse-pralinés et autres épluche-panthère ... On a domestiqué le néologisme quoi !

 Après lecture des textes je branche le magnéto et approche le micro de ceux qui veulent s'exprimer. Quelques remarques :

 - trois filles resteront muettes mais participeront intensément aux échanges. Nous savons depuis pourquoi ces fillettes parlent peu ... On s'en est expliqué en classe il y a peu de temps. Solange, elle, a de grosses difficultés avec sa belle-mère ; le problème soulevé par Vian, c'est son problème d'aujourd'hui , il lui serre trop la gorge pour qu'elle en parle en groupe.

 - quelques enfants s'expriment dans la confusion des brouhahas seulement.

 - les niveaux de langue, l'habileté à s'exprimer, la possibilité de conceptualiser, tout cela est bien inégal chez des enfants pourtant d'âges voisins.

 - il y a des techniques de prise de parole que certains enfants utilisent intuitivement. On en a discuté lors du bilan de fin de trimestre.

 Apprendre à prendre la parole ... c'est pas seulement le problème de certains enfants ! C'est un truc plus facile pour les "adultes".

 Corinne : Je trouve que la mère aime tellement ses enfants qu'elle ferait n'importe quoi pour pas qu'ils se salissent ou fassent des bêtises.

 Anne : Je trouve qu'elle vit un peu drôlement, qu'elle fait des choses qu'on n'aurait pas l'idée de faire, nous.

 Corinne : Elle est un peu folle.

 Pourquoi dis-tu cela ?

 Anne : Quand on lèche le cul de ses enfants ...

 (brouhaha dans la classe ... )

 Gilles : C'est pas très esthétique

 Anne : On n'en voit pas souvent. (rires ... )

 C'est pas naturel alors ?

 Gilles : Je trouve que Clémentine. c'est un mère poule en quelque sorte. qu'elle couve ses enfants. Elle a peur de tous les ennuis que ...

 Ahmed : Elle a même peur que le curé vienne. Elle a peur qu'un professeur vienne chez elle, que les enfants soient attachés à lui.

 Qu'est-ce qu'elle est, là ?

 Jalouse, égoïste (plusieurs voix)

 Claude : Elle croit qu'il n'y a rien qu'elle qui fait bien. Que c'est elle qui fera le mieux pour les élever. Alors que quelqu'un pourrait faire mieux qu'elle.

 Laure : Elle les dresse. Il faut qu'ils fassent ce qu'elle leur dit quoi.

 Elle ne leur laisse pas beaucoup de liberté ?

 Non (plusieurs voix)

 Ahmed : Elle a peur de les baigner. Elle dit qu'il ne faut pas laver un enfant. Parce qu'elle a peur qu' il se noie ou qu'il passe dans le moteur.

 Il n'y a pas de moteur dans le texte.

 Gilles : Moi, je trouve aussi pour ceux qui ont vu la pièce * qu'il y a un rapport entre Clémentine et la Magamara en quelque sorte parce que la Magamara ne voulait pas qu'ils fassent telle ou telle chose et Clémentine fait pareil. C'est pas du tout la même rudesse. Elle, (Clémentine), au contraire, veut s'occuper de ses enfants pour qu'ils soient bien élevés. La Magamara, au contraire, elle , elle veut. .. , elle veut. ...

 Tu peux dire que c'est le même type de mère. Elles ne veulent pas que leurs enfants s'éloignent ?

 Gilles : oui, en quelque sorte. Elle veut les empécher de devenir grands, adultes

 Autonomes : Oui (plusieurs voix)

 Gilles : et même normaux comme tous les enfants quoi ...

 Claude : La Magamara, elle ne traitait pas bien ses enfants quoi, enfin ceux qu'elle avait avec elle [ ... ] là. dans le livre c'est pas pareil. Elle veut toujours bien, qu'ils soient toujours bien et tout tandis que la Magarama, elle les considère comme ....

 Bruno : Des petits chats, des poussins.

 Des bébés ?

 Gilles : Des nouveaux nés quoi ?

 Qu'est-ce que vous pensez de ce personnage de maman ? Est-ce qu'il a des côtés vrais ? Qu'est-ce qui vous parait exagéré ?

 Laure . Ma mère , j'peux pas dire qu'elle est très sévère mais enfin elle est quand même un peu sévère. Elle me laisse un peu de liberté. Elle ne va pas me dire : "Non, tu fais ça, tu fais ça, tu fais ça ... "

 (Brouhaha très intense .. . )

 Jasée : Clémentine, elle s'occupe trop de ses enfants. Elle les chouchoutte beaucoup.

 (Brouhaha ... )

 De quoi s'occupe-t-elle ?

 Gilles : De leur santé, de leur avenir.

 Leur avenir ?

 Gilles : De leur santé plutôt. C'est peut-être les seuls enfants qu'elle a eus, surtout des triplés. Alors, elle n'y comptait pas. Elle pensait avoir seulement un enfant et p'tét qu'elle. n'en voulait plus. Alors elle les chouchoutte comme si c'était des fils uniques.

 Laure : Je pense qu'elle n'a pas l'habitude d'avoir des enfants.

 Elle ne te parai tpas très compétente ?

 Laure : Elle fait des choses qu'une mère, que ma mère , la mère de Claude ne feraient pas.

 Quoi ?

 Claude : Quand même pour prendre le bain ; elle a peur que si elle laisse tomber le savon son fils y va se noyer dans la baignoire ?

 Pascale : Ma mère , quand elle baigne mon frère ; eh ben, quand il fait tomber le savon, elle va le ramasser.

 Et elle n 'imagine pas tout ce qui pourrait arriver pendant ce temps !

 Pascale : Non, elle a pas peur comme ça, ma mère.

 Gilles : Clémentine elle. a les jetons.

