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Des "travaux" au collège et au lycée

Février 2002

 

Alors que se généralisent les travaux croisés au collège et les travaux personnels encadrés au lycée, le secteur second degré de l’ICEM nous propose un dossier, mêlant analyses et témoignages sur ces avancées pédagogiques, dans lesquelles on retrouve bon nombre des principes mis en place dans les classes « Freinet » du secondaire.
 
Visant à donner le goût d’apprendre et de se cultiver tout au long de la vie, éléments décisifs pour accéder à l’autonomie dans les apprentissages, ces formes de travail peuvent être pour les uns, un moyen de remotivation et pour les autres, une voie d’approfondissement. Encore faut-il que les moyens matériels mis à disposition des équipes d’enseignants (temps, CDI…) soient singulièrement développés et que ce travail soit véritablement reconnu dans le parcours scolaire des élèves.
Où le BO est innovant
 
Catherine Mazurie, du secteur second degré de l’ICEM, analyse pour nous les différents textes officiels et en particulier ceux qui concernent la mise en place des travaux croisés au collège, les TPE en étant le prolongement au lycée.

 





Cela fait plusieurs années qu’il est question d’individualisation et de personnalisation de l’enseignement dans le BO. Les TPE ne sont que le prolongement de travaux qui existent, en théorie depuis longtemps au collège.

 

Les ministres successifs ont ainsi chaleureusement encouragé la mise en place de travaux interdisciplinaires. C’est ce que rappelle Ségolène Royal en 99 : « Je souhaite à cet égard que chaque élève de 4ème puisse s’investir, avec plaisir et détermination et même avec passion, dans la réalisation de “Travaux croisés”, projets pluridisciplinaires valorisants et formateurs, prolongeant et systématisant les “parcours diversifiés” expérimentés en 5ème. Il s’agira pour chaque collégien de mener à bien une production (artistique, scientifique, etc.) correspondant à un vrai centre d’intérêt et mettant en oeuvre, sur quelque support que ce soit, des savoirs complémentaires de différentes disciplines : son “chef d’œuvre”, en quelque sorte, réalisé avec l’aide d’enseignants des diverses disciplines concernées, dont la notation sera à terme prise en compte dans les épreuves du diplôme national du brevet. »

 

Plus loin, elle précise les objectifs de ces « travaux croisés », et on croit rêver en lisant ces lignes :

 

« -Valoriser la réalisation, la fabrication, la production, d’un projet impliquant plusieurs disciplines.

 

- Favoriser un travail pluridisciplinaire pour assurer une plus grande continuité et cohérence des savoirs.

 

- Entraîner les élèves à mener un projet jusqu’à sa réalisation finale, développer leur autonomie.

 

- Encourager le travail d’équipe des enseignants de disciplines différentes.

 

- Prolonger les parcours diversifiés de 5ème en les renforçant. »

Les modalités de travail affirment la nécessité de faire des ponts entre les disciplines, de prendre en compte l’enfant dans sa globalité etc. : « En classe de 5ème, dans les parcours diversifiés, l’élève aura déjà mis en place les bases d’un travail autonome (individuel ou en groupe) dans une approche pluridisciplinaire. Il aura également pris l’habitude de travailler avec plusieurs enseignants et de construire des passerelles entre les enseignements. Les “Travaux croisés” en classe de 4ème lui permettront d’affirmer les compétences déjà développées en 5ème.

 

Les réalisations demandées aux élèves peuvent être de différentes natures : enquête, expérience ou fabrication d’un objet scientifique, ateliers d’écriture, création artistique, audiovisuelle, musicale, théâtrale, actions sur le patrimoine, l’histoire, l’environnement. »

 (Bo23Supplément 07 juin1999)

 

Le BO N° 25 de juin 2000 rappelle les mêmes principes louables… mais donne aux enseignants la possibilité de ne pas les mettre en place !

« Les parcours diversifiés et les travaux croisés ont pour principal objectif de mettre en place des pratiques interdisciplinaires qui donnent plus de sens aux apprentissages et permettent aux élèves de percevoir la cohérence des différents programmes d’enseignement proposés au collège.

Ils offrent également aux professeurs la possibilité de pratiquer des méthodes pédagogiques originales. Ils constituent, au cycle central, un moyen de motiver les élèves.

À la rentrée scolaire 2000, les travaux croisés ne seront pas obligatoires pour toutes les classes de quatrième. Cependant, l’objectif défini dans la circulaire n° 2000-009 est maintenu et les collèges sont encouragés à utiliser l’année 2000-2001 pour les expérimenter. Il est en particulier demandé à chaque collège d’organiser au moins une expérimentation de “travaux croisés” en quatrième pour l’année scolaire à venir. Il pourra s’agir soit d’une classe entière soit du regroupement temporaire d’élèves issus de plusieurs classes.

 

Cette phase expérimentale sera accompagnée par la publication d’un document pédagogique à paraître au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2000-2001, par des actions spécifiques de formation des professeurs et par l’attribution de fonds supplémentaires prévus dans le collectif budgétaire.

 

Un bilan de la mise en place des travaux croisés en 2000-2001 sera dressé, afin de décider de la suite à donner à ce dispositif.

 

Dans l’attente des conséquences tirées de ce bilan, la prise en compte de l’évaluation de ces travaux dans le cadre du diplôme national du brevet est reportée. 

 

Pour le ministre de l’éducation nationale et par délégation, Le directeur de l’enseignement scolaire Jean-Paul de GAUDEMAR »

 

M. Lang, qui veut laisser sa « griffe » dans l’Histoire, nous a envoyé une lettre l’an dernier, qui reprend le dispositif du travail interdisciplinaire, sous une forme à peu près similaire : ce sont les « itinéraires de découverte » : « J’ai donc décidé qu’à compter de la rentrée 2002, l’horaire des classes de 5e et de 4e sera nationalement unifié et qu’il intégrera un volume de deux heures hebdomadaires pour pleinement installer, sous forme d’itinéraires de découverte, une nécessaire pluralité des modes et des objets d’apprentissage.

Les itinéraires de découverte répondent à quelques principes simples :

- permettre une approche interdisciplinaire qui évite la mosaïque des savoirs ;


-  valoriser, chez les élèves, le travail autonome sur des projets, dont la réalisation, personnelle ou en équipe, débouche sur une évaluation rigoureuse non seulement des connaissances, mais aussi des compétences acquises ;


- favoriser le travail en équipe des enseignants, auxquels il reviendra, au sein d’un cadre défini nationalement, de guider les élèves dans le choix et dans la réalisation de leurs projets.

