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CréAtions "Carnets de bord" revue en ligne annoncée dans le Nouvel Educateur n°197 Publication en avril 2010 |
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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Edito : Secteur Arts et Créations |
Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Classe de CM2, Ecole des Trois-Maisons, Nancy (Meurthe-et-Moselle) - Enseignant: Dominique Tibéri |
Carnet n°1 - Une semaine « Création » pour un « carnet de voyage » !
“ - Nous on voudrait faire craies grasses !
- Y’a encore des fusains !
- Où on s’met avec les encres ?
- Dom, j’peux dessiner sur l’ordinateur ?
- Les pots de colle, y z’ont pas été refermés la dernière fois !
- …!”
L’heure d’arts plastiques ou plutôt d’arts visuels, comme il faut dire maintenant, devenait ingérable. D’autant qu’il fallait encore trouver un moment pour les présentations, mais aussi un espace de réflexion pour les affichages, plus un temps pour scanner et mettre sur le site de classe, sans oublier bien sûr ma part du maître qui consiste souvent à croiser le regard avec d’autres œuvres…
Comment faire tenir tout cela dans une semaine quand il faut aussi du temps pour les ateliers d’écriture et les recherches maths, pour nos aventures documentaire et les ateliers techno, pour nos créneaux au gymnase et l’assistant d’allemand, et bien sûr notre conseil coopé. en fin de semaine… Le tout bien empaqueté en dix-huit heures puisqu’il faudra accessoirement donner neuf heures à l’IUFM ?
Au chapitre du “ on n’aura pas le temps ! ”, du “ ça salit ! ”, et du “ c’est bruyant ! ”, on pourrait se sentir comme dans un poisson dans l’eau et finir par abandonner ces fichus moments qui donnent l’impression permanente d’aller trop vite, de zapper, de ne jamais avoir le temps de s’installer dans l’activité ! Une frustration de plus pour instit. quadra en mal d’aventures pédagogiques !
Et puis, est arrivé un paquet de nos correspondants (banlieue de Lille, à Mons-en-Baroeul).
Dans le paquet, un CD que les enfants avaient enregistré au cours d’un stage musical d’une semaine. C’est de là que l’idée a germé : et si nous prenions notre temps, si nous nous installions dans l’activité pendant une semaine pour enfin créer un truc sympa. Au diable l’emploi du temps et nos fichus rituels qui nous emprisonnent parfois. Explosons l’emploi du temps ! Les plannings et les programmations. Au diable quoi de neuf et travail individualisé ! Offrons nous, nous aussi, notre petit stage, entre nous, sans rien dire à personne, pour prendre le temps d’entrer dans la matière, la composition, la lumière… Un conseil coopé plus loin et l’idée (la mienne) était adoptée à l’unanimité… Eh oui ! Encore la part du maître !
Pour ne pas sacrifier les apprentissages fondamentaux sur l’autel de la création, il fallait trouver une idée qui puisse faire du lien entre plusieurs champs disciplinaires. Nourri depuis quelques temps par les carnets de voyages, j’avais déjà montré aux enfants quelques pages de ces “ carnettistes ” qui travaillent à la frontière de plusieurs langages : littéraire, poétique, photographique, plastique. On a eu alors l’idée de fabriquer un grand carnet de la classe, où chaque enfant fabriquerait sa propre page, qui intégrerait elle-même du texte, du graphisme, du dessin, du collage, de la photo… La semaine promettait d’être riche.
Chaque enfant a d’abord défini son propre thème. Puis on a voyagé dans le temps, à la recherche des enluminures que les copistes du Moyen-âge nous ont léguées, puis chacun est parti en quête d’images et de “ trucs ” de récupération à coller. Il a fallu ensuite écrire chacun sa petite histoire, son petit voyage intérieur. Une fois tous ces éléments épars réunis, on a pu commencer à réfléchir à une mise en espace, à une mise en couleur, et au procédé qui pourrait faire du lien entre les différents éléments réunis.