 (Brouhaha ... )

 Claude : Elle ne voit rien que la mort devant elle. Elle voit tout en noir.

 Elle ne voit que la mort pour ses enfants ?

 Gilles : Jacquemort , pourtant lui, il verrait que ces enfants ils bougent quoi. ils soient vivants en quelque sorte.

 Qu'est-ce qu'elle les empêche de faire ?

 (en vrac) : de s'épanouir, de tout ce que peut faire un enfant ·

 Pascale : De grandir

 Ahmed : Mais, ils mangent des limaces bleues

 Gilles : Elle pense à des choses incohérentes.

 Qu'est-ce qu'elle donne comme raisons pour que les enfants ne la quittent pas .?.

 Pascale : Elle dit n'importe quoi.

 Laure : Elle leur dit qu'ils sont des bébés

 (Brouhaha très intense ... )

 Qu'y savent pas.

 Pascale : Elle leur fait pas confiance

 Anne Elle ne veut pas qu'y z'aillent seuls à l'école

 Laure Le curé ! Elle n'est pas "religieuse" !

 Corinne : Enfin elle trouve toujours des choses pour garder ses enfants à la maison. Pour pas qu'ils partent, pour qu'ils restent toujours avec elle.

 (Brouhaha ... )

 C'est plutôt égoïste

 Laure : Elle veut que ses enfants existent pour elle, tout simplement.

 Ahmed : Elle veut que ses enfants soient comme elle, elle veut pas qu'y deviennent "religieux".

 Gilles : Mais peut-être que les parents de Clémentine l'ont élevée comme elle élève ses enfants. Alors , ça l'a choquée, ça l'a marquée. Elle garde cette habitude.

 Il y a un mot qui revient souvent dans la bouche de Clémentine, c'est le mot "risque".

 Corinne : Pour elle tout est danger.

 Michel : Que ses enfants se fassent écraser. .. le puits de pétrole.

 Gilles : La maison pour elle, c'est un nid de dangers.

 La vie, c 'est quoi pour elle ?

 (Plusieurs voix) C'est dangereux

 Gilles : La vie est en noir pour elle

 Ahmed : Elle a même pas confiance en ses amis.

 Qu'est-ce qu'elle veut empêcher ?

 (Plusieurs voix}

 De mourir ?

 Qu'ils meurent

 (Plusieurs en vrac) - de sortir

 - de vivre

 · de s'épanouir

 Gilles : De tout ce qu'il faut pour devenir un enfant...

 Pascale : on· dirait qu'elle a peur qu'y partent, à peine qu'y sortent et tout.. .

 Gilles : Madame, vous devriez demander à Véronique là-bas

 Pascale : ma mère me laisse sortir, même les petits ..

 Véronique : comme s'ils étaient en prison, elle les garde Clémentine !

 Vous avez l'impression qu'ils sont en prison ?

 Pascale : ma maman elle laisse sortir mon frère de trois ans

 Clémentine, c'est une maman anxieuse ?

 Claude : Ma mère aussi, avec mon frère quand on va se baigner elle dit : "fais attention" et tout. Quand même elle n'est pas comme Clémentine à nous tenir toujours là devant et y faut pas bouger.

 Laure : Elle les tient presqu'en laisse ses enfants.

 (Brouhaha ... moi, ma mère ... )

 Est-ce qu'ils apprennent des choses quand même les enfants de Clémentine ?

 Corinne : Oui, par exemple que si y mangent une limace bleue après y volent.

 Ahmed : s'ils la gobent !

 Vous pensez qu'ils réussiront à devenir adultes ?

 Plusieurs voix · Oui parce qu'ils apprennent un peu quand même

 -· Oui , ils réussiront

 Bruno : Ils essaient de se débrouiller sa ns que la mère les voit, ou les attrape, ou ...

 Gilles : Tout en cherchant ces limaces bleues ça les sert car comme ça un de ces jours ils pourront s'en aller sans que leur maman le sache . par les airs.

 Encore une fois Boris Vian prend une expression imagée "voler de ses propres ailes", au pied de la lettre … etc.

 Les enfants discutent ensuite des relations entres les fils de Clémentine. Grosses décharges affectives. On parle de la jalousie des autres pas de la sienne !

 Aie !

 

APPRENDRE AUX ENFANTS A SE CONNAITRE

 Chaque fois que les enfants s'impliquent beaucoup dans la discussion nous essayons (quand le temps le permet) de faire quelques jeux de rôles.

 Il est clair que Clémentine n'attire pas énormément la sympathie des enfants. C'est une empêcheuse de vivre et puis elle favorise un de ses enfants !

 Je propose : "Un jeune de votre âge demande l'autorisation d'aller seul en ville à un de ses parents".

 (Nous sommes dans un CES de la banlieue d'une ville de moyenne importance).

 Corinne choisit le rôle de la fillette. Michel celui du père. Le père s'installe sur une chaise. Il lit son journal.

 Entre sa fille timide. Il manquera l'essentiel à cette transcription : les voix. les corps. les réactions des camarades.

 La fille : Papa ? (voix suppliante)

 Le père : (sans lever le nez) : Qu'est-ce qu'il y a encore ?

 ( ton grognon)

 La fille : T'es calme ?

 Le père : Moi, Oui.

 La fille : Faudrait que j'aille en ville. C'est très. Très important. J'voudrais aller au cinéma.

 Le père : (ton véhément) : Non, non, non , non Enfin , tu ne te rends pas compte ! (Il se lève et arpente la scène) Quoi, hein ! hein !

 La fille : mais si, j'm'en rends bien compte que moi je veux aller en ville , c'est tout quoi. (Petite voix) avec ma copine, tu sais, et puis encore une autre.

 Le père : Dis donc, ça va pas !

 La fille : Mais on risque rien Papa, écoute.

 Le père : Et tu vas y aller comment '?

