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Des enfants d'IME rédacteurs d'un journal sur l'actualité

Dans :  la difficulté scolaire › 
Avril 2002

 

Des enfants d'IME rédacteurs

d'un journal sur l'actualité

grâce à l'outil Makaton

L'Institut Médico-Educatif des Terres Noires accueille, à La Roche sur Yon en Vendée, des enfants présentant des déficiences mentales moyennes à profondes. Ils réalisent un journal en Makaton, outil de communication qui associe textes, signes et pictogrammes. Par ailleurs, un partenariat avec l’école d’Aizenay a permis la réalisation d’un Cdrom, utilisant le même langage.

Un atelier journal à l'IME

Dans ma classe,  en septembre 2000  j'ai mis en place avec un groupe de 7 élèves, un atelier journal. 

En effet, à l'heure où on parle beaucoup de l'intégration des enfants handicapés, il est important de les aider à mieux comprendre le monde qui les entoure. Beaucoup s'intéressent à l'actualité à travers ce que disent les adultes autour d'eux ou ce qu'ils voient à la télévision, mais, à ma connaissance, il n'existe pas de journaux écrits qui soient adaptés.  

Parmi les enfants de ce groupe classe, seuls trois peuvent lire des textes simples mais grâce aux pictogrammes Makaton, tous les sept peuvent créer et lire les articles du journal. 

Déroulement de l'activité 

L'atelier journal a lieu tous les mercredis matins.  

Il faut environ 3 semaines pour faire un nouveau numéro.

Au début de chaque séance, on note l'ordre du jour au tableau, avec les pictogrammes pour que chacun puisse se repérer au cours de la matinée. Les pictogrammes sont facilement reproductibles et, autant que possible, ce sont les enfants qui les écrivent.

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On commence la séance par un temps d'échange : un par un, les enfants parlent de ce qu'ils souhaitent écrire dans le journal : une information entendue à la maison, une sortie avec le groupe éducatif… 

Je note ce que les enfants disent, cela pourra servir au moment de faire les textes. Tout ne sera pas dans le journal, il faudra choisir. 

Les échangent sont nombreux entre les enfants, ils se regardent, s'écoutent, se posent des questions… 

On va dans la bibliothèque pour visionner le journal télévisé du matin. 

Pour comprendre, il faut arrêter l'image, revenir en arrière, écouter plusieurs fois 

On apprend à tirer des informations :

-à partir des images (d'après les vêtements des gens, les lieux, etc.)

-à partir des écrits (les pancartes, les logos…)

-à partir de ce que dit le présentateur du journal, mais il parle tellement vite.

Après la récréation, chacun écrit ce qu'il se rappelle avoir vu à la télévision.

Les enfants écrivent avec des phrases, des mots ou des pictogrammes selon ce qu'ils connaissent. Ils peuvent s'aider avec un petit répertoire constitué de mots et de pictogrammes ; ils cherchent le pictogramme et recopient le mot qui est écrit dessous. 

A partir de ce travail, les sujets sont choisis et les articles sont rédigés au brouillon avec mon aide. Les enfants travaillent seuls ou en binôme sur un sujet.  

Chaque enfant copie son article à l'ordinateur. Quand le mot est bien orthographié, le pictogramme apparaît à l'écran, sinon, il faut effacer et recommencer. 

L'utilisation à l'ordinateur du programme "Writing with symbols" avec les pictogrammes Makaton  permet aux enfants de travailler en autonomie. 

La semaine suivante, chacun relit son texte aux autres avant la mise en page finale. Il faut aussi trouver les illustrations, découper des photographies dans la presse, dessiner. 

Quand le journal est terminé, chacun en emporte un exemplaire à la maison. On en met un à la bibliothèque de l'école et on en envoie aussi un exemplaire aux enfants du groupe scolaire Louis Buton d'Aizenay en échange de leur journal scolaire.

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Un bilan très positif 

Une douzaine de numéros a été réalisée depuis septembre 2000. Le bilan de cette expérience est très positif ; l'intérêt que les enfants portent à l'actualité grandit et ce qu'ils peuvent en comprendre augmente avec leurs connaissances. 

