Un grand éducateur disparaît DECROLY

Octobre 1932

La triste nouvelle nous parvient de la disparition du grand éducateur belge Decroly.

Nous laissons à nos amis Belges, qui l'ont approché durant de longues années, qui ont participé et collaboré à ses travaux, le soin de nous parler du chercheur hardi, de l'homme dévoué et bon qui vient d'être ravi à la pédagogie mondiale.

Nous ne pouvons pour notre part que rappeler ici tout ce que nous devons à Decroly, qui a été, avec Ad. Ferrière, un des éducateurs contemporains qui nous ont le plus aidé dans notre effort réalisateur. Si nous avons critiqué maintes fois la méthode, nous nous sommes, par contre, toujours inspiré d'une technique expérimentalement établie et qui reste un des grands essais mondiaux de faire bénéficier l'école populaire des progrès pédagogiques de ces dernières années.

Nous souhaitons fermement que les disciples si nombreux du Docteur Decroly continuent avec vigueur l'oeuvre entreprise et en adaptant toujours davantage notre enseigne-ment aux besoins et aux intérêts enfantins, rendent à leur maître le meilleur hommage qu'il eût pu désirer.

 

C. FREINET.

La manifestation DECROLY

________

 

Il y a quelques mois, les amis belges du Dr Decroly à la tête desquels se trouve Mlle Hamaïde, avaient entrepris la préparation d'une manifestation en l'honneur du maître.

Ils ont prévu, à cet effet, la publication d'un recueil de témoignages d'une quarantaine de pédagogues et psychologues du monde entier. Le livre, auquel nous avons collaboré, paraîtra dans quelques mois.

Nous recevons à l'instant de Mlle Hamaïde l'émouvante lettre ci-dessous que nous croyons utile de publier.

J'assume, au nom des amis belges du docteur Decroly, une pénible mission, celle de vous annoncer, ainsi qu'à vos lecteurs, la mort de notre Maître vénéré survenue le lundi 12 septembre, à 10 heures du matin.

Fatigué et malade depuis de nombreux mois, il n'avait guère réduit ses dépenses physiques et intellectuelles pour la cause qui nous est chère à tous, celle de l'Enfance. Il a fallu toute l'énergie de son médecin et de sa famille pour l'empêcher d'assister au Congrès de Nice.

Le lundi 12 en visitant le champ annexé à son école de Vossegat, il se courba pour extirper une mauvaise herbe et s'affaissa.

Cette mort, survenue en de telles circonstances de l'Apôtre de la vie et du travail à l'école, prend à nos yeux l'aspect d'un touchant et magnifique symbole. C'est dans cette attitude, étonnement évocatrice que Decroly figurera, selon nous, dans l'histoire de la pédagogie.

La veille au soir, la carte imprimée annonçant la fête jubilaire que nous voulions organiser à l'occasion de ses soixante ans, lui était tombée, par ha­sard, sous la main. Il a donc pu lire la liste des noms illustres de savants, ses amis qui ont bien voulu collabo­rer au livre que nous nous proposions de lui offrir. Sa modestie s'insurgea et il objecta qu'on faisait de telles cho­ses pour les morts et non pour les vi­vants. Il ne savait pas si bien dire.

Nous avions voulu lui rendre, au nom de tous ses confrères disséminés dans le monde l'hommage d'affectueuse sympathie que méritaient son labeur et sa foi.

Hélas ! c'est bien un mort que nous allons honorer. Car la cérémonie aura lieu. Le livre paraîtra, illustré de nombreuses photographies du Maître, avec la liste des souscripteurs. Il sera solennellement remis à la famille Decroly.