Raccourci vers le contenu principal de la page

En Chantier n°8 : Les fictions documentaires au CDI

 

 
 

Les fictions documentaires au CDI


Hélène Duvialard est documentaliste au collège Philippe de Commynes à Tours. Le CDI y est un véritable lieu de création documentaire.

Quoi et pourquoi ?
Fiction documentaire, kézaco ? un mariage contre nature entre deux catégories habitant des rayonnages différents de nos CDI ? Pas forcément ! Parce qu’on appréhende souvent mieux une notion par un habillage métaphorique. Parce que si un roman historique est de la fiction, quand il est bien documenté, il nous donne des idées justes sur une période historique. Et même, si on réfléchit bien, de l’imaginaire il y en a partout, un ouvrage scientifique, une théorie, c’est souvent d’abord une fiction. Quant aux romans, on sait qu’ils en disent plus sur la réalité de la psyché ou l’esprit du temps que bien des ouvrages savants. Et si on veut faire de la philosophie à sa façon la réalité telle qu’on la perçoit à travers notre subjectivité n’est pas la même que la réalité considérée par un autre … n’est-elle pas dans tous les cas teintée de fiction ? Mais sans aller si loin, la réalisation de fictions documentaires est une pratique que des élèves de 6ème appréhendent sans problème et même avec un certain plaisir.

Dans quel cadre ?
Parfois un collègue veut faire exécuter des travaux de recherche documentaire qui sortent des sentiers battus et me demande si je n’ai pas une idée, j’en profite pour trouver des trucs un peu créatifs.
Sinon, le plus souvent je profite de l’heure hebdomadaire des élèves de 6ème qui viennent par demi-classe apprendre à utiliser le CDI., c’est dans leur emploi du temps. Ces séances, longtemps co-animées par la documentaliste et un professeur de n’importe quelle matière se déroulent maintenant, faute de moyens, juste avec la documentaliste (moi) qui essaie de demander aux collègues s’ils ont une commande… en général rien.

Et puis, pourquoi pas ?
Alors, puisqu’on est libres, profitons-en tous, les élèves et moi-même et apprenons le CDI dans la joie, la fantaisie et la bonne humeur !

Comment ?
D’abord la négociation : soit les élèves et moi trouvons ensemble des sujets, soit je fais des propositions et les élèves choisissent. Voici des exemples :

Exemple 1 : le Moyen-Age en 5ème : recherche documentaire (français-histoire) aboutissant à des émissions de radio en 5ème.
Je prépare des sujets qui ressemblent à des thèmes de la ligue d’improvisation :
* un seigneur et sa gente dame accueillent troubadours et ménestrels au château ; ils ont un invité turc qui a besoin d’explications (trois personnages)
* Thibault va être adoubé chevalier, c’est la veille de la cérémonie, il explique tout à sa petite sœur (deux personnages)
* C’est le chantier de la cathédrale de Tours ; un tailleur de pierre reçoit un nouvel apprenti et lui présente le chantier, les corps de métier qui y travaillent et lui donne les premiers conseils.
* Deux amis se retrouvent après plusieurs années ; l’un est devenu moine et l’autre tient une échoppe de marchand de drap, ils se racontent leur vie (deux personnages).
* Un serf harangue ses pareils sur la place de son village pour fomenter une jacquerie … deux réactions dans le public, un paysan qui approuve sans réserve, un autre qui met en avant les risques (trois personnages)
Les élèves choisissent et se lancent d’abord dans un travail de recherche documentaire. Ensuite, ils devront écrire des dialogues puis, les jouer devant les micros. Ils devront aussi penser aux bruitages ils s’en étaient donné à cœur joie pour assurer l’ambiance sonore du chantier de la cathédrale !)

Exemple 2 : des biographies
Un retraité de la région, Jean-Michel Peignard, réalise des livres sur les personnes qui ont donné leur nom aux rues des villes du canton. Il nous a proposé de rédiger des notices sur les personnages des rues de Montlouis sur Loire. Les élèves ont apprécié de participer à un livre, ont rencontré l’auteur et ont choisi leurs personnages. Dans un premier temps, ils ont effectué des recherches documentaires tous azimuts (encyclopédies, usuels, internet….)
Puis il a fallu réfléchir à la façon dont on allait présenter les articles : nous ne pouvions pas écrire des biographies standard puisque c’était le travail de Monsieur Peignard, nous avons donc choisi d’écrire une lettre au personnage, un poème, une chanson, dans laquelle les élèves s’impliquaient.

Il y a eu aussi des lettres à Anne Frank ou à Martin Luther King, des lettres à De Gaulle ou Mitterrand

Poème pour René Descartes

«Je pense donc je suis»
C’est une phrase qu’il a dite.
Son nom a été donné à un village,
Il a une statue à son hommage.
René Descartes est son nom,
Pour lui j’ai de l’admiration.
Il était mathématicien et savant,
il était aussi performant.
Je suis Ilza et lui écris cette strophe,
car il était un grand philosophe.
J’aimais bien ce personnage,
mais je ne lui fais pas un roman,
Je lui rends un simple hommage,
pour montrer mon admiration.
Ilza Hoste
6ème A


Exemple 3 : L’interview imaginaire
Un classique qui évite le copier-coller. Suivant les thèmes on interviewe Archimède dans sa baignoire après avoir effectué un petit voyage grâce à une machine à remonter le temps, on profite de la barque d’Ulysse pour interviewer Hadès dans les enfers tout en évitant les crocs de Cerbère, on invoque Victor Hugo en faisant tourner une table et il répond bien gentiment à toutes les questions qu’on lui pose, les idées ne manquent pas. Bizarrement, ça passe bien de la sixième à la troisième.

