Raccourci vers le contenu principal de la page

BENP N°19 - Par delà le 1er degré

Janvier 1946

 

PUBLICATION MENSUELLE                             N° 19                                JANVIER 1946.

 

Brochures

d'Education Nouvelle

Populaire

 

C. FREINET

 

Par delà le 1er degré

 

VENCE (ALPES-MARITIMES)

L'IMPRIMERIE A L'ÉCOLE

benp-19-0001.JPG (11811 bytes)


télécharger le texte (RTF compressé)


 

benp-19-0002.JPG (28423 bytes)

Par delà le 1er degré

 

 

Aperçu sur l'introduction de nos techniques au 2e degré, dans les écoles d'enseignement professionnel, les cours complémentaires, les centres d'éducation ouvrière, l'éducation populaire, les mouvements de jeunesse, etc.

 

Depuis vingt ans, nous menons, dans le cadre de l'enseignement primaire, avec la collaboration d'un groupe d'instituteurs enthousiastes, une expérience de réadaptation et de modernisation de notre enseignement qui a totalement réussi, dont tout le monde peut aujourd'hui constater les avantages et qui est sur le point de servir de base et de pivot à la rénovation de notre enseignement primaire.

 

Nous ne donnons ici ni les caractéristiques, ni les principes, ni l'évolution de ces techniques. Il suffira aux personnes que cela intéresse de lire la littérature que nous avons publiée à ce sujet et notamment notre collection de Brochures d'Education Nouvelle. Nous envoyons également a ceux qui nous le demandent des spécimens des travaux merveilleux lieux réalisés dans nos classes.

 

Jusqu'à ce jour, nous nous sommes appliqués à notre travail, dans le cadre qui nous était familier, et que nous n'avons pas voulu déborder, car nous n'aimons pas parler de ce que nous ne connaissons pas suffisamment.

 

Mais voilà que notre expérience, qui s'impose chaque jour davantage, intrigue les autres enseignements où il y a tant a faire. Des réformes sont suggérées ou amorcées. Des branches nouvelles (6e nouvelles, enseignement professionnel, mouvements de jeunesse), montent et débordent, jusqu'à le grignoter parfois, le vieil enseignement traditionnel. Ces branches nouvelles sentent d'instinct, la nécessité de se moderniser, de travailler selon des méthodes et des techniques mieux conformes aux buts qu'elles se proposent.

 

Alors, on nous demande conseil.

 

Ce sont ces conseils que nous allons donner.

 

Mais ce ne sont que des conseils. Mon expérience me permet de vous dire quels sont les points de notre technique, quel est le matériel, qui sont susceptibles de vous aider dans votre tâche de modernisation.

 

Il vous appartiendra à vous, ensuite, praticiens de ces diverses branches d'enseignement ou d'éducation, de faire passer mes suggestions dans la réalité, chacun selon votre milieu ou les exigences de votre travail.

 

Pour cette mise au point, L'Educateur vous est totalement ouvert. Notre revue accueillera et publiera vos suggestions, les résultats de vos essais, vous mettra en relations avec ceux qui sont attelés à la même tâche et tous ensemble, sans verbiage inutile, par la pratique, nous améliorerons nos techniques à tous les degrés d'enseignement

 

***

 

Les principes pédagogiques qui ont montré leur excellence chez nous sont indubitablement valables pour vos diverses branches éducatives. Je les ai longuement exposés dans divers écrits, notamment dans La Technique Freinet et mon livre : L'Ecole Moderne Française. Ils seront plus approfondis encore dans un gros livre qui va paraître incessamment. en Belgique : L'Education du Travail.

 

benp-19-0003.JPG (15157 bytes)

 

benp-19-0004.JPG (22088 bytes)

Je résume ici quelques-uns de ces principes comme entrée en matière aux techniques que je vous recommande.

 

1° - Le travail des enfants n'est efficient - comme le travail des adultes, d'ailleurs - que lorsqu'il est voulu, lorsqu'il est l'expression et la satisfaction profonde d'un besoin que les pédagogues disent fonctionnel.

 

2° - Ce principe est général et essentiel. Le difficile est de réaliser un milieu et des techniques qui suscitent, autorisent, nécessitent cette activité fonctionnelle.

Nous avons découvert, mis au point, fait passer dans la pratique courante de nos classes, quelques-unes de ces activités et ce sont elles que nous vous recommanderons.

Lorsque les enfants, avec un matériel d'imprimerie à leur mesure, impriment leur page de vie, tirent les linos gravée, ils se donnent à 100 % à un travail qui les touche profondément.

De même, lorsqu'ils font du dessin libre, lorsqu'ils font des expériences, lorsqu'ils préparent leurs conférences.

C'est sur ces éléments et sur d'autres que nous découvrirons, chemin faisant, que nous allons bâtir nos techniques.

 

3° - La forme scolastique, dans toutes les branches, à tous les degrés, est à éliminer radicalement ou progressivement. La scolastique c'est la mort. Et seule la vie vous sauvera.

 

4° - L'emploi des outils et des techniques nouvelles suppose naturellement l'abandon de techniques désuètes : les leçons ex-cathédra, l'étude des manuels, les récitations, les exercices scolastiques.

Il faut trouver de nouvelles techniques de travail. Le passage des unes aux autres est sans nul doute délicat. Il suppose une rééducation systématique des éducateurs eux-mêmes et l'effort collectif organisé, continu, au sein de notre Coopérative pour la mise au point en commun, de ces techniques et du matériel qui les permettra.

