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Violence à l’école

Mai 2001
La création, par le ministre de l’éducation nationale, du Comité national de lutte contre la violence à l’école en octobre 2000 et les interpellations de certains syndicats sur cette question annoncent une nouvelle campagne de médiatisation sur ce thème. La tenue à l’UNESCO d’un colloque international Violence à l’école et politiques publiques, l’intervention du ministre le 5 mars 2001 lors de la séance inaugurale et la couverture médiatique qui lui a été donnée le confirment.
Jack Lang estime « urgent d'entreprendre la reconstruction de l'autorité de l'institution scolaire et de ceux qui y travaillent » et situe le problème d'aujourd'hui dans la remise en cause menée en 1968 contre l'autoritarisme.
La question est d'actualité entre violences à l'école et mise en œuvre du droit de participation des enfants et des jeunes que notre Mouvement défend. Les enseignants Freinet ont effectivement la volonté de donner du pouvoir aux enfants en les associant à la construction des règles de vie et en les faisant réfléchir au problème posé par leur transgression. Ces pratiques ont diffusé au sein de nos classes (réunion de coopérative ou conseil) puis au sein des écoles (conseil d’enfants). Or, derrière le nécessaire rappel à la règle, à la loi, apparaît toujours la nécessité de construire ce rapport dans une dimension critique.
Aujourd’hui, l’entrée du droit à l’école que nous pouvons saluer comme une avancée, autorise, en particulier dans le second degré, la mise en place de pratiques qui relèvent souvent plus du sécuritaire que de l’éducatif.
Il s’agit d’une évolution qui dépasse le simple cadre de l’école avec trois caractéristiques :
·         L’extension de la notion de violence à ce qui relève de l’incivilité et la qualification de délinquance pour des actes mineurs (vol de trousse, injure) qui font l’objet de signalement à la justice. Ces actes sont d’ailleurs vécus différents suivant les catégories sociales auxquelles appartiennent leurs auteurs. Perçu parfois comme une erreur de jeunesse, une mauvaise plaisanterie le même acte sera perçu dans d’autres cas comme le début de la délinquance.
·         La mise en place d’une volonté de contrôle social sur la jeunesse au travers de multiples institutions. L’école est appelée à jouer un rôle majeur dans ce domaine. Étant désormais la seule institution par laquelle passent tous les jeunes de France, la société lui assigne une fonction idéologique de plus en plus forte. C’est dans ce cadre qu’il faut replacer le protocole éducation nationale - police - justice, la mise en place des contrats éducatifs locaux (CEL) et les différents plans anti-violence.
·         L’établissement progressif d’une équation entre catégories pauvres et catégories dangereuses. « L’amalgame et la généralisation d’une perception en termes de violence ne fait que construire une peur qui profite à ceux qui proposent une dynamique sécuritaire et prônent le passage d’un État social à un État pénal »[1]
Cette logique, inaugurée aux États-Unis par la droite la plus réactionnaire, a fait son chemin. Adoptée en grande Bretagne sous les gouvernements successifs de John Major puis de Tony Blair, elle a été définitivement reprise à son compte par les adeptes de la « troisième voie ». Aujourd’hui, sous des formes plus discrètes, on voit la doctrine de la tolérance zéro reprise en France. À grand renfort médiatique, le recrutement de policiers se développe et les lieux de relégation sont appelés à se multiplier.
« C’est ainsi que se propage en Europe un nouveau sens commun pénal venu des États-Unis, articulé autour de la répression accrue des délits mineurs et des simples infractions, l’alourdissement des peines, l’érosion de la spécificité du traitement de la délinquance juvénile, le ciblage des populations et des territoires considérés « à risques » et la déréglementation de l’administration pénitentiaire.[2]»
Les pratiques que nous pouvons mettre en place dans nos classes ou nos écoles, ne nous exonèrent pas de nous poser des questions ni sur leurs éventuelles contradictions ni sur les dérives de la société.
Comment résoudre la contradiction entre l’apprentissage du respect des lois et la conscience qu’il est parfois nécessaire de les transgresser ?
Comment donner aux enfants et aux jeunes les outils nécessaires pour qu’ils puissent passer de formes de résistance (dégradations, perturbations, opposition) au système scolaire à une prise de conscience et à une volonté de critique et de transformation sociale.
Il y va de la cohérence entre nos pratiques et leurs finalités.
 

 



[1] Christophe Hélou, « Résistance et violence : deux registres différents » in L'École émancipée n° 8, 22/02/2000.
[2] Loïc Wacquant, « Comment la tolérance zéro vint à l’Europe » in Manière de voir n° 56, mars-avril 2001.