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1- Aménager le milieu de la pratique artistique (sur le plan matériel)

Dans :  Principes pédagogiques › 

 

 

1- Aménager le milieu de la pratique artistique
(sur le plan matériel)

Aménagement de l'espace

Aménagement de l'emploi du temps

Recours à un matériel adapté

 

L’organisation spatiale, temporelle et matérielle nous semble fondamentale pour une pratique artistique qui favorise à la fois la libre expression, la construction des apprentissages et le développement de l’autonomie. Elle conditionne le déroulement même de l’activité.
On trouvera sur le site de l’ICEM nos publications anciennes et actuelles qui proposent des conseils très concrets pour aider à préparer sa classe, car aujourd’hui comme hier, les enseignants se heurtent aux mêmes difficultés et aux mêmes questionnements.
(cf. exemple)
L’organisation matérielle de la classe demeure au cœur de leur préoccupation pour trouver des solutions aux problèmes rencontrés :

Problèmes relatifs à l’espace : Où placer les différents espaces de travail ? Comment prévoir l’espace de circulation ?
Problèmes relatifs à l’organisation temporelle :
Comment établir un emploi du temps qui prenne en compte l’installation, la réalisation, le rangement, les échanges, les projets, les rythmes des enfants ? Comment l’adapter en fonction des cycles ? Comment trouver le temps d’organiser les moments de présentation de travaux à la classe ?
Problèmes relatifs à l’organisation matérielle :
Comment favoriser le libre accès au matériel ? Comment le disposer, le ranger ?

 

Pour l’aménagement de l’espace classe

 

Ce qui compte avant tout, dès le début, c’est la liberté de mouvement pour élargir son champ d’action, quelque soit le niveau, jusqu’au secondaire.

Dans les années 50, on insiste déjà sur la nécessité de permettre aux enfants une liberté de la circulation, pour évoluer corporellement, travailler dans différentes positions, dessiner sur différents formats et supports, car on remet en cause la leçon de dessin qui se déroule traditionnellement sur la table où l’on apprend à lire et à écrire.

Repenser l’espace et l’humaniser, le rendre coloré et plus fonctionnel est encore réclamé dans les années 1970.

Pour Jacqueline Bertrand, il s’agit de :
«- Refuser cette médiocrité, cette laideur enserrée entre ces quatre murs et qui s'étalera insidieusement dans la vie de tous les jours ;
- Délivrer cet univers gris et sombre, en chasser la poussière et la tristesse, donner la vie chaleureuse et chaude, faire éclater cet espace muré, l'élargir, y faire passer le soleil et le vent, et le silence et le bruit.
- Recréer cet espace qui nous contient sans nous retenir.»

« Je ne peux pas oublier les biens essentiels dont papa Freinet avait d'abord comblé ses enfants : la terre pour se rouler, l'eau pour s'y tremper et le soleil et les arbres pour s'y perdre»
.
(cf. Jacqueline BERTRAND, art enfantin n°55, janvier-février 1971)


Fuir les « des classes « éteignoirs », et leur atmosphère de cage :
"Fuir les des classes éteignoirs  d'école traditionnelle à qui le livre et le crayon suffisent pour dispenser un enseignement dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est incomplet; ces maîtres-là n'ont besoin que d'un banc pour faire asseoir leurs élèves ; les écoles toutes neuves aux murs bien blanchis ou badigeonnés de teintes plus ou moins heureuses, mais où l'on ne peut rien afficher, sont faites pour eux. Mais nous, qui avons besoin de vie, d'espace, de liberté, nous qui avons besoin de nous lever, de circuler, d'agir, plus que les autres, nous étouffons et les enfants ne peuvent s'épanouir complètement dans cette atmosphère de cage."(cf. Jacqueline BERTRAND, art enfantin n°55, janvier-février 1971)

 

Nécessité d’élargir, de rendre perméables et de s’approprier les espaces

A cette époque-là, beaucoup ont un faible pour le milieu rural. Pour créer un milieu riche, Il faut la nature d'abord. Une école à la campagne offrira toujours plus de possibilités qu'une école de ville. Une question de point de vue….

Dès le début, on crée des mobiliers adaptés, on franchit les murs de la salle de classe : la cour, les couloirs, le jardin. Avec le temps, les limites de l’espace de travail ont encore bougé : on investit également le quartier, les vitrines des magasins, la ville, les sentiers de découverte à l’intérieur et autour du village, etc. Dans la cour, on continue de peindre des fresques, on y construit des murs, on fait des installations en lien avec les projets de la classe, sous l’impulsion d’un artiste présent, etc. (installations de potirons sur des échelles, des balles de foin qui permettent chaque jour de sculpter un nouveau paysage, etc.).

Les espaces se diversifient : espace pour expérimenter, espace pour échanger, espace pour découvrir, voir des œuvres et se documenter, comme au point Art de Limoges. Les œuvres des artistes pénètrent dans l’enceinte de l’école. Moins de clivage, désacralisation de l’art ?

