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Le carnet de bord des élèves de l'atelier danse

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Carnet ° 3 - suite

 

Nous disposons au lycée de peu d'espace : un lieu que nous nommons le hangar (c'était effectivement un hangar et au fil des ans nous avons mené des travaux de transformations pour qu'il soit plutôt une grande salle équipée d'un chauffage et de gradins, mais qui conserve un sol en béton !) et la proximité du quartier du « petit Maroc », lieu de la première ville de Saint-Nazaire, qui est aujourd'hui une zone d'entreprise et de quelques habitations. Cette année, nous profiterons largement de cet îlot insolite pour y pratiquer diverses activités pédagogiques, avant que la restructuration nous fasse basculer dans un autre univers, plus lisse. Nous avons aussi une des plages de la ville qui peut nous permettre de travailler sur la matière « sable ». Au début de l'année, ce n'est cependant pas simple de s'exposer au regard des passants…
Les artistes que nous allons fréquenter, Steve Paxton, Luncida Child, Trisha Brown ont fréquenté les cours de compositions de Robert Ellis Dunn et rencontré Ann Halprin. Tous sont imprégnés des travaux de Merce Cunningham et des artistes de La Judson Church. Il s'agira d'explorer « l'improvisation », d’appréhender d'autres gestes que ceux des cours de « modern dance » ou de la « danse classique ».
Cela me replonge dans ma propre formation en danse : nous improvisions autour de thèmes afin de pouvoir composer des chorégraphies collectives. De ces moments, ce qui vit toujours en moi c'est le refus du jugement et donc l'acceptation de tous les possibles et aussi l'exploration de notre créativité à partir de n'importe quel support. Que tout soit potentiellement de la danse était sous jacent à cette forme de travail.


C'est dans cette radicalité de pensée que je devais construire, afin que les élèves « vivent les situations ». J'ai proposé que la marche soit la motricité principale de l'atelier en posant des cadres d'improvisation différents autour de celle-ci.
Dès le premier jour, nous avons donc marché pendant une heure trente dans le hangar autour de la consigne « je marche et je m’arrête ».


 

Des arrêts fixes, où le corps se rassemble, des arrêts d’action ou le mouvement des jambes reste visible.
Certaines personnes s’accordent avec la musique.
D’autres s’arrêtent en fonction des mouvements des autres.
Différents rythmes.

                                                 


Marche arrêt dans les couloirs


Je suis dans un labyrinthe avec mille couloirs mais je ne peux pas m’en sortir.
Les murs sont transparents, je vois d’autres personnes avec moi, courant, marchant. Certains sont pressés, d’autres pas. Quelques-uns regardent devant eux, d’autres regardent autour d’eux ou par terre. Des fois on se rencontre et on marche ensemble. Dans ce labyrinthe je suis seule, sans l’être.

Les gestes du quotidien


Imitation de l’autre. Imitation de soi. Quoi de plus banal que le geste du quotidien ? On monte les escaliers, on les descend, on lit, on écrit, on mange, on boit, on parle, on marche, on court, on sourit, on se gratte la tête. Faire en sorte que ce soit de la danse. A deux. Se compléter. S’imiter. Se dépersonnaliser ou se repersonnaliser. Paraître ridicule aux yeux des autres mais pourquoi puisque ces gestes, nous les faisons tous. Préciser, reformuler, répéter, accélérer ou ralentir. Le geste est un langage pas forcément évident à mes yeux.

 

 

 

 

Nous appréhendons l'espace en structurant nos marches-arrêts dans des couloirs perpendiculaires entre-eux. Nous pouvons changer de couloirs quand bon nous semble. Dans toutes ces improvisations il se joue aussi la prise en compte de l'autre et donc l'écoute de l'autre. Cela fait partie pour moi d'une grande part de ce que nous devons apprendre pour pouvoir travailler ensemble, c'est une nécessité lorsque l'on souhaite développer la coopération. Robert Ellis Dunn disait dans cette mise en expérience que les danseurs « comprenaient les manières de faire face aux différentes relations sociales, c'était aussi une exploration de la nature des rapports sociaux. » (L'enseignement, R E Dunn, article issu de Terpsichore en Basket, Sally Banes).  Nous étions un groupe de 10 (filles) et ensemble nous avons pu partager, construire, créer, modeler ensemble. Nous avons tenu un « journal de bord » car le travail de mémoire est essentiel. Nous avons aussi eu des temps dans l'atelier où nous avons écrit sur nos ressentis et où nous avons visionné des cassettes.
Nous avons exploité la marche, à l'intérieur du lycée, dans le Hangar, mais aussi dehors dans le quartier de « petit Maroc ». Nous avons aussi fait quelques interventions à l'intérieur de notre lycée en utilisant des gestes que nous avions travaillés. La chance est que nous pouvons expérimenter n'importe où dans notre structure sans avoir le regard des autres qui dérangent.
Marion                   
 

Nous travaillons alors sur les marches, sur nos marches ; nous observons des rythmes différents, des balancés différents de chaque corps. Après avoir partagé nos impressions, nos ressentis, nous tentons de trouver une nouvelle direction.
Audrey                                 

     


La marche n'est pas le seul geste du quotidien que les Post Modern ont imposé. Il nous restait à découvrir tous les autres, ce que nous avons fait dans le hangar, mais aussi dans les couloirs du lycée en observant les gens. Il est parfois important d'apprendre à regarder autour de soi pour aller au-delà de nous.
Nous nous sommes alors dirigées vers une marche en couloirs parallèles et perpendiculaires à un point donné, puis nous avons rajouté les gestes du quotidien (marche, arrêt = geste, marche…) ; ce qui revenait le plus souvent c'était les gestes des tâches ménagères, de l'habillement, de la toilette… Nous ne pensons pas forcément à retranscrire les humeurs.
Après réflexion, nous n'imitons plus mais nous faisons tout en ayant la conscience de nos gestes : par exemple, lorsqu’il sagissait « d’enlever un pull », nous l’enlevons réellement.
Nous avons alors composé des duos issus de ces recherches. Nous avons ainsi cheminé dans cet esprit de danse durant nos deux semaines et les deux dernières matinées ont été consacrées à une mise en l'espace de nos recherches.

  Nous nous étions donné comme objectif à la fin de la quinzaine d'aboutir à une création. Chose dite, chose faite. Nous avons construit ensemble une chorégraphie que nous avons présentée à l'ensemble du lycée au moment de la présentation de tous les ateliers.
Marion
Au Lycée expérimental, la « présentation des ateliers » est le rituel de fin de quinzaine : nous présentons aux autres membres du lycée ce que nous avons étudié. Parfois l'objectif de l'atelier se confond avec ce moment, mais la plupart du temps, dans la dernière matinée consacrée au bilan et au ménage, nous prenons un petit moment à la préparation de ce temps. Parfois les fins de quinzaine sont des moments extraordinaires à vivre et celle-ci fut vraiment magnifique.            

 

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