L'esprit d'escalier

FĂ©vrier 1975

 

L'ESPRIT D'ESCALIER

 (relations avec les parents)

 

Depuis longtemps, 10 ans de pédagogie Freinet, je suis obsédée par Je remords de ne rien "donner" au groupe.

Je n'ose pas, j'ai un peu l'esprit d'escalier : il m'est arrivé souvent de trouver dans l'Educateur ou le Bulletin du 2nd degré, la description d'une étape que je venais, moi aussi, de franchir. Alors, à quoi bon le redire ...

 

Aujourd'hui encore, en ouvrant la Brèche, je tombe sur l'article de Favry "les relations avec les parents" et j'y retrouve ma propre démarche. Il s'agit de ma classe de 5e, le climat en 3e étant tout à fait différent.

Dans la première quinzaine de septembre, j'ai proposé le plan de travail. J'avais déjà expliqué que nous ne ferions pas de "rédactions" que je ne donnerai pas de "récitations" mais que chacun pouvait m'apporter et éventuellement lire à la classe des textes personnels et demander à dire devant la classe un poème qu'il aimerait.

"CA SERA NOTE ?" "ON SAURA JAMAIS QUEL COURS C'EST, SI C'EST TOUS LES JOURS PAREILS !" Il fallait mettre les choses au point et c'est à cause de ces "damnées" notes que j'ai éprouvé le besoin d'un collaboration effective avec les parents.

Dans mon établissement, les enfants ont entre les mains un carnet de correspondance sur lequel ils inscrivent toutes les notes qui leur sont attribuées, c'est vérifié une fois par mois par les surveillants et signé par les parents. Un peu sec comme contact. Donc il fallait trouver un autre rapport et d'abord s'organiser avec les enfants. Après une discussion houleuse sur le but et la signification des notes, nous avons décidé de :

- noter chaque semaine 1 exercice de grammaire, 1 explication de texte issu de nos préoccupations, certes, mais imposés à tous ;

- apprécier en commun après présentation à la classe tout exposé ou diction de poème et matérialiser notre appréciation par une lettre (A, B...).

Ces appréciations jointes à l'observation par l'élève du volume de travail qu'il a programmé et justifié dans son plan de travail personnel, lui permettent de chiffrer son effort à l'expiration de son contrat (1 mois) la classe statue en dernier ressort. En fait ce trimestre-ci nous n'avons réellement accompli qu'un seul plan de travail, le second est en cours et doit me revenir vers le 20 janvier. Car ce plan comportait en dernière rubrique "ce que je pense de la vie de la classe, de mon travail, ce qu'en pense le professeur, ce qu'en pensent les parents"

Les autres professeurs de la classe ne pratiquent pas tout à fait de même, mais ils sont intéressés par le principe ; j'en ai profité pour leur proposer de venir tous en même temps en discuter avec les élèves. Nous avons alors adopté la dernière rubrique. La première semaine de décembre, les parents me retournaient, avec leurs remarques, les plans de travail individuels et la semaine suivante, ils venaient nous retrouver en conseil de classe sur une base de travail qui nous était propre : mais au lieu du défilé type confessionnal de chaque parent devant chaque prof, spontanément la discussion a été commune, nous avons débattu, tous ensemble, du problème de chacun et de l'interaction groupe-individu/ individu groupe et les parents parlaient entre eux et posaient des questions, et nous étions, enfin, un groupe de travail et non plus un tribunal.

L'appréciation ne portait plus uniquement sur des notes, le cas d'un élève n'était plus isolé de la vie du groupe. Depuis cinq ans que je suis dans ce C.E.S ., j'oeuvre dans ce sens à tous les conseils de classe auxquels je participe, insistant sur l'aspect affectif des problèmes, la situation de l'individu dans le groupe et aussi l'aspect formel de certaines acquisitions (devoirs de grammaire "justes" mais truffés de fautes d'orthographe).

Et, enfin, cette année, les collègues constatent que les élèves ayant tâté de méthodes Freinet sont actifs, curieux (pas toujours dociles, hum !), les parents constatent qu'ils aiment (?) aller en classe et se découvrent des capacités insoupçonnées. Au bout de cinq ans, quelques collègues viennent au groupe ...

Je ne sais pas faire une analyse claire et efficace comme le fait Favry, je suis un peu allergique de nature à ce qui est bien structuré tant que je n'en ai pas bien senti l'utilité aussi ces quelques lignes ne sont-elles qu'un simple témoignage, je tâtonne, je bataille, comme vous.

Fernande LANDA

93 - Bagnolet