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L'intervention physique est-elle une pratique parfois nécessaire?

Septembre 2001

Lu sur la liste Freinet

 L'intervention physique est-elle une pratique parfois nécessaire ?
Laurent OTT :
Je suis nouvel instit dans une école d'un grand ensemble qui est très violente : de nombreuses bagarres dans la cour; racket fréquent, etc.
On me colle, évidemment, le CM1 dans lequel se trouve Wally qui est devenu un tel sujet de terreur dans l'Ecole que tout le monde aurait voulu n'importe quelle classe sauf la sienne.
Wally, un mignon garçon de 11 ans en CM2, tout souriant, un visage d'ange, un air puéril, plutôt grand cependant. Niveau scolaire, CE1.
Il semble trouver sa place dans la classe en "frimant"; son père, un ex-tôlard lui remplit les poches de billets à chaque fois qu'il le voit. Sa mère, ne fait plus la loi; il arrive que Wally la batte et que les voisins appellent les flics pour les séparer.
Comme tout bon caractériel Wally est charmant sauf en cas de frustration. Ce cas là se produit rapidement. Wally s'énerve. Je le plaque au sol : je dois aussi l'évacuer du couloir. Il se sauve dans la cour, menace de s'enfuir. Je lui dis que j'appellerai les flics dès qu'il aura franchi la grille, mais que, non je ne lui courrai pas après. Il m'insulte copieusement, bien sûr me menace, et je lui crie assez fort
pour que tout le monde entende (toute l'école était aux fenêtres) que ce ne sont pas les enfants qui font la loi et qu'avec moi, il ne ferait pas la loi ici.
Il finit par se calmer. Pendant qu'il boude, en traînant les pieds pour revenir en classe, je remonte dans ma classe et je peux me soucier d'une phrase que mes élèves m'ont dite avant que je descende avec Wally et qui m'avait étonné: "Maître, enlève lui ses chaussures !"
Je demande aux enfants ce que cela veut dire et j'apprends que la maîtresse, de l'an passé enlevait les chaussures de Wally en classe, parce que s'il lui donnait des coups de pieds, ça lui faisait moins mal...
 
Wally s'énervera encore quelques fois dans l'année, mais il n'y croit plus vraiment, il se laisse rapidement maîtriser. L'année se passera sans encombre.
Bien sûr rien n'est magique, mais pendant un temps Wally a cessé d'être le problème N° 1 de toute une école et a pu souffler un peu (ses camarades aussi).
Wally, je ne m'en suis pas plaint particulièrement; je n'ai pas mis en demeure mon administration, les parents qui de toute façon ne pouvaient plus faire grand chose, de me débarrasser de lui. De sorte que je crois qu'il a été heureux dans la classe cette année là et qu'il s'est senti un élève qui a pu progresser en lecture.
 
Réflexion
Je trouve qu'il y a des axes dans cette situation qu'on pourrait retrouver ailleurs :
- discours sécuritaire de certains adultes qui s'avèrent justement être les plus démissionnaires (les souliers ôtés) dans les actes ;
- un enfant contenu physiquement qui peut rester enfant et qui trouve à se calmer ;
- un enfant symptôme d'une institution la violence ce n'est pas que lui en la symbolisant, il dispensait un grand nombre de gens de s'interroger sur la leur; systèmes de notation et de dévaluation pernicieux, dévalorisation systématique de certains par certaines maîtresses, refus de la différence pédagogique, etc.
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