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"Ne vous lâchez jamais des mains... avant de toucher des pieds !"

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Juin 2003

Nous avons tous débuté un jour ; les occasions ne manquent pas. Si l’on s’en souvient, ces « débuts » restent de vraies phases de rupture ; le tâtonnement et la perfectibilité leurs sont étroitement liés.
Commencer, c’est donc bien rompre, lâcher ses peurs, prendre confiance, trouver de nouvelles sécurités !
Alors pourquoi demander dès l’entrée dans le métier d’enseignant de maîtriser tous les tenants et aboutissants d’une classe, d’une école? Pourquoi être encore plus exigeants envers des enseignants qui se lancent en pédagogie Freinet et qui n’ont souvent eu qu’une approche livresque de ce qu’est une démarche pédagogique, philosophique, politique construite sur la durée ?
Il est temps de démystifier le « démarrage en pédagogie Freinet », véritable serpent de mer dans le Mouvement. Pour cela, il suffit de reprendre les « entrées » que nous avons nous-mêmes adoptées, les témoignages et les écrits que nous avons recueillis.
« J’ai démarré par le « quoi de neuf »… moi j’ai mis en place des ateliers d’expression… oh moi c’est le conseil qui m’a paru essentiel… j’ai mis un journal en place avec ma classe… » Les approches « technicistes » sont-elles au service des valeurs éthiques défendues par la pédagogie Freinet pour l’Ecole ? Freinet précise que « rien ne peut se réduire à l’emploi plus ou moins inconsidéré d’outils et de techniques s’ils sont dépouillés de leur âme » (Les techniques Freinet de l’Ecole Moderne, 1964). Nous nous situons alors dans nos fameux « pourquoi » et « comment » démarrer et certains pensent que cette double vision est indispensable. Elle paraît certes importante, mais peut-on dire qu’elle est indispensable à chacun ?
Sans aucun doute, non ! Un collègue lancera une technique, un outil parce qu’il correspond à ce qu’il comprend de sa pratique et de son identité professionnelle. Un autre commencera par s’imprégner des valeurs, des fondements de la pédagogie Freinet.
Il nous faut sans aucun doute réfléchir autour de plusieurs axes :
– le pédagogique : techniques, outils, gestion du groupe, organisation…
– le politique :engagement,philosophie de la vie,débat démocratique,responsabilité…
– les valeurs, de coopération, respect, liberté, autonomie, vérité…
– les relations : accueil, accompagnement, ouverture, effort, désir…
Nous savons aussi que le risque à éviter est l’isolement, si vite arrivé dans ce métier quand on on ne tisse pas des liens avec d’autres. Les occasions de coopérer sont nombreuses… Encore faut-il les saisir !
Commencer en coopérant …pour se former, pour s’évaluer !
Mais ces approches complémentaires ne se suffisent pas à elles-mêmes. Si nous n’avons pas compris que c’est le regard que nous portons sur l’Enfant, sur notre métier d’enseignant qui est à remettre fondamentalement en question, nous passerons à côté de ce qui constitue l’essence même de la philosophie de la pédagogie Freinet. Nous n’atteindrons pas notre objectif de permettre à des collègues d’entrer, de démarrer en pédagogie Freinet,avec tous les risques que cela peut comporter mais aussi avec toutes les joies de rejoindre son école, sa classe avec plaisir, avec de multiples projets dans la tête.
Continuer… pour faire partager, pour transmettre !
Nous devons cependant rester vigilants aux phénomènes de mode qui pourraient nous amener à dévier de nos choix identitaires, idéologiques. Ceux-ci restent bien la transformation de l’Ecole actuelle afin que tous les enfants puissent y réussir. Notre réflexion sur les pratiques doit donc rester en lien permanent et étroit avec la construction du sens, à la fois pour les enfants et pour nous-mêmes.

 Célestin Freinet : Les dits de Mathieu, chapitre V.