 

Concrètement : au cours du cycle central, chaque élève, avec l’aide de ses professeurs, choisira plusieursitinéraires de découverte dans un ensemble de quatre pôles souples qui seront définis et précisés à l’échelon national :

 

Découverte de la Nature  et du Corps humain

 

Découverte des Arts et des Humanités

 

- Découverte des Langues et des Civilisations

 

- Initiation à la Création et aux technique

 

Outre ces quatre pôles, d’autres associations sont possibles sous le contrôle de l’inspecteur d’académie.

 

Chacune des réalisations issues de ces itinéraires fera l’objet d’une évaluation qui sera l’une des composantes du futur brevet d’études fondamentales.

 

Visant à donner le goût d’apprendre et de se cultiver tout au long de la vie, les itinéraires de découverte devraient être pour les uns, un moyen de remotivation et pour les autres une voie d’approfondissement. »

 

Catherine Mazurie

Secteur second degré de l’ICEM



 

Témoignage sur les travaux croisés en collège

 

Rien n'a jamais été vraiment mis en place dans mon collège. Nous faisons donc avec les moyens du bord, c'est à dire que les profs qui ont un ou des projets (peu...) demandent des classes en commun, et des " heures de trous " pour pouvoir intervenir ensemble dans ces classes.

 

Cette année, j'ai toutes mes classes en commun avec la prof de français

Avec qui je travaille depuis un bon moment. Nous avons fait un parcours « l'eau à la bouche », en français, anglais et arts plastiques. Cela a très bien marché, mais le thème était commun à toute la classe, les élèves des autres classes ne pouvaient s'y joindre (par la force des choses, puisque aucun créneau n'est prévu dans l'emploi du temps collectif).

 

Cette année, idem, mais projet poésie, avec français, anglais, arts plastiques et techno. Objectif, montage visuel, sonore... à présenter aux autres classes.

 

Tout cela ressemble fort aux bons vieux PAE mais souvent sans les heures ni les moyens... On fait quand même (y compris un projet trilingue, espagnol, anglais, français) parce que les élèves aiment ça, nous aussi et parce que c'est si agréable de ne pas travailler tout seul…

 

Martine Hamon-Minkoff



 

 

 

T.P.E., la pédagogie Freinet

entre au lycée par la grande porte



Hélène Bourdel, professeur de français à Mulhouse, nous présente une année de Travaux Personnels Encadrés, avec une classe de première et des enseignants volontaires.



 



 

Situation

 

 

Les TPE, travaux personnels encadrés, ont été généralisés à compter de la rentrée 2000 à toutes les classes de Première générale. En voici une définition officielle :

 

 

Devant les inquiétudes manifestées (les oppositions !) Jack Lang a instauré une mise en route progressive : une seule classe par établissement commence à la rentrée 2000, pour les autres, l’heure est à l’emploi du temps, mais les enseignants en disposent comme temps de concertation pour commencer au plus tard en janvier.

Certains collègues ont hurlé. Moi je hurlerais plutôt d’enthousiasme : enfin ! Enfin la recherche, enfin l’autonomie, enfin l’interdisciplinarité, enfin le travail de groupe ne dépendent pas du bon vouloir de l’enseignant. Enfin les élèves peuvent choisir eux-même leur propre objet d’études. Enfin, la démarche de recherche prend sa pleine dimension : ils ne vont pas chercher ce que je sais déjà et que je leur dis de chercher, mais ce que peut-être ni eux ni moi ne savons encore.

 

 

Ainsi le parcours

 

est à peu près celui-ci :

 

-des enseignants choisissent un thème dans la liste nationale

-Les élèves, par groupes de deux à quatre, choisissent leur sujet à l’intérieur de ce thème.

-Ils mènent leur recherche de façon autonome

 

-… jusqu’à une production finale

 

-Ils fournissent une brève synthèse

 

-…et présentent leur travail dans une petite soutenance

 

On reconnaît globalement les étapes d’une pédagogie de projet ; et sous l’angle didactique et pédagogique une démarche « intérêt---interrogation---recherche » qui est un aspect caractéristique de la pédagogie Freinet (et d’autres, et de la connaissance elle-même).

 

 

 

 

 

De plus l’évaluation…

 

Qui dit mieux.

 

 

 

Et concrètement

 

Parce qu’on en parle au SGEN depuis longtemps, parce que je travaille dans cet esprit-là depuis plusieurs années, j’ai guetté les textes : protocole de décembre 1999, BO de janvier et mars 2000… (Mais bien sûr, l’Education Nationale n’a prévu aucune formation préalable…)

 

Je me suis portée aussitôt volontaire (les professeurs responsables sont désignés par le chef d’établissement, normalement après concertation). Le collègue avec qui je travaille, lui, n’avait rien demandé, mais, chance, s’est trouvé aussi convaincu que moi.

 

 

Nous avons choisi le thème de la frontière. Commençant tôt, dès la rentrée de septembre, nous avons eu le sentiment d’avoir du temps et de pouvoir avancer tranquillement, au rythme des élèves.

 

 

 

 

 

 

 

Faire confiance aux élèves

 

Nous avons pris le parti de jouer entièrement le jeu de l’autonomie.

Voici notre parcours :

 

-Information ferme et organisée des élèves. (1 séance courte, les encadrés ci-dessus donnés aux élèves)

 

-« Brainstorming », « remue-méninges », « tempête de matière grise » sur le thème. En sont sortis, en trente-cinq minutes, deux cents à deux cent cinquante mots, qui couvrent à peu près le champ que nous avions délimité en concertation préalable. (1 séance de 2 heures)

 

-Tri des termes en petits groupes.

