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Février 2001

 

Cahier de vie, journal de vie, album de vie, recueil de vie… traces de la vie de l’enfant dans la classe et hors de la classe, mémoire de vies. Ces vies qui dans une classe coopérative ne restent pas accrochées aux porte-manteaux, lorsque les enfants entrent à l’école, mais qui sont le plus souvent le point de départ des activités et des apprentissages.

 

 Au départ, souvent l’intuition qu’il y a quelque chose à mettre en place pour « tisser du lien », pour établir de la cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs. Et puis, la réflexion, la mise en commun des pratiques dans un groupe de travail, pour aboutir à un outil que chacun s’approprie, enrichit de la personnalité de son groupe classe.

A travers la diversité des pratiques présentées dans ce dossier : cahiers de vie individuels, cahier collectif retraçant jour après jour la vie de la classe, feuille de vie collée dans le cahier de chaque enfant… on ressent toujours la même émotion à lire les textes, à regarder dessins et photos. On ne peut qu’être interpellé par les possibilités qu’offrent de tels outils pour structurer la mémoire collective et individuelle, favoriser la communication entre les enfants et avec leurs parents, valoriser les apports de chacun et montrer la richesse de ce qui fait la vie de chaque enfant et celle de la classe entière. Ce dossier est issu des travaux du groupe départemental de Meurthe et Moselle de l’ICEM, beaucoup dans leur groupe se sont lancés pour l’occasion, espérons que les pistes qu’ils ouvrent ici, vous donneront envie à votre tour d’essayer.

Xavier Gaillon

 

Le cahier

collectif

de la classe

 

Démarrer un cahier

 Ce cahier de vie, depuis qu’on en avait parlé... Je n’avais qu’une envie, c’était celle de le voir naître dans la classe, au service de la mémoire de cette classe qui chaque jour vivait et construisait une histoire qui finalement restait en suspend pour partie, sans laisser de trace pour le « plus tard », pour le jour où on a envie de se replonger dans le vécu, le passé du groupe, pour l’événement auquel on ne pense plus et qui, une fois retrouvé, fait revivre une émotion, relance une action... Et puis ce cahier qui peut sortir de la classe, se promener chez les parents, servir pour un soir de livre de chevet, de dialogue entre la vie de l’écolier et celle de l’enfant... Créer peut-être un petit lien de cohérence entre la vie de l’école et l’ailleurs...

 Alors finalement, c’est moi qui l’ai commencé. J’ai repris les principaux événements et retrouvé les écrits qui en parlaient, et le cahier a pris forme. Je l’ai montré aux enfants, et c’est l’envie de l’emmener à la maison qui a vraiment fait son chemin et qui a lancé auprès des enfants la dynamique pour que peu à peu ce cahier soit le leur, leur appartienne... Alors de photos en textes, de dessins en pages découpées dans les travaux de classe, de pages sorties de l’ordinateur à la petite anecdote vite relatée sur un papier et vite rangée dans le cahier, ce dernier est devenu gros, et personne n’oublie son tour pour le prendre le soir... et le retour que les parents en font est très positif...

 Pour le cahier de vie personnel... celui propre à chaque enfant, celui où sa vie personnelle, dans et hors de l’école peut venir trouver un endroit pour se raconter… on n’a toujours pas fait émerger de solution pour le faire naître.

 Un cahier « Quoi de neuf ? », un cahier « libre » ? un cahier « jardin secret » ?

A nouveau se reposent toutes les questions : à quoi va-t-il servir ? Que va-t-il apporter de nouveau par rapport à ce qui existe dans la classe ? Que vont-ils y mettre ? Comment vais-je intervenir sur ce cahier ?

            Magali

 
Notre album de vie

 Dans notre album de vie, on écrit et on colle tout ce qu’on a envie de garder et qui peut intéresser les autres et en particulier nos parents.

 Il sert à raconter les choses les plus marquantes de la vie de notre classe. En début d’année, on a tout d’abord commencé par y mettre nos anecdotes et nos lieux de vacances.

 Il sert à enregistrer ce qui se dit à tous les « Quoi de neuf ? », à répertorier tous les titres des textes libres présentés, à collectionner les textes écrits puis choisis par les enfants, des articles de « Mon Quotidien », les croquis des expériences réalisées en sciences, les schémas des montages en Lego technique présentés aux autres, les exposés, les enquêtes, les compte-rendus d’interviews, les recherches effectuées sur Internet, la correspondance électronique et les fax reçus par la classe.

