Revue CréAtions en ligne "En écho" n°237 - SOMMAIRE

Avril 2018

 

 

CréAtions "En écho" 
Revue en ligne
annoncée dans le Nouvel Educateur N°237

Publication :  avril  2018

 

Ont participé à l'élaboration du dossier « En écho » :  Jacqueline Benais, Simone Cixous, Agnès Joyeux, Maud Léchopier, Christiane  Nicolas, Anne Roy, Eliane Trocolo, Isabelle Van de Walle.

Crédits photographiques : Jean Astier, Franck Gérard, Ophélie Gautier, Marie Hangoët, Rozenn Jaffredo, Agnès Joyeux, Claude Layec, Christelle Maltaverne, Anne Roy.


  titre de l'article niveau de classe thème techniques utilisées artiste
Une exposition et un chantier
élémentaire :
CP-CE1
Les productions des élèves font le lien entre l'exposition et le chantier dans l'école.   Denis Monfleur
Au musée
maternelle : PS Découvrir des œuvres au musée puis préparer une exposition pour les parents.    
Une pratique, un outil : La résonance, une association d'images et ses variantes.

maternelle, élémentaire
et adultes

Une pratique qui construit une véritable "culture de classe".

   
Sur les traces de Vivant Denon élémentaire :
CE2
Comment rendre vivante l'approche d'un personnage historique ?   Fanny Maugey
Révolution du regard élémentaire :
cycle 3
Deux classes expérimentent la pratique photographe et le montage d'une exposition.   Franck Gérard
 

Las Meninas y el menino

 maternelle :
TPS-PS

Un enfant de 56 mois (4 ans et 8 mois) revient deux jours d'affilée à la même technique pour réaliser six œuvres.

   


  

 

Une exposition et un chantier

 

 Une exposition et un chantier, suite et fin.

 
En classe

A la suite de ces deux visites, je propose aux élèves trois types de productions plastiques.  

• Réalisation de montages photos

Il s’agit d’un travail collectif sur le Tableau Blanc Interactif avec les photos du chantier de l’école et celles des petites sculptures de Denis Monfleur.
Les élèves manipulent les images à l’aide du logiciel installé : ils détourent les photos des sculptures, copient, collent et modifient l’image en jouant sur les variations d’échelle et la transparence.
Ils font des essais et le plus souvent, pour faire leur choix d’images, construisent ou se racontent une histoire.

 
Les personnes portent des blocs très lourds
pour les empiler.

xxxxx

 
La planche orange de la sculpture c'est la même que les planches
à côté de l'échelle et l'échelle du chantier,
elle est orange comme la planche de la sculpture.


• Construction, installation et prise de photos

 

Au fil des semaines, les élèves collectent des objets orange ou gris : matériel scolaire de la classe, objets trouvés chez soi.

Par groupes ou individuellement, ils réalisent des constructions ou des assemblages avec ces objets.

 

Lors d’une deuxième visite sur le chantier, ils y placent leurs assemblages qu’ils photographient :

le chantier et son univers de travail deviennent terrain de jeu.

 


• Après l’approche sensible de l’œuvre des Pleurants de Dijon


Nous regardons une reproduction de cette œuvre et je leur précise qu'elle est visible au musée des Beaux-aArts de Dijon, capitale de notre région.
Certains élèves évoquent des personnages qui semblent prier, d'autres qui ressemblent aux statues qu'ils ont déjà vues dans les églises... et de fil en aiguille, un élève explique que Les Pleurants lui font penser à certaines fèves.


Comme c'est bientôt le moment de la galette des rois, nous avons l'idée d'utiliser et de transformer les fèves. Un appel aux familles est lancé pour en collecter
.

Pour faire un clin d’œil à Denis Monfleur, les élèves décident de peindre les fèves en monochrome orange et passent une couche de vernis.

 

 

Ils font des socles en béton cellulaire pour les poser. Ils cherchent et expérimentent des outils pour réussir à graver dans le béton cellulaire.
Chaque élève installe ensuite une ou deux fèves sur un socle gravé, comme ils l’ont vu sur une sculpture de Denis Monfleur.