J’avais récupéré un stock de grandes feuilles de papier aquarelle (30 x 40). On a installé une table pour les encres, une table pour les craies grasses, une table pour le découpage. La classe a changé de physionomie pour une semaine et petit à petit, les éléments se sont assemblés, les uns alimentant les pannes d’imagination des autres. Des enluminures sont sorties des crayons, la magie lumineuse des encres leur a donné du relief, les textes ont pris forme et se sont évadées des interlignes bleus des cahiers… Et surtout, les enfants ont pris le temps de s’installer dans l’activité, d’aller au bout de leur projet, de tâtonner en recommençant un fond qui ne leur convenait pas, d’affiner un collage, d’échanger autour de leurs travaux respectifs…
![]() ![]() Et malgré tout, certains n’ont pas encore terminé, et notre gros carnet collectif n’est pas encore terminé. Mais déjà des idées ont germé et certains enfants ont commencé leur carnet individuel…
Affaire à suivre ! : carnet n°2, carnet n°3.
Mais d’ores et déjà, un projet d’ateliers artistiques (carnet n°4, carnet n°5) est en cours pour s’adjoindre l’an prochain le partenariat d’une artiste, afin de faire de ces embryons de carnets d’écoliers individuels notre fil rouge pour l’an prochain.
Carnet de bord, enluminure, écriture, photographie, collage, peinture
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Revue en ligne CréAtions n° 197 "Carnets de bord" Classe de Grande Section, Ecole maternelle Jean Moulin, Pernes-les-fontaines (Vaucluse) - Enseignante : Eliane Trocolo |
Le carnet d'Eliane
contes, peinture, Poésie, carnet de bord, photographie, bas-relief, assemblage, calligraphie
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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnet de bord" Classe de 4ème collège A. Lahaye, Andernos, Gironde - Enseignants : Philippe Geneste, professeur de français et Dominique Brochet, professeur d'arts plastiques |
Journal de bord de Nicolas Présentation
Voici les différentes étapes de la préparation du folio : 1.J’ai rayé les mots du dictionnaire que je ne garde pas (ceux qui ne me disent rien, qui ne représentent rien de moi) ; j’ai hésité sur « Li » (symbole chimique du lithium) car ce symbole ne me disait rien mais la chimie m’intéresse. 2.J’ai surligné les entrées que je garde pour faire contraste par rapport aux définitions barrées. J’encadre en bleu celles que je ne suis pas certain de conserver. 3.J’ai établi la liste de toutes mes définitions pour mieux me repérer. J’en compte trente-quatre. J’en ai gardé deux de plus que je peux rajouter si je pense que je n’en ai pas assez (à mon avis, j’en aurai suffisamment). 4.Je commence à faire mes définitions personnalisées et les dessins qui représentent les entrées. Je choisis le mot « libellule » en premier. Pour décorer la deuxième page, j’ai surligné avec trois couleurs différentes (orange, vert et jaune) les moteurs puis colorié au marqueur tout autour afin de donner du contraste. J’ai décoré de la même façon quelques autres illustrations du dictionnaire.
écriture, dictionnaire, carnet de bord, techniques mixtes |
Revue en lignes CréAtions n°197 "Carnets de bord" Classe de CP/CE1, 2008/2009, École Plaisance du Touch – Haute-Garonne - Enseignante : Joëlle Meslem |
Ateliers de peinture « C’est en marchant, que l’enfant apprend à marcher ; Apprendre à peindre en peignant.
carnet de bord, gouache, symétrie, lignes, formes |
Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Stage de formation du Secteur Arts et Créations de l'ICEM, Saint-Amand-en-Puisaye (Nièvre) |
Les fils rouges de Saint-Amand-en-Puisaye Au stage de formation du Secteur Arts et Créations de l'ICEM, qui s'est déroulé en juillet 2007 à Saint-Amand-en-Puysaye (Nièvre) chaque stagiaire a présenté son fil rouge et a laissé une trace de ce moment de présention in situ. Voici la transcription de quelques présentations.
Fil rouge, terre, ocres, installation |
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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Stagiaires du stage organisé en août 2001 par le secteur Arts et CréAtions de l'ICEM |
Journal de bord du stage de Sarzeau (Morbihan)
Contrairement à un stage traditionnel de formation continue, les initiateurs se revendiquaient comme stagiaires et acteurs, ce qui a déstabilisé les nouveaux venus, sentiment accentué par le confinement en cette première journée pluvieuse dans un local exigu et sonore.
L’influence du groupe s’est révélée - dans les productions finales Tous ceux qui ont apporté des travaux d’élèves ont pu les montrer, le groupe a pu réagir et élaborer une grille d’analyse des œuvres.