 

-Recherches tous azimuts à partir de ces termes, au CDI et sur internet, tantôt encadrées (les deux enseignants et la documentaliste) tantôt en autonomie.(2 séances)

-Elaboration de sujets ; nous en avons demandé deux par personne, sur fiches détaillées. (1 séance)

 

-Tri et appréciation des sujets par les professeurs, annotation de la fiche, faisabilité, conseil. (Nous en avons éliminé une quinzaine comme infaisables.) (hors cours)

 

-« Bourse aux sujets » : choix des sujets, avec va-et-vient avec les enseignants. (1 séance, suivie d’une séance de recherches)

 

-Présentation orale des sujets à la classe et questions. Une remarquable vivacité des débats. (1 séance)

 

-Recherches, la plupart du temps autonomes, avec un (ou les deux) enseignant-ressource à proximité, pour des entretiens à la demande avec les groupes. (nombreuses séances)

 

-Recadrages divers, échéancier…(doc 3)

 

-Choix définitif des productions (décembre-janvier) (doc 4)

 

Nous avons décidé de présenter les T.P.E publiquement début avril, et de faire les soutenances avant les vacances de Pâques pour libérer les élèves pour la préparation de leurs épreuves anticipées du Bac. (doc 5)

 

 

 

Réactions

 

La classe a eu un mouvement immédiat d’adhésion à la démarche au-delà de nos attentes. Notre problème a été plutôt de freiner les élèves qui auraient voulu choisir immédiatement leur sujet : or, en recherche, le temps de « grenouillage » et de décantation est essentiel.

 

Il a fallu gérer les déceptions des sujets refusés : faire comprendre que nous sommes responsables de la faisabilité, faire accepter notre décision a nécessité un travail sur la confiance.

 

La présentation orale des sujets a été enthousiasmante : vifs débats, mises en causes de problématiques…

 

La gestion de la durée n’est pas évidente : certains s’essoufflent ou s’amusent ou tournent en rond. Il y a quand même un groupe que nous avons vu vingt minutes au début…et cinq minutes trois mois après quand ils ont demandé un budget pour leur production finale.

 

 

Vers les productions

 

Nous avions d’entrée de jeu décidé et annoncé que nous voulions des productions originales ( et même éventuellement spectaculaires…), c’est à dire ni dossier ni exposé : ou alors, du niveau d’un numéro de revue ou d’une conférence publique ! Quelques-unes étaient décidées au dépôt même du sujet car elles faisaient corps avec lui (une bibliographie en particulier) ; d’autres en va-et-vient avec nous.

 

En décembre, nous leur avons donc fourni une liste d’idées de production et avons exigé un descriptif de production pour janvier, avec les nécessités matérielles.

 

Cette exigence a curieusement, stimulé la recherche : les adolescent fonctionnent souvent en termes de moyens et la production a donné une figure très concrète à la recherche, jusque-là un peu abstraite, qu’elle a accélérée et précisée. Là encore, les groupes sont très différents : certains déposent un projet détaillé, avec plan descriptif, liste de matériel précise, d’autres tâtonnent longtemps ; certains achèvent leur recherche, puis passent à la production matérielle, d’autres mènent les deux de front sur une assez longue période.

 

Invitation

 

Nous voulions dès l’abord donner du retentissement à ce travail nouveau, un aspect public. Lorsqu’il est apparu que beaucoup de groupes s’orientaient vers des expositions, nous avons choisi de faire un vernissage : productions exposées dans tout l’établissement comme une grande médiation sur le thème de la frontière : l’invitation, en forme de passeport, selon une idée des élèves, a été adressée à la presse régionale, aux I.P.R, aux collègues…

 

 

Déroulement

 

La mise en place s’est faite dans un mélange d’enthousiasme et de stress, au fond très porteur. Des inquiétudes et des désespoirs pour un panneau détérioré ( réflexion express sur la citoyenneté, information aux autres classes, par laquelle nous aurions du commencer…)

 

L’inspecteur chargé des TPE, la direction du lycée, des collègues de la classe, de l’établissement ou de l’extérieur, des étudiants (la presse conviée ne s’est pas déplacée à l’heure H, mais avant et après) ont donc été promenés de frontière en frontière : parcours sur les grandes découvertes, interrogation sur le passeur de clandestins, mais aussi questions sociales : hommes et femmes riches et pauvres, etc…

 

Fonctionnement

 

Il nous a paru essentiel de séparer cette présentation publique du moment d’oral, d’évaluation et de questions (même si on a tenu compte de la qualité de cette présentation). Ici, chaque élève devait s’exprimer brièvement pour présenter quelque chose de la production, certains sauront en trois phrases placer tous les mots clefs de leur démarche de recherche et de réflexion.

 

Les réalisations sont certes inégales : un groupe n’a pas abouti, faute de travail ; une production est décentrée du sujet initial vers des lieux communs ; une autre partielle, néglige la réflexion ; un groupe s’est trompé de support : son exposition est plutôt un dossier mis au mur. Certaines s’exposent mal (ainsi une bibliographie) mais d’autres groupes, qui ont réalisé des travaux d’écriture, relèvent la gageure : l’un picturalise, l’autre met en scène. Certaines productions sont de grande qualité, certaines réalisations très soignées.

Certaines ont provoqué des discussions dans le lycée !

 

 

Evaluation

 

La semaine suivante, nous avons organisé des soutenances individuelles : chaque élève avait organisé des soutenances individuelles : chaque élève avait dix minutes pour présenter sont TPE (beaucoup en ont utilisé deux à cinq...) suivies de cinq minutes de questions, devant un jury composé des deux professeurs responsables et d’au moins une autre personne pour avoir une ouverture et un regard extérieur : collègues d’autres disciplines ou extérieurs à la classe ou même à l’établissement, proviseur et adjointe, CPE ont participé. Nous avons décidé de noter (la note, au lycée, est ce qui donne du prix à quelque chose !), en tenant compte de tous les paramètres (investissement, travail, connaissances, production, oral...), un peu comme, les soutenances de rapports de stage en Bac Pro et BTS. Nous avons élaboré une grille pour aider l’évaluation (doc 8). Ces soutenances ont été passionnantes, de niveau très varié (même pour un groupe) certaines très brillantes.

Nous avons choisi ce dispositif pour la fin et l’évaluation des TPE comme une possibilité ouverte par la souplesse des textes et appropriée à la situation. Il ne s’agit pas d’un modèle intangible.

 

Notre modèle d’évaluation proprement dite ( individuelle, mais d’une production collective) s’est inspiré de celle des thèmes de BTS industriels. Voilà pour ceux qui trouvent ça impossible : cela se fait depuis longtemps dans l’éducation Nationale.

(Il est vrai que c’est chez des industriels, pouah !)