 Il sert aussi de cahier de comptes coopé. Chaque fois que nous effectuons une entrée ou une sortie importante d’argent, nous calculons collectivement la somme encaissée ou versée.

 Il sert également à expliquer aux parents certaines de mes démarches de correction de la langue. On y installe par exemple toutes les phrases (tirées des textes libres) à corriger collectivement, une fois par semaine et placées ensuite dans notre classeur de français. Les titres des disques présentés pendant l’année y figurent.

 Il est illustré de photos prises dans ou hors de la classe, de cartes postales reçues, de dessins effectués en ateliers.

 On l’emporte tous les jours à la maison à tour de rôle.

 J’explique aux parents la fonction de cet outil lors de la réunion de début d’année et profite d’un édito du journal scolaire de la classe pour rappeler ses enjeux.

 Cet album de vie constitue la mémoire du vécu journalier de la classe, là où l’on va chercher la preuve que nos correspondants ont écrit ce jour-là et que nous leur avons répondu.

 Il est la preuve des progrès effectués par le groupe classe dans la prise de responsabilités et de confiance croissante et contribue sans aucun doute à l’épanouissement des enfants.

 Gilles

 

 L’album de vie est confié chaque jour à un enfant différent. Il en a la charge toute la journée et le ramène à la maison le soir afin de le montrer à ses parents. Le courrier qui leur est adressé en début d’album les informe sur le rôle de cet outil et ils ont à disposition des pages blanches pour réagir, donner leur avis. L’album de vie joue ainsi le rôle d’interface entre la famille et la classe.

 L’enfant qui en a la charge n’écrit, ce jour là, que dans l’album de vie. Il est hors de question que la gestion de l’album soit un surcroît de travail, il doit s’intégrer dans une pratique quotidienne. Les découpages et les collages constituent également un gain de temps très appréciable. Le but n’étant pas de faire une belle photo, mais une vraie photo.

 Je profite de l’heure de travail individualisé pour lui donner un petit coup de main. Car s’il s’appelle album de vie, il joue aussi le rôle de cahier journal de l’enseignant car tous les travaux y sont consignés, afin de faire de chaque journée la photographie la plus précise. Il peut être un support très utile pour le collègue qui vient nous remplacer, ainsi que pour tout visiteur de la classe.

Dominique

 En janvier, j’expliquai aux parents, aux enfants ce qu’était ce nouveau cahier : une info par semaine d’un événement de la vie de la classe. Les textes, dessins, collages venaient de moi et chaque vendredi matin, par petits groupes, nous regardions la nouvelle page, au fil des semaines, je n’ai eu que des retours positifs des enfants qui s’appropriaient leur cahier et des parents qui pouvaient « interroger » leur enfant sur ce qui se passait dans la classe. Ma hardiesse toute mesurée et mon gain d’assurance dans cette nouvelle expérience m’ont permis un jour de proposer aux enfants : « Qu’est-ce qu’on met dans le cahier cette semaine ? » et aux parents « Si vous le désirez, vous et votre enfant, vous pouvez écrire, coller, dessiner des événements de votre famille. »

Le message est passé. En fin d’année, ce cahier ne ressemble plus à celui de janvier ; il n’est plus à sens unique et les idées sont impulsées par les enfants, même si je reste encore la productrice des textes.

 Maryse



Page de garde du cahier de la classe de Dominique, destinée aux parents

 Autrefois, l’école parfois appelée « petite soeur des pauvres » n’offrait aux enfants qu’un seul et unique cahier du jour. On y trouvait essentiellement les activités de français et de calcul, parfois un peu d’histoire et de géographie voire de science. Cet unique cahier possédait tout de même un avantage, renvoyé aux parents, il reflétait assez bien le quotidien d’uune classe.

 Aujourd’hui, autres temps, autres moeurs, autres façons de travailler. D’autres disciplines sont venues se rajouter au même quota horaire : E.P.S., technologie, informatique, recherche documentaire, musique, arts plastiques, langues étrangères. Dans les casiers, on trouve maintenant parfois quatre, cinq, six, dix cahier, plus éventuellement un ou deux classeurs. Les traces écrites des enfants se sont disséminées dans la multiplicité des supports.

