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Des points d'ancrage toujours actuels pour favoriser l'expression écrite de l'enfant

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Septembre 1997
Patrick Robo, membre de l’ICEM et Conseiller Pédagogique (34) analyse et commente quelques conseils pratiques issus pour la plupart de la brochure “comment démarrer ?” Guide pratique pour le débutant édité par Célestin Freinet. (les extraits de cette brochure sont écrits en caractères gras)
 
Les quelques conseils suivants sont donnés dans un ordre d’urgence, allant du démarrage sans matériel, vers une amélioration liée à l’acquisition d’outils pédagogiques nouveaux. Cet ordre n’est ni strict ni impératif. A chacun d’en tirer ce qui l’aidera le plus et de le personnaliser en fonction de sa classe et du contexte dans lequel il travaille.
 
 
Si vous n’avez aucun materiel dans votre classe et si nul (ni enfant, ni adulte) n’est entraîné à cette technique, vous pouvez introduire tout de suite le texte libre qui remplacera peu à peu les “rédactions imposées”. Vous nous demanderez des exemplaires de journaux scolaires... Pour que vos enfants voient comment d’autres enfants cmme eux s’expriment dans leurs classes.
Il est également conseillé avant de se lancer dans le texte libre, de consulter des ouvrages relatifs à cette technique (1) et, si possible, de rencontrer un praticien du groupe icem, afin de voir de plus près comment elle se pratique et comment elle intègre dans l’organisation coopérative de la classe (ou du moins comment elle peut aider cette organisation à se mettre en place). Mieux encore, est de venir assister à une réunion publique du groupe icem pour entendre des témoignages d’enseignants qui pratiquent déjà le texte libre dans leur classe (des éclairages différents pouvant s’avérer complémentaires). Lors de ces réunions, vous pourrez consulter et demander des journaux scolaires de diverses classes.
 
A jour fixe, une ou deux fois par semaine, les enfants lisent leurs textes libres à la classe. On vote pour choisir celui qui est le plus intéressant. On le met au tableau et vous l’utiliserez comme un texte de manuel pour la grammaire et le vocabulaire.
Le “danger” à éviter, car il tuerait la richesse que peut apporter le texte libre, est de l’utiliser uniquement comme support aux acquisitions scolaires de type grammaire, conjugaison, orthographe... Le texte libre est avant tout un moyen d’expression et de communication. Il est donc peut-être préférable de le mettre au tableau pour procéder à sa mise au point collective afin de le rendre expressif et communicable.
Quant au choix des textes libres, il n’est pas obligatoire de procéder par vote. On peut procéder à un choix suivant un ordre établi en classe . (dans ce cas, il n’est pas question “d’obliger” un enfant qui ne voudrait pas écrire un texte à le faire!) D’autres demandent à l’enfant à qui c’est de tour de choisir lui-même son texte parmi tous ceux qu’il a pu écrire. D’autres possibilités de choix adoptées par la classe, peuvent aussi exister.
 
Ce ne sera qu’un petit coin d’ecole moderne enfoncé dans l’appareil de la scolastique, mais vous en verrez tout de suite la supériorité sur les méthodes traditionnelles et sans vie. Vous n’en tirerez peut-être que 20% de ce que l’on peut attendre dans une classe entraînée, mais ce 20% sera déjà supérieur à ce qui existe actuellement.
Outre le fait que l’acceptation et l’accueil de cette expression libre au sein du groupe-classe permettront une reconnaissance et donc une valorisation (voire une revalorisation) de l’enfant, la technique du texte libre va apporter de la vie en classe et une base concrète, puisque basée sur le vécu, qui aideront l’enseignant à édifier son action éducative. Freinet écrivait en 1949 dans “les dits de mathieu” (en établissant un rapprochement entre les enfants et un fourneau) :
 
Donnez du tirage !... Le texte libre en est un excellent moyen !
Les i.o. Sont en général favorables à cette pratique très mesurée du texte libre dont on a constamment mesuré les avantages.
En 1997, les i.o. Sont plus que favorables au texte libre puisqu’elles le recommandent... Oui, il est permis de penser que le texte libre est devenu obligatoire pour les instituteurs.
Malheureusement et par effet de cascade, il est devenu obligatoire pour les élèves de certaines classes! N’est-ce pas le meilleur moyen de tuer le texte libre que de le rendre obligatoire ? Ne devons-nous pas l’aider à devenir de plus en plus libre dans le sens d’une expression libérée ?
 