 

Ainsi, les T.P.E ont eu un retentissement important dans l’établissement, en valorisant la recherche et l’investissement des élèves. Beaucoup d’enthousiasmes et de passion…

 

 

Effets…

 

Et pour nous trois réactions :

-Un renforcement très spontané de nos pratiques de recherche et de travail de groupe : mon collègue n’a plus supporté de refaire un cours magistral habituel sur un point où toutes les données sont facilement accessibles.

-Un malaise : mon collègue a toujours envie de faire le travail à la place des élèves, comme si les écouter et répondre à leurs questions en termes de méthode n’était pas du travail : culpabilité du prof qui craint « d’être payé à ne rien faire ».

-Un autre malaise : enthousiaste à chaque séance et après, je suis angoissée à l’approche de la séance suivante. Sourde angoisse de ne pas savoir. En effet, en temps ordinaire, je sais où je vais : arriver en cours, c’est maîtriser ce que je sais, et qu’ils ne savent pas ; la situation est claire. Mais là, je ne sais pas en arrivant !

 

C’est dans les deux cas, un fort ébranlement des situations et des certitudes : les T.P.E, profondément, nous remettent en question, remettent en question des parts entières de notre enseignement.

 

 

 

Nuances

 

D’abord, c’est lourd : suivre dix projets !

 

Ensuite, tout ne se passe pas toujours aussi bien. Je l’ai déjà dit, aucune formation préalable, une misérable journée d’échanges en octobre (plus de râleries que de formation). Heureusement que j’étais par moi-même formée à la pédagogie de projet.

Dans d’autres établissements, les heures ont été distribuées uniquement pour compléter des sous-services, à des gens qui éventuellement n’en voulaient pas. Certains restent persuadés que les élèves ne peuvent rien faire si on ne les « cadre » pas ; d’autres crient à la charge de travail supplémentaire. Tout cela alimente parfois le pire esprit revendicatif.

 

La pire est le manque de confiance dans les possibilités des élèves : des équipes d’enseignants ont fourni des listes de sujets (ce qui est une perversion du projet), ou au moins des sous-thèmes. Des collègues scientifiques assurent que c’est indispensable dans leurs domaines (je n’en sais rien).

 

Au fond, la question-clef est peut-être celle de la confiance : confiance dans les élèves (ni animaux à dresser, ni outres à remplir, ni incapables de se poser seul la moindre question !…) et aussi confiance en nous-mêmes, en nos capacités à guider de petites recherches hors de nos chemins habituels.

 

 

Et cette année

 

2001-2002 ?

 

Une double ou triple imposture : d’abord, les TPE qui devaient être l’amorce d’un grand renouvellement pédagogique en entrant au baccalauréat, sont relégués au rang d’option supplémentaire : résultat 1, peu ou très peu d’élèves sont partants pour des TPE lettres-philo ! ; résultat 2, on peut craindre qu’il y ait deux bacs, un avec TPE et un sans TPE, classés très différemment pour des entrées sur dossier… ; résultat 3, comment les mettre en place en TS option sciences de l’Ingénieur, où les TPE sont intégrés à l’horaire disciplinaire, si seuls certains élèves les font ?

 

Ensuite, tout le monde a besoin des CDI, des documentalistes (1 ou 2 de plus par établissement !), des salles multimédia en même temps, et les TPE bloquent tout. Le ministère réduit donc les TPE à six mois, septembre-janvier pour les terminales, janvier-juin pour les premières… qui ont leurs épreuves anticipées du bac en juin ! De plus la mise en place en première ST est retardée…

 

Jack Lang, en période électorale, n’a pas voulu aller jusqu’au bout d’une réforme intéressante, (soutenue, de plus, par les parents d’élèves, par les élèves, et par une bonne partie des enseignants.) Ca manque d’envergure ! Il est vrai que les TPE font exploser le système : besoin de place, de grands CDI, d’ordinateurs, de documentalistes. Ca coûte cher !

 

Des syndicats hurlent parce qu’en introduirait ainsi le contrôle continu au baccalauréat ! Mais ce contrôle continu existe au bac pro, et aux bacs de techniciens industriels, pour la partie technique. Est-ce à dire que ce ne sont pas de vrais bacs ?

 

Et nous ? ou plutôt, et moi ?

 

Avec la même classe, en philo-lettres, nous travaillons en TPE : sept sujets déposés sur le thème ORDRE ET DESORDRE…

 

Hélène Bourdel

Professeur de lettre au lycée Lavoisier de Mulhouse (Haut-Rhin)

Article paru initialement en mars 2001 dans la revue Chantiers Pédagogiques de l’Est, complété en octobre 2001.



 



 



« Les TPE sont élaborés par les élèves qui sont mis en situation de responsabilité dans la conduite d’un projet jusqu’à son terme.

A partir d’un thème de la liste nationale qui propose une problématique large fortement ancrée sur le contenu des programmes les élèves, avec l’aide des enseignants, déterminent des sujets précis qui s’articulent sur deux disciplines dominantes de la série. Ce travail, mené en petits groupes et encadré par des enseignants des disciplines concernées, aboutit à une réalisation concrète qui peut prendre des formes diverses, et fait l’objet, au moment de l’évaluation, d’une communication orale.

Les élèves réalisent un TPE dans l’année. En classe de première, il s’agit essentiellement d’une préparation et d’une initiation à cette démarche. En terminale, les élèves doivent réaliser un TPE plus abouti qui sera pris en compte au baccalauréat.

Les TPE favorisent une démarche active et motivée d’apprentissage à l’autonomie par la construction réfléchie d’un projet sans précipitation ni approximation. Par une approche pédagogique différente, ils offrent l’occasion d’intégrer et de réutilise les connaissances acquises en cours. Ils constituent donc le point de convergence de compétences multiples : développer l’esprit de recherche et d’initiative, associer savoirs et savoir-faire dans un esprit créatif et/ou expérimental, développer des qualités d’analyse et de synthèse nécessaire à la présentation construite et argumentée d’un projet, à l’oral. »

Protocole TPE-décembre 1999



 

 

« Les critères d’évaluation

 

Si l’évaluation tient naturellement compte de la synthèse écrite, de la production et de la présentation orale, elle intègre aussi :

-la démarche de l’élève sur l’ensemble de l’année ;

-de son degré d’autonomie ;

-son investissement ;

-la qualité de ses recherches ;

-sa capacité à affiner sa problématique en fonction de la documentation trouvée

-sa faculté à prendre en compte les remarques et suggestions de ses camarades et des enseignants.