De plus, l’activité d’écriture n’est plus l’unique travail de l’enfant, on lui demande maintenant de s’exprimer oralement, d’échanger avec les autres, de questionner, de manipuler, d’observer, d’agir, de réagir, de s’interroger... Et si notre monde est celui de l’image, nos enfants explorent déjà le virtuel. Quoi de plus naturel alors, lorsqu’on est parent, d’avoir le sentiment de ne pas bien voir ce qui se passe dans la classe, d’avoir le sentiment que le travail de notre enfant nous échappe. La photo de classe a pris des couleurs mais elle est devenue floue.

C’est à cause de tout cela que nous avons décidé d’ouvrir un album de vie. Chaque jour, un enfant aura la responsabilité de raconter et d’illustrer notre journée, et chaque soir, il aura le droit de le ramener à la maison afin que vous, parents, puissiez le consulter et vous informer sur la vie de la classe. Mieux, les quelques pages blanches qui suivent vous sont destinées et vous donnent l’occasion de réagir sur cet album, afin de nous aider à le rendre un peu plus vivant chaque jour.

            Merci et bonne lecture.

 

 

Dans une classe

de petits-moyens-grands.

 

A l’école, il est le support de différents types d’écrits chaque semaine :

·    Ceux crées par les enfants

·    Sur la vie de la classe: création de nouveaux coins jeux, nouveaux jeux de l’école, sorties, projets (par exemple sur le bébé : évocation de leurs réactions et émotions devant leurs propres photographies de bébé), ateliers spécifiques (semaine du goût)

·    Sur des impressions individuelles lors d’un écrit personnalisé, dictées à la maîtresse : réaction sur un spectacle (ce que j’ai aimé, pas aimé), mon déguisement de carnaval, choix d’une photographie, d’un évenement et réactions.

·    Correspondances diverses : échange avec une autre classe, lettre au Père Noël, remerciements pour des intervenants extérieurs venus à l’école, donnant des phtographies ou de l’argent à l’école (mariages), réaction à une émission « Cache Cache Micro », lettre à la classe créatrice de l’émission, par exemple sur les peurs.

·    Fiche technique suite à une réalisation manuelle

·    Ceux apportés par l’extérieur : articles de journaux sur l’école, lettres des correspondants, supports d’un travail réalisé par l’enfant par exemple mise en couleur du dessin du bonhomme santé et de la pyramide alimentaire

·    Ceux apportés par l’enseignant : signe de l’enfant, photos des enfants, annonce d’une sortie.

Anne



Le cahier

de vie

Individuel

 

« Le cahier, c’est important, parec que c’est un objet personnel, personnalisé qui fait que l’écriture, la lecture, sont l’affaire de la famille… Moments de partages entre enfants, vécus intensément lors des consultations spontanées des cahiers : « tu te souviens quand… »

Charlotte

En maternelle…

Dans ma classe de 2 ans, le cahier de vie faisait la navette entre la maison et l’école. Il permettait de faire un point de langage avec les enfants au retour de l’école, des moments pour parler, pour partager des choses. Tout ce qui venait de la maison était prétexte au déclenchement d’un dialogue. On y mettait tout ce qui résultait des différents moments de vie, des sorties... afin de fixer les choses, de dialoguer indirectement avec les parents qui souvent, avec des enfants de 2 ans, nous disent ne pas savoir ce qui se passe en classe, nous disent questionner leurs enfants sans avoir de réponse... Et d’ailleurs quoi de plus normal avec des enfants de cet âge ?

Magali

 

J’ai mis un cahier de vie en place quand j’avais des élèves de moyenne section. On avait un guide de cahier de vie où des pistes étaient proposées et j’ai eu envie de les suivre. Il contenait le mot d’explication pour les parents, précisant quelques idées de choses à y mettre.

C’était vraiment la vie de l’enfant. Chacun avait son cahier à lui. Ce qui importait le plus était le lien affectif qu’il permettait. Certains parents avaient du mal à s’y mettre. De toute façon, il y avait ce que la classe y mettait. Les cahiers étaient à la disposition de tout le monde dans le coin bibliothèque. Un gamin pouvait le lire à un autre.

Isabelle

 

...mais aussi en élémentaire

Les enfants de l’école (Ecole de Plein-Air à Saint Max) sont en échec scolaire, pour la plupart en rupture avec le système éducatif, en perte de repères.

Le cahier de vie avec toutes ses vertues, semble parfaitement convenir à ces enfants.

