La Ville de Vienne et l'enfance malheureuse

Octobre 1932

La Ville de Vienne et l'enfance malheureuse

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(LETTRE D'AUTRICHE)

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L'Autriche est l'un des pays qui ont le plus souffert des conséquences de la guerre. On l'a morcelée. Ce qui reste est un pays industriel sans « hinterland ». Incapable de nourrir ses enfants, elle a dû faire appel aux philantropes suédois, hollandais et suisses.

Le nouvel Etat a considéré comme l'un de ses premiers devoirs la création d'une nouvelle organisation de l'école et une assistance modèle pour la jeunesse. Il n'ignore pas les charges que lui impose cette assistance, mais il envisage surtout les résultats.

Chaque femme pauvre a le droit, au plus tard au cours du quatrième mois de sa grossesse, de se faire inscrire au bureau de son quartier pour la visite médicale. On a construit 35 nouveaux dispensaires, pour consultations à donner aux futures mamans. Là, on fait l'analyse du sang pour lutter aussitôt que possible contre l'hérédosyphilis.

La mère qui, pendant quatre semaines, vient présenter son nouveau-né à la consultation, touche une allocation de 40 schillings. La ville est toujours prête à accorder des secours aux nouveaux-nés. Toute femme qui en manifeste le désir peut obtenir pour son bébé, à titre de cadeau, un trousseau complet d'excellente qualité.

On a installé 14 centre d'orientation, où des conseils sont donnés, par un médecin et un pédagogue.

La ville a créé pour les tout-petits plus de 100 nouveaux jardins d'enfants.

Là, si les parents le désirent, les jeunes enfants reçoivent le déjeuner du matin et celui du midi, pour 13 fr., 35 par semaine. Soixante-dix pour cent des enfants sont dispensés de tout paiement.

Toutes les écoles de Vienne reçoivent chaque semaine la visite du médecin et de l'infirmière visiteuse. Celle-ci a pour mission de venir en aide aux enfants qui manquent de soins, elle leur procure le nécessaire, fournit même, le cas échéant, de l'argent aux parents, exerce sur ces derniers son influence, dirige les enfants vers l'école ou le préventorium qui leur convient le mieux.

La ville a aménagé des cliniques dentaires pour écoliers. Dès sa première année de classe, l'enfant est examiné, on lui apprend à se laver les dents. Il reçoit les soins que nécessite son état. D'autres visites ont lieu au moins deux fois par an, pendant toute la durée de la scolarité. Pendant l'année scolaire 1929-30, 80.417 enfants ont été examinés ; sur ce nombre 55.415 ont reçu des soins, 30 médecins-dentistes et 30 aides se sont occupés des écoliers.

Les 10 dispensaires anti-tuberculeux de la ville ont pour but de dépister les malades et d'éviter la contagion à leur entourage. De plus, on frictionne les enfants avec de la « dermoturbine » pour prévenir autant que possible cette contagion.

Pour les écoliers malades des yeux, on a ouvert en 1929, une clinique centrale dirigée par une femme, oculiste : clinique ouverte primitivement trois jours par semaine, puis tous les jours matin, et soir. Parents et maîtres ont été instruits des ménagements qu'il faut avoir à la maison et en classe pour les malades de la vue.

La ville assure enfin le repas de midi aux écoliers. Elle a créé, 66 cantines scolaires. 13.000 enfants en moyenne y viennent chaque jour. Une organisation spéciale, sous le con-trôle de la ville, est chargée de préparer et de fournir les repas.

Chaque année, pendant l'été, 30.000 écoliers environ sont envoyés dans des colonies de vacances. Avant leur départ, tous sont soumis à une visite médicale et ils sont groupés suivant leur état de santé.

A tous les degrés de cette assistance il est bon de remarquer que la ville a pour principe de faire payer les parents qui en ont les moyens. Sont dégrévés en partie de ces frais ceux qui n'ont que des ressources insuffisantes. Les indigents sont dispensés de tout payement. Par exemple, 80 % des écoliers qui prennent leur repas à la cantine scolaire, l'obtiennent gratuitement.

Les dépenses de la ville pour l'assistance à la jeunesse se sont élevées en 1929, à 30 millions de schillings.

Depuis que sévit la crise, la ville a dû faire des économies, sur le chapitre de l'Instruction publique comme partout ailleurs. Le nombre d'élèves, qui était en moyenne de 34 par classe s'est élevé dans la plupart des cas au chiffre maximum de 40. Sur 4.114 classes, il n'en existe que 85 qui atteignent le chiffre de 41-42 écoliers. Mais la gratuité intégrale des fournitures scolaires a été maintenue et le chapître de l'assistance a été épargné.

Même s'il se produisait une catastrophe économique, ce dernier chapître serait le dernier où l'on songerait à faire des économies. L'avenir de notre peuple ne dépend-il pas de la jeunesse ?

 

Otto GLOCKEL.

Président du Conseil

de l'Instruction publique à Vienne.

Extrait du « Bulletin syndical de l'Association des Instituteurs de saxe. »

(Traduit de l'allemand).