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Autobiographie d'un écrivain de tous les jours

Octobre 2000

D'aussi loin que je me rappelle, l'acte d'écrire a été confusément pour moi, un objet de désir, de passion, de pouvoir, et de réalisation de soi.

De mes premières écoles, je garde le souvenir d'une grande fascination pour l'écrit : monde à la fois imposé par les nantis de la culture, mais inaccessible pour les autres... Et, des autres, quoique ayant un père autodidacte, j'en faisais partie.

Je viens de ces écoles grises des zones sidérurgistes de 1' Est de la France. La composition française était alors le seul élan scriptural que l'on nous autorisait à prendre : il nous fallait de plus écrire ces textes à la maison, sauf celui, sacré, de la "composition ". L'imaginaire muselé, nous planchions chaque semaine sur le sujet choisi par l'enseignant. Les meilleures semaines, il nous concernait un peu, les mauvaises semaines, nous serrions les dents pour rendre un semblant d'écrit, tant son contenu était éloigné de nos préoccupations.

Ma mère et moi récoltions correctes notes : elle m'aidait à émailler mes rédactions d'exemples venus de sa vie, surtout quand il s'agissait d'évoquer les animaux, la vie à la campagne, ou les époques troublées qu'elle avait vécues.

Nous avons ainsi toutes les deux, pendant toute l'école primaire, honoré les commandes qui nous étaient faîtes : elle me prêtait ses mots, les animaux familiers qu' on nous demandait de décrire portaient le nom de ceux de son enfance à la campagne. En échange de cela, ma mère se rappelait avec délice qu'elle avait été "bonne élève".

Au collège, l'exil fut terrible... Je me retrouvais seule le soir, avec la pauvreté de mes mots à offrir à l'exigence professorale... Ma mère ne m'accompagnait plus : elle avait déclaré forfait . Je surfais héroïquement sur une moyenne difficile. Je m'efforçais de ramer dans le sens du courant, n'y arrivant que peu, et tentais de reproduire le modèle d'écriture que les profs attendaient. Ceux-ci d'ailleurs, pour la plupart, ne nous l'expliquait qu'après,

alors que déjà, nous avions tous, en partie, raté notre "représentation " scripturale.

Et puis, une année, ce fut en troisième, ma famille et moi venions de regagner la Bretagne, patrie de ma mère. Au collège d'Hennebont, beaucoup de mes amis avaient un père vivant les derniers soubresauts de la dure bataille des forges de Lochrist. Nous vivions à l'heure des grèves et des ultimes manifestations, route de Lorient. Cette année-là un prof de français, habité par l'écriture, comme si elle avait été salvatrice, ouvrit, pour certains

d'entre nous, une fenêtre sur ce que nous n'avions jamais envisagé que puisse traduire l'écriture : la démarche authentique d'êtres se livrant et qui écrivent pour être lus, dits, théâtralisés, interrogés, réfutés, interprétés, contestés, libérés ... Démarche humaine d'autant plus captivante qu'elle engendre chez celui qui reçoit l'écrit, un formidable travail de la pensée.

François Villon, Rabelais, Voltaire, Charles d'Orléans et bien d'autres encore, avaient beau être du programme, ils nous furent livrés pieds et poings liés. Nous en disposions à loisir pour, tout en les lisant, les questionner sans cesse : le droit premier était de ne pas les comprendre. L'aide qui nous était nécessaire, pour accéder à la complexité de leurs oeuvres, nous était accordé sans faillir. Très vite, dans la classe, la communauté que nous

formions tenta ses premières expériences d'écriture : poésie, récits, écrits théâtraux émergèrent comme autant de prétextes à la mise en scène que nous fîmes en fin d'année.

Depuis cette époque-là je n'en n'ai jamais plus fini avec l'écriture : écriture respiratoire, existentielle, militante, pédagogique, amoureuse, poétique, révélatrice...

Sans doute qu'un mépris de plus, pour une parole première, aurait suffi pour stériliser à jamais la plume artisane de l'écrivain de tous les jours que je m'accorde à être. Il n'en n'a rien été.