Allait-il être personnel, collectif, à quels besoins devait-il répondre, quel support devait-il représenter pour eux ?

Finalement, je suis arrivé un lundi matin avec 14 grands cahiers.

J’ai opté pour un cahier individuel car il existe déjà dans la classe un grand Cahier de Vie collectif dans lequel les enfants viennent coller tous leurs textes libres accompagnés de dessins. Ce choix répondait également à un besoin car il leur manquait un support fixe pour leurs recherches math ou documentaires et pour tous leurs écrits.

Je leur ai dit que c’était un cadeau, que j’offrais à chacun ce cahier, que ça devait devenir leur cahier, par conséquent qu’ils en feraient l’usage qu’ils voudraient et qu’il pourraient bien sûr lui donner un nom.

Les enfants ont été, pour la plupart, très enthousiastes et ont rapidement investi ce nouveau support. Et puis, naturellemnt, Patrick a dit : « Je l’appellerai : Mon cahier de vie » d’autres l’ont appelé « mon journal personnel » ou « mes textes » ou encore « mon cahier ». Pour deux ou trois, ce nouveau cahier finit rapidement dans le casier… aux oubliettes.

Sébastien

 

 

La présentation des cahiers

 

En plus des moments prévus (regroupement du matin, parce qu’ils veulent montrer leur cahier, pendant le passage aux toilettes qui est très echelonné) le cahier m’a aussi servi à faire baisser la tension lors de moments très électriques. La présentation dure parfois jusqu’au jeudi : oubli de cahier, resté chez la nounou ou les grands parents, enfant malade, absent. Finalement, cela revient un peu au quoi de neuf. Souvent en grand groupe, on présente quatre ou cinq cahiers à la suite, pas plus. L’après-midi, les enfants continuent à présenter à un groupe plus restreint, et si une trace me paraît importante, l’enfant ou moi en reparlons le lendemain en regroupement.

Joëlle

 



Pratique

 

Prendre un grand cahier (24X32) pour ne pas avoir à découper les feuilles avant de les coller.

Prévoir une protection du cahier (ils voyagent beaucoup) et peut-être un sac spécial ; un bac de rangement des cahiers dans la classe, près de la porte si on souhaite que les parents les consultent.

On peut (presque) tout coller dans le cahier : papiers de toutes sortes, feuiiles, fleurs, plumes, dents, poux, graines, tissus, trésors...



 

En débat

Indiscret ?

Certains parents pourraient avoir des réticences à « étaler leur vie privée ». Mais bien sûr ce n’est pas ce que nous demandons. Ce sont eux qui tiennent la plume et ils ne racontent que ce qu’ils veulent bien (à eux de négocier avec leur enfant… C’est quelquefois l’occasion de discussion intéressantes). De toute façon, les enfants racontent beaucoup, au copain ou à la maîtresse, avec ou sans cahier.

Creuser les différences ?

Ayant l’impression de creuser la différence entre les enfants qui reviennent de la maison avec leur cahier beau et bien rempli de choses intéressantes et ceux qui reviennent sans rien à montrer aux copains, j’ai envie de mettre des objectifs différents pour ce cahier.

Il serait avant tout un cahier de mémoire de la vie dans la classe, moyen d’information aux parents, support au langage oral et écrit.

Je n’attends donc plus de traces de la maison, s’il y en a c’est bien, mais ce n’est pas l’objectif essentiel ; l’essentiel est de raconter la classe aux autres : parents, correspondants…

Comment aider les enfants dont les parents n’écrivent pas dans le cahier ?

Il faut avoir de la patience, c’est quelquefois très long. On peut coller et écrire des choses plus personnelles avec l’enfant (il pourra ainsi les montrer aux copains et cela finit par donner des idées aux parents). Pour les parents qui ne parlent pas le français ou qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, demander l’aide d’un grand frère ou sœur, mais ils trouvent souvent d’autres manières de raconter, comme ce papa turc qui avait collé des plumes dessinant des oiseaux pour raconter une promenade ou cette maman qui avait décoré le cahier de paillettes dorées qui avaient fait l’admiration de tous.





Pour contacter le groupe départemental 54 de l’ICEM

Magali Wenz

14, rue de la Mairie

54170 BAGNEUX

m.wenz[arobase]ac-nancy-metz.fr

 

Site internet du groupe :

http://www.ac-nancy-metz.fr/ia54/site/icem/icem_som.htm

 

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