 

Hier comme aujourd’hui, on dénonce les classes surchargées

PAULETTE CAMPISTRON, en 1965 : «Avec une classe surchargée, la discipline du groupe joue sur une trop grande échelle pour qu’elle ne soit pas contrainte et même entrave totale : dans une classe où l'on peut à peine bouger, parler, rêver, l'expression libre expression se vide de son sens, elle n'existe plus si la liberté d'action n'existe pas. Il n'y a même plus de liberté du tout. Mais Freinet a raison (corrige-t-elle) quand il dit, bien sûr, que ce n'est pas sous prétexte que nos conditions de travail sont exécrables, qu'il faut saboter son métier d'éducateur. Je pense qu'à l'école moderne nous sommes de ceux à qui il appartient de faire pousser, ne seraient-elles que minuscules et sans parfum, les petites fleurs des prisons

Aujourd’hui,
Les écoles dans l’ensemble du pays, ont évolué pour ce qui est de l’aménagement de l’espace. La plupart sont équipées d’ateliers, surtout en maternelle, parfois de salles pour créer un musée, pour danser, pour jouer avec des instruments. Cependant, même là où l’espace est fourni, les enseignants rencontrent parfois encore aujourd’hui des difficultés pour mettre en place des ateliers de pratique artistiques ; des mairies, des femmes de ménage récalcitrantes et autoritaires, des collègues peu convaincus par la discipline et non suffisamment formés, font parfois obstacle et ne respectent pas la liberté pédagogique de l’enseignant : pas de moyens consacrés à l’achat de mobilier ou de matériel, pressions qui entravent l’organisation de ces ateliers, (le ménage, le rangement, une mauvaise image de l’activité qui est perçue comme salissante ou perturbante voire décadente, refus de laisser les enfants seuls dans une salle pour un atelier en autonomie pour des questions de sécurité).

 

Au niveau de l’aménagement de l’emploi du temps

 

Les temps diversifiés

Comme pour l’espace, depuis le début, les temps sont diversifiés et correspondent à autant de moments du processus de création: Des temps pour explorer, des temps pour regarder, des temps pour échanger et communiquer.

En PF, la remise en cause des contraintes temporelles scolaires s’explique principalement par l’instauration nécessaire du travail individualisé et en éducation artistique, par l’introduction du dessin libre, qui, dès le début accède au statut d’ « exercice légitime » pratiqué à tout moment. Dessiner, c’est-à-dire gribouiller, chercher librement à parfaire son expression graphique, doit être un exercice aussi général que parler, raconter, penser, chanter ou danser et pour cela, ne pas limiter l'enfant ni dans le temps qu'il lui plaît d'y travailler, ni dans le choix de l'heure.

«La leçon à heure fixe expose au danger de pauvreté d’invention, alors que le cahier de dessin recueille à tout instant l’improvisation. Le feuilletant, l’enfant y retrouve la trace de ses émotions, de ses réussites et sur un thème favori, il aura tôt fait de repartir vers une expression plus mûrie et plus riche. Une mine de richesses intérieures dont on pourra tirer profit en littérature, en poésie, en théâtre et aussi en peinture» EF

Le dessin libre est l'une des réponses à la question complexe de l’articulation entre temps individuel et temps collectif

 

Déjà en 1950, des ateliers en autonomie sont proposés aux élèves :
- des ateliers de création où chaque enfant développe son propre projet, en s’organisant tout seul et en menant, à son rythme, sa quête artistique personnelle
- des ateliers collectifs où les élèves explorent côte à côte une même technique ou bien travaillent ensemble sur des projets communs. On trouve sur notre site des présentations de l’organisation de ces ateliers aux différentes époques de l’histoire du mouvement.

Le travail par ateliers aujourd’hui s’est généralisé tout comme la pratique du dessin libre.
Cette organisation permet au maître de respecter le rythme de chacun et d’individualiser ses interventions.

Le travail en atelier, ne doit pas se fonder « sur le geste seul », mais plutôt sur une technique (peinture, découpage/collage, modelage, monotypes, dessin, tissus) et ce « chaque jour à l’arrivée des enfants ». (cf. Elise Freinet, L’enfant artiste)

Mais l’articulation entre temps individuel et temps collectif reste complexe à mettre en place.

Déjà en 1950, souvent, les élèves travaillent sur des projets communs. Les «expériences personnelles peuvent très tôt s'épauler les unes les autres dans une œuvre collective». (cf. Elise Freinet, L’enfant artiste). On trouve sur notre site des présentations de l’organisation de ces ateliers aux différentes époques de l’histoire du mouvement.

