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Couvre-feux d'enfants : de Dreux à Orléans : analyse d'un bégaiement

Dans :  la Société › Principes pédagogiques › 
Novembre 2001

Ainsi cela recommence : trois ans "après Dreux", c'est le tour d'Orléans, et de pas mal d'autres villes qui s'engouffrent dans la brèche. Curieux quand même cette persévérance du propos, cette perpétuelle recherche du même effet d'annonce ; à croire, que décidément, ce type de décision relève d'une patiente tendance à la répression.

 
A croire, surtout, que malgré les "grands chantiers" lancés en matière de soutien à la parentalité, en trois ans, on n'ait pas progressé d'un pouce dans la perception et la gestion publique de la solitude, de l'isolement et de la relégation de bon nombre d'enfants des villes.
 
Et pourtant ce type de pratique est toujours inacceptable : une réglementation d'exception qui retranche une fraction de population de la société commune ; des dispositions qui visent tel quartier et pas tel autre (au motif d'ailleurs incroyable de vouloir en "protéger" ses propres habitants). Voilà pourtant qui devrait largement bien davantage choquer nos républicains que tout timide projet de loi d'autonomie régionale!
 
On voit bien, qu'en l'absence de tout projet éducatif public, ce genre de réglementation ne peut compter pour s'imposer un peu partout que sur la lassitude des acteurs éducatifs et sociaux, fatigués de voir revenir sans arrêt ce qu'ils ont combattu hier.
 
Certes, il y a des problèmes d'éducation qui se posent dans la société d'aujourd'hui ; le recul des solidarités familiales et de proximité autour de parents de plus en plus isolés et singulièrement de plus en plus assignés, la baisse des ambitions collectives d'éducation et le manque de moyens donnés localement aux écoles, aux équipes, à la prévention, tout cela mériterait en effet de construire enfin les bases d'une véritable politique publique de co-éducation!
 
Mais avec les couvre-feux, on est en pleine logique inverse : on culpabilise davantage les parents, on renforce (un peu gratuitement d'ailleurs) le discrédit jeté sur certains quartiers et certains milieux, on accentue la prétention d'un contrôle social et policier sur les couches de la population les plus précarisées au moment où les couches les plus favorisées pourront, quant à elles, continuer à éduquer leurs enfants dans l'opacité la plus totale.
 
Bref, on tourne le dos, à tout réel projet de tenter de comprendre les difficultés actuelles de l'éducation familiale et sociale. Il est en effet beaucoup plus démagogique, à tout point de vue de prétendre renforcer le contrôle policier, même d'ailleurs quand ce dernier ne pourra être qu'impraticable ; ce qui compterait ne serait-il pas le seul effet d'annonce?
 
On a pourtant le droit aujourd'hui de penser que le problème principal est moins la présence des enfants dans les rues, que le fait qu'ils n'y trouvent pas les structures éducatives de proximité durables et bien dotées, dont ils auraient besoin !
 
Et pourtant de telles pratiques sont possibles : des pratiques en milieu ouvert sont nombreuses et prometteuses; mais le plus souvent elles buttent sur une non-reconnaissance des pouvoirs publics, des difficultés de financement. Et pourtant, à chaque fois qu'on a permis aux enfants d'un quartier de rencontrer librement sans inscription ni paiement, dans leur environnement immédiat des adultes stables et disponibles pour les accueillir, on constate toujours la même chose : les enfants sont nombreux à venir, bien plus qu'on les imaginait ; ils sont fidèles et leur demande relationnelle, éducative même est immense.
 
Entre autres expériences, la maison Robinson de Longjumeau (programme de l'association INTERMEDES*) fidélise maintenant depuis 1998 (premières actions) plus de 180 enfants et leur famille.
 
On voit comme on est loin de la stigmatisation et de l'exclusion : c'est de co-éducation qu'il s'agit ici. L'éducation dépend en effet tellement de l'environnement et l'environnement, c'est nous aussi!
 
Laurent OTT
enseignant et éducateur à Longjumeau (91)
Militant associatif, auteur de "Les enfants seuls" (DUNOD 2000)
 
*Association INTERMEDES - Maison Robinson Logement
117 La Villa Saint Martin 91 160 Longjumeau
intermedes[arobase]wanadoo.fr URL: http://assoc.intermedes.free.fr/
 
 
 
 
 

 

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