Fil rouge, Carnet de bord publié dans Créations n° 102, installations, sculpture, graphisme |
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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Article déjà publié dans la revue CréAtions du n° 98 au n°102 Classe de MS, École maternelle Joliot Curie, Lanester (Morbihan) - Enseignante: Jacqueline Benais |
Journal de bord de l'année 1999-2000 Journal n°1 - septembre-octobre
Pour répondre à la demande du Secteur : “Et le quotidien ?”, pendant l’année 1999/2000, j’ai essayé de noter au fur et à mesure – mais je n’ai pas toujours été très rigoureuse – les tâtonnements, recherches, pistes de travail exploités tout au long de cette année scolaire dans le domaine des arts plastiques en classe de Moyenne Section. Dans cette école de 3 classes et demi d’une ville moyenne, en zone sensible , les mois de Septembre et Octobre furent très difficiles avec ces 27 enfants dont un certain nombre en difficulté (le tiers sera suivi par le RASED). Au retour du stage Maternelle, organisé pendant les vacances de la Toussaint, j’ai changé radicalement le fonctionnement de la classe et si cette année fut épuisante, elle aura été aussi très riche. Les projets à long terme de cette année furent: - la correspondance avec une classe de Moyenne Section distante de vingt kilomètres dont l’enseignante fait partie du groupe "maternelle" de l'IDEM 56 * avec laquelle je partage une longue et riche expérience de correspondance, - la participation au concours "Ecoles fleuries" organisé par l’O.C.C.E (projet de toute l’école) associée aux sorties à la ferme pédagogique et à la production du journal d’école, projets soutenant et soutenus par les arts plastiques. * le groupe "maternelle" a axé son travail sur les arts plastiques avec pour objectif une exposition pour le congrès de Rennes en retenant pour première piste : le carré noir. (IDEM: Institut Coopératif de l'Ecole Moderne)
Journal n° 1 - septembre-octobre - carré noir - les dragons - la correspondance - Journal n°2 - novembre-décembre Journal n°3 - janvier-février - passages Journal n° 4 - mars-avril Journal n° 5 - mai-juin
Peinture libre, travail sur thèmes: dragons, passages, jardinage, correspondance, projets personnels et collectifs, peinture, encres, collage, dessin, expression corporelle, installations, volumes |
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Revue en ligne CréAtions n° 197 "Carnets de bord" Lycée expérimental de Saint Nazaire (Loire-Atlantique) – Enseignante : Catherine Musseau - Chorégraphe : Christine Quoiraud |
Le carnet de bord des élèves de l'atelier danse
Carnet n° 1
Dans notre lycée nous menons des projets artistiques, et cette année dans le cadre des Ateliers artistiques, nous allons nous interroger sur l’Autre en croisant les problématiques des artistes qui nous accompagneront.
danse, écriture, carnet de bord, musique, geste |
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Revue en ligne CréAtions n°197 "Carnets de bord" Article déjà publié dans la revue CréAtions du n° 103 au n°107 Collège K.Thoueilles de Monsempron Libos - Enseignant : Hervé Nunez |
Le carnet de bord au collège Le “ carnet de bord ” comme outil individuel dans un fonctionnement collectif
“ Aujourd’hui j’ai fait quelque chose avec du sable. À continuer. (Thibault, élève de 4ème au Collège de Libos - 47). Il avait neigé, un profond silence régnait partout ; je voyais encore ici et là une petite lumière briller à une fenêtre et sur la neige, la silhouette noire d’un veilleur de nuit. C’était la marée haute. Vincent Van Gogh : Lettres à son frère Théo. Gallimard, 1998 - L'imaginaire De ce collège du Lot et Garonne où professe un enseignant en Arts plastiques engagé à l’ICEM pédagogie Freinet nous arrivent par la Poste, trois carnets de bord. L’enveloppe gonflée de l’air emmagasiné pendant le voyage ou bien de la vie que les carnets retenaient, on ne savait encore. On ne tarda pas à savoir. Trois collégiens sont là derrière leur carnet de bord qui en dit long sur la vie dans la classe, dans le collège, la place que les arts plastiques entendent tenir à coup de 55 minutes par semaine. Trois carnets qui passent étrangement en avant plan alors qu’ils sont tout au long de l’année ce