 

5° - Ces méthodes de travail comportent une conception nouvelle des rapports entre éducateurs et éduqués, rapports qui cessent d'être ceux de maîtres à élèves mais qui se normalisent et s'humanisent, rapports d'hommes à hommes qui seront, de ce fait, éminemment bienfaisants tant au point de vue social que pédagogique.

 

6° - Ces méthodes supposent une discipline nouvelle, la discipline de la ruche au travail, qui n'est pas la discipline du silence, mais la discipline organisée, fruit et résultat de cette organisation, qui aura, à première vue, l'aspect d'un certain désordre - mais dont on comprendra bien vite l'orientation nécessaire vers la discipline fonctionnelle et, non plus formelle qui équilibrera les individus et les préparera à la discipline collective dans la société du travail.

 

7° - C'est un monde pédagogique nouveau qui naît, avec d'autres normes d'activité, d'autres buts, d'autres moyens techniques, des procédés de contrôle différents et donc des examens à reconsidérer dans, leur fondement même, des locaux à réorganiser, des outils à fabriquer et à mettre au point.

 

Ne vous laissez pas arrêter par ceux qui, devant l'imperfection de ce que vous réaliserez, ne manqueront pas de prôner les méthodes du passé qu'ils voudraient empêcher de mourir définitivement . Allez de l'avant. Notre but votre but, ce n'est pas le silence, que je sache, la discipline passive, le respect religieux des écrits et des signes, l'ordre formel vieux de 300 ans, mais la préparation à une vie toute d'activité et de responsabilité.

 

Et ce n'est qu'en vivant la vie hardiment et pleinement que nous préparerons nos enfants, à dominer et à maîtriser la vie de demain.

 

Quelles seront, quelles doivent être les lignes possibles de notre travail nouveau :

 

1° - Il faut puiser dans la vie les éléments essentiels de votre activité scolaire ou, du moins, éducative.

 

Cette recommandation tend même à devenir officielle. Elle reste inopérante si vous n'avez pas à votre service la technique pédagogique qui vous permettra, pratiquement, de réaliser cette prise de sang élémntaire dans les réalités du milieu, et si, en définitive, vous en êtes réduit à un verbiage pédagogique et des velléités théoriques nouvelles pour conserver dans la pratique les techniques traditionnelles ; si vous êtes comme le paysan qui vous ferait des discours enflammés sur la motoculture et n'aurait, à son usage, pour son travail effectif, que les outils séculaires dont il dit l'insuffisance sinon la malfaisance.

 

Nous n'avons pas fait du verbiage d'éducation nouvelle, mais nous avons forgé les outils nouveaux qui permettent enfin des techniques mieux conformes à des théories qui n'auraient plus guère de défenseurs si la pratique journalière avait été suffisamment transformée.

 

L'expérience pédagogique nous a montré que la pièce maîtresse de la nouvelle technique pédagogique est l'expression libre de l'enfant, la diffusion de sa pensée, et l'organisation de son activité autour de son besoin naturel et vital de connaître pour agir puissamment sur le monde, non seulement individuellement mais collectivement.

 

Toute méthode qui, par le système de la leçon didactique ou du devoir imposé, émousse la curiosité naturelle de l'enfant, refoule son besoin de travail, brise par le doute et l'échec l'élan invincible de la jeunesse, est à proscrire non seulement comme déficiente mais comme dangereuse.

benp-19-0005.JPG (21706 bytes)

 

Tel est le grand critérium de la saine pédagogie. Usez-en en permanence. Là où les vieux bancs, les antiques locaux, les manuels et la tradition vous rivent tant soit peu à une scolastique désuète, il vous sera parfois difficile d'adopter radicalement le comportement vivant que nous recommandons. Mais dans l'enseignement professionnel, dans l'apprentissage, dans les mouvements de jeunesse, parmi toutes ces créations nouvelles, filles de notre évolution industrielle, économique et sociale, allez-y carrément, jetez délibérément par-dessus bord toute la scolastique, coupez radicalement les ponts avec ce qu'on vous a enseigné.

 

Et vivez enfin.

 

benp-19-0006.JPG (29176 bytes)

Quelle est donc la technique que nous recommandons.

 

Ce ne sera pas forcément à ces divers degrés la même technique que dans nos écoles primaires. Il n'est pas indispensable que chaque élève vous apporte un texte libre qu'il lirait à ses camarades, le choix du sujet imprimer et à diffuser se faisant alors par vote à main levée.

 

A ces degrés, l'intérêt de l'enfant prend une autre forme ; la vie déjà pris d'autres racines, et des racines dans la vie autour de soi et dans le travail. Il se peut fort bien que tel individu n'ait rien à dire subjectivement pour ainsi dire, et que l'expression pour lui porte presque exclusivement sur une activité qui le passionne : les timbres, par exemple, ou la radio.

 

A cet âge aussi l'enfant est plus délibérément grégaire qu'aux stades précédents où il se dégage lentement des préoccupations personnelles, qu'on dit abusivement égoïstes, mais qui traduisent seulement la nécessité pour l'individu de dominer son comportement et de maîtriser son corps avant de pouvoir tenter de dominer le monde autour de lui.

