Insectes de papier


Revue CréAtions en ligne n° 230 "Bestiaires"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°230 - Publication : décembre 2016

Classe de niveau 2P (GS)– Établissement de Payerne (Suisse) – Enseignante : Katina Iérémiadis

 

Insectes de papier

 

Un contexte particulier


Cette année, j’interviens auprès d’enfants de moyenne et grande sections d’une classe multi-âge de maternelle, d'une part pour des séances hebdomadaires de français et d’autre part en maitrise de classe, avec les dix élèves de grande section de cette même classe, une fois par mois.

Je m’attache à ce que chaque intervention puisse permettre aux enfants d’atteindre des objectifs concrets de réalisation en fin de matinée, histoire de cultiver le plaisir de créer et le désir de poursuivre la fois suivante, c’est-à-dire un mois plus tard, en tentant de rebondir sur les centres d’intérêt de la classe.

Du travail de la classe, je ne connais que le thème de travail de cette année, en l'occurrence les insectes. Lorsque je viens chercher un groupe d’élèves, il m’arrive d’entrevoir des albums d’histoires de coccinelles ou de poux posés sur un bureau, ou bien une grande chenille collective en cours de fabrication.
Dès le début d'année, j’invite les élèves à se lancer dans une exploration graphique sur le thème des papillons avec mise en commun, suite à la découverte d’une poésie apprise en soutien langagier. Les enfants dessinent leurs papillons, reproduisent les idées des copains, découvrent des reproductions d’œuvres d’artistes, font des observations (couleurs, formes, système de camouflage et de protection, symétrie, etc.).


Je propose ensuite à chacun de réaliser sur une bannière individuelle trois grands papillons en dessin et en collage : décoration des membres à la craie (ailes, corps, tête), à l’encre ou à la gouache, complétés par des détails découpés et puisés dans ma réserve de papiers. Je garde toutes les chutes de papier depuis des années et cette collection constituée offre une très grande variété de textures et de couleurs qui attire et inspire ceux qui osent s’y plonger. Dans mes réserves également, un rouleau de papier peint me donne l'idée des bannières qui permet le travail sur des grands formats pour ne pas limiter les enfants dans leur choix des matériaux et des gestes, en ce début d’année. L’idée d’investir les couloirs séduit immédiatement les enfants.


Le papillon-princesse, Adna

 

 L'araignée-beau-gosse, Albijon                    Loulou le pou, Allan        


Naissance des insectes

A chaque rencontre, j’apporte histoire ou images qui suscitent les échanges et la production verbale. Je poursuis par ailleurs mon soutien langagier car bon nombre d’élèves sont « allophones », n’entendent pas parler le français à la maison. J’ai à cœur de développer chez eux l’usage d’un vocabulaire, d’une syntaxe de base, l’envie de prendre la parole, de s’exprimer sur leur quotidien et sur ce qui les fait rêver, en m’appuyant sur la poésie, des jeux d’écoute ou de manipulation, les albums de la littérature, etc. Les enfants sont très motivés et participent bien. Mais pour moi, ces histoires et ces images doivent également servir de ferment à la production plastique. Elles enrichissent l’univers pictural de la classe, stimulent et nourrissent l’imaginaire des élèves.

Dans ma banque d'images, les enfants découvrent par exemple un éléphant aux oreilles en ailes de papillon ou encore une araignée très particulière, une reproduction de l’œuvre de Louise Bourgeois, « Maman ». Ce n’est qu’après un certain temps consacré à observer cette photographie que les remarques personnelles émergent de l’échange en collectif. Les enfants identifient une araignée mais il n'est pas facile pour eux de se représenter ses dimensions réelles. Nous cherchons des indices comme la présence, juste sous le monument, d’un promeneur. Il s’agit donc de la photographie d’une sculpture en fer monumentale.


Pas-touche la mouche, Mohamed
« - On dirait qu’elle n’est pas immense parce qu’elle est en photo. Alors qu’en vrai, elle est immense, presque comme l’école.
- Elle fait peur parce qu’elle est géante. On dirait qu’elle marche. 
»
Les élèves ne semblent pas du tout sensibles au caractère subversif de l’œuvre et de son titre.
« - Peut-être que sa maman, elle est morte.
-  Peut-être que sa maman fait peur. D’habitude, maman, elle fait peur quand elle joue ou quand elle est méchante parce qu’on fait des bêtises.
- On peut faire peur quand on est méchant, on fait les gros yeux.
- Peut-être que sa maman était méchante et qu’elle voulait faire une maman méchante.
- Les mamans, parfois, elles font des costumes de méchants pour faire peur.
- Elle a représenté sa maman en araignée.
- Elle est grosse, toute noire avec de grandes pattes piquantes comme des aiguilles. Elle peut piquer comme une moustache, comme une abeille, comme des ciseaux, des couteaux, l’aiguille du clocher.
 »


Ce sont ces dernières comparaisons qui nous guident vers la piste plastique qui est finalement retenue par le groupe. Car une fois exprimée la proposition d’un élève de faire, nous aussi, une araignée géante en volume dans le hall de l’école, nous nous rendons vite compte des obstacles insurmontables auxquels nous restons soumis : absence de matériaux et matériel pour le travail du fer, manque de temps et d'espace pour le papier mâché, pas de moyens financiers pour acheter du matériel ou travailler avec un artiste. Nous nous orientons donc vers une réalisation de courte durée, en deux dimensions et en utilisant le minimum de moyens soit juste une photocopieuse, du papier, des craies et de l’encre.
        

 Bestiaires  

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