qui ne se montre pas ordinairement. C’est vrai qu’on regarde bien davantage le masque d’Audrey ou la sculpture de Thibault encore à l’état de maquette, la vidéo d’Elodie,... Et pourtant, placés là devant, ils en disent des choses. Sur le collégien qui le tient bien sûr, ses préoccupations, ses envies et son regard sur la classe ou la société mais aussi sur la vie de la classe qu’on voit se dessiner en filigrane. Et l’hypothèse s’échafaude presque d’elle-même : ce classeur que tient Thibault tout au long de son année de quatrième comme un véritable outil de recherche pourrait-il exister ainsi dans une classe fondée sur d’autres principes que ceux qu’on devine ici ? On sait bien que toute pédagogie construit les outils et l’organisation qui correspondent à ses intentions, ses idéaux... et dans ce contexte, le carnet de bord trahit sa nature profonde, celle d’un outil de l’élève chercheur qui ne peut exister que dans les conditions d’une construction des savoirs, d’une expérimentation permanente. Le carnet donne à l’élève un statut d’artiste comme ailleurs on lui confère celui de linguiste? (citation in: Apprendre à écrire : comprendre le sens du geste, AFL, 2002, p.31) On a déjà parlé du circuit-court*, journal interne d’un groupe, en tant qu’outil dépendant de la vie du groupe, sans autonomie. Le carnet de bord serait-il lui aussi dépendant... Dépendant de l’existence ou non des conditions d’une situation de recherche.(*Le circuit-court: sa spécificité et ses usages. Nathalie Bois in: Actes de Lecture, n°62, p.35 -39). Voyons...
“ J’ai commencé il y a trois ans... à raison de 55 minutes de cours par semaine avec mes élèves, c’est souvent assez difficile. Je rêve de coopération avec les autres profs... de français par exemple. ” “ Quand il y a consigne de travail, l’évaluation est assez simple. L’élève colle au sujet, l’élève s’en libère, ça se mesure. Lorsque, comme moi, on ne donne pas de consigne de travail autre que de s’investir dans une production individuelle sur l’année, ce n’est pas le résultat qu’il importe de jauger, c’est la progression de l’investissement. Ce que les élèves mettent en terme d’enjeux et d’intentions dans leur production, la capacité à nommer les contenus, la capacité à s’investir dans un projet d’exposition... Dans cette logique, le carnet est pour moi un outil d’évaluation que je mets en relation avec les productions et ce que je vois de la vie de classe. Il remplit un double rôle d’accompagnement de la production d’une part, et d’objet de compréhension des processus de la production pour moi d’autre part.”
Ceci posé, le sujet libre peut se déployer. Autre accord implicite : il y aura nécessairement production. Et si les idées ne venaient pas ! Le mythe de l’inspiration se fait tordre le coup avec une liste d’idées affichée dans la classe et alimentée régulièrement par les élèves qui y déversent des projets qu’ils veulent mettre à disposition des autres. Cela pourrait servir à faire germer de nouveaux projets les jours de panne... quoique l’on voit au détour d’un carnet un élève opter pour une autre forme de déambulation : “ je ne sais pas quoi faire aujourd’hui ” [un détournement de publicité de magazine est collé] suit le commentaire : “ je ne sais pas si ça me servira un jour. ”
Les élèves, dans leur carnet, parlent de leur “ œuvre ” ; leur production se voit d’emblée conférer un statut particulier : c’est parce qu’on leur confère le statut de producteur d’œuvres artistiques qu’ils construiront les savoirs et techniques de ce statut. Ceci sera nécessairement un cheminement et se fonder sur ce qu’on sait des artistes experts et des conditions dans lesquelles les uns et les autres, très diversement, travaillent, organise l’environnement des élèves. On est là dans la construction d’un “ artifice pédagogique ” qui conduit l’enseignant à re-constituer, avec sa salle de classe, le CDI et dans un temps limité à 55 minutes par semaine, un atelier d’artiste ou d’artisan. Comme le ferait l’artiste, dans une démarche individuelle, l’enseignant puise aux ressources de la ville et de la région pour alimenter une culture de référence et introduit des moments d’échanges, de rencontres dans le travail avec des artistes en résidence dans la classe.
