Fermetures des frontières, criminalisation de la jeunesse, exclusion des «sans», ghettoïsation et uniformisation sociale, guerre du bien contre les forces du mal : cette mondialisation économique et sociale marginalise des populations entières. Cette stigmatisation de l’autre, cette diabolisation des rapports humains laisse une voie étroite à toute entreprise culturelle. L’intégration aux valeurs républicaines
(lesquelles ?) et le déni des valeurs d’origine s’opposeraient au communautarisme et à la stigmatisation culturelle. Et l’école dans tout cela ? Quid de nos valeurs humanitaires ? La multiplicité s’opposerait-elle à des valeurs communes ? L’interculturel enfermerait-il les individus dans des communautés ?
L’altérité est l’espace fondamental des rencontres humaines. Elle peut ainsi éviter la fatalité de l’exclusion en ancrant l’apprentissage
de l’autre dans une complémentarité des valeurs et des références.
Cela induit une prise en compte de la vie de l’enfant, une reconnaissance des références qui le construisent. Mettre des barbelés autour de l’école en faisant fi de la multiplicité des interférences sociales revient à hiérarchiser les cultures en présence et donc à privilégier les représentations dominantes sans lien aucun avec les réalités familiales, environnementales ou sociales. Ce déni transforme un désir de se connaître soi parmi les autres en des rapports de violence institutionnelle. Si l’école, espace privilégié de la découverte du monde, ignore l’ensemble des compétences et des connaissances des enfants, elle les empêche de transférer leurs acquis dans tous les champs disciplinaires scolaires ou non. Elle s’installe dans l’étrangeté culturelle.
Les enfants tissent des liens, se construisent dans un espace relatif et non séparé du monde. Cette relativité des connaissances, des
acceptations des différences et donc d’une certaine distanciation avec ses propres schèmes devient le moteur de toute éducation valorisant la personne. S’appuyer sur cette multiplicité permet de créer, à l’école, un profit mutuel pour les enfants qui sont alors valorisés
et outillés et transfèrent leurs connaissances dans d’autres champs cognitifs, au sein du groupe qui construit des valeurs et des apprentissages communs. Ces interconnexions relèvent à la fois d’une citoyenneté multidimensionnelle (en partenariat avec les familles,
les associations, etc.), d’une dimension temporelle (en refusant l’ethnocentrisme), et aboutit à une mise en oeuvre immédiate.
Devenir le créateur de sa propre vie n’est-ce pas un enjeu à partager ? Être l’auteur de ses propres apprentissages, n’est-ce pas un des
objectifs fondamentaux de tout espace éducatif ? Si les cultures du monde sont égales en dignité, en créativité, elles sont à la fois réciproques et universelles. Mieux s’en approcher, mieux les connaître les «paritarisent» tout en respectant leur diversité.
C’est de cela qu’il s’agit quand on parle d’interculturel. Cela procède de l’universalisme et non d’une compartimentation des valeurs et
des connaissances.