Ils peuvent participer à des conversations sur des sujets d'actualité (la maladie de la vache folle, les élections, les attentats de New York…). Je ne m'attendais pas au départ à pouvoir aborder tant de sujets avec mes élèves. 

Les enfants viennent de plus en plus souvent en classe le mercredi avec déjà une idée de thème à traiter dans le journal, signe qu'ils se  sont approprié l'activité. 

Choisir les articles qui paraîtront dans le prochain numéro nécessite que les enfants se mettent un instant à la place des lecteurs pour juger si le thème est intéressant ou non. Par exemple, est-ce que cela intéressera les enfants de l'école d'Aizenay de savoir que j'ai dormi chez mamie pendant les vacances ?  Se mettre à la place d'autrui, prendre de la distance par rapport à ses intérêts personnels et changer de perspective est un exercice très difficile pour les enfants, mais que certains commencent à comprendre et à mettre en pratique spontanément.

Un autre effet positif est apparu lors des attentats de New York, dont les enfants ont beaucoup entendu parler autour d'eux : pour certains, la perspective d'écrire, le mercredi, sur ce sujet leur a permis de le "mettre de côté" quand l'inquiétude envahissait trop le reste. 

Bien sûr certaines informations restent incomprises car trop complexes et tous les enfants du groupe ne participent pas à tous les sujets d'actualité. Mais le journal permet à tous de rendre compte par écrit au moins d'une activité qu'ils ont faite ou d'un événement qui s'est passé à l'I.M.E

Cette expérience, qui n'est possible que grâce à l'usage des pictogrammes Makaton puisque certains élèves n'ont pas accès à la lecture, permet de travailler la construction de phrases et la lecture de textes porteurs de sens, ce qui a certainement un effet dans l'organisation cognitive et donc une influence positive dans leur construction de phrases à l'oral. 

Nolwenn Lejeau

IME des Terres Noires

Le Makaton : un outil de communication pour des personnes handicapées 

Depuis quelque temps le principe d'intégration semble faire son chemin. Mais les applications pratiques se heurtent encore à bien des obstacles. Que ce soit pour intégrer un enfant trisomique dans une classe ordinaire ou proposer des heures de scolarisation à un jeune dans un IME, les professionnels manquent parfois d'outils efficaces. Le makaton pourrait être une des réponses. 

Le Makaton est un programme de langage qui offre un moyen de communication de base et favorise le développement de la parole pour des personnes souffrant de troubles sévères de la communication. Il a été conçu dans les années 70, par Mme Walker, logopède et professeur à l’hôpital Saint Georges de la faculté de médecine de Londres. Initialement il a été conçu pour aider une population adulte vivant dans un hôpital et souffrant à la fois du handicap de surdité et de troubles sévères des apprentissages. 

Cet outil de communication comprend un vocabulaire de 450 mots environ, sélectionnés avec soin, gradués en complexité en tenant compte des recherches et des observations linguistiques. Les premiers niveaux introduisent le vocabulaire nécessaire pour exprimer des idées de base, alors que des concepts plus complexes sont introduits aux niveaux ultérieurs.  Un vocabulaire complémentaire de 7000 mots environ, est associé au vocabulaire de base pour permettre à ceux qui ont davantage de possibilités, une communication plus large, et de meilleures compétences langagières.

Le programme Makaton a comme objectif premier de développer une communication de base mais peut également être très utile pour l’apprentissage de la lecture/écriture. 

Le Makaton est un outil de communication augmentée ; c’est une approche multi-modale de la communication. Il est généralement enseigné avec paroles, signes (gestes) et pictogrammes. 

Les signes, dans notre pays, sont dérivés de la LSF (Langue des Signes Française). Les mots-clés seulement sont signés, et ce dans l’ordre du langage parlé. L’information visuelle, et kinesthésique du signe permet à l’apprenant de mieux comprendre le message car sa mémoire est ainsi mieux activée. Progressivement, en fonction de leurs possibilités, certains enfants s’approprient les gestes, expriment leurs besoins, leurs désirs… L’expérience prouve que l’usage du signe stimule et encourage le développement de la parole. 