 La fille : Ben, j'sais pas moi. Ben . en car tiens. J'ai une carte.

 Le père : une carte ?

 La fille : Pourquoi pas ?

 Le père : (incohérent) Pas d'car. Tu sais maintenant ça coûte cher.

 La fille : Et ben, j'me paie le voyage.

 Le père : Non, non, non, non. Avec le car c'est trop risqué, on ne sait jamais. Hein ! Un accident c'est vite arrivé. 

La fille : Ben, j'irai en vélo. J'prendrai mon nouveau vélo.

 Le père : Non mais dis donc , en vélo ? Et si la chaîne elle casse ! Tu vas pédaler dans le vide et te casser la figure !

 (Plaintes de la fille)

 La fille : Calmons-nous, calmons-nous.

 Le père : non. non. non, non.

 La fille : à pied alors. quoi ?

 Le père : Tu vas glisser sur une peau de banane et te casser la figure ! La jambe ! Non, non, non, non.

 La fille : Mais non. aaaaaah ! ... Ben j'me paierai l'hôpital.

 Le père : Où tu vas le prendre , l'argent ?

 La fille : Ben. j'sais pas.

 Le père : Tu vas aller le piquer ? Non, non pas d'accord!.

 La fille : Ben. j'partirai en auto-stop.

 La mère  (jouée par Claude) intervient : Mais quand même elle a l'âge d'aller en ville, tu trouves pas non ?

 Le père : Elle a dix ans. c'est quand même une gamine, non !

 La mère : Et toi à dix ans est-ce ·que tu n'a lais pas te promener tout seul !

 Le père : Mais non , moi d'mon temps, on m'matait , on m'donnait la trique. Ah ! tu crois que j'étais libre comme ça ! Ah ! Ah !

 La mère : En car, elle risque rien.

 Le père : En car ! En car ! Non , non, non, non

 La fille : Emmène-moi en voiture papa.

 Le père : t'emmener ?

 (Brouhaha de dispute)

 La mère : Quel radin celui-là

 La fille : Ben, j'sais pas moi ! Y'a pas d'avion ...

 non ... non ...

 la mère : Quand même pour aller au cinéma … Bon. lu prends ton vélo et tant pis si .. .

 Le père : ( il crie) NON ! Nom de .. .

 (rires)

 La mère : Prends ton vélo. On ne te l'a pas acheté pour le laisser au garage.

 Le père : Ca va user les roues. J'suis pas d'accord.

 La mère : On ne l'a pas acheté pour le laisser dormir dans le garage.

 Le père : Non, non , non. J'suis pas d'accord.

 Corine obéit , la mère ne sait plus quoi dire, le père a l'air satisfait.

 

Puis on renverse les rôles. Michel est le fils. Corinne ne lui donnera pas la permission d'aller seul en ville.

 D'autres jeux de rôles sur le même thème avec d'autres enfants. Nous discutons ensuite. La conclusion ? C'est une fillette qui la donne.

 - Madame, comment ça se fait qu 'on n'arrive pas à se donner la permission d'aller en ville ?

 Car aucun père , aucune mère ne donnera feu vert.

 Les enfants sont interloqués d'entrer si bien dans la peau des parents et de trouver si peu d'arguments en faveur de leur propre prise d'autonomie.

 Un seul. Jean-Claude à bout d'arguments mais ne voulant pas lâcher le morceau lancera à la tête de sa pseudo-mère : ''Et ben , j'irai quand même. vieille sorcière ! " Ce qui nous ramène à la Magamara ...

 Les enfants comprennent qu' il faut vraiment vouloir quelque chose pour l'obtenir et qu'il est bien difficile quand on est encore petit de résister à l'argumentation du plus fort même si elle semble incohérente. Le risque est des deux côtés : côté enfant , coté parents. Et pourtant il faut bien apprendre à voler en volant, se lancer un jour. Passer outre sans se casser la figure ...

 La classe de 6e de Maithé Mache.

 



 

* ''La nuit des Sources" pièce montée par le Théâtre

 

action de Grenoble et que quelques enfants ont vue.

 

Le personnage central La "Magamara" lient captifs une

 

fillette , un alevin et une chenille qu 'elle empêche de

 

grandir. La Magamara est une effrayante sorcière

 

cruelle qui rudoie ses prisonniers.

 

Un débat sur un débat

Février 1975

Mon expérience des débats en classe ... très peu de choses solides. D'ailleurs que peut-on savoir de "solide" après une petite première année d'enseignement du français ? J'avais bien lu le dossier de L'Educateur sur les débats et les exposés en classe, mais quelle distance entre les expériences des autres consignées dans un dossier et ma situation face à la 4e12, dite encore "aménagée", que l'on m'a attribuée cette année ? ...

 

 

ACTE 1 : Les prémisses du débat

 Il faut bien se jeter à l'eau ! ... Vers la mi-octobre : première "composition française" mensuelle ("pour les notes" , comme tout le monde) sur le sujet suivant : "Qu'évoque pour toi le mot "étranger" ? A traiter en une heure en classe ... Devinez la réponse : "un étranger, c'est quelqu'un qui n'habite pas en France" pour l'unanimité de mes quinze élèves, et c'est à peu près tout, sans moquerie ... Et pourtant je les avais entendus, un ou deux jours avant, pendant une interclasse, s'accuser en riant de "sale vannier", et prétendre avec conviction que les Bohémiens "n'étaient que des bons à rien"...

 

ACTE 2 : Où l'idée d'un débat surgit

 Vaillamment, j'entreprends de "sensibiliser" mes élèves à la réalité de l'étranger et, en bon maître intellectuel, je commence par proposer à leur lecture un petit texte de Joseph de Pesquidoux intitulé : "Bohémiens sur la route" dans leur manuel de la nouvelle collection Bordas (4e)... J'ai passé mon heure à traduire des termes tels que "leurs roulottes échelonnées sur la route", "un peuple en haillons", "leurs cheveux crépelés", etc. J'avais visé trop haut. ..

