Une pratique un outil: le carnet de bord - boîtes à sourires, boîtes à soupir

 

 Stage avec Gislaine Drahy

Le matin fut le temps de la discussion : ‘’débat de chaleur intime’’ très appréciée par tout notre groupe. Gislaine nous parle de sa compagnie et de sa vision du théâtre. Pour elle, l’art se différencie de la culture. N’importe qui peut y avoir accès, c’est pourquoi il s’emploie à toucher un public multiple. Petits, grands, intellectuels, incultes : Gislaine n’en a que faire, tout être humain a accès à l’art, sous n’importe quelle forme, en l’occurrence ici le théâtre. Tout son travail consiste à mettre en scène des textes (connus ou non peu importe, Gislaine fonctionne à l’émotion) et dans certains cas, à faire participer le public. Elle aime travailler avec des apprentis comédiens, sans expérience ni talent reconnu. Pleine de joie et de sagesse, elle me fait comprendre à quel point le sentiment d’être sur le bon chemin est important.

 

 

 

Elle nous pose en retour une première question :
C’est quoi pour vous le théâtre ?
Pour moi le théâtre c’est la vie cachée derrière un masque, on la relate sans cesse en la maquillant d’imaginaire et de rêves. J’ai particulièrement aimé la réponse de D : « Pour moi c’est un confessionnal de vérité et de sincérité ; sans ça cela gâcherait tout. »
C’était vrai, paradoxalement.

Une deuxième question :
Qu’aimerait-on voir au théâtre ?
Je réfléchis longtemps et déclare que j’apprécierais particulièrement de voir la mort représentée, sans peine, comme une fin obligée et normale, rendre sa beauté à la tristesse et à la souffrance de ce moment…
E. nous fait franchement rire en répondant qu’elle aimerait tout y voir représenté.


Et encore une question :
Quelle pièce a-t-on appréciée ?

Pour ma part c’est ‘’Noces de sang’’ De Garcia Lorca montée par Omar Porral et sa compagnie du Teatro Malendro. C’est festif, explosif, énergique et remuant, tonitruant à l’extrême. Je sors de là époustouflée.
Gislaine nous laisse sur la scène certains textes travaillés, aimés, lus.

L’après-midi continue par un questionnement sur nos émotions individuelles. Elle nous demande s’il y a quelque chose dans notre ville qui nous a touché, ému.
Il y a une semaine, en me baladant dans la vielle ville, j’ai vu un sans logis fou. Il s’était créé un monde imaginaire autour de lui, s’inventant des rencontres, les laissant passer, leur cédant le passage, leur parlant. Une personne vraie passe, ils se bousculent fortement. J’en suis toute gaie voyant ce fou créé un monde de rêve sans s’accrocher, s’amarrer au réel, comme fuyant ce monde là qui ne voulait pas de lui.
« Et dans l’actualité du moment, il y a quelque chose qui vous touche ? »
Le soir précédent, au milieu d’un conflit planétaire, d’une chute économique et du discours d‘un quelconque politicien un sujet magnifique et redonnant confiance apparaît. C’est l’histoire d’une petite fille sourde-muette et dont le village a appris le langage des signes car comme le dit un garçon « On ne pouvait même pas lui dire bonjour. »
Une image d’espoir dans ce monde cruel.

 

Nous avons alors commencé la pratique. Elle nous donne à chacun un texte : Nous commençons d’abord par lire une phrase à tour de rôle, à la mémoriser, puis M. commence. Face à nous et tout en reculant, elle doit nous lire le texte. Plus elle s’éloigne et plus elle doit hausser la voix. Ce travail consiste à évaluer la distance à travers notre propre voix. Puis nous laissons de côté le texte pour mieux nous attacher au corps. Avec D. Je commence l’échauffement : il s’agit de réveiller notre corps en le massant de bas en haut. Face à face (de dix à quinze mettre de distance) nous marchons l’une vers l’autre. Arrivées à la même hauteur, sans prévenir, l’une d’entre nous s’effondre, l’autre l’accompagnant alors dans sa chute.
Gislaine trouve notre travail : « magnifique, empli d’une rare grâce », je m’en souviens bien ! Etonnées, nous recommençons à sa demande, même approbation.
Deux corps se rapprochent, attirés l’un vers l’autre dans un même désir. Soudain, c’est la chute, l’un d’eux ne veut plus vivre : amicalement l’autre l’aide à mourir à disparaître. C’est un passage chaleureux ; les corps se détendent, fondent ensemble, deviennent presque liquides. Instant émouvant...
Ensuite nous lisons « Le prologue ».
Chacun choisit un morceau qui lui plaît, qui lui convient, qui le touche, puis nous nous déplaçons dans l’espace, avec notre bout de phrase en tête. A un moment voulu, on le dit, on le déverse à l’autre. J’ai choisi la phrase : « Je sais cette histoire là par cœur.  Je la savais avant de te connaître », que je dis murmurée, susurrée, criée, hurlée, joyeuse, triste, amorphe, émue, déçue, rageuse… Puis, seule devant tout le monde, je devais la crier désespérée. Gislaine nous montre comment donner plus de force à notre volonté. Deux personnes me tirent vers le fond et moi, me débattant, je hurle ma phrase, passionnée : surprise générale, le ton était juste, vrai, sincère. Pour conclure cette brève journée, Gislaine nous interroge : ça va ou non ? Tout le monde répond affirmativement. Nous sommes enchantés. J’ai apprécié la relation de cet apprentissage entre le corps et l a voix, relation intense, crée aujourd’hui. Je me sentais bien, tellement moi-même. Gislaine était sincère et vraie.
Je reviendrai, juste pour terminer, sur la question posée au matin de ce stage.
Nous sommes toujours ensemble, mais pour combien de temps encore ?
( rouge dans le texte d’origine)
Question fondamentale ;

Tout simplement merci.


 
Travail personnel : reportage du festival d’Aurillac

On entend des bruits, « les Animanimalis » arrivent. D’étonnantes créatures colorées déploient leurs membres articulés au milieu et au dessus du public. Elles sont conduites par deux drôles de zigotos qui éparpillent confetti et bonnes humeur en interprétant avec truculence et facétie, chansons,histoires et sornettes sur les animaux.
C’est une tour de plan carré. Sur ses quatre cotés, elle se dévoile avec grande élégance et laisse apparaître ses habitants dans leur vie quotidienne et fantastique.

Combat « futuresque » où s’affrontent deux échassiers de lumière.

Zigomart fait des siennes. Il essaye de terroriser tout le monde, tel un diable capricieux. En réalité, il procure étonnement et joie.

 

Un ballon vogue d’une main à une épaule, une rose apparaît ; notre clown est triste, il a perdu le soleil. On comprendra vite que c’est la femme qu’il aime.

Les échappés des oubliettes ?
Une troupe réunissant cirque et percussions. Vêtus de hardes, la dent pourrie et l’œil coquin, ces gueux mal dégrossis évoluent dans un monde qui n’appartient qu’à eux, entre Moyen-âge et vingt et unième siècle.

Marie Savitri Go

 

  

début de l'article    

sommaire CréAtions n°111

suite de l'article

Théâtre
Ecriture
Gislaine Drahy