 

Plus donc qu'à l'école primaire les sources d'intérêt de l'enfant seront multiples. Vous n'aurez pas une expression ni un journal exclusivement littéraire, mais une expression complexe comme les intérêtsde l'enfant à cet âge : littéraire, artistique, poétique, chez les uns ; technique, sportive, sociale, politique chez les autres. Et cette expression vous permettra justement de détecter ces tendances, d'orienter les individus en conséquence, de leur permettre de se développer au maximum selon leurs lignes essentielles de vie au lieu de les river prématurément à des pensées ou à des techniques qui ne sont ni dans leur nature ni à leur mesure.

 

Individuellement ou, la plupart du temps, en groupes, en équipes, les élèves à ces degrés feront des prospections complexes (selon l'enseignement aussi bien entendu).

 

Dans l'enseignement professionnel, ce seront souvent les métiers ou le sport; dans les mouvements de jeunesse, le sport, l'alpinisme, le folklore, le chant, l'art, l'action sociale. Dans le 2e degré, l'activité littéraire, artistique et scientifique.

 

Vous habituerez les élèves à travailler selon les normes des adultes et ce travail comportera, comme pour les adultes :

 

- choix du sujet et choix de l'équipe ;

- prospection. Et vous devez faciliter cette prospection par des visites d'usines, d'entreprises ;

enquêtes techniques et sociales ;

bibliothèque avec personnel aidant pour l'usage des livres ;

fichier général, comparable à notre fichier scolaire coopératif ;

usage de la photo, du film et de la radio ;

utilisation pour ces enquêtes et cette prospection, de tous les moyens nouveaux : lettres, télégraphe, téléphone, etc...

 

Travail effectif dans des ateliers prévus pour une telle activité à la mesure des individus, avec un matériel d'expérimentation et de travail parfaitement à la mesure des classes considérées.

 

Une telle réalisation suppose naturellement

 

a) une réorganisation totale des salles de travail et d'étude, ainsi que des horaires ;

 

b) la préparation technique des outils et des ateliers outils mécaniques, ateliers scientifiques bibliothèque fichiers disques cinéma.

 

Il faudra nécessairement apporter à la préparation de tels ateliers éducatifs le même soin et la même générosité qu'on ne ménage pas pour l'étude de l'électricité ou de la bombe atomique.

 

***

 

La pratique du Plan de Travail est à recommander sans réserve. Elle a donné d'excellents résultats à notre degré primaire. Elle sera une nécessité dans vos classes nouvelles.

 

De quoi s'agit-il ?

 

Dans le cadre de plans de travail généraux épousant d'assez près les exigences de vos programmes ou correspondant à votre ligne générale d'activité, chaque élève établit le lundi matin son plan de travail hebdomadaire qui pourra s'inspirer du plan de travail ci-joint. En accord avec les éducateurs, il inscrit les travaux à faire, les recherches et les enquêtes à mener, les exercices à poursuivre selon la technique dont nous allons parler.

benp-19-0007.JPG (53066 bytes)

 

L'élève sait alors ce qu'il doit faire. Il s'y applique à son rythme et non pas minute après minute, mais à longue échéance, en sachant prendre son temps, comme le font les adultes pour les travaux qui le méritent.

 

Une séance spéciale de contrôle des plans est prévue pour le samedi, Elle se conjugue avec la réunion de la Coopérative dont nous conseillerons la constitution et la lecture du journal mural que vous aurez avantage à mettre à la disposition des enfants.

 

***

 

Le travail que réaliseront les élèves dans les ateliers, ne doit pas être un travail scolastique, un devoir dont on se débarrasse au plus tôt.

 

Toute l'activité à ces degrés doit être motivée et c'est cette motivation qui, après l'expression libre que nous avons placée à l'origine de notre effort éducatif, sera l'élément dominant de notre pédagogie.

 

L'enfant doit travailler pour un but, pour un résultat qu'il comprend et qu'il désire. Sinon, vous le hissez sur une bicyclette qui, placée sur cales, tourne à vide. La fatigue sera très rapide et le patient se dégoûtera du vélo. Donnez-lui un vélo, mais avec lequel il puisse faire les courses qu'il désire. Il maîtrisera son outil jusqu'à l'incorporer totalement à son comportement.

benp-19-0008.JPG (21634 bytes)

 

Comment donc motiver vos travaux scolaires

 

Nous vous faisons part ici de nos découvertes et de nos réalisations techniques à ce sujet. Il vous appartiendra de découvrir et d'expérimenter d'autres procédés similaires.

 

benp-19-0009.JPG (15164 bytes)

LE JOURNAL SCOLAIRE MENSUEL

 

Pour votre activité rénovée comme nous l'indiquons, le journal scolaire sera une des motivations les plus puissantes, un stimulant incomparable, un coordonnateur d'énergies dont on a trop méconnu jusqu'à ce jour les avantages.

 

Seulement, attention, nous ne vous conseillons pas l'édition d'un journal mensuel qu'une équipe plus ou moins intéressante rédigerait et tirerait à date prévue, un peu selon la formule des journaux mensuels adultes.

 

Nous vous conseillons d'imiter notre expérience qui a si totalement réussi et vous en verrez les avantages. Le journal doit se faire au jour le jour, par l'insertion des documents qui, aujourd'hui, nous apparaissent comme dominants et qui seront le reflet journalier de l'activité de la classe. Ce sera aujourd'hui une poésie, demain un compte rendu de visite d'usine, ensuite une expérience technique avec dessin, Puis un questionnaire aux correspondants, des découvertes historiques, des notes géographiques. Et tout cela équilibré pour que tous les élèves y participent au maximum, qu'ils collaborent intimement à la mise au point et au tirage et qu'ils se sentent ainsi solidaires psychiquement, de l'oeuvre commune.