 Je reviens la fois d'après avec "MON pote le gitan", interprété par Yves Montand. Réactions : "Ça nous a plu ; on aime le personnage ; on a tout compris tout de suite" ... Cette fois l'amorce d'une réflexion semblait établie, si bien qu'à la fin de l'heure, trois de mes élèves proposent d'animer pour la foi s suivante un débat sur le thème de l'étranger. Je demande bien sûr à tout le monde d'apporter pour ce jour-là toutes les idées (de préférences notées au brouillon) et tous les documents (coupures de journaux, etc.) sur la question.

 

ACTE 3 : Où le découragement vous attend au tournant

 Au moment fixé pour le débat, j'ai devant moi douze personnes : "rien dans les mains, rien dans les poches" et trois autres personnes qui se préparent à les affronter. .. Celles-ci avaient préparé des questions que je vous livre telles quelles, d ans leur ordre d'apparition :

 - A quoi reconnaît-on un étranger ?

 - Quelles sont les particularités d'un étranger lorsqu'il arrive ?

 - Dans une telle situation, que feriez-vous à la place d'un étranger ? en général ? si vous arrivez en tant qu'étranger dans une nouvelle classe à l'école ?

 - Si un étranger devait venir habiter chez vous, comment lui demanderiez-vous de se comporter ?

 Ces questions, plus ou moins adroites, mais contenant en germe de nombreux problèmes intéressants, se sont heurtées à un mur d'indifférence et de silence. Certes, j'aurais dû intervenir beaucoup plus que je ne l'ai fait dans la préparation de ce débat, encore que je ne sois pas sûr que cela eût amené un résultat différent.

 Les réponses aux questions ont été désespérément lapidaires et insipides et, lorsqu'elles étaient intéressantes et pouvaient donner lieu à une véritable discussion, tous mes efforts pour relancer le débat ont été vains...

 

ACTE 4 : Le lendemain matin, les mêmes

 Dès mon arrivée, j'ai droit à la remarque suivante "Monsieur, le débat d'hier n'était pas bien. On s'est ennuyé et on a l'impression d'avoir perdu notre temps".

 C'est bien mon avis aussi. Il ne nous reste plus qu'à chercher pourquoi cela s'est produit ainsi et, éventuellement, à essayer de trouver des solutions pour éviter que cela ne se reproduise.

 Et c'est là-dessus que s'est greffé un véritable débat...

 Voilà le compte rendu de l'autopsie de notre échec :

 1) L'absence de réponses a été attribuée, de même que l'impossibilité de discuter :

 - aux difficultés d'expression (accent alsacien trop prononcé, difficulté à exprimer clairement ses idées)

 - à la gêne et à la crainte du ridicule : "les camarades se moquent de nous lorsque nous nous trompons" ; "il y a des filles dans la classe" (même réaction des filles vis-à-vis des garçons) ;

 - au fait qu'on ne puisse pas tout dire en classe ;

 - à l'ennui qui vous gagne pendant de trop longs moments de silence ou après des questions mal formulées par les animateurs et qui tombent à plat ;

 - au fait qu'on n'a pas envie de réfléchir . .

 2) Le peu d'intérêt de nombreuses réponses est expliqué par le fait que :

 - plutôt que de risquer de dire des "bêtises" on dise n'importe quoi ;

 - dans cette classe, les élèves ne se sentent pas assez "cultivés" (eh oui, voilà le résultat le plus typique d'une éducation basée sur l'échec ! ) ;

 - la classe n'a pas sérieusement réfléchi à la question. Personne n'a éprouvé le besoin d'apporter un témoignage ou un document sur la question de l'étranger ;

 - les animateurs ont posé des questions trop générales ; ils n'ont pas su donner leur propre réponse. Certaines de leurs questions faisaient double emploi. Ils n'interrogeaient pas individuellement leurs camarades.

 3) La discussion est rendue difficile aussi par de mauvaises conditions plus générales :

 - une assistance trop bruyante (chaises qui remuent sur les carreaux du sol, par exemple).

 - tout le monde parle en même temps sans demander la parole ;

 - certains ne participent pas du tout alors que la classe est déjà peu nombreuse ;

 - préparer un débat est plus difficile qu'on peut le croire ;

 - la chasse d'eau des W.C. d'à côté dérange sans arrêt...

 

ACTE 5 : Où un véritable débat n'apparaît plus hors de notre portée

 Mes élèves : C'est drôle , cette fois on s'est écoutés, on a demandé la parole, sauf l'une d'entre nous, tout le monde a participé à la discussion, on a réfléchi et, même, c'était intéressant.

 Moi : Parce que cela nous concernait plus directement que les étrangers, parce que ce dont nous parlions, nous l'avion vécu ensemble la veille.

 Patrick : Monsieur, pour la semaine prochaine, je voudrais animer une discussion sur la discipline à l'école. Est-ce que j'ai le droit ? ...

 Comme il est curieux que ce curieux sujet, demandé de cette curieuse façon soit apparu à· ce moment-là, non ?

 

ÉPILOGUE :

 Ce débat a eu lieu dans les mêmes conditions que notre "débat sur le débat" et malgré encore bien des difficultés et des maladresses de présentation, il a, une nouvelle fois, permis a pratiquement tous les élèves de la classe, de s'exprimer et de se retrouver autour d'une question qui leur tenait à cœur.

 Depuis... plus grand chose de passionnant... Le souffle est tombé, le train train quotidien a repris. Chacun a regagné sa coquille, voudrait bien en ressortir et ne sait plus comment s'y prendre (le prof y compris).