Interview de Cléopâtre, par Clémence et Vitoria

Clémence : Bonjour, chers auditeurs, aujourd'hui, j'ai un travail difficile à faire ... je dois interviewer Cléopâtre, reine d'Egypte depuis 20 ans. Il paraît qu'elle a un sacré caractère ... Courage, je me rends à Alexandrie en l'an 31 avant Jésus-Christ.
Bonjour Cléopâtre je suis ravie de vous rencontrer.
Qui êtes–vous plus précisément ?
Vitoria : Je suis Cléopâtre dernière reine d'Egypte.
Clémence : Vous êtes Cléopâtre combien ?
Victoria : Je suis la 7ème reine d'Egypte.
Clémence : Et vous êtes née où ?
Victoria : Je suis née à Alexandrie.
Clémence : Parlez-nous un peu de votre famille.
Victoria : Ma famille était la dynastie des Ptolémée, elle a régné trois cents ans sur l'Egypte.
Clémence : Et vous avez des frères et soeurs ?
Victoria : Oui, j'ai un frère et j'ai déjà été sa femme.
Clémence : Il paraît que vous avez séduit César et Antoine.
Victoria : Oui, j'avoue j'ai séduit César et Antoine.
Clémence : Comment les avez vous séduits ?
Victoria s'énerve : Je ne veux guère en parler.
Clémence : Quelle est votre nationalité ?
Victoria : Je suis Macédonienne.
Clémence : Vous parlez plusieurs langues ?
Victoria : Je parle effectivement plusieurs langues, plus précisément 9 langues surtout le grec et l'égyptien.
Clémence : Pourquoi avez-vous appris l'égyptien ?
Victoria : J'ai appris l'égyptien pour me rapprocher de mon peuple.
Clémence : A quel âge êtes-vous montée sur le trône ?
Victoria : Je suis montée sur le trône à l'âge de 18 ans.
Clémence : Pascal, un philosophe du XVII siècle a écrit un petit texte à propos de votre nez ?
Victoria : Oui, il a dit de mon nez que s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
Clémence : D'accord, nous en savons plus sur vous ! Merci de nous avoir accueillies et bonne journée.
Victoria : Je suis ravie de vous avoir accueillie, et bonne journée à vous.
Petit bruitage de radio
Clémence : Scoop de dernière minute, chers auditeurs nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer : Cléopâtre, la fameuse reine d'Egypte, est morte, en mettant la main dans un panier de figues car dedans il y avait une vipère mortelle : un aspic. Des docteurs pensent que c'est un suicide. Apparemment elle se serait suicidée dès qu'elle aurait appris l'arrivée d'Octave, l'ennemi de l'Egypte. Son amant Antoine s'était déjà suicidé à cause de sa défaite, alors elle a préféré mettre fin à ses jours au lieu de se rendre. Elle n'avait que 39 ans.

Reportage sur l'Olympe à la rencontre de Zeus
de Nicolas et Thomas
Thomas : Bonjour chers auditeurs de Phil FM, Nous sommes deux reporters Nicolas et Thomas, notre radio nous a chargés de faire un reportage sur Zeus. Nous arrivons au pied du mont Olympe, où nous somme conduits par des portiers.
Arrivés dans le bureau de Zeus, nous le saluons:
Thomas : Bonjour, nous sommes des reporters, nous accordez-vous une interview ?
Nicolas : Bien sûr, que voulez- vous savoir?
Thomas : Quelle est votre place au rang des dieux ?
Nicolas : Comment vous ne savez pas ? Je suis le dieu des dieux, le roi absolu!
Thomas : Parlez moi un peu de votre famille, votre fille etc.
Nicolas : Ma fille s'appelle Athéna, ma femme Héra, ma maîtresse Aphrodite mais j'en ai d'autres. Mon père est le célèbre titan Chronos et ma mère Rhéa puis mon frère Poséïdon.
Thomas : Vous avez une grande famille?
Nicolas : Pour un grand Olympien, c'est normal !
Thomas : Pouvez-vous préciser pour nos auditeurs ce qu'est un titan ?
Nicolas : Ah, oui, vous n'avez plus de titans au XXIème siècle ! Ce sont les fils et les filles d'Ouranos et de Gaia. Vous n'avez plus de questions? J'ai d'autres réunions moi !
Thomas : Non c'est bon on va partir au revoir ou plutôt à dieu !!
 