Le chantier de la cantine de l’école a nourri le regard des élèves sur l’exposition de Denis Monfleur.

 

En écho 

début de l'article NE237 chantier fèves02

 

 

Une exposition et un chantier

 


Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237- Publication : avril 2018

Classe de CP-CE1, École Saint-Firmin (Saone et Loire) - Enseignante : Christelle Maltaverne

 

 

Une exposition et un chantier

 


En amont

Je découvre l’exposition de Denis Monfleur à l’ARC Scène Nationale du Creusot lors d’une animation pédagogique en arts visuels à laquelle je participe pour préparer ma visite avec les élèves de CP-CE1. J’en retiens les éléments suivants :
• le choix de la couleur orange par l’artiste est un clin d’œil à l’orange du chantier ;
• les petites sculptures font penser à un chantier où chacun s’affaire à sa tâche ;
• la présence de gravures sur le socle d’une sculpture ;
• la référence aux Pleurants du tombeau des Ducs de Bourgogne.

Au même moment, un chantier est en cours dans l’école : la construction d’une extension et d’un nouveau bâtiment de restauration scolaire. Le parallèle entre le chantier de l’école et l’exposition de Denis Monfleur me semble évident.
J’organise la visite du chantier de l’école avec la classe. Les élèves prennent des photos, rencontrent quelques rares ouvriers.

À l'ARC

Lors de la visite de l’exposition avec les élèves, je mets en œuvre les activités proposées par la conseillère pédagogique notamment la consigne : "associe la reproduction d’une œuvre d’art à une sculpture de l’exposition et justifie".

Ces reproductions sont des cartes postales que j'achète lors de mes visites de musée en veillant à couvrir différents aspects de l’art : peinture, sculpture, photographie, installations, art abstrait, figuration, etc. J’en choisis une au hasard pour chaque enfant qui cherche alors parmi les sculptures celle qui entre en résonance.


Sur l'œuvre, il y a des hommes qui frottent et
la sculpture de Monfleur, elle a la même position.


La sculpture, c'est comme si elle n'avait pas
de jambes alors c'est comme un poisson. En plus,
les traits entre les doigts de la sculpture, ça fait
comme les zigzags et les petits traits de l'image.


C'est comme sur l'image, il y a des personnes qui portent
quelque chose de long, une barre ou une poutre.

 

 

En écho 

page suivante

 

 

Au musée

 


Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237- Publication : avril 2018

Classe de TPS/PS, Ecole maternelle Jacques Prévert, Rennes - Enseignante : Marie Hangouët

 

 

Au musée

Pour notre visite du Musée des Beaux-Arts de Rennes, la classe est divisée en deux groupes.

- L'un, encadré par les parents - quatre enfants par adulte -, a pour consigne de retrouver les tableaux photographiés sur des cartes.

- L’autre moitié de la classe découvre le tableau La chasse au Tigre de Pierre-Paul Rubens. J'ai choisi cette œuvre en raison de son très grand format (256 x 324 cm) et de son potentiel à susciter l'expression chez des enfants de petite section.

Ils observent, décrivent les personnages, les actions, les couleurs, expriment leurs impressions :

“les messieurs sont méchants”;
“les tigres me font peur”;
“la maman tigre a mangé son bébé” (ils ne comprennent pas qu’elle le porte dans sa gueule)
;
“Le lion est méchant parce qu’il croque le monsieur” (ils ont du mal à comprendre que c’est l’homme qui tient la gueule du lion ouverte).

"Le bébé dort sur les genoux de la dame. Il ne pleure pas, il est bien tranquille."


“Le monsieur est fâché parce que le lion veut le manger."
 

“Le cheval n’est pas content, il est debout” ;

 “Il y a du sang, c’est le tigre (léopard), il est mort ou peut-être qu’il dort.”


Pour les aider à distinguer les animaux de la toile, je leur présente des peluches correspondantes.

Je leur donne des détails sous forme de cartes photos à retrouver dans le tableau : armes, gueule ouverte du lion, bébé tigre dans la gueule de sa mère. Ils les indiquent en pointant du doigt.  Mon but est de les aider à comprendre le sujet du tableau.