 J'ai appris par cette expérience, une chose si souvent répétée, mais si difficile à vivre : un débat, et quoique ce soit dans une classe où on voudrait que les élèves soient avant tout eux-mêmes, doit être profondément enraciné dans la vie quotidienne de cette classe. Reste le problème de l'étranger dont nous sommes partis ... Les étrangers aussi sont soudés à notre vie, comme bien d'autres réalités encore ; mais mes élèves de 4e12 ne le ressentent pas comme tel. L'école les a trop habitués à faire fi, dès qu'ils en avaient franchi le seuil, de tout ce qu'ils désignent comme leur "vraie vie" par opposition à la vie artificielle du C.E.S. Et comment s'arranger pour vivre dans de telles conditions autre chose que des autopsies d'échecs et des discussions sur la répression dans cette même école ?

 


TEXTE LIBRE D'YVON : (4e aménagée)

 Le lycée est comme une immense usine ; il domine la cité ; il attend avec ses innombrables yeux vitrés, les élèves qui se pressent en courant. Ils se rangent en attendant leurs profs qui quelquefois sont animés de sombres intentions. Dans la cour, les surveillants, comme des araignées répugnantes dans le milieu de leur toile, guettent quelques victimes imprudentes...

 Un bruit retentit sous le préau en fer-blanc, c'est la cloche qui donne le début du travail. Les élèves s'empressent dans le mince couloir du bâtiment ; puis, surgit du fond de son trou, le sous-directeur. Comme un chien de garde terrible et respecté, il n'attend qu'une seule occasion pour coller au mur de la permanence quelques élèves turbulents. C'est triste de voir ça, on a envie de se révolter, mais à quoi bon. Rien ne sert de se battre, ce n'est pas la faute des surveillants ou du sous-directeur, eux aussi sont obligés d'être comme cela ; ils doivent le faire pour que l'ordre règne dans le lycée.

 

 

André SPRAUEL

81 bd d'Anvers

67000 Strasbourg

 

Pour comprendre la bande dessinée "Serve him right"

Février 1975

 

Pour comprendre la bande dessinée

 

«SERVE HlM RIGHT»

 

 

1) CONDITIONS D'ELABORATION

 Classe : 4e aménagée. (II s'agit d'enfants en difficulté scolaire à qui on essaie de faire réintégrer le circuit "normal". But : obtenir le BEPC l'année suivante pour 22 élèves).

 Matière : cours d'anglais.

 Cadre de travail : pendant une heure de travail libre en demi-groupe (11 élèves présents). Le professeur suggère des activités à ceux qui n'ont pas d'idées. Laurence et Muriel ont choisi de faire une bande dessinée. Elles cherchent ensemble l'argument du scénario et à la fin de l'heure décident de continuer le travail chez elles. Comme "Laurence dessine bien" c'est elle qui se charge de la réalisation graphique.

 Huit jours plus tard elles remettent au professeur une bande dessinée complète et il est décidé de la reproduire au limographe pour le journal. Comme le temps manque en gravant le stencil, des détails sont oubliés.

 Laurence : Elle apparaît comme une jeune fille souriante, plutôt timide, bien qu'un peu moins effacée en anglais que dans les autres cours. Age : 14 ans.

 

2) OBSERVATIONS SUR LA BANDE DESSINEE

 a) Les thèmes.

 b) La réalisation : graphisme, omissions.

 c) Prolongements.

 

a) Thème familial. Absence du père.

 Conflit entre frère et soeur où le frère fait figure d"'affreux jojo". Il témoigne d'une agressivité violente, il veut faire mal, il se réjouit quand sa soeur pleure. La soeur est à la fois vindicative et pleurnicheuse ; elle a recours à la mère pour régler le différend.

 Détail important : ce n'est qu'à la vignette n° 6 qu'il apparaît que le frère n'est en réalité qu'un camarade de jeux (si l'on peut dire ! ) puisqu'ils n'ont pas la même mère ("We'll go to his mother")

 Eléments éclairants : intrigués par cette situation curieuse (deux mères qui paraissent n'en faire qu'une seule) nous sommes allés vérifier dans le dossier scolaire. En réalité Laurence a un demi-frère bien plus jeune qu'elle, il semble même qu'il soit d'âge pré-scolaire. Hypothèse : le personnage de la B.D. pourrait être un composé de certains "affreux jojos" de la classe, capables des pires farces, et du petit frère à la présence mal acceptée apparemment.

 b) La réalisation.

 1. Le graphisme : On est frappé par la pauvreté du dessin (mais il faut souligner que Laurence n'avait pas pratiqué· auparavant la technique de la B.D. ni celle de la reproduction au limographe).

 A remarquer : la vignette n° 6 = la maison qui sourit et où l'on retrouve les traits d'un visage humain (yeux-fenêtres, nez-porte, marches-bouche).

 2. Omissions : ce qui frappe c'est le manque de bras et de jambes. Le garçon, par exemple, a toujours un seul bras (sauf à la première image), jamais d'oreilles, les yeux ont dû être ajoutés (car la B.D. parait dans le journal).

 Mêmes remarques pour les mères et la fille qui n'ont pas de mains.

 Les images 6 et 7 présentent une certaine similitude : La mère et la fille sont transformées en troncs. L'image 7 est particulièrement intéressante : la "voisine" se trouve dans les airs. Hypothèse : passage d'une réalité douloureuse à une fiction sécurisante.

 c) Prolongements.

 - Valorisation = La B.D. sera publiée dans le journal...

 - Thérapie ... mais il faut compléter les dessins inachevés et les colorier (1) pour mettre la page en valeur. Travail collectif de la classe.

 

(1) Ci-joint : 1 exemplaire de la B.D. brute

 

Quesny, 2-2-74

 Nicole Alex.

 

 

 

Regards sur ...

Février 1978

 

REGARDS SUR.