Les pictogrammes ont été adaptés au vocabulaire de base ; ils sont simples, faciles à reproduire à la main.

Ils offrent un moyen de communication augmentatif pour des personnes ayant un handicap physique qui les empêche de signer et de parler. Elles peuvent montrer les pictogrammes et ainsi se faire comprendre. Les pictogrammes se sont avérés également intéressants lorsqu’ils sont combinés avec parole et signes, pour installer des connaissances syntaxiques et développer des compétences de pré-lecture et de lecture.

Le programme Makaton a déjà été introduit dans de nombreux pays étrangers (Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis, Japon, Pakistan…). En France le premier stage de formation a eu lieu en 95 à Paris grâce à l’association AAD (Association Avenir Dysphasie). Depuis, quatre pôles se sont développés pour œuvrer à son implantation :   Paris, Grenoble,  La Roche sur Yon et récemment Bergerac.

Les enfants d'une classe de cycle 3 du groupe scolaire Louis Buton d'Aizenay s'associent à des enfants handicapés de l'association Communic'Actions pour créer un cédérom utilisant le vocabulaire Makaton. 

Pour la fête du livre jeunesse d'Aizenay 2001, l'association Communic'Actions a été retenue comme partenaire de l'école. Il s'agissait de faire connaître cette jeune association en lui proposant un stand sur l'espace de la fête du livre.  

Le partenariat a été bien au-delà de ce projet initial puisqu'il a abouti à la création en commun d'un cédérom. 

Pourquoi créer un cédérom ?  

Les cédéroms du marché qui correspondraient aux centres d'intérêt des enfants handicapés sont souvent  trop complexes pour eux (masse trop importante d’informations et navigation complexe). Quant aux  cédéroms qui leur sont accessibles, leur contenu est infantilisant.

C'est en consultant un cédérom de type dictionnaire, que l'idée   d'en créer un, permettant aux enfants de Communic'Actions de l'utiliser de façon autonome, est venue à Liliane Bouvron, membre de l'association. Deux enseignants d'Aizenay, Guy Batiot du CE2/CM1 et Noëlle Ducasse du CP ont accepté d'y travailler avec leur classe. Quant à moi, enseignante spécialisée au sein du réseau d'aides, j'ai servi de liens entre les différents partenaires et veillé au bon déroulement du projet. 

Liliane Bouvron est donc venue présenter le projet aux élèves d'Aizenay.

Quand elle leur a parlé des enfants de l’association Communic’Actions, elle a souligné leurs difficultés de communication nécessitant l'utilisation du Makaton. 

Les enfants d’Aizenay ont montré un vif intérêt pour découvrir ce langage et  les enfants qui le pratiquaient. Ils ont proposé de les rencontrer et bien sûr ont souhaité réaliser le cédérom. 

Ce cédérom utilisant le langage Makaton et donc accessible aux enfants déficients fréquentant l'association Communic'Actions, pourra être proposé à d’autres enfants, par exemple à des enfants trisomiques actuellement à l’école maternelle. 

Des rencontres et des échanges très enrichissants pour les 2 groupes d'enfants ont ponctué l'année scolaire 2000/2001.

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Activités 

Les enfants ont travaillé tout au long de l'année à ce projet 

-Ateliers de réflexion sur la conception du cédérom  

-Tenue d'un classeur de suivi du projet : le courrier, les réalisations de la classe … 

-Les CM ont sélectionné les mots des 2 premiers niveaux du vocabulaire Makaton et construit des phrases pour les définir de façon adaptée aux enfants concernés. 

-Utilisation du logiciel Néobook pour écrire, et enregistrer oralement les mots et les phrases. 

-Les élèves de la classe de CP ont fait les dessins des mots pour lesquels les enfants de CM ont  établi des fiches. 

-Les enfant de Communic'Actions ont fait les photos illustrant les mots.