Aujourd’hui, libérer l’emploi du temps au profit de la création personnelle, même chez les pédagogues Freinet, reste très difficile pour accorder à chaque enfant le droit de s’organiser tout seul et de mener, à son rythme, sa quête artistique personnelle : Nouvelles matières en primaire, surcharge des programmes, disciplines soumises à des contraintes de durée horaire par semaine, pression institutionnelle et logique du résultat, multiplication des projets, fonctionnement marqué par la taille de l’école et des contraintes communes (salles disponibles , sorties piscine, etc. ). Il est peut-être plus difficile aujourd’hui d’offrir à l’élève une liberté totale sur le plan temporel, chose que permet plus souvent l’organisation en classe unique à effectif réduit.
Pour cela, des temps de travail individualisé sont indispensables, mais pas toujours faciles à mettre en place Les modalités pratiques varient d’une école à l’autre, d’un enseignant à l’autre, selon les conditions qui sont offertes ou imposées.

 

Troisième condition importante : la proposition d’un matériel adapté

Un matériel adapté, c’est un matériel à la mesure de l’élève

Qu’il s’agisse des arts visuels, de la musique, de la danse, etc., des éléments de travail qui répondent à ses besoins et à ses possibilités, un matériel qui permette à l’élève de s'exprimer spontanément sans qu'il ait à subir l'ingérence de l'adulte de quelque façon que ce soit, qui n’entrave pas le geste d’expression personnelle en imposant des modèles, et qui va conduire l’enfant à progresser dans son expression et l’élaboration de ses connaissances.

- un matériel constamment en état, rangé et à sa portée, libre d’accès,
- un matériel abondant
- un matériel diversifié
pour tous les modes d’expression possibles : arts visuels, musique, danse (diversité des outils, des formats de supports et des techniques).

Un matériel adapté, c’est aussi un matériel porteur

En 1963 on bannit les tampons et les albums à colorier, en général tout ce qui entrave le geste d’expression personnelle. A cette époque, le déconditionnement est à ce prix.

Aujourd'hui, sans faire l'apologie des albums, nous pensons surtout que la pratique du coloriage peut-être intéressante si l’enfant le choisit, qu’il entre dans son projet particulier ou répond à un besoin ponctuel, si les formes offertes sont variées (par exemple: sols de la Basilique Saint Marc de Venise, gravures photocopiées de dentelles, de végétaux que l’enfant peut se réapproprier en les transformant, etc.). Ces formes que l’enfant met en couleur ou s’approprie librement peuvent enrichir à leur façon son vocabulaire visuel et nous sommes moins catégoriques aujourd’hui, si cette activité reste très occasionnelle et n’entrave pas ses explorations graphiques parallèles..

En 1950 sont développés deux dispositifs :
Le cahier de dessin

Ancêtre du carnet de bord, qui peut être investi à tout moment : les enfants crayonnent beaucoup, recherchent des formes harmonieuses. On ne jette pas les blocs remplis, des richesses s'y cachent au milieu de pages moins réussies.
Lorsqu'on a envie de peindre, on choisit ce qui plaît, aidé en cela par les camarades et le maître, mais on ne fait pas une copie du brouillon, l'inspiration viendra d'une page, parfois de plusieurs.
Parfois c'est l'envie de peindre, de faire une tenture, d'émailler, de dessiner aux fusains, aux encres, aux stylos feutres qui amènera l'enfant à donner la vie à des graphismes retrouvés. Parfois, c'est la page de croquis que l'on voudrait voir transposée en peinture, en tenture, ou en table de céramique.

Le tableau noir
Qui n’est plus le lieu réservé du maître mais un nouvel espace de liberté offert aux enfants pour dessiner en grand format, seul ou à plusieurs.
pas d’intervention au nom du respect de l’objectivité
Des perspectives seront ouvertes à l’ensemble de la classe et des thèmes communs peuvent s’improviser, s’élargir, par réaction en chaine et créer une atmosphère collective qui imprègne chaque personnalité

Aujourd’hui, le regard est aussi réflexif sur sa propre démarche :
On garde des traces de son travail, des idées qui plaisent et qui nous serviront peut-être, des échanges, etc. Dans le carnet de bord, le cahier-musée, le journal de la classe.


Une documentation la plus riche possible et de qualité
- des reproductions d’œuvres d’artistes pour encourager les enfants dans leur quête.
« S’il (l’art) est présent sur les murs, ce n’est pas à la manière d’un musée-nécropole. C’est parce qu’il est art vivant, ferment et parfum de la moisson du moment, puissance de lumière globale qui ne se soucie pas plus de hiérarchies que le soleil éclairant le monde. C’est un fait naturel. »Elise Freinet.


Dès le début des publications de l'ICEM, des conseils très pratiques sont proposés par les pédagogues de l’Ecole Moderne pour aider à préparer sa classe
Voir archives et la revue CréAtions sur le site Coop Icem

 
 
 

Début de la réponse

Suite: Faire de la classe
un foyer esthétique