 

 

« Le dernier des Cathares » d'André SERNIN

 (collection «Les Chemins de l'Amitié»)

 

Il s'agit d'une adaptation d'un ouvrage du même auteur paru en 1970. Je ne connais pas le livre original ; en tous cas, en dépit de son titre, ce roman n'a pas grand chose à voir avec le catharisme.

 Il s'agit d'une de ces histoires qui mêlent aventure et énigme policière dont le marché de la littérature pour les jeunes est inondé. Innovation : le héros est un prof de philosophie et d'histoire bien sympathique dans ses efforts pour gagner le coeur de la douce Geneviève, fille de Jean Nogaret, chef actuel des mainteneurs de l'idée cathare, lequel est menacé car on le soupçonne de savoir où est caché le trésor des Albigeois. L'évocation du catharisme sert seulement à donner une note mystérieuse et inquiétante à une action somme toute banale. Quelques remarques succinctes, une évocation de l'histoire des Cathares ne suffisent ni à donner une information sérieuse sur la question, ni à inciter à en savoir plus : il est vrai que les coreligionnaires de Nogaret ne sont guère dépeints sous un jour favorable ! ... les documents présentés à la suite du roman mêlent aussi bien les sources ("Lui", "les cahiers rationalistes") que les sujets (cathares, occultisme, gourou ... ). Dans ce méli-mélo, on aura du mal à se faire une idée juste d'un problème qui a profondément marqué notre histoire ...

 Les amoureux du Larzac et des Cévennes se consoleront en lisant les admirables pages où Sernin décrit la région ... Et pour en savoir plus sur les Cathares on lira la BT2 n° 66.

 C. CHARBONNIER

 



« Dossier alcoolisme » de Dominique DALLA VRAC

 (Laffont - 40 F environ)

 Je n'ai fait que parcourir ce gros volume (plus de 400 pages) bourré de témoignages et de documents. Comme à partir de cette unique source une élève de 3e a fait un remarquable exposé d'une heure sur la question, je crois qu'on peut signaler tout l'intérêt qu'il présente. Il offre aussi l'avantage de donner, au début de chaque chapitre, la liste des points traités ce qui rend le maniement de l'ouvrage très facile. Une documentation de base, facile à utiliser, c'est assez rare pour être souligné.

1. Chacun de nous

 2. La famille

 3. L'amitié

 4. L'amour

 5. La liberté

 6. Vivre aujourd'hui

 7. Révolte

 8. Les mots pour vivre

 9. Glanes

 10. Créer pour vivre

 11. Jeunesse

 12. Et puis voici la mort...

 13. Le temps et la vie, quoi!

 14. Avoir quinze ans aujourd'hui

 15. Avec ces quelques mots ...

 16. Et leurs mains fébriles

 17. Réussir la vie

 18. Comme l'écho de mon amour

  20. Gerbe internationale

C. CHARBONNIER

 

Le congrès des imprimeurs

Février 1975

 

LE CONGRES DES IMPRIMEURS

 La page suivante, comme vous pouvez le constater, n'est pas identique à celles que l'on avait tirées jusqu'à présent.

 

Tout d'abord, elle est combinée en deux couleurs ; et surtout, elle n'a pas été tapée à la machine, mais imprimée … Imprimée avec de vrais caractères en plomb dont se servent les ouvriers dans les imprimeries … Et c'est à l'occasion du deuxième congrès des imprimeurs de journaux scolaires, que nous avons pu, avec Monsieur Brunet, composer. cette page.

 Ce congrès, organisé par I'ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne) a rassemblé du 31 octobre .au 2 novembre 1974 à Montigny-en-Morvan, un grand nombre d'utilisateurs du journal de classe et de lycée, dans le cadre de la pédagogie Freinet.

 Nous étions donc une centaine, enfants (de la maternelle au CM2), élèves (surtout du premier cycle), instituteurs et professeurs, réunis pour confronter et échanger nos techniques, et pour approfondir le rôle que joue le journal de classe et de lycée.

 On ne peut tirer. de ces trois jours passés ensemble, au milieu du paysage enneigé du Morvan , qu'un profond enrichissement, doublé d'étonnement... .

 Etonnement dû · à la spontanéité des gestes, des attitudes, des créations des enfants, partis pour trois jours avec leurs institutrices ou leurs instituteurs, à plus de cent kilomètres au minimum et plus de sept cents au maximum !!!

 Etonnement dû aussi aux liens étroits faits entre l'intellectuel et le manuel ; c'est-à-dire que toute discussion, toute découverte, toute confrontation se fait sur le lieu de travail, pendant la création du texte ou pendant sa mise en page … Rien ne se fait dans l'abstrait, tout passe par le manuel ; toute envie de création est aussitôt réalisée par le créateur lui-même. Il n'y a aucune division du travail entraînant un abêtissement et un automatisme.

 Chaque élève, chaque professeur passe par tous les stades de la fabrication de la page : d'abord la création du texte, puis l'illustration·, la mise en page, la composition, la correction, la mise sous presse et la distribution. (*)

 De ce fait, aucun temps mort, toujours du travail sur la planche.

 Autour des tables de travail, sur lesquelles étaient installés les casiers plein de lettres, nous apprenions à nous connaître mutuellement et .. nous nous parlions de nos journaux tout en approfondissant la connaissance et l'utilisation technique de l'imprimerie.

 De ce travail fait en commun, il émanait une ambiance d'amitié et de partage des expériences. Ainsi nous avons pu élaborer un journal du Congrès, où tous les textes composés pendant ces trois jours, par les grands comme par les petits étaient rassemblés sous le signe significatif "Mille Mains d'Imprimeurs" ...

 Quant au texte de la page suivante, nous n'avons fait que le tirer d'un journal de l'an dernier et reprendre son illustration, ayant beaucoup moins de spontanéité et d'imagination que le plus jeune. L'illustration est faite avec une méthode assez simple : on grave le dessin sur une plaque de linoléum (le lino pour les sols) avec des sortes de couteaux appelés "gouges".