Le carnet de bord, outil indispensable pour apprécier la démarche, n’est pas évalué en tant que tel. »

 

Document ministériel, BOEN, les TPE



 

 

« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche !

 

Vous vous êtes condamnés à chercher et à trouver… d’abord au moins deux sujets par élève qui seraient susceptibles de fournir matière première à une production finale.

 

Les propositions de sujets seront présentées et débattues en classe lors des prochaines séances. J’attire votre attention sur le fait que vous aurez à rendre compte individuellement de la genèse du sujet, c’est à dire comment vous en êtes arrivés là, qu’est ce qui vous a mis sur cette piste ?

 

Vous devez puiser naturellement dans le gisement d’idées exploratoires de la séance inaugurale et prendre appui sur les recherches engagées précédemment au CDI.

 

Pour information les mots suivants connotent aussi la frontière :

Atlas, cartes, drapeau, couleurs, Rhin, Rio Grande, Pyrénées, Alpes, Oural, Ligne Maginot, Ligne Siegfried, Limès, Mur d’Hadrien, Passage.

 

Cette liste en dépit des apparences n’est pas le fruit des cogitations d’un historien-géographe, mais en l’occurrence d’une littéraire en route vers des terres proches et familières.

 

Du coup, le frontière signifie également :

Proximité, complicité, connivence, contrebande, témérité, courage, anticonformisme, renoncement, intransigeance, sens du devoir, et bien sûr : La Belle et la Bête !

 

 

D’ailleurs les deux vous souhaitent bon travail.



 

 

Nom

Prénom

 

 

Fiche de liaison en vue de l’élaboration des sujets

 

A partir du thème de la frontière, quelle a été votre démarche de travail pour dégager deux pistes de sujets possibles. Il s’agit de faire le point sur les conditions dans lesquelles vous vous êtes appropriés le mot frontière pour le questionner sous un angle particulier.

 

 

 

Quels sont les supports documentaires que vous avez utilisés ou que vous envisagez d’exploiter ? Quelles sont les ressources qui vous paraissent indispensables à la bonne réalisation de votre travail ?

 

 

 

Formulation des sujets sous une forme « problématisée » c’est à dire interrogative.



 

 

 

Sujets et productions

 

-Les stéréotypes nationaux

-La frontière entre hommes et femmes

-La frontière entre riches et pauvres

 

-Arts sans frontières à la Renaissance

-Les grandes découvertes

 

-La frontière entre la réalité et la fiction littéraire et cinématographique

-Les passeurs de frontière

-Le rideau de fer

-Frontières de l’humanitaire

 

 

 

-Les frontières culturelles dans la littérature  

 

 

-exposition

-exposition

 

-exposition et bénévolat aux Restos du Cœur

-Exposition en 48 panneaux et 4 transparents

-Exposition parcours en 9 stations dans tout le lycée

-Exposition et écriture de fiction :journal d’une meurtrière en série au lycée

-Exposition de travaux de réécriture

-Mur d’images

-Travaux d’écriture de fiction (journal d’une expédition humanitaire Mulhouse-Kosovo) et mise en scène (un poste frontière)

-Bibliographie commentée

 

 

 

Grille d’évaluation pour un TPE lettres-sciences humaines-arts

 

Evaluation orale



 

 



Aisance

Timidité excessive Insolence

Agressivité

Emotivité assez marquée Impulsivité

Pondération Assez bon contrôle de soi

Très à l’aise Simple, ouvert, franc, direct

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pendant

 

la soutenance

Rythme

Temps morts - bafouillages

Remplissage - hésitations

Assez fluide

Fluide

Particulièrement bien adapté à la situation,

Elocution

Parfois incompréhensible

Obligation de tendre l’oreille

Claire et audible

Posée

Nuancée

Vocabulaire

Pauvre

Vulgaire

Impropre

Familier Prétentieux

Restreint

adapté

Riche

Nuancé

Syntaxe

Incorrecte Phrases incomplètes et mal structurées

Des erreurs bénignes

Syntaxe correcte Style courant

Style recherché

Usage du document

Pas de documents Document mal connu

Hésitations Fouille ses documents

Correct mais réduit

Précis, abondant, bien venu

Documents maîtrisés

Documentation Références

Faibles inappropriées

Appropriées mais pauvres

Bonnes

Riches abondantes précises

 

 

 

 

 

 

Contenu

Problématique

Absente

Peu claire

Mal maîtrisée

Maîtrisée Correcte

Claire et incisive

Particulièrement pertinente

Connaissances

Faibles

Inexactes

Absentes

Générale

Quelques erreurs

Précises

Correctes

 

Riches

Abondantes

Maîtrisées

Réflexion

Absente

Embryonnaire

Convenue

Bonne mais incomplète

Générale

Appropriée

Complète

Ouverte

Riche

Abondante

Nuancée

Approfondie

Travail d’année

Embryonnaire

Laisser aller

Moyen

Sans originalité

Dépendance

Bon travail

Progression

Actif

Original

Autonome

 

Travail

Production (conception)

Inappropriée

Absente

Inachevée

Intéressante mais support mal approprié ou incomplète

Bonne

Rend bien compte du sujet

Support adapté

Grande originalité

Grande pertinence

 

 

 

Production 

Réalisation

Approximative

Bâclée

Laisser aller

Scolaire

Des maladresses

Perfectible

Grande qualité

Cahier de bord

Inexistant

Fragmentaire

Minimal

Peu de conscience de la recherche

Complet

La recherche apparaît

Elaboré

Rend compte d’une riche progression

Interdisciplinarité

Oubliée

Inappropriée

Mal gérée

Partielle

Possibilités mal exploitées

Appropriée

Difficile mais présente

Excellente

Complète

Créative

 

Peut être placé en « contenu »

Synthèse

Absente

Narrative

Claire

Place les points clefs

Originale

Riche et précise sur l’origine, le cheminement, l’aboutissement

 



 



 

 

A vos marques, prêts, partez !

 

Vous êtes dans la dernière ligne droite avant la présentation publique des TPE.

 

 

Il est impératif que vous ayez bouclé complètement votre travail pour la fin du mois de mars.