 

Les feuilles sont agrafées en fin de mois et constituent le journal scolaire dont nous verrons le destin subséquent.

 

Un tel projet suppose naturellement la possibilité technique de réalisier ce journal.

 

C'est cette possibilité que nous vous assurons.

 

Voici ce que nous recommandons :

 

D'abord l'achat d'un LIMOGRAPHE, genre de Gestetner opérant par perforation d'un stencil. Cette perforation peut se faire à la main. Mais les résultats en sont bien plus majestueux si la frappe est faite à la machine à écrire qui, à ces degrés, devrait devenir un des outils indispensables. (Nous nous préoccupons de faire établir des modèles qui nous conviennent techniquement et financièrement).

 

Des dessins peuvent être gravés de même.

 

Nous recommandons d'adopter le format 21x27 qui, à ce degré, permet une plus grande variété technique. L'appareil ne coûte que 600 fr. environ.

 

Il n'est malheureusement pas livrable actuellement, mais le sera sous peu. En attendant, les écoles qui le peuvent envisageront l'achat d'un NARDIGRAPHE qui donne d'excellents résultats. L'appareil en vente actuellement et recommandable à ces degrés, coûte 2.550 frs. Il est en vente, comme le Limographe, à notre Coopérative.

 

Avec l'un de ces appareils, vous pouvez tirer à 100 exemplaires au moins les pages de vie et de travail que vous aurez choisies comme constituant les centres essentiels d'intérêt de votre classe.

 

Quel usage ferez-vous de ces 100 feuilles

 

Là intervient toute notre technique de l'organisation des échanges interscolaires.

 

Des services qui pourraient être organisés par une branche de notre Coopérative où les éducateurs de ces divers degrés auraient toute liberté d'action, constitueraient des équipes de 8 classes de degré, de formation et de but à peu près semblables.

 

Votre classe expédiera obligatoirement votre journal à chacune de ces classes, qui enverront le leur. Vous pourrez, sur votre demande, être incorporés à plusieurs équipes semblables.

 

Mais au sein de cette équipe, vous serez pour ainsi dire accouplé à une école semblable à la vôtre qui sera votre correspondant régulier. Quand vous tirerez un rapport, un compte rendu d'enquête, une poésie, vous en réserverez un exemplaire pour chacun de vos camarades de l'école correspondante. Si, par exemple, vous avez 22 élèves et votre école correspondante 19, vous tirerez de chaque texte :

 

- 22 feuilles qui, réparties à chacun de vos élèves, s'ajouteront à leur livre personnel que nous appelons « livre de vie ».

 

- 19 feuilles semblables pour chacun des élèves de l'école correspondante. L'envoi de ces feuilles sera fait sitôt après tirage, ou au moins une fois par semaine.

 

Les autres feuilles, réservées, seront groupées en fin de mois pour constituer le journal dont nous avons parlé.

 

Naturellement, chaque élève de votre classe recevra également et régulièrement un exemplaire de chacun des textes tirés par l'école correspondante. Ainsi, chacun de vos élèves aura son propre journal de vie et le journal de vie de l'école correspondante.

 

On n'imagine pas toutes les conséquences exaltantes de tels échanges, rendus intimes, réguliers et permanents grâce au journal scolaire réalisé selon notre technique : interprétation d'activités et de vie d'éléments placés dans des milieux différents dont l'expression est par elle-même le plus bénéfique des enseignements, interprétation qui est complétée par la correspondance, en plus, d'élèves qui se connaissent intimement, qui s'écrivent, échangent des documents, des lettres, des photos, qui se visiteront sans doute aux vacances, qui resteront peut-être pour la vie des amis sûrs et dévoués.

 

Essayez et vous verrez quelle splendide motivation constitue une telle technique, que ce soit dans une classe des degrés classiques, que ce soit dans les mouvements de jeunesse ou les branches nouvelles d'activité pédagogique et professionnelle.

 

GRAVURE DU LINO

 

Mais un journal réalisé par le seul limographe manque de majesté et de variété.

 

Vous l'embellirez et le complèterez immédiatement par la pratique de la gravure du linoléum. Nous livrons pour 400 frs un matériel qui permet aux enfants de décorer la couverture, d'ajouter des bandeaux ou, des culs de lampes à leurs textes, de graver quelques grands hors-textes artistiques ou même scientifiques. Les élèves, surtout entre 12 et 17 ans, sont enthousiasmés par cette technique, surtout si, au lieu de leur imposer des sujets, scolastiques, vous les laissez libres de graver ce qui les intéresse.

benp-19-0010.JPG (8878 bytes)

 

L'IMPRIMERIE

 

Nous n'avons pas, contrairement à votre attente peut-être, placé l'Imprimerie au tout premier rang des techniques que nous recommandons à ce degré, parce que le temps de composition risque, en certaines circonstances, de paraître exagéré.

 

Au degré primaire, le travail à l'imprimerie est essentiellement formatif et éducatif, tant au point de vue harmonisation des gestes et discipline de l'effort que pour l'acquisition méthodique de l'orthographe. Aux degrés dont nous nous occupons ici, noue ne demanderons plus à l'imprimerie les mêmes vertus, mais surtout de reproduire en belles pages majestueuses les plus expressifs de nos écrits.

