Brisons nos prisons mentales

Octobre 2006

Qu’as-tu fait au lycée,  aujourd’hui ? Ingurgité les causes de la guerre de 14,  la structure de l’ADN ou le prétérit. . .

Tu t’es assis. Tu t’es tu. Tu as écouté les explications.  Tu as écrit ce qu’on te disait d’écrire.  Tu as écouté.  Tu as répété.  Tu n’as pas compris ; on t’a expliqué de nouveau.  Tu as levé la main pour répondre à la question.  Tu as demandé à ton voisin. Tu t’es fait punir. Ou bien engueuler.  Le « maître » t’a grondé ou il est venu t’aider. Tu as répété,  bien comme te l’a dit le maître. Tu as fait un contrôle.  Tu as fait deux contrôles.  On t’a rendu un autre contrôle.  On t’a prévenu du prochain contrôle.  Depuis que tu es à l’école,  tu as fait plus de 1 000contrôles. Pendant ce temps,  les professeurs, eux,  ont passé plus de temps à te corriger qu’à préparer des cours. La dose d’évaluation qui t’a irradié t’a inoculé,  malgré toi,  l’esprit de concurrence et de compétition qui sont au fondement des valeurs libérales ; la compétition qui fait moins bien apprendre.
Mais tu n’es pas à l’école seulement pour apprendre ! La compétition apprend la compétition,  elle prépare à la vie libérale qui est une compétition.  Pour te préparer à « l’égalité des chances ».  L’égalité des chances est un mot mensonger.  C’est le contraire de l’égalité.  L’égalité des chances c’est une course pour quelques places dans l’ascenseur social (qui est en panne d’ailleurs). Un ascenseur où ne montent que les gagneurs, ceux qui réussissent individuellement parce que d’autres échouent.  L’égalité des chances c’est chacun pour soi dans la vie,  comprise comme une compétition individualiste.
À l’école,  ton travail est une succession morcelée de tâches.  L’école t’enseigne des fragments.  Tu y apprends une miette d’anglais pendant une heure,  puis une miette de maths,  puis une miette d’histoire. . .
Une sorte de taylorisme du savoir.  L’école te prépare à exécuter des tâches morcelées,  celles que les entreprises te demanderont d’exécuter.  Les TPE,  recherche collective avec du temps pour penser,  ont été supprimés en Terminale : c’était libre et collectif,  et bien sûr,  ça ne pouvait pas être du vrai travail ! À l’école,  le travail de l’élève est réduit à son produit,  seul susceptible d’être noté.  Tout comme pour le capitalisme libéral,  le travail sert à produire : l’homme au travail est un instrument de production de marchandises ou de services vendables sur le marché.  Alors que l’art,  les sciences et la philosophie supposent le loisir,  c’est-à dire la suspension de l’obligation de résultats.  Leur apprentissage exige d’en passer par le doute,  l’incertitude,  le tâtonnement,  le brouillonnement.  Lorsqu’à l’école,  on désigne les tâches comme des devoirs,  les essais pour voir et les dissidences de pensée comme des fautes, c’est au développement des aptitudes créatrices et du sens critique qu’on s’en prend.
Pour le libéralisme, quand l’Homme s’instaure sujet de son travail,  son véritable artisan et son créateur,
auteur de sa pensée,  il faut écraser cette pensée qui s’émancipe :d’où la suppression des crédits de recherche,  la destruction du statut des Intermittents du spectacle.
Pas seulement pour faire des économies,  mais aussi pour décérébrer.
Le gouvernement vous dit « Vous n’avez pas bien compris le CPE ; nous n’avons pas fait assez de pédagogie,  nous ne vous avons pas bien expliqué,  nous ne vous l’avons pas encore assez répété ».  Pour eux,  la pédagogie,  c’est de la propagande,  du rabâchage ; ils ne veulent pas d’une pédagogie qui donne à penser.
Ainsi, de Robien vient d’imposer d’enseigner la lecture avec la méthode syllabique.
Le rapport Benisti indique que « Si les mères sont d’origine étrangère,  elles devront s’obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer.  »
Vous récalcitrez,  vous les déviants,  vous les poètes,  vous les polyglottes,  les difformes et les enragés ! Dès l’âge de trois ans vous serez maintenant fichés (projet « répression de la délinquance » = fiches où l’on repère les déviances comme « troubles des conduites,  l’impulsivité,  la basse moralité,  le cynisme,  l’indocilité ») ; vous serez fichés au lycée (projet « base élève », biométrie pour entrer à la cantine).
Pour combattre le libéralisme, il faut développer les valeurs d’égalité tout court et de liberté collective,   promouvoir les pratiques solidaires et coopératives,   combattre l’esprit hiérarchique et l’esprit de fatalité.
Dans l’école aussi.
Groupe Français d’Éducation Nouvelle
des Pyrénées-Orientales
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