 Ainsi, on obtient une partie creuse qui reste blanche, et une partie en relief qui reçoit l'encre. On plaque la feuille sur le lino, on presse et on obtient les différents traits et parties pleines voulues.

 Mais il y a d'autres possibilités d'illustration toutes aussi simples si on a un peu d'imagination ... Alors peut-être serait-il intéressant de réserver quelques pages dans L'Ouvre-Boite pour l'Imprimerie et les différentes méthodes d'illustration autres que sur stencil comme toutes celles que nous faisons ?

 Ce serait un projet à mettre en route dans les prochains numéros, et nous invitons tous les intéressés à venir en discuter le vendredi avec nous entre 1 h et 2 h en salle 208... ·

 Compte rendu de Janie AUREJAC et Michel AUDOIRE

 paru dans l'Ouvre-Boite de décembre 1974, journal de la Coopérative du Lycée de La Bastide. La page imprimée a été reprise à l'analyseur électronique en raison du tirage (300 exemplaires).

 


(*) Il s'agit de remettre les caractères dans la casse, une fois le tirage terminé.

 

A la suite du congrès des imprimeurs ...

 J'ai introduit le journal dans mes classes en même temps que l'expression libre, c'est-à-dire il y a six ans. J'en étais toujours resté au limographe ct à la ronéo. J'ai d'ailleurs conscience de n' en avoir jamais exploité toutes les possibilités (Voir l'Art enfantin n° 69 qui rassemble un très grand nombre de pistes pour l'illustration du journal).

 J'allais avec curiosité et scepticisme au congrès des imprimeurs. J'imaginais mal (malgré quelques exceptions notables : voir les journaux de R. Barcik, de G. Bacle!, de J .P. Eyraud ... ) qu'on puisse sérieusement introduire l'imprimerie au second degré, avant tout par manque de temps.

 Je commence à changer d'opinion. Les deux élèves (de 1ère et de Terminale) qui participaient au congrès avec moi ne font pas partie de mes classes mais animent le club journal du lycée. Malgré leurs maladresses et leurs blocages, ils se sont parfaitement intégrés au congrès, ils ont réalisé eux aussi leur page, grâce à l'aide de leurs camarades, et ils sont repartis enthousiasmés, ce qui a ébranlé quelque peu mes positions.

 Je suis revenu du congrès avec un peu de matériel (une petite presse à volet , une police). Dès mon retour j'ai récupéré du matériel inutilisé dans une classe de transition du lycée (une police, des composteurs à vis, des casses, une table avec éclairage). J'ai commencé également à faire la tournée des imprimeurs, ravis de nous aider quand ils le peuvent. J'ai introduit tout cela dans ma classe de 3e, sans grands discours, mais en montrant quelques pages imprimées au cours du congrès. Je n'ai pas eu à attendre les réactions : au bout d'un mois c'est toujours de la passion , on fait des heures supplémentaires sans s'en apercevoir. Cela passera, bien entendu. En tout cas, avec le tirage du premier texte, j'ai retrouvé dans la classe le même instant d'émotion que nous avons tous connus avec le démarrage d'un journal, à ceci près qu'une page imprimée produit un choc infiniment plus intense.

 Ce qui m'a d'abord frappé c'est que, sans la moindre pression de ma part (du moins en apparence), les élèves ont eu tout de suite une exigence de perfection que j'arrivais mal à obtenir - c'est de ma faute, je le sais - avec le limographe ou la ronéo : c'est si beau que tous ont le sentiment qu'il faut que la page soit impeccable : pas une coquille, un encrage parfait, une bonne justification ... La plupart des négligences sautent littéralement aux yeux. De mon côté je suis conduit à pratiquer le "bon à tirer" de façon impitoyable, alors que, par manque de temps - c'est l'excuse courante - , par lassitude, mais aussi à cause de moyens techniques médiocres (par exemple machine à écrire aux caractères usés), je laissais passer souvent des négligences à la ronéo. A l'imprimerie ON PREND son temps.

 Autre conséquence : la classe a tout de suite vu que l'on ne peut imprimer que des textes courts. Lors du premier essai l'auteur a dû sur le champ supprimer quelques lignes, plusieurs mots. Ce qui nous a conduits à prendre conscience du " remplissage" ou de la densité des textes, nouveau critère de discussion. Je commence à percevoir un changement dans la production de la classe : il y a davantage de textes courts mais pleins. On est également conduit à mettre davantage en valeur la pensée, certains mots, l'articulation du texte, par une mise en pages plus soignée, par le changement de corps, en utilisant les majuscules ... Nous commençons à peine à entrevoir un champ de possibilités infinies.

 Quant au côté manuel, sensible, de l'imprimerie, je ne ferais que répéter ce qui a été fort bien dit , depuis longtemps, à l'Ecole Moderne. Au fait avez-vous lu "Le journal scolaire" de Freinet. C'est une brochure de 126 pages, édition de l'Ecole Moderne qui vous étonnera que vous imprimiez ou non. Je constate simplement le plaisir évident de ces élèves de 3e à manipuler ce nouvel outil : cette année, à part les modestes pistes que j'essaie de leur offrir, ils n'ont aucune activité manuelle (pas d'enseignement de travaux manuels pour les garçons depuis la rentrée).

 Le besoin se fait tellement sentir que les responsables élèves de la coopérative du lycée essaient de lancer, avec les moyens du bord, un club bricolage. Je regrette qu'une fois de plus la carence de l'Education (ex-Nationale) nous conduise à de telles solutions.