 

Nous conseillons donc l'Imprimerie à l'Ecole comme complément technique, qu'il ne vous sera pas nécessaire d'employer chaque jour, mais grâce auquel vous aurez une belle couverture illustrée digne des revues d'éditeurs et, à l'intérieur, quelques pages qui rehausseront, par leur présentation sans égale, le contenu de votre journal : poésies, textes littéraires, comptes-rendus importants, etc...

 

Ajoutons qu'avec cette imprimerie vous tirerez vos en têtes de lettres, vos programmes de fête que vous pourrez vendre, vos adresses, etc.., toutes réalisations qui vous permettront de faire avec plus de profit la collecte des fonds indispensables à la marche de votre entreprise.

 

Nous pourrions vous montrer des journaux scolaires ainsi réalisés sous cette forme mixte, et vous verriez à quel point ils sont susceptibles de répondre à vos besoins et à vos nécessités scolaires et techniques.

 

Il ne fait aucun doute que, lorsque les éducateurs se seront rendu. compte de l'importance pédagogique et sociale de la technique et des, outils dont nous leur révélons les bienfaits, ils s'engageront tous dans la voie que nous leur avons préparée.

 

Nous pouvons affirmer avec certitude que, dans un délai assez réduit, toutes les écoles françaises auront leur Journal Scolaire et que, par la correspondance interscolaire que ce jourmal permet, nous aurons tissé sur la France, et au-delà de la France, un large réseau serré d'échanges réguliers qui seront la plus vivante, la plus fraternelle et la plus efficiente des motivations pédagogiques.

 

***

 

Nous ne vous conseillons pas de graver du lino, de polycopier des textes ou de pratiquer l'imprimerie. Si ces techniques ne sont pas mises au service de l'esprit nouveau, elles peuvent fort bien constituer une nouvelle scolastique à peine en progrès sur celle dont nous peinons tant à nous décrocher.

 

Ces techniques sont en fonction de l'expression libre et du désirpermanent de l'individu de diffuser ses pensées et d'entrer en relations avec d'autres individus.

 

C'est dans cette réalisation que réside l'originalité de notre technique. C'est cette réalisation que vous devez immédiatement amorcer et poursuivre.

 

CONFÉRENCES D'ÉLÈVES

 

Il est une autre technique que nous recommandons sans réserve pour les résultats patents qu'elle nous a valus. C'est celle des CONFERENCES D'ELEVES.

 

C'est en somme la technique de travail des adultes et il y a des chances pour qu'elle vous convienne mieux, car l'adulte, quand il a fini ses classes, s'empresse de rejeter les disciplines de travail qui lui sont apparues comme inutiles ou inefficientes.

 

L'adulte ne fait plus de devoirs et n'étudie plus de leçons, parce qu'il s'est rendu compte que c'est trop souvent là un travail de singe ou de perroquet qui vise seulement à décrocher quelques parchemins.

 

Nous sommes à fond, nous l'avons déjà dit, contre la leçon et le devoir traditionnels dont le rendement est insignifiant, sans parler des inconvénients sociaux et moraux qu'ils valent aux écoles qui les pratiquent.

 

L'individu aime naturellement divulguer sa pensée, communiquer à d'autres le résultat de ses recherches, frotter sa science neuve à celle de ses camarades ou de ses professeurs. C'est ce besoin que nous allons exploiter.

 

Au lieu de présenter les sujets à étudier comme textes de leçons à mémoriser, nous les laisserons, nous les ferons sortir de la vie et s'imposer à la curiosité des élèves qui veulent connaître. Individuellement ou par équipe, ils étudieront, ils expérimenteront, ils réaliseront, et, au cours de séances spéciales qu'il nous suffira de prévoir dans nos horaires, ils viendront nous faire le compte-rendu de leurs travaux. Les auditeurs critiqueront, complèteront. L'éducateur aura son mot à dire. Il y aura allant, intérêt et profit.

 

Les sujets vraiment intéressants seront l'objet d'une préparation spéciale de plusieurs semaines et constitueront le thème d'une conférence d'élèves.

 

Vous pouvez prévoir une conférence semblable tous les jours, en fin de journée.

 

Mais les conseils sur la préparation et la réalisation de ces conférences appellent quelques explications préalables.

 

Si vous demandez à vos élèves de faire des comptes-rendus ou de préparer de telles conférences et que vous ne leur offriez que la documentation scolastique dont se contentent scandaleusement les écoles, vous échourez. Car l'enfant ne peut pas tout sortir de sa courte expérience, et la réalisation d'un tel travail ne serait même pas éducative. L'élève en serait réduit à copier plus on moins les manuels, seule source officielle de votre documentation.

 

A technique nouvelle, outils de travail nouveaux.

 

Vous supprimerez tous les manuels, c'est-à-dire cette pratique irrationnelle qui consiste à donner le même livre à 30 élèves, alors qu'avec la même somme on aurait 30 livres différents.

 

Vous constituerez immédiatement votre BIBLIOTHEQUE DE TRAVAIL, avec tous les éléments que vous pourrez vous procurer en prenant toujours comme critère du choix la possibilité pour l'élève, seul ou travaillant en équipe, d'y puiser les éléments de ses recherches. Nous avons entrepris pour le degré primaire l'édition de livres adaptés à ces besoins. L'affaire sera à étudier pour tous les autres degrés ou formes d'enseignement. Il faudra que nous réalisions l'Encyclopédie Scolaire Coopérative dont nous avons lancé l'idée.