 

 

En effet la mise en place matérielle de vos productions (expositions, livrets, dossiers,…) aura lieu les lundi 2 et mercredi 4 avril 2001.

 

Une présentation officielle avec le concours de la presse et des personnels de direction et d’inspection aura lieu le mercredi 4 avril 2001.

 

Les soutenances individuelles devant un jury sont programmées les 9 et 10 avril 2001.

 

(N’oubliez pas que pour soutenir un effort de type course d’endurance, ce qui compte avant tout, c’est la régularité de la foulée, plus que son ampleur. Si certains ne se sont pas encore beaucoup foulé, ils ont intérêt à se bouger –non en se foulant la cheville- mais en notant soigneusement dans leur carnet de bord, les divers terrains d’investigations, les pistes de recherches foulées par leurs soins.)

 

Vos dévoués professeurs : Madame Bourdel et Monsieur Labeth



 



 



 

Du “chef d’œuvre” aux TPE

 

“Travaux personnels encadrés”

 

 

Roger Favry nous donne quelques éléments de réflexion pour éclairer la question des T.P.E. Il les replace dans la tradition des « chefs-d’œuvre » et des brevets chers à freinet





Par rapport à la pédagogie Freinet, un dossier avait été publié en 1965 par C. Freinet et J. Petitcolas : “Brevets et chefs-d’œuvre”. Il avait pour ambition de fournir une alternative possible aux examens. Les “brevets” venaient du scoutisme de Baden-Powell et ont connu une belle fortune institutionnelle sous le nom d’unités de valeur, d’unités capitalisables etc. Dans le mouvement Freinet lui-même les brevets permettent de sérier des compétences précises indispensables à la vie coopérative de la classe, notamment dans le primaire (Ex : “Je sais faire” ceci ou cela.).

 

Les “chefs d’œuvre” viennent du compagnonnage. Le terme remonte au “Livre des métiers” d’Etienne Boileau de 1268. Il s’agit d’une “œuvre capitale et difficile en vue d’obtenir la maîtrise dans une corporation”. L’ouvrage évoque déjà les ouvriers-voyageurs. Pour s’affranchir du cadre étroit des corporations des sociétés s’organisent clandestinement sur un Tour de France qui dure 5 - 7 ans. Ceci concerne les métiers du bâtiment. La Révolution supprime les corporations. Au XIX° s Agricol Perdiguier (1805 - 1875) fédère le mouvement. La présentation du chef-d’œuvre est demandée en fin de périple pour gagner le titre de “compagnon”. Le sens figuré de “chef d’œuvre” apparaît en 1508. Je pense qu’il est bon de garder en ligne de mire des TPE ce sens figuré.

 

Cette conception du “chef d’œuvre” comme attestation irréfutable d’une compétence globale est propre à l’enseignement technique. Il est heureux que l’enseignement général s’en empare. S’il faut chercher une expérience utile aux TPE, c’est du côté des rapports de stage propres aux BTS, notamment MAI (Mécanismes et automatismes industriels) qu’on peut - entre autres - trouver du grain à moudre. C’est pourquoi ma réflexion porte sur l’expérience que j’en ai.

           

En première année, l’étudiant fait un stage de deux mois et en seconde année, il procède à la rédaction du rapport. A l’examen, ce rapport fait l’objet d’une soutenance conduite conjointement par les professeurs de mécanique et de culture générale (français). Le coefficient attaché à la soutenance était très significatif et emportait la décision. Tous les ans, je voyais ainsi une soixantaine de rapports de stage (ceux de mes élèves, ceux des élèves que j’interrogeais). Au total j’ai dû en voir 400 ou 500 et suffisamment pour proposer à mes collègues et à mes étudiants une méthodologie. Nous étions donc dans une situation qui préfigure celle des TPE

           

Ces rapports entraînaient des contraintes spécifiques communes malgré la variété des situations de stage. En ce qui concerne la qualité des rapports et des soutenances, environ 20 % des rapports étaient de bonne ou de très bonne qualité, 20 % étaient très mauvais, le reste - environ 60 % - oscillant entre des prestations assez bonnes, médiocres ou un peu insuffisantes. Il est probable, qu’à terme, il en sera de même pour les TPE. On n’évitera pas une massification regrettable certes mais inévitable. Ce sera la rançon du succès : les TPE auront alors une part déterminante dans l’examen du bac ainsi que dans les dossiers pour entrer en BTS, IUT, classes préparatoires etc.

 

           

J’ai connu en BTS gestion un autre type de dossier. Il était destiné à être discuté à l’examen par deux professeurs, un en économie et l’autre en culture générale (français). Mais les sujets étaient totalement libres. Il fallait en avoir constitué 5 (2 en première année, 3 en seconde) et à l’examen l’équipe des examinateurs en sortait un d’une manière discrétionnaire, le feuilletait, se le faisait présenter par le candidat et entamait un entretien. Au total 20 minutes. L’épreuve donnait lieu à pas mal d’abus : échange ou même vente de dossiers scandaleusement anachroniques : un “Peine de mort” présenté en 84 ne disait rien de son abolition etc etc. Je me souviens d'avoir vu passer un dossier extraordinaire, en quantité et qualité, sur la Bande dessinée. Hélas, le dossier avait été emprunté. Il n'a pas fallu longtemps à l'équipe de profs (français + économie) pour découvrir le pot aux roses, faire souffrir et sanctionner l'imprudent candidat.

 

Sa préparation pendant les deux années de BTS n’était pas évidente du tout. J’avais découvert en discutant avec les élèves que c’était la problématique (une question simple) et le plan qui leur posaient problème. J’ai donc aidé mes élèves en leur proposant, à la demande, des dizaines de plans sur les sujets les plus divers.

 

Ces rapports de techniciens supérieurs (MAI ou gestion) préfigurent à mon avis la situation future des TPE. Ils vont charrier le lot habituel et inévitable de très bons dossiers personnels et aussi de dossiers plagiés et indétectables sauf lors de la soutenance. Plagiats encouragés par les facilités de consultation et de pompage propres à internet. Il ne faut pas s'en émouvoir. D'abord ils sont relativement peu nombreux (5 % dans une pédagogie ouverte et franche) mais très traumatisants quand ils sont vécus par les profs comme une crise de confiance. Ce qu'ils ne sont pas. Ils sont simplement la solution de facilité pour sortir d'un mauvais pas. Mais le TPE se déroule toute l'année et crée forcément des liens profs-élèves ; c’est le véritable antidote au plagiat, l'arme ultime restant la "soutenance".

