Du côté des adultes...

 

Ateliers d'écriture, jeunes adultes...

Nous avions commencé en janvier par une vraie rencontre avec feuilles et stylo. Puis, ne pouvant plus nous retrouver en vrai, j'ai lancé l'idée improbable d'une écriture à distance pour au moins une séance supplémentaire. A présent, nous nous retrouvons tous les 15 jours et plus personne ne veut arrêter.

Ce groupe de huit personnes est composé de quatre jeunes dits MNA-MIE, francophones et ayant fréquenté l'école dans leur pays d'origine jusqu'au niveau CE ou 6ème, et de quatre moins jeunes engagés dans la défense des droits des personnes migrantes. Tous les jeunes sont inscrits en Lycée.

Toutes les personnes sont d'accord pour que je transmette leurs écrits à d'autres du mouvement Freinet.

Ce travail à distance s'est effectué en conférence téléphonique via ovh, par framapad pour le recueil des écrits.
J'ai utilisé Open office Draw pour les mises en page.

Ce groupe est composé de jeunes MNA qui sont à présent scolarisés et qui ont bénéficié à leur arrivée il y a un an ou deux ans des Ateliers de français sur la CIMADE de Tarbes.
En tant que bénévole intervenante FLE, je les ai suivis dans leur apprentissage du français, et des maths également pour certains, tant qu'ils n'étaient pas scolarisés.

J'ai proposé cette année cet atelier d'écriture à l'ensemble des jeunes MNA, jeunes majeurs à présent pour certains, que nous accompagnons sur la vallée d'Azun depuis un an et demi.
C'est un accompagnement qui est né de plusieurs initiatives individuelles citoyennes : offrir à ces jeunes non pris en charge par l'ASE un cadre "éducatif" de nature familiale ou tout simplement humaine, de même qu'un accompagnement à la scolarité.
Nous sommes à présent constitué en commission autour d'une association.

Marguerite Gomez

 

Quelques remarques à la fin de la première séance :

- On peut plus s'exprimer à l'écrit qu'à l'oral.

- J'ai peur un peu, je sais pas comment écrire. J'ai les idées mais j'ai peur d'écrire des bêtises.

- Intéressant. On est comme des auteurs.

 

Atelier d'écriture, 1...

25 avril 2020

 

Atelier d'écriture, 2...

10 mai 2020

 

Une prise de position de l'ICEM pédagogie Freinet...

 L’heure n’est plus au bouclage des programmes
mais à l’humanisme pédagogique...

 

Quelques réflexions d'Eric Zeder, Vallauris, 06...

Ce soir j'ai mal à mon école.

Ce soir j’ai mal à mon école. Pour de vrai. J’ai un peu honte aussi. De notre grande « maison » comme disent les restaurateurs, et de son incapacité totale à gérer la crise sanitaire et sociale que nous vivons.

Je viens d’apprendre que la maire de notre ville n’ouvrira pas les écoles maternelles et primaires le 12 mai. Dans une bafouille toute sérieuse au DASEN elle l’informe de sa décision. Une décision que je peux comprendre. Les risques sont là, réels, même pas tapis dans l’ombre. La responsabilité est énorme. Pour elle, comme pour tous les élus décisionnaires. Pour un enjeu qui n’est même pas clairement défini. Économique, pédagogique, social... un peu tout à la fois sans doute. Les diverses annonces gouvernementales de ces derniers jours, les paroles présidentielles glanées ça et là dans la presse incitent à la prudence tant la cacophonie est grande. Entre cynisme et amateurisme, il est difficile de percevoir les lignes directrices de nos dirigeant.es. Il est parfois même difficile de savoir si eux et elles-mêmes les perçoivent.

Alors cette décision de ne pas ouvrir les écoles d’une ville, je la comprends. Mais elle me blesse car je sais pertinemment qu’elle laissera sur le carreau, oh pas beaucoup, mais quelques enfants et leurs familles, pour qui ce retour dans une école en pleine crise était une bouée de sauvetage. Un horizon loin d’être dégagé, mais un horizon tout de même pour celles et ceux qui sont asphyxié.es par ces semaines d’enfermement. Celles et ceux qui ne parlent à personne ou presque depuis bientôt 2 mois. Celles et ceux qui n’ont pas vu le ciel, ni senti l’air chaud et le vent sur leur visage, même la pluie tiens, je suis sûr qu’ils s’en prendraient une bonne douche. Celles et ceux qui n’entendent plus que les cris de papa et maman, les pleurs de leur petit frère. Celles et ceux qui n’ont pas ouvert un livre depuis 46 jours tout simplement parce qu’ils n’en ont pas un seul à la maison. Celles et ceux qui ont faim, qui ont peur, qui ont besoin des autres. Qui ont besoin de nous !