 

Mais, en attendant la réalisation de cette idée, il vous est possible de constituer un noyau intéressant de cette Bibliothèque de Travail, avec quelques manuels, quelques livres d'éditions diverses, des dictionnaires.

 

Vous constituerez ensuite votre FICHIER SCOLAIRE COOPERATIF, outil sans lequel les techniques nouvelles sont impossibles, et dont il serait superflu de dire les avantages puisque cette technique s'est étendue depuis longtemps dans toutes les branches de l'activité humaine, l'enseignement excepté.

 

Nous donnons tous renseignements sur la préparation et la pratique du Fichier scolaire coopératif dans notre brochure d'Education Nouvelle Populaire : « Le Fichier scolaire coopératif ».

 

S'il dispose d'une telle source initiale de travail, l'élève qui désire étudier un sujet se munit de livres, de fiches, de documents. Il écrit si nécessaire à des organisations scientifiques ou culturelles, à des firmes commerciales, à ses correspondants, Exactement connue un adulte qui prépare une conférence.

 

Il exploite ensuite tous ces documents pour sa conférence. Il ne faut pas demander, en effet, à l'enfant de trop tirer de lui-même. Mais s'il a pu se munir autour de lui du miel dont il peut vous faire bénéficie, il sera en mesure, au jour dit, de vous faire une conférence intéressante, avec lecture de pages adaptées, exposition de documents du fichier, projection de films, audition de disques, etc.

 

Vous aurez à cette pratique double profit : intérêt des auditeurs, Qui entrent ordinairement plus facilement en communication avec un élève comme eux qu'avec un adulte parfois trop savant profit surtout pour le conférencier qui se donne à 100 % à sa tâche.

 

Essayez, mais après avoir groupé un embryon au moins de la collection d'instruments de travail indispensables.

 

Vous serez convaincus.

 

FICHIERS AUTO-CORRECTIFS

 

Il est une autre technique de travail dont nous avons été les initiateurs et qui s'avère comme devant être précieuse dans les diverses branches d'eseignement au-delà, du primaire : le Fichier auto-correctif.

 

Il est certaines techniques qui nécessitent, bon gré malgré, l'acquisition d'un mécanisme de base : calcul, opérations, grammaire, algèbre, géométrie. Par la pratique des leçons et des devoirs, toute la classe est astreinte à la même besogne, soumise au même rythme. Il en résulte les éléments plus intelligents vont trop vite, que les déficients peinent à suivre et que le professeur s'épuise à trainer une moyenne qui ne donne satisfaction à personne.

 

NOUS CHANGEONS LA TECHNIQUE DE TRAVAIL

 

Ces exercices de calcul, ces problèmes gradués dont vous jugez l'exécution indispensable, nous les collons sur fiches : l'énoncé sur une fiche « demande » cartonnée, jaune, 10,5x13,5 - la réponse sur une fiche semblable mais rouge.

 

Noue plaçons dans une boîte les fiches demandes, dans une autre les fiches réponses. L'enfant va prendre la demande, fait le travail indiqué, puis va contrôler sur la fiche réponse.

 

On voit tout de suite les avantages incontestables ont fait le succès d'une telle technique : l'enfant peut marcher à son pas. Aller vite s'il surmonte facilement les difficultés, lentement s'il peine.

 

Le travail sur fiches peut être fait aux moments perdus ou à la maison (l'enfant emporte lui-même, parfois, spontanément plusieurs fiches, comme un jeu).

 

Il vous est toujours possible de modifier ou d'accentuer la gradation des exercices en ajoutant des fiches intermédiaires.

 

Et l'enfant n'a plus l'obsession du livre et du maître. Il travaille et .e contrôle librement, sous votre direction.

 

Nous avons dit qu'il suffisait de coller les exercices des livres. Provisoirement. Dans la pratique cette technique du fichier correctif amènera un nouvel aménagement des exercices et une conception nouvelle de la leçon pratique qui permet à l'élève de franchir sans peine excessive toutes les difficultés.

 

Il y aurait avantage à ce que des fiches soient étudiées et réalisées coopérativement comme nous l'avons fait pour l'enseignement primaire. Nous en prévoyons pour le calcul, l'algèbre la géométrie, la grammaire, les sciences.

 

Mais toute reste à faire dans ce domaine. Aux éducateurs eux-mêmes de forger leurs outils libérateurs.

benp-19-0011.JPG (24487 bytes)

 

LE THÉATRE

 

On n'a pas tiré du théâtre des enfants le centième de ce qu'il peut donner socialement et pédagogiquement, parce qu'on a voulu en faire une succursale de l'école traditionnelle, et qu'on a imposé aux élèves l'étude par coeur des rôles auxquels ils ne sont pas totalement intégrés, sur des sujets traités par les adultes.

 

Il faut faire une plus grande confiance à la jeunesse, lui donner des exemples, certes, l'aider techniquement, mais la laisser libre en fin de compte de porter sur la scène ses pensées, ses croyances, ses conceptions, et de les exprimer sous la forme qui lui est familière.

 

Exactement comme pour nos journaux scolaires et nos textes libres.

 

On arrive ainsi à des réalisations tout simplement étonnantes et qui sont d'un intérêt majeur pour tous les élèves, à tel point que vos élèves, voudront tous être acteurs et qu'il faudra vous gendarmer parfois pour que soit réservée l'assistance pour laquelle on joue.

