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L’évaluation : au profit de l’apprenant … ou logique libérale ?

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Octobre 2001

La rentrée scolaire sonne désormais l’heure des évaluations nationales en CE2, en sixième et en seconde. Cette année le dispositif est élargi aux enfants de Grande section et de CP. La culture de l’évaluation, en passe de devenir un culte, étend peu à peu son emprise sur l’Education Nationale.

Force est de constater que ces évaluations, relèvent d’une conception technocratique de l’éducation. Reposant sur de larges inégalités culturelles et sociales, elles se bornent en effet aux seules compétences des élèves dans les domaines de la maîtrise de l’écrit et des mathématiques.
Pour certains enfants, il s’agit d’un moment difficile qui leur renvoie une image froide, dès les premiers jours, de leurs lacunes, ce qui peut paralyser tout désir d’apprentissage. Il y a danger, sous prétexte de remédiation et d’individualisation, d’isoler et d’enfermer un enfant dans un parcours qui l’éloignera encore plus des autres.
Toute évaluation ne peut se concevoir que dans une globalité d’apprentissage. Les brevets, chers à la pédagogie Freinet, jalonnent le chemin sur lequel l’enfant est engagé, l’évaluation devient ainsi naturelle. Ils prennent sens car ils s’inscrivent dans un travail coopératif. Cette évaluation sensible est alors en cohérence avec le tâtonnement expérimental et la méthode naturelle d’apprentissage. Elle doit avant tout profiter à l’apprenant et servir à en apprécier l’excellence. Elle fait intervenir plusieurs référentiels qui ne sont ni antérieurs, ni extérieurs mais qui s’élaborent au fur et à mesure du développement de l’enfant, ce qui ne saurait donc en faire un dispositif, mais bien un processus, une démarche.
Mais si nous reconnaissons à l’évaluation son utilité, voire même sa nécessité, nous sommes effrayés par les utilisations pernicieuses qui en sont faites.
Ainsi les résultats sont de plus en plus transformés en moyenne par classe, par établissement, par circonscription, par département… ce qui ouvre la voie à tous les classements et comparaisons possibles.
En contradiction totale avec les intentions affichées par le dispositif, ces résultats entrent désormais de plus en plus souvent dans les indicateurs principaux de pilotage et dans les critères d’attribution de moyens : répartition des RASED, des aides-éducateurs, crédits divers, voire des postes d’enseignants.
Cette concurrence entraîne des pratiques qui pervertissent totalement l’idée même d’évaluation.
Certaines écoles mettent en place un véritable bachotage dans les semaines qui précèdent, tel maître de CM2 entraîne ses élèves aux évaluations qu’ils auront à l’entrée en sixième.
Certains établissements utilisent ces résultats comme argument publicitaire, alimentant ainsi le dispositif des demandes de dérogation. La concurrence ainsi suscitée entre les établissements est de plus en plus malsaine et concourt au développement d’une véritable logique libérale dans le système éducatif français.
 
En poursuivant sur les voies ouvertes en ce domaine par la pédagogie Freinet, et en rappelant qu’il n’y a aucune obligation de faire remonter les résultats de ces évaluations à l’administration puisque le législateur a prévu qu’elles devaient rester un outil pour l’enseignant, nous contribuerons alors à combattre le développement d’une telle logique.
 

Pour le réseau des équipes Freinet,

Pierrick Descottes, Joël Blanchard , François Le Ménahèze