J’invite ensuite les enfants à bien regarder le tableau et à essayer de le dessiner. Quelques mots sont alors notés en dictée à l’adulte sur chaque dessin.

 

Cette visite se situe quinze jours avant la fin de l’école, à la veille de la semaine où les parents viennent voir les travaux de l’année. Je propose aux enfants de "faire des tableaux" pour transformer la classe en musée et inviter les parents à venir le visiter à la sortie de la classe. Nous leur préparons des invitations écrites en dictée collective.



Vu le temps qui nous est imparti,
je propose deux ateliers de courte durée sur quatre jours :
peinture et collage.

 

En écho

page suivante

 

 

Au musée

 

 

 Au musée, suite et fin

La petite fille joue avec son chien. Elle lui caresse la tête.
d'après La princesse Napoléone de Bertolini

 

Peinture

Choisir la reproduction d'un tableau du Musée, bien la regarder et réaliser une peinture en donnant pour consigne : “ Tu choisis un tableau que tu as bien aimé. Tu le regardes bien et après [à l'intérieur du cadre préalablement photocopié sur du papier canson de format A3] tu fais une peinture que tu me raconteras.”

 

C'est des têtes de bonshommes avec des poissons. J'aime bien parce que je trouve ça beau.
d'après Les petits pois sont verts... les petits poissons rouges de Yves Laloy


Il y a deux papas sur les bateaux. Ils rentrent à la maison.
Ils n'ont pas de voiture. Ils n'ont que des bateaux.

d'après Périssoires de Gustave Caillebotte

 

Mon objectif est qu'ils la retranscrivent à leur manière en reprenant un ou plusieurs éléments qui les ont touchés au cours de cette visite.

 

La dame va faire un bisou au bébé. C'est sa maman.
d'après La mère et l'enfant de Georges de la Tour

   

                                                              La mer bouge vite et elle est belle          C'est la mer ! Toutes les couleurs !

d'après Mer bleue de Georges Lacombe


Collage  

Réaliser un collage libre avec différents matériaux à disposition sur une feuille A3 encadrée d'un carton et s'ils le désirent y intégrer dessin, encres et/ou peinture puis me dicter ensuite l’histoire de leur tableau.

 

 

 

 

 

Puis nous invitons les parents à découvrir notre musée.

Mon objectif était de faire découvrir le Musée des Beaux Arts à des enfants de TPS-PS de ZEP et de les sensibiliser à la notion de “tableau”.

Initiés à la lecture de tableau, ceux-ci découvrent qu’il peut parfois raconter une histoire, nous faire ressentir des émotions. Ce projet trop tardif dans l’année ne me permet pas de me rendre compte de l'impact que cette visite a eu ou aurait pu ou non avoir sur les productions plastiques suivantes.

Cependant, pour tous les enfants, j'observe des liens entre les peintures réalisées et les œuvres d’origine. Le tableau La Chasse au Tigre a vraiment interpelé les enfants qui ont énormément rejoué la scène en classe avec les différents personnages et qui ont majoritairement choisi ce thème pour leur peinture.

 

En écho

début de l'article NE237_musée_1473

 

 

Une pratique, un outil - La résonance, une association d'images et ses variantes

Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237 - Publication : avril 2018

 

 

La résonance,

une association d’images et ses variantes

Variante 1
Nous avons déjà évoqué plusieurs fois cette pratique, que nous appelons « résonance », qui consiste à associer une création plastique avec une reproduction d’oeuvre d’un artiste reconnu. Plusieurs variantes sont possibles.
Dans Créations N° 105 Nicole Bizieau a montré comment « concilier l'expression de l'enfant, le tâtonnement expérimental et l'entrée dans la culture dès la section des petits. » (photo de gauche)
Plus tard dans Créations N° 214, Christiane Nicolas invite les enfants à exploiter les effets du hasard, à en verbaliser les effets, enfin à les associer à une reproduction d’une œuvre d’artiste. (photo de droite)

 

    

 

Variante 2
Lors d’un stage de formation organisé par des groupes départementaux franciliens, Agnès Joyeux a souhaité modifier le protocole.  Un groupe de stagiaires avait choisi de vivre une démarche d’expression en arts visuels. Ateliers, échanges de pratiques, tâtonnements, présentations au groupe avaient permis à chacun-e de cheminer dans sa propre voie et de créer diverses productions plastiques. Cette fois, il a été demandé aux adultes d’associer leur création avec la photo d’une production d’enfant !