Oh nous ne leur aurions pas offert une école de rêve, car la classe à la sauce COVID tient plus de la caserne que de celle de Jules Ferry, de Marcel Pagnol ou de Célestin Freinet. Mais tout de même, nous leur aurions offert une ou deux journées de classe par semaine avec des sourires derrière les masques, des yeux qui brillent (pas forcément à cause de la fièvre), des encouragements et des checks du coude. Mais même cela nous ne le pourrons pas.

Quand je lis dans la lettre que la maire adresse au DASEN que les enseignant.es ont été consulté.es je ne peux qu’y relever un mensonge. Quand j’y lis que 74 % des familles ayant répondu au sondage de la mairie se sont prononcées défavorablement à un retour à l’école, je ne peux m’empêcher d’ajouter « pour leur enfant » ! Mais les autres ? Les 26 % restants, et toutes les familles n’ayant pas répondu ? Celles qui sont trop « éloignées du numérique » (expression à la mode pour dire « dans la galère »), n’ont pas compris l’enjeu du sondage, ne l’ont pas eu ou tout simplement attendaient de connaître les conditions d’une reprise pour se prononcer ? Que leur offre-t-on à ces familles ? RIEN ! Pire : nous n’aurons même pas essayé !

On se gargarisera sans doute du Service Public, des agents « au front », des morts évités par le confinement. On taira bien sûr les masques qui n’arrivent pas, les dates lancées en conférence de presse sans rien avoir prévu. On ne parlera pas des heures passées par les enseignant.es à concevoir, sur leur matériel personnel, des séquences pédagogiques réalisables à distance, par ordinateur, smartphone ou à l’oral (heureusement que « nous étions prêt.es »). On évitera certainement d’aborder le sujet du manque de place dans nos classes, de personnel RASED ou de médecins scolaire. On ne dira pas que, comme l’hôpital, nôtre école va mal, très mal. Qu’elle se casse la gueule et que ce n’est même pas en silence puisque nous avons fait assez de bruit ces derniers mois, ces dernières années pour alerter les « décideurs ».

Notre école n’a rien d’une « école de la confiance » puisqu’on n’y fait confiance ni aux enseignant.es, ni aux élèves ni aux parents. La chaîne hiérarchique fonctionne belle et bien dans le même sens que l’ascenseur social : de haut en bas, jamais dans l’autre sens. Lorsque le ministre a annoncé qu’il laissait aux instances locales le soin de décider du plan d’attaque pour la reprise, c’était une façon bien lâche de se dédouaner, de refiler un bébé ingérable à des équipes dont il savait pertinemment qu’elles n’auraient pas la main sur l’organisation à venir. C’est dommage car nous avions des choses à dire, à proposer. Nous avions essayé tant bien que mal d’anticiper, de préparer une organisation, perfectible certes, mais personnalisée et certainement viable... Nous n’avons pas fait qu’attendre d’hypothétiques consignes : nous avions également conçu un projet pour cette école qui nous tient tant à cœur. Un projet qui part ce soir à la corbeille à papier car notre Education n’a plus grand chose de Nationale. L’école vient de devenir municipale. Envisagée comme un simple service de garderie organisé à la hussarde par des gens dans les bureaux d'une mairie. Soit. Mais cela se fera sans moi. Je ne collaborerai en aucune façon à cette chose qui se met en place, et espère de tout mon cœur qu’elle ne deviendra pas l’école de demain.

Quelques réflexions de Cédric Forcadel, GD76...

Combien vaut une vie d’enfant ?

Nous sommes désolés...
Nous, directrices, directeurs, enseignantes et enseignants, sommes désolés pour vous les enfants. Désolés de ce que nous allons vous faire subir pendant huit semaines, désolé de ce régime semi-carcéral de privation de liberté que l’on va vous imposer. Rentrée en file indienne, enfants espacés d’un mètre les uns des autres, « lavage de mains ». Installation sur des tables individuelles espacées d’un mètre les unes des autres elles aussi. Pas d’échange de matériel, pas de manipulation, pas d’entraide, pas de travaux de groupe, pas de réunion, donc plus de projet, plus de coopération, plus de vie qui s’épanouit... « Lavage de mains », sortie surveillée dans la cour, sans croiser d’autres enfants, sans ballon, sans jouets que l’on s’échange, sans se toucher, sans plus aucun atelier. « Lavage de mains ». Retour en « classe »... La journée s’écoulera comme celle d’un prisonnier, rythmée par les rituels « lavage de mains ». Routine, contrainte, surveillance... Qu’elle sera loin l’école que vous avez quittée le 13 mars...Qu’ils seront loin « les droits de l’enfant » dont nous avons fêté cette année les 30 ans. Cette célébration était-elle finalement un enterrement ?
 