 

Roger Favry

Secteur second degré de l’ICEM



 



 

 

TPE : FALLAIT-IL RENONCER A LA GENERALISATION EN TERMINALE ?

 

 

« Tout était prévu pour la mise en place des TPE en Terminale sur le plan institutionnel comme dans l’état d’esprit des profs et des élèves. Le Ministère a reculé. Il ne s’agit même plus d’expérimentation, mais d’une activité facultative et donc de ce fait discréditée. Cette situation nous afflige et nous pose des questions.

 

Sur le plan institutionnel, le projet de circulaire de rentrée communiqué en mars 2001 aux organisations syndicales et aux fédérations de parents d'élèves prévoyait l'introduction des TPE dans les classes de terminale, dans le cadre de la 3ème année d'application de la réforme du lycée, "selon des modalités souples et progressives construites par les équipes éducatives en fonction des réalités matérielles et pédagogiques de chaque établissement". Une autonomie des établissements, avec consultation des CA devait permettre la mise en œuvre optimale au niveau de chaque établissement.            


L'horaire TPE était inscrit dans le service des enseignants et pris en compte dans l'attribution de l'heure de première chaire. Il était aussi question de diffuser un bilan de la mise en œuvre des TPE en Première à la fin de cette année scolaire.

 

Sur le terrain, même si certains obstacles étaient anticipés voire redoutés, les profs et les élèves s’apprêtaient à se lancer dans les TPE en classe de Terminales. Certains avaient même déjà des projets précis, avaient formé des binômes. D’autres avaient réfléchi à la façon de recentrer un peu les TPE sur les programmes dans l’optique du Bac, la structure étant suffisamment souple pour le permettre. Une dynamique était lancée.

 

Cette reculade du Ministère apparaît alors désolante et inquiétante. Car renoncer aux TPE obligatoires en Terminale, c’est renoncer à ce qu’ils aient un impact réel pour le Bac et donc du poids dans le système scolaire.

 

Or, aussi imparfaits soient-ils, les TPE ont dévoilé de nombreux atouts : développement de compétences-élèves souvent négligées dans le système scolaire actuel et pourtant essentielles aujourd’hui : oral, autonomie, initiative, recherche de documentation, enquête de terrain exigeant méthode et prise de contact avec des adultes ou des organisations, utilisation de l’informatique et d’internet … élargissement du métier d’enseignant vers un rôle moins strictement transmissif, vers un rôle d’accompagnement dans la construction du savoir par l’élève, exigeant de la part du prof un rapport au savoir beaucoup plus vivant et engendrant des relations enseignant/élèves qualitativement différentes confrontation de l’Ecole, du savoir, des élèves (et même des profs !) avec le monde extérieur à l’Ecole valorisation d’une conception beaucoup plus riche de l’apprentissage en tant que construction du savoir de chacun et non simple transmission travail d’équipe pour les élèves et pour les profs, incitant à l’interdisciplinarité à une échelle jamais vue jusque là. Et contrairement à ce qu’on pouvait craindre ex ante, cela n’a pas impliqué pour les enseignants une charge de travail plus lourde qu’une heure de cours “ normale ”, avec même plus de plaisir pour les uns comme pour les autres.

 

Oui, il restait des problèmes en suspens, mais stopper l’expérience en Terminale va-t-il les résoudre ? C’est peu probable.

Si les moyens nécessaires en documentation et en informatique n’y étaient pas cette année, par quel miracle y seraient-ils l’an prochain ?

La grille d’évaluation des TPE n’est pas satisfaisante, c’est vrai. Mais s’en serait-on aperçu si elle n’avait pas été utilisée en passant à l’action ?

L’interdisciplinarité est un peu balbutiante. Etant donné l’histoire de notre système scolaire au lycée, faut-il s’en étonner ? Et va-t-elle en attendant un an de plus se développer selon le principe de la génération spontanée ?

Certains établissements ont été incapables de laisser aux élèves l’autonomie nécessaire (notamment par rapport aux sorties) pour ce type de travail. N’est-ce pas un symptôme inquiétant plutôt qu’un obstacle aux TPE ?

Enfin, -et c’est probablement la clé de l’histoire, comment intégrer dignement l’évaluation de ce travail, parfois conséquent, dans l’examen terminal ? Quand la note régit l’ensemble du système, ne pas l’utiliser revient à marginaliser totalement l’exercice concerné. Et il est d’ailleurs probable que les réticences initiales des élèves par rapport aux TPE auraient été incomparablement moins fortes si le travail avait été annoncé comme étant noté et comptabilisé pour le Bac pour tous les élèves. Mais malgré cela, malgré toutes les résistances initiales, les acteurs du système se sont investis … c’est dire la potentialité, presque inattendue, présentée par ce dispositif.

 

L’évaluation a très probablement été la pierre d’achoppement des négociations sur les TPE, le nœud du problème … que l’on a choisi de ne pas dénouer . Au nom du sacro-saint principe du refus d’un contrôle continu, on a tué dans l’œuf une révolution minuscule.

Cela ne peut que nous poser des questions sur les objectifs du Ministère quant à l’évolution réellement souhaitée du système scolaire français. »

 

Nous sommes quelques professeurs de Lycée (notamment SES et HG) à déplorer le passage des TPE à une activité facultative en Terminale car cela nous parait reléguer les TPE à une activité anecdotique au sein du système scolaire alors qu'une dynamique était lancée.

 

Contacts :

florence.thomann[arobase]libertysurf.fr

 

 

 

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D’autres témoignages



 

 



Professeur d’histoire géographie en lycée, j’ai accompagné des élèves en TPE de manière ponctuelle l’année précédente et j’ai participé à l’évaluation de certaines productions. Cette année je suis partie prenante des TPE ; je suis associée au professeur de SES pour conduire les TPE de terminale ES puis de première ES.

 

Le bilan de la première année de TPE a été très modeste dans notre établissement. Les professeurs ont suivi les consignes du groupe de pilotage de l’académie qui reposaient essentiellement sur le laissez faire ; laissez les élèves trouver les solutions aux questions qu’ils se posent, une attitude quasi « rogérienne ».