  

    

 

Variante 3
On peut aussi associer deux productions d’enfants. C’est ce que propose Anne Roy dans « Approche sensible de l’image » de la revue Créations 234. Elle leur demande aussi de justifier leur choix.
 

Chaque élève a choisi une petite reproduction

à associer avec la grande. 

Les enfants ont argumenté et écrit les raisons de leur choix.

 

C’est bien dans la justification de l’appariement que ce situe l’intérêt de ces pratiques qui sont une invitation à parler couleurs, composition, lignes, médiums, techniques, figuration, abstraction, etc.

Le faire à partir de créations d’enfants plutôt qu’en observant des reproductions d’art valorise ces enfants, ancre les apprentissages dans un terreau affectif fort et construit une véritable « culture de classe ».


Une pratique, un outil 

 En écho 

 

 

Sur les traces de Vivant Denon

 


Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237- Publication : avril 2018

Classe de CE2, École Bourgogne Pierre Vaux, Chalon sur Saône (Saône et Loire) - Enseignante : Christelle Bretin. Intervenantes : Fiona Vianello, médiatrice culturelle au musée Denon et Fanny Maugey, plasticienne.

 


 Sur les traces de Vivant Denon


Comment rendre vivante l'approche d'un personnage historique pour des élèves de CE2 ? Comment rendre son œuvre accessible à des enfants qui fréquentent peu les lieux de culture ? Ce sont les deux questions qui sous-tendent notre projet. Les élèves de CE2 doivent appréhender l'Histoire, un temps très long qu'ils ont du mal à concevoir. Les personnages historiques, très éloignés d'eux dans le temps, restent inaccessibles.

En partant « sur les pas de Denon », nous souhaitons faire vivre aux élèves différents aspects de la vie de Dominique Vivant Denon : le voyage, la collection, le dessin de paysages et de portraits, la gravure. Nous nous intéressons en particulier à la gravure : quel est son intérêt ? Un dessin ne suffit-il pas à montrer ce qu'on voit ?
La visite du musée avec Fiona Vianello, médiatrice culturelle, permet d'approcher le personnage de Denon et d’appréhender ses multiples facettes : graveur, dessinateur, voyageur, écrivain, diffuseur de savoirs. Les élèves comprennent l'intérêt de la gravure pour les contemporains de Denon : reproduire la même image plusieurs fois à une époque où la photographie, les photocopies et tous les procédés de reproduction actuels n'existaient pas.

 

Découverte architecturale des quartiers autour de l'école et du musée.

Lors de ces explorations, carnet de croquis en main à la manière de Denon, chaque élève relève des détails d'architecture (portes, fenêtres, ferronneries, pont, obélisque, sphinx, bâtiments), de végétation (arbres, fleurs, plantes) pour se constituer un répertoire graphique à utiliser lors des séances avec l'artiste Fanny Maugey.

Les élèves se rendent deux fois au musée pour participer aux ateliers de gravure menés par l’artiste Fanny Maugey. Pour effectuer le trajet de l’école au musée, ils se repèrent grâce à des photographies d’éléments du parcours qui leur permettent de s’orienter.

 

Le travail avec l'artiste Fanny Maugey

Dessiner

Dans le but d'explorer la multiplication de l'image, à la manière de Denon, Fanny Maugey  familiarise les élèves à différentes techniques : gravure, gaufrage, monotype... sur différents supports. Avant de se lancer dans la gravure, les élèves expérimentent le dessin avec des outils qu’ils ne connaissent pas :

 

la plume et le calame.

