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La charte des droits fondamentaux

Janvier 2001

Le Sommet de Nice vient de s’achever dans la plus grande cacophonie. Une large opposition à la Charte des droits fondamentaux s’y est également manifestée.

Nous laisserons à Denis Horman, animateur du réseau belge des Marches et membre d'ATTAC-Liège, le soin de nous expliquer les enjeux et les raisons de cette mobilisation.
« Déjà approuvée au Sommet de Biarritz, (…) celle-ci pourrait devenir un instrument de régression sociale et démocratique, d'autant que le droit européen est censé primer sur le droit national.
Cette Charte renie le droit au travail qui devient “le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie”. Ainsi, les employeurs et les États n'ont plus d'obligations, si ce n'est de laisser chacun(e) libre de travailler ou de survivre! (…)
Le texte supprime “le droit à prestation” : ce qui peut remettre en cause les réglementations sur les allocations de chômage. Pas d'interdiction de licenciements non plus, mais " une protection contre tout licenciement injustifié " ! (…)
La Charte renie également le droit au revenu minimum vital, à une protection sociale et à un logement décent, tel qu'il est  pourtant inscrit dans de nombreuses constitutions et législations nationales. Le texte très ambigu et pernicieux précise : " afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ". Pas question  de déterminer, au niveau européen, le seuil de revenu en dessous duquel il serait " indécent " de descendre dans les pays de l'UE ou encore l'obligation de programmer des logements sociaux, par exemple !
Les droits des femmes se résument pratiquement à  celui de " se marier et de fonder une famille ". Les immigrés, eux, ont le droit de ne pas être " expulsés collectivement "
Cette Charte est en retrait sur d'autres textes internationaux, comme" la Déclaration universelle des droits de l'homme ", écrite en 1948, il y a plus d'un demi-siècle. En revanche, le document fait la part belle au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. Bref, une charte à l'image de l'Europe libérale.
Au niveau européen, tout ce qui  concerne le marché et la monnaie se décide à coup de règlements et de directives à la majorité qualifiée, à l'exception de quelques verrous qui ont pu jusqu'à présent protéger les services publics (à condition qu'un  État ait la volonté et l'audace d'utiliser son veto pour cela). Mais ces verrous sont en passe de sauter. Par contre, tout ce qui concerne les normes sociales et fiscales, qui pourraient entraver la liberté des entreprises et la libre circulation  des capitaux, est soumis à l'unanimité (il suffit d'un État pour tout bloquer).  Il en résulte que les projets de directives sur le social et la fiscalité, adoptés à l'unanimité, sont généralement vidés de leur sens ou transformés en simples recommandations, sans obligation de transposition dans les législations nationales.
Les documents de la Conférence Intergouvernementale, qui prépare le Traité de Nice, comportent des amendements à l'article 137 du Traité d'Amsterdam sur les dispositions sociales. Un des amendements, qui satisfait la Confédération européenne des syndicats (CES), ouvre la possibilité de décisions, à la majorité qualifiée, sur les questions sociales.
Livrer à la Commission européenne, aujourd'hui ultra libérale, la possibilité de concevoir une initiative de directive sur ce sujet représente un  terrible danger pour les revenus des travailleurs qui se trouvent sans emploi.
Le commissaire européen, Pascal Lamy, pousse à obtenir une révision de l'article 133 du Traité d'Amsterdam, de telle sorte que les États n'aient plus la possibilité de s'opposer à des accords pris, par les instances européennes, à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou dans d'autres enceintes internationales. De tels accords concerneraient les investissements, les droits de propriété intellectuelle, les services. Au nom de la Commission, et sans aucune consultation démocratique, il dépose au siège de l'OMC à Genève des textes qui engagent irrémédiablement les pays et les populations européennes dans la voie de la libéralisation et la privatisation des services, en particulier l'enseignement et la santé.
Face au projet de Charte et des autres enjeux liés à la dérive libérale, antisociale et antidémocratique de nos gouvernements, nous voulons faire d'abord toute la  lumière sur les mesures qui se prennent sans nous et contre nous. Nous voulons faire le maximum pour empêcher l'adoption et la concrétisation de ces mesures. Nous voulons imposer à nos gouvernements une vraie Europe sociale, soucieuse d'une réelle répartition des richesses qui permettent à chacun(e) de vivre dans la dignité. Nous voulons une Europe avec de vrais droits sociaux et politiques et non la charité. Nous voulons une Europe qui instaure l'égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes. Nous voulons une Europe solidaire avec les peuples du tiers monde et accueillante pour les demandeurs d'asile. Nous voulons reprendre la parole qui nous a été confisquée par des institutions obsolètes et non démocratiques, pour définir ensemble ce que nous voulons, tout en permettant à chaque collectif, organisation, coordinations nationales et internationales de porter leurs propres revendications. »
 
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