Les règles d’un fonctionnement de groupe Travailler les couleurs, les matières, le papier et le carton, le plâtre et l’image vidéo,... l’atelier se dessine à travers la liste distribuée en début d’année et collée en début de carnet. Au détour d’un carnet, on sait aussi qu’au fond de la salle, des livres d’art sont là à disposition permettant aux élèves de puiser dans un fonds documentaire qui s’étend au CDI. Chaque cours débute de manière programmée : pas de place pour l’improvisation ! Le groupe de gestion a en charge de distribuer le matériel, les œuvres en cours, de veiller à leur bon état et aux conditions de rangement en fin de séance. Une manière indirecte de savoir ce que chacun fait... “ Cécilia dit que quelqu’un n’a pas fait une œuvre [mais que c’est ] quelqu’un d’autre qui l’a faite. Mathieu dit que c’est important de faire lui-même l’œuvre. Rachel : On ne peut pas apprendre à tout faire. On sait faire des choses comme on ne sait pas en faire d’autres. Aurélie : des idées viennent au fur et à mesure et pas toujours du réalisateur. M. Nunez répond que les choses que l’on n’a pas faites tout seul sont expliquées et ont un sens dans le cahier. ” Construction qu’on voit, également à l’œuvre lorsque Audrey écrit : “ j’ai consacré mon heure à observer les projets de mes camarades. Certains projets m’ont vraiment plu ! J’ai pu remarquer que chacun d’entre nous peut avoir des idées vraiment différentes. J’ai également pris intérêt au projet de Laure A. Et j’ai pu ainsi lui proposer plusieurs idées pour améliorer son œuvre.” Construction qui s’éclaire encore de la responsabilité collective lorsque, s’apprêtant à assumer une fonction de présidence des débats, un élève utilise son carnet pour se préparer : définir le sujet du débat qu’il veut mener, rassembler ses idées et les illustrations sur lesquelles il s’appuiera.
“Aujourd’hui je suis président de la séance. Je veux faire un débat sur les dimensions. J’aimerais de-mander que quand les personnes de cette classe font quelque chose si ils pensent à la dimension. Ou s’ils font suivant ce qu’ils ont. Je trouve que beaucoup de personnes utilisent dans la classe le petit format (24X32) et ce pour qu’on ne voit pas trop la production, parce que tout le monde fait comme ça, cela prend moins de temps. J’ai fait exprès de choisir A4 ou 24X32 pourquoi ne pas avoir choisi un format raisin...
Je montrerai Paul Rebeyrolle. En disant qu’il travaille que sur du grand format et que pour lui, c’est principal dans sa peinture. Elle n’aurait pas autant de force ? Moi j’ai trouvé : ça m’a impressionné vu la taille et les matériaux.”
Par ses attentes exprimées en début d’année, le professeur agit sur le rythme de production : au premier trimestre, les élèves doivent produire 1, 2 ou 3 travaux. Au cours du deuxième trimestre le projet doit généralement s’inscrire dans une exposition ce qui représente des contraintes particulières (thématiques, de conditions d’exposition, de format,...). Et enfin au troisième trimestre, il s’agit de revenir sur les productions du premier trimestre. La nourriture de la production de l’élève pendant cette année, outre les échanges formels ou informels dans la classe, prend la forme de visites (musées, expositions en ville), de rencontres avec des artistes ou des visiteurs,... et qui, selon les élèves, sera ou non présent dans les carnets (brochures, prospectus, cartes postales représentant des œuvres exposées,...). C’est le cas lorsque le carnet est pensé comme l’outil personnel d’une recherche, quand on a conscience que celui-ci n’est pas seulement un outil d’évaluation pour l’enseignant. Dans la plupart des cas les avancées sont très lentes, les retours en arrière font écho à des perturbations personnelles ou scolaires, des réflexes scolaires et des stérilisations... dont les carnets témoignent, comme le montrent des élèves qui cherchent à répondre à l’attente du professeur,... La libération ne passe pas seulement par le discours contenu dans