 

 Chacun choisit ce qu’il a envie de dessiner :

un élément du trajet végétal

 

 

        un élément graphique relevé dans
   
l’espace public, le musée 

               

Pour les élèves de CE2, savoir dessiner c’est reproduire le réel le plus fidèlement possible. Pour les aider à surmonter l’obstacle de « je ne sais pas dessiner », l’artiste leur propose de dessiner les yeux fermés, « avec la main qui n’écrit pas », sans lever la main de la feuille. Le résultat sera forcément éloigné du réel.

 

 En écho 

page suivante

 

 

Sur les traces de Vivant Denon - p2

 

 

Sur les traces de Vivant Denon, suite

              

  Reproduire
 

Les élèves sont répartis en trois groupes pour expérimenter trois techniques de reproduction :
la gravure sur polystyrène extrudé, le monotype et la linogravure.

 
Monotype

Encrer la plaque puis dessiner en enlevant l’encre avec un coton tige.
Poser
une feuille de calque sur la plaque et lisser avec le plat de la main.
Retirer
délicatement la feuille et laisser sécher.

 


Linogravure


Réaliser un dessin préparatoire

Creuser avec une gouge

Etaler l’encre sur la plaque


Encrer la plaque de lino
xxxx

Placer délicatement le papier
sur la plaque encrée

Poser sans bouger sur la presse
xxxx


Fanny manipule la presse

La magie opère

Une plaque et son tirage

Les élèves réalisent également des gaufrages

    

 En écho 

page suivante

 

 

Sur les traces de Vivant Denon - p3

 

 

Sur les traces de Vivant Denon, fin

 

Gravure sur polystyrène extrudé

Après avoir reproduit son dessin,


Graver sa plaque avec un crayon de papier


Encrer


Lisser

 
La matrice et le tirage



Assembler pour faire un livre


Chaque élève réunit toutes ses productions dans un livre qu’il coud à la machine.


Plier ses feuilles

 
Assembler les feuilles pliées

 
Coudre au milieu à la machine

   

Les livres sont exposés dans le musée lors de la nuit des musées au mois de mai.


Notre constat : les élèves ont acquis un vocabulaire riche lié aux différentes techniques expérimentées. Le Musée est devenu un lieu familier, vivant. Les élèves, dont le quotidien est très éloigné de la culture, se sont passionnés pour ce projet. Ils en parlent avec fierté, seront heureux de transmettre les connaissances acquises et d'exposer le fruit de leur travail : un magnifique livre-objet, carnet de leur voyage sur les pas de Denon.

 En écho 

début de l'article 

 

 

Révolution du regard

 

 

Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237- Publication : avril 2018

Classes de cycle 3, Ecole Joliot-Curie, Lanester (Morbihan) – Enseignantes : Rozenn Jaffredo, Claude Layec. - Intervenants : Franck Gérard, photographe, Sophie Lecomte et Virginie Glory,  médiatrices du Centre d'art de Kerguehennec.

 


Révolution du regard

Dans cette école située en quartier prioritaire, nous faisons le choix de répartir les enfants en trois classes parallèles de cycle 3 et souhaitons les engager dans un projet dynamisant. Consultée, la conseillère pédagogique nous suggère un projet autour des arts, nous prenons alors contact avec le service médiation du domaine de Kerguehennec.

Le projet initial est d’associer les élèves et un artiste autour de la pratique photographique. Un partenariat est noué avec Franck Gérard, photographe qui a réalisé une série de photos dans le parc.  Si au départ, l'une des classes devait se consacrer à  « Monter une exposition » et  l'autre à la « Pratique photographique » (la troisième a fait un autre choix), les deux classes expérimentent les deux aspects.

 

Portraits rêvés de Kerguehennec

Dans un premier temps, les élèves découvrent le domaine de Kerguéhennec.

Chaque enfant dessine deux éléments du domaine importants pour lui.
Puis chacun choisit un de ses deux dessins qui est alors associé de façon aléatoire à un autre dessin. 

Les binômes ainsi formés réalisent des portraits « visuels » du domaine en composant une œuvre commune à l’aquarelle ou au pastel.  Les enfants investissent totalement cette proposition des médiatrices artistiques.  Les productions sont variées et tout à fait pertinentes.

 

 

De retour en classe, nous procédons à une nouvelle association aléatoire de ces compositions sur une feuille de format raisin. Ces « nouveaux paysages » sont complétés en reprenant le médium déjà utilisé.

