L’art enfantin est un art de la liberté L’art enfantin est un « art de l’innovation à jet continu et qui donne à la personnalité son plus grand coefficient. C’est la liberté qui féconde l’imagination créatrice de l’enfant. » (cf. Dessins et Peintures d'enfants, Elise Freinet, Ed. BEM, 1962) Comme pour la marche, la technique d’expression est trouvée par une démarche personnelle, souvent de mémoire. Un beau jour, le graphisme accidentel devient graphisme prémédité, consciemment réalisé, reconnu, adopté et avec le temps, l’enfant enrichira son répertoire graphique en ampleur et qualité. Concrètement ? Par le tâtonnement expérimental! « - préparer le matériel, Il convient de produire le plus souvent ce qui plaît, sans directive ni règles, en favorisant les expériences tâtonnées et la familiarisation avec les différentes techniques, pour permettre les inventions sous toutes ses formes. La liberté devient aussi source d’émancipation, d’autonomie et d’efficacité. Créer « une atmosphère de loisirs et de rêverie propice à user de liberté. « L’habitude d’user de sa liberté apprend à s’en servir. » (Elise Freinet).
Par la réfutation de certaines consignes du maître à l’élève en particulier pour le dessin et la peinture:
• Il s’agit de laisser s’épanouir « l’être esthétique » chez l’enfant, présent à l’état naturel , et pour cela, de rendre justice à la pensée sensible, en développant et en mobilisant chez l’enfant non plus sa capacité à représenter le monde, mais plutôt sa capacité à présenter son monde « à soi » «La pensée enfantine cesse d’être naturelle dès que l’intention de représentation l’emporte sur la nécessité instinctive de la présentation. Il s’agit de rester fidèle à son monde de sensations puissantes, à son univers émotionnel qui reste la base de l’inspiration et de la matière picturale.» Et de préciser que «La sensation (du grec aisthésis), ne l’oublions pas, est la racine de l’esthétique». (cf. "D'une esthétique climatique", Combet, Art Enfantin de 1961). • Ne plus pousser les enfants à représenter le monde de manière « réaliste » ou «objective»: o Ne plus pousser les enfants à représenter le monde de manière « réaliste » : cela revient à chercher à faire un double du monde, à l’aide de codes que l’enfant ne maîtrise pas : perspectives, proportions, modelés pour représenter les volumes, etc., c’est conduire l’enfant aux sentiments de frustration et d’échec.
Paul Le Bohec , dans un témoignage de 1960 (« Des idées de superposition »), raconte que le terme adopté par les élèves pour désigner leur art, c’est le «décoratif », mot qui, pour la classe, ne signifie pas tellement décoration mais plutôt liberté, abstraction, évasion, agrandissement du réel, dont le poids étouffe les jeunes êtres scolarisés. Une petite parenthèse : ce moment-là de l’engagement pédagogique contre le réalisme n’est plus vraiment d’actualité en 2010. Mais en 1950, il constitue le véritable cheval de bataille. Paul Le Bohec désignera en 1973 cet engagement (cf. "La non non directivité" 1973) comme le «premier virage» des pédagogues Freinet, qui, en interdisant « la gomme, la règle, la copie, le décalquage, les cowboys, les horribles Walt Disney », ont dans un premier temps « nié l'extrémisme de la directivité ». Mais cette non-directivité fait débat au sein du mouvement dans les années 1970. Pour Le Bohec, cette non-directivité est souvent mal interprétée par les enseignants encore marqués d’après lui par les échos de 1968. Elle se traduit en particulier par l’effacement du maître qui, croyant préserver la liberté d’expression, renonce à toute intervention, laissant la part belle aux conditionnements divers et du même coup pensant libérer, abandonne ; d’où la nécessité pour Le Bohec de prendre «le second virage», celui qui consiste à assumer sa part du maître dans l’éclosion de l’art enfantin.
« Rêver, ce n’est pas perdre son temps, ce n’est pas le laisser aller ni une source de handicap » (cf. L’enfant artiste, Elise Freinet)
Il ne s’agit pas d’expliquer, nous dit Elise Freinet en 1965, mais de sentir les choses, d’accepter de devenir enfant, d’«entrer toujours dans le jeu de l'enfant pour vivre à son diapason et le rendre conscient de ses possibilités, le rendre plus hardi dans ses initiatives », « On est dans le domaine de l’invention »
• Il s’agit donc pour le maître d’accueillir la singularité de son regard et de son geste créateur
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