le carnet mais aussi par le choix des productions : puisque le sujet est libre, l’observation de celui que se choisit l’élève est en soi marqueur du rapport qu’il entretient avec le système scolaire et plus précisément ce qu’il comprend de l’injonction posée en début d’année : s’investir dans une production individuelle. Ainsi, Elodie, qu’on voit dans son carnet énoncer à partir d’une phrase déclencheur de l’artiste Olivier Leroy “ si tout le monde y croit, c’est possible ” pose une idée qui n’est pas encore une œuvre au sens d’un produit de matière, d’intentions et de travail. “ Je pense que le monde entier repose sur cette phrase, c’est-à-dire que tout commence par quelque chose d’irréel (ex : les fêtes de familles, les rêves, l’entraînement des militaires,...) Moi, je vais m’intéresser à l’entraînement des militaires car en ce moment si cela n’aurait pas exister les pays n’auraient pas pu se défendre. Les militaires s’entraînent à affronter quelque chose de bien réel en faisant quelque chose d’irréel (ils jouent à la guerre comme le font les petits enfants. (15 novembre) Un projet est posé, donné à mûrir. Et quelques mois plus tard : “ Ce trimestre je vais concrétiser mon idée en réalisant un court métrage. J’ai donc fait passer le message ; quelques personnes ont été d’accord pour participer au court métrage ou bien pour me prêter le matériel nécessaire. ” Et lorsque vient le moment de réaliser, s’opère aux yeux du professeur l’extraction du carcan scolaire : l’élève passe aux autres élèves de la classe une commande publique de participation : venir costumés pour le tournage (tenues de camouflage, tenues militaires) et garder leur costume toute la journée dans l’établissement. Elle fait la demande d’autorisation oralement auprès du principal et du principal-adjoint pour expliquer son projet : elle veut dire à tous que le collège, comme la société, est un lieu où s’expriment des comportements guerriers parfois. L’administration refuse aux élèves de la classe de venir costumés toute une journée. Le papillon sorti fraîchement de sa chrysalide manque d’arme pourtant... Pour le présenter à l’administration, l’écrit aurait tellement mieux soutenu ton projet, lui dit son professeur ! Le carnet est outil de cette libération. Il est la mémoire en action, en matérialisation. Il est à la fois gestation et objectivation de ce qui se produit. Mais quels élèves, combien d’élèves cherchent par le biais d’activités métacognitives,... un outil de leur émancipation ? Dans certains cas, le carnet s’extirpe de sa forme la plus habituelle, “ un cahier d’école à carreaux ” pour devenir classeur petit format, en plastique pour résister aux fréquentations des expériences avec la matière de Thibault. Alors la chronologie des notations, des croquis et esquisses, des réflexions et des collages explose. Le foisonnement et le va-et-vient plus que l’ordonnancement. L’élève a fait abandonner à son professeur l’idée même de pouvoir observer une progression chronologique ; il est ailleurs que dans un rapport à la scolarité, il cherche. Avec un autre élève, très en difficulté par rapport à l’écrit, une autre forme est expérimentée : l’enregistrement vidéo. Un autre encore, tente de tenir son carnet malgré d’extrêmes difficultés. “ C’est très descriptif ” commente le professeur. La tentation est vite écartée de compter sur “ l’ordre naturel des choses ” : Je pourrais montrer des carnets d’artistes, des carnets d’élèves pour faire exister des images en référence,... pour que les élèves s’appuient sur un existant mais je redoute qu’ils les prennent comme des modèles. En fait j’aimerais que ça vienne grâce aux conditions d’entraide mais ils ne voient pas tout de suite à quoi ça sert. Ils voudraient passer les 55 minutes de cours à produire. 10 minutes de débat leur paraît déjà une amputation. Mais je pourrais essayer de faire avancer cette question en mettant certains carnets de bord en commun, en observation, en faire le sujet d’un débat...
