Le chantier de l’innovation, né d’une volonté ministérielle, a suscité de nombreux projets d’équipes. Cela s’est concrétisé par quelques ouvertures d’école et d’établissements à la dernière rentrée. D’autres projets sont en cours d’élaboration.
Pour nous, pédagogues Freinet, l’innovation ne se décrète pas, il s’agit bien d’une vraie rupture qui doit concourir à de réelles transformations dans l’Ecole actuelle. Pratiques de rupture, mais pratiques cohérentes, prenant appui sur l’expérience des équipes pédagogiques travaillant sur ce terrain depuis de nombreuses années.
Les innovations dans notre système scolaire ne peuvent se contenter de mesures structurelles. Au contraire elles remettent en question l’essence même de ce qui fait notre travail au quotidien :
- la place de l’enfant dans la classe, à travers l’émergence de ses modes d’expression et de sa personnalité ;
- la place du savoir, non plus conçu comme accumulation de connaissances sans lien entre elles, mais bien comme appropriation par l’enfant/élève ;
- le rôle déterminant du groupe, par la mise en place de la coopération dans la classe, dans l’école mais aussi par l’élaboration d’un patrimoine culturel communautaire ;
- les rôles et la part du maître dans ce processus…
La précipitation dans laquelle se sont effectuées certaines ouvertures d’établissements innovants, l’absence de mode d’emploi ou de cahier des charges précis ont souvent handicapé la mise en œuvre des projets. Les freins locaux (collectivités locales, hiérarchie intermédiaire) avaient été sous estimés.
Travailler en équipe, s’investir dans une véritable démarche collective, demande de s’inscrire dans la durée. Aussi pour tous ces projets, devenus réalité ou sur le point d’aboutir, il reste à obtenir une reconnaissance institutionnelle qui puisse assurer la pérennité des équipes bien au-delà d’échéances électorales.
Il est indispensable que les expériences innovantes bénéficient, dans le cadre d’un «contrat d’innovation», de postes à contraintes particulières permettant de recruter des enseignants de manière claire et transparente, afin d’assurer leur maintien dans le temps.
Ces expériences sont très formatrices pour les enseignants qui les vivent. Le rôle de l’équipe coopérative comme lieu de formation n’est plus à démontrer.
Mais innover ou travailler autrement, nécessite une formation qui n’est dispensée nulle part. Les mouvements pédagogiques, les réseaux qui se forment, constituent des lieux efficients de coformation pour les enseignants impliqués. Mais cela ne saurait suffire.
L’institution doit enfin reconnaître cette coformation et en donner les moyens : temps pour échanger entre équipes, pour confronter les pratiques, pour construire et expérimenter de nouveaux outils, pour ouvrir la voie à de réelles démarches d’appropriation du savoir par les enfants…
La voie unique initiée depuis les prémices de l’Ecole a montré ses limites (échec scolaire, violence à l’école, démobilisation des acteurs de l’école…). La formation des enseignants est devenue essentielle en vue de reposer les questions de l’Ecole aujourd’hui : quelles pratiques pédagogiques face à l’hétérogénéité des élèves et des groupes-classes, quelles pratiques éducatives face à la montée des réactions hostiles à l’école, quelle organisation du travail en équipe, quelle coopération face à l’isolement et aux difficultés nouvelles des enseignants …
Pour cela notre mouvement est prêt à s’associer aux actions de formation initiale et continue dans les IUFM avec un statut de « Formateur collectif associé » dont le cadre reste à définir.
Joël Blanchard, Pierrick Descottes, François Le Ménahèze,
Membres du Comité d’Animation de l’ICEM