 

Les élèves ont fait des productions minimales : problématique mal élucidée, pas de fil conducteur, support technique non maîtrisé, en particulier la production vidéo et la production de CD Rom. Certaines productions de qualité avaient manifestement reçu des coups de pouce extérieurs

 

 

Les orientations de cette année

sont beaucoup plus directives, après décision collective des professeurs et demande de la part des élèves

 

La contrainte du temps, un semestre nous a amenés à fixer un calendrier impératif :

Septembre :     choix du thème et du sujet, définition de la problématique, choix du support ;

Octobre : recherche documentaire ;

Novembre : mise en forme des documents, plan ;

Décembre : réalisation de la production ;

Janvier : préparation de la présentation devant le jury.

 

Des fiches de méthode sont fournies pour chaque type de support (dossier, exposition CD Rom, page Web, journal/magazine, roman,…)

 

 

Le point actuellement

 

Cette année les TPE de terminale sont facultatifs, peu d’élèves ont choisi les TPE en raison du découragement de l’année précédente et du bachotage de terminale.

 

Notre classe de Terminale ES fait exception : 20 élèves sur 25 travaillent en TPE ; certains veulent rattraper des points, d’autres veulent se préparer à la fac.

 

Le suivi des élèves par deux professeurs associés : nous ne nous sommes pas spécialisés, nous suivons les groupes à tour de rôle ; nous ne faisons pas assez de concertation avant ou après (la course… !) ; nous nous connaissons bien ce qui permet de s’entendre à demi-mot,…

 

Des professeurs extérieurs interviennent : le professeur d’espagnol pour un groupe qui travaille sur les immigrants espagnols et leur descendance, le professeur d’anglais (comparaison de la formation des élites en France et en Angleterre) le professeur de philosophie (ordre et désordre, un double langage chez les mondialistes et les antimondialistes).

 

Nos interventions ont porté :

-sur la définition de la problématique ; ceci a été fructueux et peut être très positif pour d’autres activités plus classiques ( type dissertation) ;

-sur les conseils en matière de support : hélas nous ne maîtrisons que certaines techniques ; pour les productions numériques les élèves qui les choisissent sont ceux qui appartiennent à l’atelier informatique ; le professeur peut les aider, mais le temps est st très court : deux heures par semaine ; les logiciels performants ne sont pas maîtrisés par ces élèves ;

-sur la recherche au CDI avec les supports classiques ( pratique de BCDI)

-sur la recherche sur Internet y compris le b a ba de ce qu’est un moteur de recherche, la validité d’un site les références d’un site, l’enregistrement sous forme de dossier ;

-sur la pertinence d’un plan de production.

 

Nos capacités documentaires sont très limitées car nous sommes dans un petit lycée d’une petite ville. Les élèves travaillent sérieusement ; certains groupes ont avancé sans difficulté car ils ont choisi un sujet simple (le travail féminin et la parité ; l’insertion des jeunes maghrébins dans le monde du travail, la stratégie publicitaire de Benetton, les descendants de migrants espagnols). Un groupe a changé de sujet à la mi octobre, faute de documentation différente (l’effet Tchernobyl) ; il a choisi la formation des élites. Des groupes patinent : celui qui travaille sur la délocalisation d’une entreprise japonaise, celui qui travaille sur le double langage mondialistes antimondialistes, une élève seule qui fait un roman historique sur Florence au temps de Laurent le Magnifique (elle se perd dans les détails).

 

 

En quoi les TPE répondent-ils aux principes de la pédagogie Freinet ?

 

Le travail d’équipe : les élèves travaillent en groupe (à part une) ; les élèves ont su se partager les tâches confronter leurs points de vue.

 

L’écoute des élèves ; les intervenants professeurs ou autres viennent à la demande des élèves, suivent leur démarche initiale, les amènent à justifier leur position.

 

La pluridisciplinarité : les sujets choisis amènent les élèves à mobiliser plusieurs disciplines.

 

Le travail avec les documentalistes.

 

Le travail avec l’extérieur : enquêtes, interviews (limités cette année faute de temps).

 

NB : l’évaluation est solennelle elle est faite pour 12 points par des professeurs extérieurs à la classe, pour 8 points par les professeurs de la classe

 

Jeanne Vigouroux

Secteur second degré de l’ICEM



 

 

J’ai conduit, l’an dernier avec ma collègue de français, dans une classe de première, des T.P.E. sur le thème « Ville et art ».

Comme nous avions projeté de passer trois jours à Paris, plusieurs groupes ont choisi un sujet concernant cette ville.

 

Un groupe de deux lycéennes m’a particulièrement émerveillée, elles ont présenté quelques tableaux de la renaissance du Louvre à leurs camarades de façon correcte, mais la problématique restait floue et la production un mois avant l’échéance n’était pas amorcée. Démoralisées, démotivées après le voyage, elles se sont cependant intéressées à des documents que nous avions reçus au CDI, concernant une exposition sur les multiples représentations de La Joconde, par des artistes contemporains. Et nous avons eu la magnifique surprise de découvrir le jour de leur prestation, une superbe représentation personnelle de La Joconde. Une œuvre collective, utilisant des matériaux plastiques divers… une œuvre d’art !

 

Un groupe de trois élèves a choisi de travailler sur « la place du Panthéon dans notre démocratie ». Ils ont animé la visite à Paris pour leurs camarades. Pour les TPE, ils se sont montrés passionnés par leur sujet. Ce qui au mois de janvier n’était pas évident vu le peu de documentation sur ce monument.

 

J’ai aimé aussi la prestation d’Aurélia, si timide et qui, utilisant des transparents couleur, a su tellement bien montrer en quoi ces quelques tableaux issus d’une salle du musée d’Orsay étaient représentatifs de l’art impressionniste.

 

Mais le groupe qui nous a fait un grand plaisir, c’est celui des trois élèves qui ont choisi « la Place de la Bourse à Bordeaux ». Ils avaient l’intention de faire un film. Au bout de trois mois, ils ne voulaient plus travailler ensemble et changer de sujet. Des discussions ont mis les choses au point. Le jour de leur présentation, ils étaient si fiers de leur production, qu’ils avaient invité tous leurs copains de diverses classes. Ils voulaient montrer de quoi ils étaient capables, car ces trois élèves ont quelques difficultés scolaires. Ils ont été longuement et très justement applaudis.

 

Evelyne Amat

Lycée Elie Faure de Lormont (33)