Premiere motivation du texte libre:
Si vous ne faites qu’un texte libre scolastique, vous risquez que les enfants n’y prennent qu’un intérêt mineur et qu’ils s’en lassent. Il faut trouver une motivation à leur expression.
Cette motivation n’aura de véritable valeur que si elle est étroitement liée au desir de s’exprimer et de communiquer. D’où l’importance pour l’enseignant de s’attacher à faire naître ou renaître ce désir-là chez l’enfant.
Avant toute chose, ne serait-ce que par le fait de donner du sens au texte libre, sans jamais oublier, comme l’a écrit rené lafitte, qu’on ecrit la lecture des autres et qu’on lit l’ecriture des autres!
1°. Préparez un beau journal de la classe avec reliure à anneaux ou à boulons. Vous y insérerez tous les chefs d’oeuvre de la classe: textes libres choisis soigneusement recopiés et illustrés, beaux dessins, textes non-choisis mais qui avaient obtenu des voix. Ce sera comme un album d’honneur.
Cet outil s’avère indispensable, d’une part pour la classe en tant que technique de vie, mémoire du vécu, matérialisation de réussites, et d’autre part, pour toute personne extérieure à la classe (stagiaires, parents, visiteurs, supérieur hiérarchique) en tant que preuve tangible de ce qui se fait dans cette classe.
 
2°. Donner à chaque enfant un cahier d’expression libre où seront recopiés les plus beaux textes libres que vous aurez au préalable revus et corrigés si nécessaire.
On peut aussi donner un classeur qui jouera un rôle analogue à l’album proposé ci-dessus, mais qui sera individuel.
Les plus beaux textes libres pourront être ceux que l’enfant aura lui-même choisis, car ils seront “beaux” pour lui et surtout représenteront quelque chose dans sa pensée consciente ou inconsciente et sur le plan de son affectivité ! Sans oublier non plus que l’illustration de ces textes, de cet album personnel entre dans le cadre de cette expression libre.
Tout cela est possible dans n’importe quelle classe.
 
Motivation par l’echange interscolaire:
L’échange interscolaire est toujours souhaitable. Le plus délicat est de lui donner vie. La classe est emballée quand vous lui annoncez des correspondants. Et puis les lettres s’espacent; on attend des mois un colis. On perd le contact.
Cette technique de l’échange permettra, outre le fait de donner du sens à l’expression et à la communication, d’ouvrir la classe sur le monde extérieur et ainsi d’être en prise directe sur la vie. Quant à son aspect délicat, il n’est que trop réel sans être un argument de refus de se lancer dans un échange interscolaire. La meilleure façon de l’aborder étant de rencontrer des membres du groupe icem, praticiens de cette technique, et d’échanger avec eux, oralement et pourquoi pas par écrit. Pour trouver des classes avec qui échanger, la solution est là aussi, dans ce groupe icem.
 
Ce que nous apportons de nouveau, c’est une technique d’échange permanent, par...
Le cahier journal
Periodique:
Qui est envoyé régulièrement à vos correspondants qui vous envoient le leur.
Voici un moyen simple de journal scolaire réalisable sans matériel dans toutes les classes:
- vous prenez un, deux ou trois cahiers qui constitueront le journal. Les textes choisis, ou ceux qui en plus, seront reconnus comme intéressants, seront reproduits à la suite et illustrés dans le cahier-journal.
- a la fin du mois, ou même tous les quinze jours, vous envoyez ce journal à la classe correspondante qui vous envoie le sien. Par ce journal, vous prenez avec vos camarades des contacts de travail et de vie.
Pour l’élaboration de ce cahier journal, il n’est pas interdit:
- que l’adulte transcrive lui-même les textes,
- pour les enfants de niveau cp, d’y mettre des dessins libres, des textes se résumant à une seule phrase même courte,
- d’y ajouter quelques comptes-rendus de la vie de la classe, de recherches, d’enquêtes, etc.
 
