le texte libre

Janvier 1983

L'expression libre

 
Nous commençons ici la publication d'un dossier sur l'expression libre, résultat des travaux faits sur ce thème au stage de Dijon, les 7, 8 et 8 juin 1983.
Voir aussi les n° 94 (LA CORRESPONDANCE - DECLIC ET MOTEUR POSSIBLE DE L'EXPRESSION LIBRE) et 95 (LE CORPS, LA VOIX, L'OBJET DANS L'EXPRESSION LIBRE).
 
le texte libre
Réflexions de la classe de 6e B.
 
Un texte de Delphine sur le texte libre a donné l'idée à Sylvie T. d'expliquer aux auteurs de “ Joie de Vivre ” ce qu'est un texte libre. Sylvie H. a alors suggéré que chacun de nous exprime sa manière de chercher ses idées, puis de les écrire.
 
David D. : Quand je parle de choses ou autres à ma mère ou à mes frères, des réflexions me donnent le sujet d'un texte libre.
Florence: Il m'arrive de bondir hors de mon lit pour saisir mon idée. J'ai aussi un cahier confident dans lequel j'écris tout ce que je pense ou j'éprouve et j'y puise mes idées.
Nicolas: J'ai toujours secrètement dans mes poches un bout de papier où je note n'importe où et n'importe quand l'idée qui me vient, qui surgit.
Stève : Je vais vers mon chien et je le questionne. J'imagine qu'il me souffle une idée et je la développe.
Karine : Je peux passer des heures pour faire un texte ou alors trouver tout de suite.
Stéphane : Je vais sur mon balcon et du troisième étage, je regarde le paysage.
Béatrice : Quand j' ai un titre, les pensées me viennent au fur et à mesure que j'écris.
Marie-Claire, Éric, Nicolas, Rodolphe : C'est en jouant seuls ou avec des copains que nous trouvons nos sujets de textes.
Murielle : Si rien ne vient en moi, j'essaye de faire parler un objet. S'il ne veut pas, ma feuille reste blanche.
Raphaël: Les promenades à la campagne sont mes sources d'inspiration.
Isabelle: Il faut que les idées sonnent bien à mon oreille: c'est pourquoi je lis tout fort.
Sébastien : Il m'arrive de faire le mort à côté de mon chien: alors ma tête se vide puis je me réveille et de tous côtés jaillissent des lignes et des titres.
Sylvie: Quand je n'ai pas d'idée, je dors un peu et après je trouve.
Sébastien: J'ai souvent beaucoup d'idées ; alors je les explore les unes après les autres et j'écris longuement.
Annette: J'aime avant tout les sujets simples.
Sabrina : J'enregistre toutes mes pensées spontanées.
Sylvie : Sans y réfléchir vraiment, en voiture ou sur le chemin de l'école, je grave dans ma tête les idées qui viennent et se développent.
David: Les idées me viennent toujours le soir quand je suis couché.
(Extraits de Joie de Vivre journal scolaire 63400 Chamalières).
 
LECTURE DE TEXTE LIBRE
Objectifs :
1. Donner la parole à l'enfant, et les moyens d'exercer cette parole et d'affirmer son identité.
2. Passer de l'expression d'un vécu individuel à une phase de socialisation, de communication.
3. Enrichir le groupe par la diversité des genres présentés: narration, description, compte rendu objectif, poésie, imaginaire. . . et provoquer des incitations, des résonances, des envies d'écriture, de réactions circonstanciées...
4. Habituer l'enfant à lire, parler pour être entendu, reconnu par un groupe accueillant certes mais critique.
 
Méthodologie :
1. Groupes variables selon les moments de l'année, l'ambiance de classe, la capacité d'écoute.
2. Structuration spatiale de la classe en fonction du choix précédent. Lecteur assis dans le groupe ou debout face à l' auditoire.
3. Le professeur est toujours dans le groupe de lecture (aide du regard - garant de l'écoute).
4. Après lecture, choix démocratique d'un ou deux textes qui intéressent le plus le groupe.
5. Définition des chantiers qu'ils peuvent faire naître : mise au point ou point de départ de débat, de création collective, ou d'enquête... etc.
6. Si un texte ou une idée jugés importants pour la classe paraissent évidents au professeur, sans être retenus par les enfants, son rôle est de les faire émerger et de les intégrer à un projet passionnant.
Janou LEMERY Clermont-Ferrand
DES DÉCLICS AUX CLAQUES
Suite à une mise en condition du maître, arrive sur mon bureau médusé, un texte mal fichu mais libre (vocabulaire minimum garanti, syntaxe bancale...) ou plutôt, libre mais mal fichu. Je ne vais tout de même pas l' oublier négligemment sur la table à la fin du cours... Vingt-quatre témoins vigilants et coopératifs              qui d'emblée, avant même sa lecture          publique l' ont choisi pour le journal (difficile à faire vivre dans les structures traditionnelles) , s'empresseront de me rappeler le contrat que j' ai eu l' audace de fixer avec eux au début de l'année. Que faire pour défendre l'indéfendable ? Se rappeler les grands principes du maître :
1. Accepter dans un premier temps le tâtonnement et les maladresses écrites, reflets d'une carence socio-culturelle, ne veut pas dire qu'il faille laisser le malheureux indéfiniment démuni et, par là-même, de plus en plus marginalisé.
2. Un texte libre peut en cacher un autre, toujours aussi mal fichu, s'il reste privé de tout apport.
 