Et à écouter : L'interview du Petit Prince
Exemple 4 : La statuaire publique à Tours
Après un repérage préliminaire, nous (le professeur d’arts plastique et moi) avons d’abord emmené les élèves faire un petit tour en ville pour voir les statues dans leur environnement et les photographier.
Ensuite, nous avons cherché des informations sur le sculpteur, la date d’achèvement, ses précédents emplacements, ses caractéristiques techniques, son état de conservation …
Le but : la faire parler pour se présenter (voir sur le blog des 6èmes http://lewebpedagogique.com/cherchetrouve/)

        


Extrait de l’interview du monstre de la place du Grand marché à Tours, par Ravane et Salomé

[…]
Rayane : Bonjour Monsieur le monstre, nous venons vous interviewer, on a un travail à faire sur vous c'est trop dur !
Salomé : Et puis on a la flemme !
Le Monstre : Bonjour les filles, ça fait plaisir d'avoir de la visite, mais chut ! Je ne suis pas censé parler... si vous voulez que je réponde à vos questions venez à minuit un jour de pleine lune.
Rayane et Salomé : Merci monsieur, vous êtes trop gentil pour un monstre !
Le Monstre chuchotant : à bientôt, mesdemoiselles...
Rayane: oh, lala ! Laisse tomber ! Comment on va faire ce truc, c'est trop risqué !
Salomé : T'inquiète, j'ai une super idée : je vais dire à ma mère que je dors chez toi pour les devoirs. On prend notre livre de magie et on va transplaner avec nos balais à 23h50.
[…]
Narrateur : Salomé et Rayane vont dans le jardin et sortent leur baguettes magiques et leur grimoire.
Salomé : Bon t'es prête ? allez on y va !
Rayane : Oui je suis prête. En route !
Narrateur: Deux minutes plus tard elles arrivent place du Grand Marché et les cloches de Saint Martin viennent de sonner minuit. Le monstre se met à parler :
Le monstre : Salut les filles, vous êtes à l'heure c'est bien ! Vous avez apporté un carnet ?
Salomé et Rayane : salut le monstre ! Oui, on a apporté tout le matériel qu'il nous faut
Rayane : commençons !
Salomé : alors quand avez vous pris vie ?
Le monstre : j'ai pris vie en novembre 2004 . C'est monsieur Monsieur Xavier Veilhan qui m'a d'abord dessiné en 2001 puis fait fabriquer par un atelier de Nantes.
Salomé : Vous êtes fabriqué en quoi ?
Le monstre : J'ai été fait en polystyrène avec une structure d'acier pour l'intérieur et en résine polyester, peinture acrylique polyuréthane et vernis polyuréthane anti-uv pour l'extérieur .
Rayane : Quand et où Xavier Veihan est-il né ?
Le monstre : Xavier Veilhan est né en 1963 à Lyon. Il vit et travaille à Paris .
Salomé : Qui sont les commanditaires de votre statue?
Le monstre : C'est un groupe de commerçants et de riverains de la place du grand marché.
Rayane : Qui sont les partenaires qui ont aidé à financer ce projet ?
Le monstre : c'est la fondation de France et la ville de Tours. Voilà mesdemoiselles, je vous ai tout dit ?
Rayane et Salomé : oui monsieur, merci mille fois. Grâce à vous, on va avoir une super bonne note merci encore !!

Combien ?
Aille, ouille ! les fictions documentaires, ça prend du temps, on n’a rien à moins de 4 ou 5 heures sans compter l’enregistrement quand on finalise le travail en radio.

Où ?
Au CDI, en salle de classe, des travaux de recherche et/ou d’écriture sont possibles à la maison

Avec qui ?
Avec les élèves, c’est sans problème, ils aiment bien. Avec les collègues, c’est parfois plus difficile, parce qu’ils manquent de temps mais quand on peut travailler à deux, c’est beaucoup plus riche.

Avantages vs inconvénients et le tout dans le désordre !
C’est un travail plaisant bien qu’exigeant à de nombreux niveaux tant en recherche qu’en expression, organisation et implication personnelle.
La distinction bons élèves/élèves faibles ne se retrouve pas toujours telle qu’en classe et tant mieux.
Cela permet d’allier les joies de la recherche documentaire avec les plaisirs de l’imagination. Certains pensent que c’est un mélange des genres propice aux confusions ; je ne suis pas d’accord : en 6ème, les élèves font bien la différence entre les aspects réels de leur travail et la fiction qui lui sert de cadre ou de prétexte, c’est même pour eux un jeu.
Les élèves ont leur mot à dire et peuvent exprimer ce qu’ils ressentent ou pensent à propos d‘un sujet, ce qu’on ne leur demande pas toujours par ailleurs.
Comme je l’ai dit plus haut, hélas ! ça prend du temps mais comme c’est un travail apprécié, chouette, ça dure longtemps !
Enfin, un des grands avantages de ce type de travail est de permettre aux élèves de s’approprier le fruit de leurs recherches documentaires sans faire de copier-coller.

Hélène Duvialard
Professeur-documentaliste
Tours

 

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
Pour nous contacter : bt[arobase]icem-freinet.org">btn[arobase]icem-freinet.org
Pour en savoir plus sur notre groupe : cliquez ici!

Fichier attachéTaille
fict._docu._En_Ch.8.pdf200.81 Ko