Plusieurs rencontres ont eu lieu : 

-Accueil 2 fois dans l'année des enfants de Communic’Actions dans les ateliers décloisonnés de l’école. Chacun était parrainé par 1 ou 2 enfants de l’école dans les ateliers informatique, terre, journal, pâte à sel, peinture. L’association Communic’action a proposé en échange de mener les ateliers Makaton signé et « histoires cousues mains ». (à noter que les ateliers du vendredi   se sont déroulés de façon parfaitement satisfaisante pour tous les participants) 

-Accueil fin mars des enfants de Communic’Actions sur l’espace de la Fête du livre jeunesse d'Aizenay. L’association était invitée à tenir un stand pour présenter ses actions, ses productions en langage Makaton. Lors de cette rencontre un groupe d’enfants d’Aizenay a pu travailler avec Liliane Bouvron.  

Ils se sont familiarisés avec le logiciel Néobook (logiciel qui   permet la création du cédérom).  

-Atelier "histoires cousues mains", à noter, l’intérêt particulier porté par des enfants d’Aizenay, eux-mêmes en difficultés avec l’écrit et l’oral ; ils ont découvert et fait l’apprentissage réussi et efficace d’une nouvelle forme de communication.

En permettant aux enfants de l’école de communiquer  avec des enfants différents, ce type de projet développe un esprit de tolérance ; il participe a une éducation civique concrète.
 

Que pensent les enfants de cette rencontre ?

Les enfants d'Aizenay :

"Quand on les regarde, on ne voit pas que les enfants ont des problèmes, on le voit seulement quand ils font des choses et c'est dur quand on ne comprend pas ce qu'ils veulent nous dire".

"J'étais contente parce qu'on pouvait les aider en leur permettant de faire les mêmes choses que nous".

"Je voudrais connaître tous les signes pour comprendre les enfants de Communic'Actions". 

Les enfants de Communic'Actions

Ils ont exprimé leur contentement d'être allés dans une école, d'avoir participé aux ateliers, d'avoir réalisé des objets…

Un exemple d'activité :
l'Atelier "histoires cousues mains" 

Les « histoires cousues mains » : il s’agit d’une animation présentée chaque année par des élèves pendant la fête du livre d’Aizenay. 

 - choix de l'histoire en fonction du thème retenu pour la Fête du Livre  

- fabrication des éléments permettant la mise en scène 

- mémorisation du texte 

- recherche de la meilleure mise en scène 

- et présentation aux visiteurs de la fête du livre 

Cette année, un groupe d’enfants de Communic’Actions s’est associé à un groupe de la classe des CM d’Aizenay pour présenter une histoire en la doublant en langage Makaton.

Les enfants de Communic'Actions ont été familiarisés, dès le début de l'année scolaire, aux histoires "matérialisées" par des découpages en particulier, et  ont appris à déplacer les éléments suivant le déroulement de l'histoire. Ils ont également appris à le "signer". 

Les adultes ont réécrit le livre en Makaton". 

Dans le cadre de l'atelier "histoires cousues mains" les enfants de Communic'Actions ont  appris au groupe d'élèves d'Aizenay concernés par cet atelier, à "signer" les premières phrases de l'histoire. 

Lucette Lejeau

Groupe départemental de Vendée

Communic'Actions

L'association vendéenne Communic'Actions a pour but de venir en aide aux enfants présentant des troubles du langage entravant la communication et les apprentissages. Elle réunit des familles, des professionnels et des sympathisants pour proposer des activités culturelles, de loisirs ou sportives aux enfants déficients. Ce type d'activité ne leur est pas accessible au sein des structures ordinaires.

Le temps libre peut constituer un temps de valorisation de l’enfant qui renforce la confiance en soi et facilite l’insertion sociale. C’est aussi un temps qui peut favoriser l’apprentissage de l’autonomie et de la citoyenneté.

Il est à souligner  que   les enfants concernés  bénéficient dans un cadre actuellement restreint (la famille et quelques actions ponctuelles dans la structure qui les accueille) de l’aide d’un programme de langage : le Makaton.

Pour qu’un tel programme ait sa pleine efficience et pertinence, il est nécessaire qu’il soit utilisé dans un bain continuel. Il est donc important que ces enfants puissent avoir des moments de rencontre au cours desquels ils pourront échanger, communiquer et s’exprimer entre eux et avec d'autres afin de les aider à sortir de leur isolement….