Nous sommes désolés...
Nous sommes désolés aussi pour vous, chers parents. Nous savons ce que beaucoup attendaient de ce retour à l’école : pouvoir retourner au travail, poursuivre les apprentissages des enfants et les savoir en sureté. Nous n’arriverons à rien de tout cela. Compte tenu de nos moyens humains, nous ne pourrons pas accueillir vos enfants à l’école tous les jours, certaines écoles ne pourront le faire qu’un jour par semaine en moyenne. Toute cette organisation, tous ces risques (nous y reviendrons), toute cette horripilante et inhumaine machine à gaz pour... un seul jour d’école par semaine par enfant ! Enfin, d’école... d’inhumaine garderie plutôt ! Vous aurez donc, pour beaucoup d’entre vous, à trouver comment garder votre enfant 2, 3, voire 4 jours ouvrés sur 5, car dans beaucoup de petites communes, faute de moyens, il n’y aura ni étude ni 2S2C.
 
Nous sommes désolés de ce que cela impliquera pour vous. Cette « reprise » ne permettra pas non plus à vos enfants de combler le retard pris sur une année scolaire normale. D’une part, parce qu’on ne rattrape pas quatre mois en six jours et d’autre part parce que comme notre hiérarchie l’a répété, avec bon sens pour une fois, il nous faut considérer que les apprentissages nouveaux se sont arrêtés vendredi 14 mars et qu’il nous faudra, collectivement, en tenir compte lors de la rentrée de septembre. La période actuelle, qu’elle soit en présentiel ou en distanciel, ne doit servir qu’à entretenir les acquis.
 
Nous craignons, hélas et surtout, que ce retour à l’école ne s’accompagne d’une prise de risque sanitaire insensée. C’est avec honnêteté et gravité que nous vous le disons : nous ne pourrons pas, malgré toute notre bonne volonté, assurer le strict respect du protocole sanitaire défini par le gouvernement. Nous travaillons, chacune et chacun, toutes et tous, à organiser une structure qui, en théorie, pourrait permettre ce respect.
Mais nous ne vivons pas « en théorie », dans cet univers imaginaire où tout se déroule comme nous l’avions programmé.
 
Nous vivons dans un univers bien plus riche, bien plus imprévisible : le « réel » ! Et dans ce réel, les enfants, comme les adultes, ne respectent pas toujours les règles. Les enfants attendent avec impatience de retrouver leurs camarades. Qui peut sérieusement imaginer qu’ils seront capables, huit heures par jour, de respecter tous les gestes barrière, toutes les consignes données, toutes les mesures de protection et toutes les distances de sécurité ? Qui peut sérieusement penser que les enfants pourront réprimer leurs envies et leurs besoins de contact, de chaleur, de câlins et d’humanité ?
Aucune école n’est capable de freiner une épidémie de poux, de gastroentérite ou de grippe... Alors sommes-nous prêts à tenter ce coup de poker avec un virus qui, en France, a déjà fait plus de 25 000 morts ?
 
Nous sommes désolés...
Nous sommes désolés pour nous aussi de participer à cela, de prendre part à cette organisation insatisfaisante, déshumanisante et potentiellement dangereuse. Nous sommes désolés de nous faire les complices d’un fonctionnement qui nous révulse. Nous participons pour beaucoup d’entre nous à l’accueil des enfants de soignants depuis le début de cette crise et chaque jour depuis le 16 mars, tous ceux et toutes celles parmi nous qui le pouvaient sont allés dans leur école ou dans d’autres qui avaient besoin d’eux. Jusqu’à présent, nous pouvions être fiers de ce que nous faisions, car les enfants que nous recevions étaient bien traités et passaient des journées, certes moins bonnes qu’en temps normal, mais qui étaient loin d’être désagréables.
 
À partir du 12 mai, ces enfants seront traités comme des poulets en batterie. Leur liberté de discuter, de jouer, d’échanger, de partager, de se déplacer, de construire et d’apprendre ensemble, sera réduite à néant.
Le traitement que nous leur réservons est indigne et contraire au respect des droits des enfants. Nous avons honte. Honte de participer à cela avec les enfants des autres alors que nos propres enfants resteront souvent chez nous, en sécurité, physique et psychologique.
 
Nous aimerions pouvoir nous rassurer en nous disant que rouvrir dans ces conditions, c’est aider les familles à reprendre le chemin du travail... Mais en n’accueillant pas les enfants tous les jours de la semaine, nous savons que ce ne sera même pas le cas.
 
Et surtout... Faire subir aux enfants ce que nous allons leur faire subir, cette fausse école sans âme ni échange, ce lieu où le commun n’existera plus, où le lavage (des mains) sera plus important que le partage, leur faire subir cela vaut-il le gain de la reprise (très partielle) du travail ?
 
Combien vaut une vie d’enfant ? Combien vaut la santé, physique et psychologique, d’un enfant ?
Si nous avions considéré qu’elle n’avait pas de prix, nous n’aurions pas rouvert. Cette décision, hélas, ne nous appartenait pas.

Cédric Forcadel

Quelques réflexions de Jean Astier, Marseille...

Quand l'école sans école
tente de tenir ensemble le groupe classe
 


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