Quand on sent que tout bois peut faire du feu ! tout est là, dans le carnet... “ photocopie de signes chinois qui pourrait me servir pour la sculpture ” On met de côté des signes, des photos, des idées exprimées en deux mots,... Accumulation pas nécessairement organisée mais accumulation sélective car on n’y trouve pas tout. Comment savoir que les signes chinois photocopiés “ pourraient servir ” ? Parce qu’on a un cap, une visée. Or c’est justement l’objectif qu’assigne ce professeur à ses élèves : qu’ils réussissent à se construire un projet de quelque chose à faire et à dire avec la transformation de la matière, avec l’esthétique... Le carnet est donc un lieu où quelqu’un peut lentement s’aider à comprendre ce qu’il aurait à dire avec ce médium que sont les arts plastiques. Un lieu pour voir se construire une image de plus en plus nette de l’intention, un lieu pour se voir en train de construire cette image. “ Enfin un débat qui m’apporte quelque chose. M. Nunez montre un travail d’une autre classe et demande à partir de cela: que pourrait-on faire?" Voici mon nouveau projet : Je veux faire un dictionnaire de mouvement. Ce qui est en rapport avec le travail d’un autre élève et en rapport avec celui des figurines en fil de fer. ” Que serait leur production s’ils n’y réfléchissaient pas, s’ils ne s’interrogeaient pas sur ce qui fait le Beau, ce qui fait légitimité de l’artiste, comment l’artiste pense son rapport au public, comment il pense sa place dans la société,... ? Aussi faut-il que l’organisation pédagogique permette d’introduire cet espace pour penser l’art. Luttant contre la montre, le professeur introduit 10 minutes de débat chaque semaine, fait cohabiter les élèves une semaine par an avec un artiste en résidence dans le collège, organise des visites d’expositions, et parfois les liens se font avec la vie privée dont le carnet témoigne : “ Comment choisir ce que l’on veut exposer ? (...) le plus original, le plus rare, celui qui signifie le plus de chose. Il faut exposer celui qui te ressemble. Quelle beauté, dit H. Celui qui est bien fait. M. Nunez parle d’un texte sur un brouillon que l’on doit exposer. Ce qui est beau c’est d’arriver à son but. Et on peut exposer un brouillon. Silence. On te mettrait pas au journal de vingt heures dit M. Nunez au président. Le président ferme le débat. ” “ Joachim* que j’ai rencontré dans la semaine m’a servi pour beaucoup de choses. D’abord il m’a montré que l’on pouvait faire de l’Art sans avoir de la technique. C’est ce qu’on veut montrer qui est important. Mon dictionnaire des mouvements montre bien ce que je veux faire voir mais sans détail. Ceci est mieux. Sa vision de l’art est assez particulière j’en ai débattu avec quelqu’un qui me disait en l’ayant vu que ce qu’il faisait n’était pas de l’art car dans la définition de l’art il y a beau. Qui est beau. Et ceci pour lui, ce n’est pas beau. Moi, je lui ai dit que le principal n’est pas ‘‘que c’est beau’’ mais que ‘‘ce soit beau pour l’artiste’’. Pour moi, l’art sert à éprouver un sentiment, technique ou pas. À débattre ! ! ! ” (*L'artiste Joachim Mogarra est resté une semaine au collège avec trois objectifs : concevoir une production pendant sa résidence, proposer des investissements aux élèves, aider à la concrétisation de leur propre projet). Ce qui se consigne ici encore une fois n’est ni un compte rendu précis, ni une relation des conditions du débat ou de la conversation mais bien une sélection très personnelle et difficile à caractériser : les positions qui s’opposent dans une discussion et que l’on veut conserver pour soi parce qu’on sait qu’elles nous font avancer dans un chemin personnel non achevé ; ce qu’on veut garder pour le sourire que cela provoquera : “ On te mettrait pas au journal de vingt heures ”... Caractéristique de ces écrits propres aux travailleurs de la matière qui cherchent et qu’évoque le préfacier de la conversation épistolaire entre Vincent Van Gogh et Théo son frère: Et Vincent n’a pas cessé d’écrire. “ Évidemment mes lettres n’ont pas la prétention d’être toujours bien frappées, ni de toujours expliquer exactement les choses. Oh non ! je gaffe souvent. ” Vincent écrit non parce que ses lettres, comme celles d’épistoliers, doivent être lues à voix haute dans un salon mais parce qu’il doit écrire.(Vincent Van Gogh : Lettres à son frère Théo. Gallimard -L'imaginaire) “ Depuis quelques séances j’aborde un sujet sur les paysages. Je suis passé par différentes étapes. J’ai commencé à faire une centaine de paysages sur des feuilles A4. J’ai l’intention d’aborder ce sujet tout au long de ce trimestre. J’ai continué sur un très grand carton. Et j’y ai ajouté de la couleur avec des pastels et des feutres. Aussi j’ai pris une image de paysage et je l’ai modifié. Je veux les exposer avant la fin de l’année. ” et puis encore :
“ Cet outil est sous-employé à cause des conditions de sa réalisation. Le manque de temps, d’espace, d’outils langagiers. Le manque de relation entre les enseignements et l’insuffisance de sens que prennent nos enseignements quand devoirs et évaluations prennent le pas. Nathalie BOIS de l'Association française pour le lecture (AFL).
Le carnet de bord de Thibaud
Carnet de bord d'élèves, écriture, dessins, collages, etc. |