 Cela dit, ferons-nous un journal entièrement imprimé ? C'est peu probable pour l'instant : nous· continuerons à tirer les textes longs, les comptes rendus d'enquêtes et de débats à la qualité : le souci accru d'exigence commence à s'étendre à l'ensemble du journal. En tout cas l'atelier imprimerie s'insère à peu près dans les deux heures que nous consacrons chaque semaine aux ateliers. L'ardeur actuelle des imprimeurs fait que l'on déborde un peu (pour terminer un tirage, pour redistribuer les caractères). En fin de trimestre, un tiers de la classe à peu près se répartit dans les divers ateliers consacrés au journal.

 Pour le journal d'établissement, les deux participants au congrès poussent vivement à l'organisation d'un atelier imprimerie. Si la coopérative a de l'argent, on va essayer. Mais le tirage, à 300 exemplaires, nous obligera à reprendre chaque épreuve à l'analyseur électronique, d'où une perte en netteté.

 Telles sont mes premières observations. Je souhaiterais en discuter avec tous ceux qui ont essayé d'imprimer au second degré, avec ceux qui ont envie, ceux qui n'y croient pas ...

 Jacques BRUNET

 30, rue T. Ducos

 33000 Bordeaux

 


Le limographe attaché-case

 Le limographe est un outil fondamental au second degré, dans toutes les disciplines. Il permet aux élèves de tirer leurs travaux , les fiches-guides de recherche, des comptes rendus, des textes d'auteurs etc. Avec les perspectives ouvertes par les graveurs électroniques de stencils, le limographe peut reproduire un article de journal, un dessin, voire même une photo (voir recherches dè quelques camarades).

 Le premier réflexe lorsqu'on découvre l'Ecole Moderne devrait être d'acheter cet outil, même si on n'en voit pas l'utilité immédiate : c'est l'outil qui vous aidera à créer les techniques et qui vous donnera de l'imagination.

 Il faut tout de même reconnaître les limites du limographe :

 - à partir de 70-100 exemplaires tirés on peut songer à passer à la Gestetner manuelle. Le limographe par contre est très économique dans les tirages 20-50 exemplaires qui, au second degré, sont des tirages courants.

 - la nécessité d'un encrage régulier et donc d'un rouleau court rendent plus intéressant le petit limographe (modèle L1 et L3) que le grand limographe qui utilise pratiquement les stencils normaux. C'est pourquoi toute ma documentation (environ 1500-2000 stencils classés, puisque le stencil est réutilisable constamment) est normalisée selon le modèle L1.

 - pratiquement tous les groupes départementaux fabriquent des limographes ; moi aussi j'en ai fabriqué. Compte tenu de l'usage intensif du limographe au secondaire (je tire 30 000 feuilles par ,an) on ne peut souffrir l'approximation : la machine doit fonctionner immédiatement, sans accroc.

 Ceci condamne le tergal mal tendu, le rouleau qui encre mal, la plaque à encrer baveuse etc. Le matériel de la CEL reste plus fiable que le matériel bricolé, du moins pour la grande majorité des utilisateurs. Chaque fois que j'ai à conseiller un acheteur, je le renvoie directement au devis L1 ou L3. Par contre je lui conseille d'acheter immédiatement un tube d 'encre Gestetner Express 44 à séchage rapide qui évite d'avoir à mettre une feuille de papier journal entre chaque feuille tirée.

 Mais si on veut se servir réellement et à toute heure du limographe en classe (atelier permanent) le matériel livré par la CEL souffre d'un inconvénient majeur : limographe, rouleau, plaque à encrer sont un peu présentés d ans le désordre et comme il faut transporter l'encre de la plaque à encrer à la trémie du limographe par le biais du rouleau, on imagine que ces manipulations exigent beaucoup de journaux ... Il en résulte un atelier peu encourageant à nettoyer, surtout s'il faut évacuer la salle au terme des 55 minutes fatidiques. J'ai donc étudié un modèle de limographe-attaché-case dont voici le plan.

 

Les dimensions indiquées sont valables pour le limographe L1 de la CEL. Pour le modèle L3 il conviendrait de faire sauter les pieds et probablement de prévoir environ 5 cm d'épaisseur au lieu de 3. A gauche le limographe a été fixé par des petites pointes.

 La partie centrale permet de faire jouer latéralement une feuille 21 x 29,5. La partie de droite contient le bac à encrer limité par deux petits tasseaux de section 1 cm x 1 cm. Le fond du bac est tapissé de plastique ainsi que le fond du couvercle au même endroit. En effet pendant le transport le rouleau reste dans le bac à encrer et est coincé par le couvercle qui se rabat. Avec une encre assez fluide (Gestetner Express 44) il n'est nul besoin de nettoyer le bac, le rouleau ou le limographe sinon de loin en loin (tous les ans par exemple).

 Pour empêcher le volet du limographe de jouer pendant le transport, il convient de prévoir une cale dans le couvercle. Munir l'ensemble de charnières en· cuivre, fermetures en laiton à pression et poignée. On peut aussi étudier dans le couvercle un logement pour le tube d'encre.

 Note importante. Si ce modèle paraît supérieur à celui qui est fourni actuellement par la CEL, l'expérimenter, l'améliorer, communiquez vos remarques afin que la CEL puisse (par le biais de sa commission "outils") perfectionner l'instrument et le diffuser. M'adresser vos réflexions. Je dois dire que je n'ai eu un atelier limographe en classe d'une manière suivie que du jour où j'ai construit l'appareil.

 R. FAVRY

 Lycée technique

 82017 Montauban

 

Black Bahut

Février 1975

 

BLACK BAHUT

 

Un LYCÉE. blanc

 

tout BLANC

 

Avec des inscriptions NOIRES

 

noires comme son AME

 

noires comme sa VIE

 

Un Lycée ROUGE

 

rouge comme la maison BLANCHE

 

rouge de HONTE

 

rouge de SANG

 

BLEU comme le ciel

 

le ciel des VILLES

 

et des MANIFESTATlONS

 

le ciel des USINES

 

le ciel des RAPACES

 

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