 

Exactement à l'opposé des pratiques traditionnelles où aucun élève ne voudrait jouer, où chacun voudrait être spectateur passif.

 

Il y a tout à faire aussi dans ce domaine.

 

Notre revue L'EDUCATEUR mettra au point cette technique au fur et à mesure des expériences dont la pratique et les résultats lui seront communiqués.

 

***

 

COOPÉRATIVES SCOLAIRES

 

Et pour terminer nous recommandons, d'animer et de vivifier toutes les branches d'enseignement par la pratique de la coopération.

 

Il ne s'agit pas de former un bureau, de faire verser automatiquement une cotisation à. chaque élève pour achat du matériel que l'Etat ne se hâte pas de livrer. Ceci n'est que l'accessoire au point de vue éducatif.

 

L'essentiel est que selon l'enseignement de M. Profit, père spirituel des Coopératives Scolaires en France, vos élèves prennent peu à peu en main la gestion et l'organisation de leur école et de leur enseignement, comme les ouvriers prennent progressivement en mains eux aussi l'administration de leurs entreprises.

 

Il ne s'agit pas ici d'une forme sentimentalement exagérée d'un self-government qui va parfois jusqu'à l'anarchie, mais de l'organisation communautaire de la vie de l'Ecole, de la gestion, par les intéressés eux-mêmes, des outils de travail.

 

De très nombreuses Coopératives Scolaires très florissantes existent dans l'enseignement primaire. Nous souhaitons que ce mouvement se généralise dans le sens que nous venons d'indiquer.

 

***

 

ACQUISITIONS ET EXAMENS

 

Dès qu'on parle de modification de méthode de travail, on objecte pour la plupart des branches l'obligation de préparer aux examens qui restent, qu'on le veuille ou non, - du moins pour l'instant - l'aboutissement de ces études.

 

Il ne fait pas de doute que ces examens sont, la plupart du temps, fort mal conçus, trop exclusivement fondés sur une scolastique dépassée ; et que les parents eux mêmes, déformés par cette même scolastique ; n'imaginent pas qu'il puisse y avoir une autre formation, pourtant plus conforme aux exigences de la société actuelle.

 

Nous aurons d'ailleurs à travailler pour corriger l'une et l'autre de ces erreurs, besogne profonde et de longue haleine, qu'il ne faut pas négliger certes, mais dont il ne faut pas espérer un bouleversement rapide de nos méthodes éducatives.

 

Pratiquement, dans les cours complémentaires, dans le deuxième degré, nous aurons à tenir compte des examens et des désirs des parents, comme nous en avons toujours tenu un plus grand compte qu'on ne croit dans notre degré primaire.

 

Un ouvrier possède depuis près de cent ans un petit atelier traditionnel où il fabrique, selon des procédés, certes, éprouvés, mais qui ne tiennent aucun compte des techniques modernes, des casseroles qui ont la faveur du public et qui se vendent.

 

Dira-t-on pour cela qu'on ne pourra jamais fabriquer dans d'aussi bonnes conditions des casseroles semblables avec une intallation moderne ? On fait tous les jours la preuve contraire. Et les clients s'en vont vers la casserole moderne, mieux finie et meilleur marché, et la vieille boutique sans travail sera bientôt obligée de fermer.

 

Pourquoi dit-on, à priori, que seule votre école traditionnelle peut faire réussir aux examens et donner satisfaction aux parents ? Parce que nous disons - et cela saute d'ailleurs aux yeux - que les examene sont mal compris et les soucis des parents désuets ; cela signifie t-il que nous ne sachions pas réaliser, avec nos techniques nouvelles, les vieilles casseroles dont vous êtes si fiers ?

 

Parce que l'éducation nouvelle a mis l'accent sur la formation de l'individu où elle réussit incontestablement mieux que l'école traditionnelle on en a inféré hâtivement que nous ne saurions rien faire dans le domaine de l'acquisition.

 

Or, il faut que nous disions bien haut, que nous affirmions, que nous prouvions, que c'est exactement le contraire qui se produit ; nos techniques bien réglées, servies ou rendues possibles par un matériel et des outils bien au point, doivent permettre dans tous les domaines une acquisition et une instruction nettement supérieures à celles que vous obtenez par des méthodes dont la faillite n'est plus à dénoncer.

 

Il faut qu'on se rende compte enfin que lorsqu'on s'est appliqué de tout son être à une recherche, à une activité, à un travail qui répond aux tendances profondes de l'individu, lorsqu'on se donne à 100 % à une tâche, tous les objets autour de soi, toutes les activités en sont comme illuminés, la mémoire rajeunie tire de l'intelligence et de la vie une fidélité supérieure ; on appréhende le monde autour de soi avec des antennes d'une sensibilité et d'une précision autrement efficaces.

 

Cela vous le comprenez tous parce qu'il vous suffit de faire un intime retour sur vous-mêmes pour vous en rendre compte.

 

On ne conteste d'ailleurs pas trop le fait. Mais les pédagogues formulent plutôt deux objections accessoires dont nous ne nions pas l'importance.

 

1° - Que l'enfant travaillant selon, des méthodes vivantes profite plus totalement de son activité, cela ne fait pas de doute. Mais il ne risque pas de porter ainsi, sur toutes les matières du programme, ce même intérêt aigu. Alors il y aura des trous lamentables qui lui vaudront un échec aux examens.