Qu'en est-il aujourd'hui dans nos écoles primaires et nos collèges de la naissance de l'écriture ? On peut sans doute penser qu'un louable effort est conduit pour libérer les plumes informatiques ou autres, que des ateliers d'écriture se mettent un peu partout en place ... Les efforts, aussi louables soient-ils, s'avéreront insuffisants, s'ils ne sont pas basés sur la réelle écoute de celui qui écrit, lui, en tant que tel, dans sa particularité linguistique et culturelle. Particularité qui fait que ses mots sont celui d'aucun autre ... L'écho que l'on donnera à cette parole primitive, la mise en relation que l'on fera des différentes écritures des enfants de nos classes, l'importance qu'on leur signifiera, les liens scripturaux que l'on favorisera, la diffusion que l'on en aura, le temps que l'on accordera à ce mouvement perpétuel qu'est l'aller - retour incessant entre ce qui est écrit, et la réponse qu'on lui offre (flux et reflux...), ce lent travail d'artisan, pourra, si l'on s'y astreint, permettre à l''e9crivain de tous les jours de trouver sa place dans le monde si fermé de l'écrit. De cette territorialité première jaillira les prémisses de l'exercice d'une pensée originale, favorisant l'émergence d'un être respecté dans sa parole et dans sa différence.

 

Et j'exerce ma plume

Comme l'artisan sa main

Pour la sentir maîtresse

Prêtresse de l'écrit.

 

Jenny Desbois

 

Extrait de « Chantier 44 », bulletin du groupe Freinet de Loire-Atlantique.

 

 

Les textes

Je n’avais pas de textes.

Je cherchais une échelle

Qui devait descendre jusqu’au fond de moi.

J’en découvris une et la glissai doucement.

 

J’attendis.

 

« Peut-être les textes sont-ils sportifs ? »

Je remplaçai l’échelle par une corde lisse.

Mais les textes refusèrent à nouveau

De grimper.

 

Je compris alors que j’avais affaire

A des textes très sensibles.

Je tissai une autre échelle,

Mais cette fois en tiges de marguerites.

 

Et un par un,

Ou deux par deux,

Ou trois par trois,

Ils montèrent tous les jours.

Françoise, 12 ans.

Extrait de « Poèmes d’enfants », Ed casterman

 

 

J’écris…

Je suis devant une feuille, des idées se chiffonnent dans ma tête. Aucune ne me convient, je cherche… J’ai beau chercher je ne trouve toujours rien… C’est comme un bourgeon qui ne veut pas s’ouvrir, une vague qui ne s’éclate pas…

… Mais tout à coup, une idée s’envole comme un papillon, elle déplie ses ailes, elle naît comme une feuille qui germe, comme une vague qui s’ouvre. Je la saisis en me disant que c’est la bonne.

Mais elle ne me plaît pas.

Je continue, je n’arrive pas à me concentrer, des bruits de stylo se font entendre.

Et finalement j’ai écrit ce texte, en pensant que je devais dire ce que je ressentais en l’écrivant.

Adrien B. Ecole Brunschvicg de Lille

 

 

Le 29/04/99

Une idée.

 

Je cherche une idée,

Une idée de poème, une idée d’histoire,

Bref une idée de texte.

 

Je cherche quelque chose à dire,

A raconter, à exprimer,

Et puis je cherche aussi une idée de titre…

Je cherche, je cherche, je cherche.

Puis je trouve !

Et voilà !

Je vois les mots arriver,

Je regarde comment ils se sont accrochés les uns aux autres

Pour s’inventer un chemin, une phrase, un texte…

 

Il ne me reste qu’à le lire,

le murmurer ou le crier à tout le monde !

 

Amélie. P Ecole Brunschvicg de Lille

 

 

CREATION

Dans mon jardin intérieur

Ma fleur création est toujours en bouton.

Elle ne veut pas s’ouvrir.

Une idée papillon tourne.

S’amuse, puis se pose.

 

Puisque ma fleur création

Est en bouton,

Il ne me reste plus,

Si je veux écrire,

Qu’à vite attraper l’idée papillon.

 

Je le poursuis :

Il me joue des tours…

Il monte… descend… tourne.

S’arrête, se repose sur ma fleur.

Je le regarde fixement,

Et je pense :

Si je passe par ici…

Il va partir par là…

 

D’un geste rapide et violent

J’essaie de le capturer :

J’y parviens… mais hélas,

Je l’effraie…

Il perd toutes ses idées.

Alors ma fleur création s’ouvre

Et je récolte mes idées.

Antoine, 11 ans.

Extrait de « Poèmes d’enfants », Ed casterman