Une pratique un outil: le carnet de bord - boîtes à sourires, boîtes à soupir

 

Théâtre expérimental


Comment décrire par des mots cette séance si pleine, si étrange, si troublante ? Au programme : théâtre expérimental. A deux, un exercice simple, mais pourtant complexe : « action-réaction ». D. se lève, et d’un regard impératif me choisit. Lent moment de concentration, moment le plus dur pour moi, en théâtre, mais incontournable : tenir dans le regard de l’autre, sans vaciller. Puis une approche vers l’autre, assez, juste assez près pour sentir sa chaleur et petit à petit, s’en imprégner, et l’apprivoiser. Tout d’abord, qualifier la force du regard de D. : troublante, troublée, mystérieuse. Le laisser approcher, sentir son souffle tiède, et faire le premier mouvement, peut-être un peu rapide… Il pose sa main sur ma tête, comme pour vouloir me contrôler, prendre possession de mon corps, d’un geste. Réplique douce de ma part, je ne me rétracte pas à sa voix, je lui réponds calmement d’une main sur sa joue. L’un après l’autre, nous revenons à notre point de départ. Puis, fatiguée par une concentration forte, je m’abandonne presque contre son torse, lui s’appuyant également contre moi. Guy coupe la lumière, et nous restons quelques minutes ainsi dans le noir, pour retrouver notre énergie, pour la renouveler. Première fois que tous deux, nous avons totalement oublié le reste du groupe.

 

 

Longtemps cette chaleur reste en nous, le trouble un peu aussi. L’exercice, comme à l’accoutumée, prend et donne beaucoup, rapproche, pendant un instant, deux êtres.
Hedda Gabler : impro. sur œuvre.
Scène à quatre…
Je fais Hedda, D. fait Brack, M. joue Théa, et C. joue Tessman. D. choisit la distribution.
Nous nous sommes attachés à une particularité des personnages : les tics langagiers. Brack répète inlassablement « hein ! », Théa « oh ! », Tessman «ah!» et Hedda « hum ! ». Nous les avons accentués, renouvelés, liés entre eux, mis tous d’affilée…
Brack est nerveux, un peu « braqué », séducteur, Hedda fatale, charmeuse, magnifiquement monstrueuse, Théa un peu pâlotte, lourde et sans grâce, Tessman ballot, sourd, et niais. Nous avons découvert Ibsen en nous réappropriant les rôles.

En vrac
Je cumule plusieurs séances en une : visionnage d’un théâtre filmé du « Canard Sauvage » d’Ibsen, pour s’imprégner de l’atmosphère de l’auteur. Théâtre tantôt symboliste, tantôt naturaliste, aux contours meurtriers, suicidaires.
On nous rend nos journaux de bord avec les quelques commentaires habituels, cependant nécessaires. On reçoit des dossiers explicatifs, argumentatifs, analytiques, d’Hedda Gabler. Ensuite, un rapide contrôle.


Rencontre avec Gislaine Drahy
Les comédiens de G. Drahy viennent nous rendre visite au lycée. Étonnement de ma part : ils sont décidément bien différents de leur rôle et de ce qui est donné sur scène. Pour être franche, je n’ai pas aimé la pièce, mais je me réjouis de leur venue. Ils ont et sont ce quelque chose d’extraordinaire, propre aux véritables artistes, cette flamme de passion dans le regard. Et qu’importe si la pièce n’est pas à la hauteur de leur originalité…

 

Spectacle par le Théâtre Narration de G. Drahy
Quelle ne fut pas ma surprise quand je découvris le spectacle de Gislaine : où est passée notre nouvelle metteur en scène, où est toute sa poésie, où est son rire ? Où est-elle ?
Je ne retrouve pas à travers ce décor compliqué, ce dialogue étrange et cette musique assourdissante tout ce qu’elle m’avait transmis, enseigné, confié durant l’instant d’une journée.
Au bout de trente minutes je m’enfuis, l’incompréhension devient la compagne de ma soirée. Dans un coin du théâtre, j’essaie de rassembler les moments du stage, si enrichissants, qui m’ont donné confiance dans mes capacités théâtrales : une des journées les plus fortes de cette année, à jamais gravée en moi. Cette soirée, je vais vite l’oublier n’ayant pas trouvé de réponse à mes questions. J’ai ressenti le besoin de m’enfuir, je n’arrivais plus à regarder la scène… Tout se bousculait dans ma tête…
Je ressors peinée.
Au revoir Gislaine.

Spectacle : le baladin du monde occidental
Compagnie des ombres et lumière

Un décor simple : un grand cercle de bois posé sur le sol. La scène se passe en Irlande : difficile d’imaginer la mer, le vent, les rochers et la pluie… Comment retrouver les Irlandais épris de poésie, de légendes, dans ces brutes déterminées et emplies de whisky ?
L’univers de Synge est censé être âpre, violent, triste et gai à la fois. Je le retrouve contraignant, fade et maussade, trop restrictif dans le jeu des acteurs. J’ai été déçue par cet échafaudage théâtral, complexe et intello…
Comment rendre la beauté du langage à travers cet amas précaire ? Je ne pourrais contredire le caractère humble de la scénographie. Je suppose que c’est mon imagination qui était sollicitée, mais encore une fois c’est un peu facile. Pourtant les spectateurs ont aimé, pourtant la critique a apprécié. Moi non…
Respect.
Je lirai donc Synge grâce à eux.
Quand la comédienne devient photographe.

 

 


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