 

Disons d'abord que l'enfant qui a été habitué ainsi à s'intéresser à fond à son travail aborde avec le même sérieux et la même profondeur des sujets latéraux qui n'étaient pas à l'origine dans sa ligned'action. La vie rayonne terriblement. Il n'y a que la scolastique desséchée qui habitue l'écolier à ne jamais dépasser d'un pouce la tâche qui lui a été imposée. L'enfant curieux et vivant s'intéresse à tout.

 

Il vous sera possible, alors, à certaines heures de la journée et surtout aux approches des examens, de pratiquer ce que nous appelons, l'étude bouche-trou au cours de laquelle on « voit » et on « explique », selon les méthodes traditionnelles de verbiage ce qui n'a pas été approfondi par la recherche vivante. Et vos élèves, éveillés, curieux, avides de connaître, à qui vous aurez expliqué d'ailleurs la nécessité provisoire de ce bouche-trou, profiteront de cet enseignement bien plus que s'il était donné exclusivement selon la méthode traditionnelle.

 

C'est une chose qui va de soi.

 

2° - Reste l'étude de sujets qui ne sont nullement dans la zone de l'intérêt enfantin et qui n'entrent donc pas dans le cadre précédent ni ne profitent de l'élan de vie que nous avons impulsé.

 

Comme lorsqu'il s'agit des dates d'histoire ou de la mémorisation de guerres et de traités au degré primaire (C.E.P.).

 

Mais l'école traditionnelle réussit-elle là ? Les résultats obtenus ne sont-ils pas plus que décevants, ridicules parfois, et valent-ils pour longtemps ? Ne faut-il pas, à chaque examen, reprendre le même bourrage basé sur un terrain inconsistant et vide ?

 

Cela ne fait pas de doute.

 

Si nous ne pouvons faire mieux, nous nous contenterons d'imiter alors l'école traditionnelle. Nous ne réussirons pas plus mal et il n'y aura rien à dire. Comme nos enfants n'auront pas la mémoire surmenée ni leur appétit de travail bouché, il y a des chances même que nos élèves se donnent à cette étude antipédagogique avec une candeur et une application qui nous étonneront.

 

Pourquoi en serait-il autrement ?

 

Tout est une question de réglage de nos techniques et de nos outils de travail. Nos plans de travail devront être particulièrement étudiés pour répondre tout à la fois aux besoins profonds des enfants et aux exigences des horaires et des programmes, ou du moins pour marier au mieux ces exigences parfois antinomyques.

 

Il en résultera que notre travail n'aura pas toujours la profondeur ni l'intérêt que nous lui voudrions, à cause justement des exigences antipédagogiques du milieu. Mais le rendement à tous points de vue, même au point de vue acquisitions et succès aux examens, sera supérieur à celui que vous obtiendriez avec les méthodes traditionnelles. La casserole coûtera moins à produire et elle sera mieux faite.

 

Vous verrez alors que, peu à peu, les éducateurs se rendront à l'évidence. Il y aura bien quelques parents qui s'obstineront à réclamer quelque temps les formes auxquelles ils ont été, eux-mêmes coulés, comme ces vieillards qui préfèrent aux casseroles nouvelles, légères et propres, les vieux ustensiles lourds et noirs qu'ils ont maniés pendant toute une partie de leur existence.

 

Mais la vie marche. Et les parents comprennent. A condition justement que l'éducation nouvelle ne néglige ni les acquisitions ni les examens, qu'elle montre définitivement - et c'est facile - la supériorité en tous les domaines, des techniques de vie sur les pratiques traditionnelles aujourd'hui dépassées.

 

C'est cet ajustement technique qui reste à faire, comme nous l'avons réalisé en partie au degré primaire. C'est à cet ajustement que nous convions les éducateurs des divers degrés qui doivent forger eux-mêmes, coopérativement, entre ouvriers d'un même bâtiment, les outils de leur libération scolaire.

 

Pour cette besogne, notre revue L'EDUCATEUR leur reste pleinement ouverte.

 

***

 

CONCLUSION

 

C'est à dessein que nous ne sommes pas entrés et que nous n'entrons pas dans le détail de pratiques particulières à chaque branche considérée et que seuls les intéressés eux-mêmes peuvent préparer et régler.

 

Nous avons voulu surtout montrer le sens nouveau du travail, hors e la scolastique, à même la vie et le milieu - conformément justement aux plus récentes instructions ministérielles.

 

Nous ne nous sommes pas contentés de vous donner des conseils. Nous vous offrons un matériel et une technique éprouvés, qu'il vous suffira d'adapter légèrement à vos besoins pour en tirer des résultats exaltants pour vos élèves et pour vous.

 

Il ne s'agit certes pas d'une de ces méthodes scolastiques qu'on peut suivre en somnolant et qui vous dominent jusqu'à la routine. Ne comptez pas que quelqu'un vous offre jamais des moissons toutes prêtes à engranger, sans que vous ayez à vous préoccuper de l'effort, technique et humain qui les a produites.

 

Mais nous vous offrons les outils et la technique qui vous permettront d'obtenir avec certitude ces belles moissons.

 

Alors, comme les moissonneurs qu'exaltent les épis lourds et l'odeur âcre du blé mûr, vous retrousserez vos manches et vous vous mettrez à la besogne.

 

Alors, vous aurez et nous aurons enfin l'école, l'instruction et l'éducation que nous aurons méritées.

 

C. FREINET.