 

 

 

En écho   page suivante

 

 

Las meninas y el menino

 


Revue CréAtions en ligne n° 237 "En écho"
annoncée dans le Nouvel Éducateur n°237- Publication : avril 2018

Classe de Petite et Moyenne section, École des Moulins, Marseille (Bouches du Rhône) - Enseignant : Jean Astier.

 

Las Meninas y el menino

 

C'est en peignant qu'on devient peigneron...

« J'essaie toujours de faire ce que je ne sais pas faire, c'est ainsi que j'espère apprendre à le faire. » Picasso

 

Picasso me charme depuis l'adolescence. Exécrant l'idée d'appartenir à une élite, à la caste des artistes touchés par la grâce divine, Picasso, matérialiste aux larges mains, incarne le travailleur de l'Art. Son génie, c'est l'ouvrage, la recherche, le tâtonnement, le plaisir de l'acharnement porté par le désir. Il est un maître en humanité, un modèle d'inspiration pour transmettre à nos enfants ce goût pour l'investigation qu'il s'est toujours appliqué à vivre dans son métier.

Lorsque j'ai l'arrogance de croire être parvenu à communiquer cette inclination à certains de mes élèves, même partiellement, même pour quelques instants éphémères, j'en tire ma plus intense jubilation professionnelle.
Qu'espérer de meilleur pour la vie humaine que cet immense luxe de pouvoir se réaliser par le travail ?

Au printemps, j'ai eu le privilège de visiter le musée Picasso de Barcelone. Quelle n'a pas été mon extase en découvrant la salle des Meninas.

J'étais subjugué par la juxtaposition et la conjugaison des quarante quatre versions de l'artisan à l'œuvre et davantage encore par le sentiment d'y reconnaître mes petits écoliers tirant la langue, et ce n'est pas seulement une image, pour tenter de concrétiser un projet, de se réaliser en sortant victorieux d'une partie de bras de fer avec la matière résistante.


Comme par exemple, le petit Ilian venu librement deux jours consécutifs à l'atelier marqueur indélébile et encre. Ses œuvres, reproduites ici, témoignent de son désir de parvenir à représenter son « bonhomme-papillon ».

Mon propos n'est pas de niveler la grandeur de Picasso, mais plutôt de soupçonner en chaque humain des potentialités susceptibles de le porter aux sommets des Arts. Il s'agit de montrer les similitudes de nature de la force et de la forme du travail communes à l'humanité entière.

D'Ilian à Picasso, l'échelle est incommensurable.

D'un côté, un artiste de 76 ans, mondialement reconnu, s'enfermant une centaine de jours au second étage de sa villa cannoise pour réaliser 58 chefs d’œuvres dont les 44 Meninas.(1)

De l'autre, un enfant de 56 mois (4 ans et 8 mois) revenant deux jours d'affilée à la même technique pour réaliser six œuvres.

Indéniablement, les deux artistes sont portés par un processus créatif analogue.

 

Comme Picasso, Ilian, en faisant siennes des contraintes matérielles choisies, les transmute en instruments d'émancipation.
Il se fixe ou plutôt accepte le « cadre/canal d'expression » proposé dans la classe de tracer au marqueur à pointe ogive et de couvrir à l'encre.


Il concentre sa recherche sur l'expression de la forme du « bonhomme-papillon », à travers son corps, sa tête et ses ailles. Se limitant aux couleurs bleue et verte, il renonce momentanément à diversifier sa palette pour mieux s'entraîner à la maîtrise du feutre et du trait,
perfectionner une technique d'expression, en acquérir la grammaire et le lexique, pour enfin, en sortir vainqueur et transformé.

 

 

(1) - Du 17 août au 30 décembre 1957, enfermé dans les pièces vides du second étage de La Californie, Picasso exécute 58 tableaux dont 44 Ménines, 9 pigeons, Le Piano, trois paysages et un portrait de Jacqueline.

Source : http://regardezvousallezvoir.blogspot.fr/2011/01/variations-dapres-les-menines-picasso.html

En écho