Vous me suivez ? Bon, alors, amis Freinet, qu'allons-nous faire de ce papier libre ?
Marie-Chrlstine PEUREUX - 89560, Jackie CHALLA,  64130; Michel BINETRUY,89250.
LA MISE AU POINT DU TEXTE LIBRE
 
1. Objectifs
1. Prise en compte de l'expression libre comme un fait de culture vivante.
2. Socialisation de l'expression individuelle par le groupe.
3. Situation pour un enfant, un adolescent, au travers de son expression, d'affirmer son identité, dans le groupe, de construire sa personnalité.
4. Situation féconde pour l' apprentissage par tâtonnement expérimental de la langue puisque l'enfant ou l'adolescent passe de son vécu à l'expression de ce vécu, avec: l'aide d'un groupe coopératif, qui le soutient, l'enrichit afin que sa production devienne le plus clair possible à autrui et la plus significative pour lui.
5. En abordant différents textes d'élèves de personnalités variées, on explore le champ de l'écriture par des essais, des recherches de genres différents : narration, description, compte rendu objectif, nouvelle, roman, imaginaire, poésie... à travers lesquels chaque élève pourra trouver sa brèche ou dépasser sa forme habituelle d'expression, par incitation provocatrice.
6. Pour une communication élargie, le texte pourra être illustré, imprimé pour le journal scolaire, enregistré pour les correspondants... exposé dans un lieu de rencontres culturel (par exemple C.D.I.) pour être lu, critiqué par d'autres, ce qui amènera des prolongements.
7. Ce pouvoir conféré à l'enfant ou à l'adolescent qui a eu l'habitude d'exprimer, de défendre, d'affiner sa parole devant un groupe, qui a pu démystifier le texte imprimé, par l'imprimerie, la publication, sera une force pour lui dans la vie sociale et politique.
 
2. Une méthodologie possible et vécue
I. Organisation matérielle et spatiale permettant la .communication, par exemple: quatre ou cInq tables joIntes avec le groupe autour ne nécessItant pas une parole forte pour être entendu.
2. Les partIcIpants à la mise au point du texte sont ceux qui l'ont choisi, alors que le reste au groupe travaille à une activité silencieuse dans l' autre moitié de la classe, travail autocorrectif, lecture avec fiche-guide, écriture libre...
3. Texte polycopié avec un intervalle bIanc après chaque ligne. Utiliser une couleur différente pour les corrections.
4. Possibilités d'utiliser le dictionnaire, le dictionnaire des synonymes en permanence sur les tables.
5. Travail global du fond, de la forme respectant la pensée de l'auteur, membre attentif du groupe.
6. Parole distribuée selon le moment de l'année et l'expérience du groupe, soit par le professeur, soit par un élève.
7. Rôle important de “ l'oreille ” dans la correction par des reprises successives de lecture du passage mis au point.
8. Maintenance d'un rythme allègre dans la mise au point grâce à une part du maître variable en qualité et en quantité, veillant à la distribution spatiale de la pa­role.
9. Eviter d'exploiter le texte à des prétextes didactiques étrangers au besoin d'expression de l'auteur.
 
Tous les textes qui n'ont pas été choisis sont “ corrigés ” par le professeur afin que chaque production permette de faire avancer l' expérience tâtonnée.
Ceux-ci peuvent alors être expédiés aussi aux correspondants, servir de point de départ à une création collective, à un débat, trouvant aussi une valorisation.
Janou LEMERY Clermont-Ferrand
 
TEXTE LIBRE, MISE AU POINT. UNE FAÇON DE FAIRE PARMI D' AUTRES
Les textes devant paraître dans le journal de la classe sont soumis à une mise au point, pour deux raisons: d'abord ils engagent la responsabilité du gérant, moi-même, ainsi que celle de l'I.C.E.M. (la mention I.C.E.M. Pédagogie Freinet figure sur la couverture) ensuite ils font ainsi de l'expression libre un lieu d'apprentissage de la langue et permettent de mieux se l' approprier .
 
La méthodologie :
Un groupe d'élèves qui peut s'étendre au groupe-classe tout entier et où figure obligatoirement l'auteur du texte, se réunit.
Le texte à mettre au point figure sur une feuille polycopiée, présenté de manière suffisamment espacé pour permettre des ajouts. Il est lu en entier afin d'en modifier éventuellement le plan, puis il est repris phrase par phrase et nous en améliorons le style. La consigne de départ est de rendre plus efficace l' expression mais non de modifier le contenu. Les erreurs d'orthographe et de grammaire sont éliminées au départ. Le texte est relu après chaque mise au point, pour évaluer l' amélioration à l' oreille. Lorsque nous n' avons pas le temps de tirer le texte à la machine à alcool, les élèves écrivent le texte sous la dictée de son auteur après la première lecture globale.
Selon le texte, les mises au point sont très rapides et minimes, et vont parfois jusqu'à la restructuration ou l'amplification de certains passages.
André SPRAUEL Strasbourg
 
Les prolongements du texte libre
Il peut devenir le point de départ de nombreux travaux, et parfois être le centre :
- Des activités de communication: journal et correspondance scolaires.
- Des activités de création: poésie, théâtre, mime, expression corporelle, expression graphique et plastique.
- Des activités de recherches et de formation : enquête, exposé, débat, confrontation avec des textes d'auteur.