Pour améliorer cette correspondance, vous ferez un échange de lettres et vous pourrez déjà avoir un rythme bénéfique de correspondance:
- un cahier journal tous les 15 jours,
- des lettres tous les 15 jours ou tous les mois,
- un colis tous les mois,
Tout cela, après entente avec vos correspondants.
 
Pour les lettres, il s’agit de lettres collectives (la classe écrit à la classe généralement pour commencer ce type d’échanges), et de lettres individuelles (un enfant écrit à un enfant) qui sont elles aussi, des textes libres, en totalité ou en partie.
Quant au colis, il peut contenir différentes choses, issues des productions de la classe, productions collectives et/ou individuelles. Ces échanges peuvent difficilement être plus fréquents mais ils peuvent très bien être plus éloignés dans le temps (sans trop quand même pour ne pas faire tomber l’intérêt et le plaisir). Inutile de préciser également que pour l’enrichissement de ces échanges, les enseignants correspondants doivent échanger entre eux à chaque envoi de lettres et même entre.
 
Tour cela est à portée de toutes les classes.
Le cahier journal dactylographie:
3 ou 4 exemplaires. Si machine à écrire, les textes pourront être tapés à 2,3,4 exemplaires (avec carbone), ce qui permettra une intensification des échanges.
Cette technique permettra aussi à chaque classe d’avoir deux ou trois classes correspondantes à la fois !
Bien entendu aujourd’hui on peut utiliser les services de la photocopie !
 
Le journal polygraphié:
Sans rien changer à votre travail, vous arriverez tout naturellement au journal polygraphié au limographe. Le texte élu est tapé ou écrit sur stencil et tiré à 40 ou 50 exemplaires pour les enfants et les correspondants.
Si l’on ne possède pas un limographe (outil de duplication rapide qui utilise la propriété des stencils perforés de laisser passer l’encre spéciale -pour duplicateur à encre- uniquement à l’endroit où ils sont percés. On peut s’en construire un et même plusieurs.
On peut réaliser un journal polygraphié au duplicateur à alcool. Et puis aujourd’hui... La photocopie est de plus en plus utilisée.
Par cette technique, chaque enfant de la classe et des classes correspondantes aura à sa disposition “personnelle” le cahier journal de la classe et celui de la classe correspondante.
 
Le journal imprimé :
Et vous arriverez naturellement, le moment venu, si vous en avez la possibilité, au journal imprimé. (voir toutes les indications techniques sur mon livre: “le journal scolaire” ).
Il existe maintenant d’autres moyens complémentaires permettant de s’équiper et de se lancer dans l’imprimerie en classe et dans le journal scolaire... Sans oublier bien entendu le traitement de texte sur ordinateur. Pour cela se renseigner auprès du groupe ICEM.
Attention la législation française impose à tout éditeur de journal (même scolaire) de le déclarer officiellement. Pour cela, demander les imprimés au groupe ICEM (ce n’est pas compliqué)
 
C’est peu à peu que les maitres et les eleves sentiront la supériorité de ces techniques.
Patrick Robo

 

 

 

 
 
 
Quelques compléments sur le texte libre:
sa définition:
(in vocabulaire de l’éducation, MIALARET G, PUF)
Souvent confondu à tort avec la rédaction libre. L’élève ou le groupe d’élèves écrit ce qu’il veut, quand il veut, sous la forme qu’il veut. Mais, ce morceau de vie, cette expression directe de la pensée intime de l’enfant ou de l’adolescent peuvent être explicitées, affinées, au cours d’échanges critiques, de confrontations entre l’auteur, un groupe de camarades, le maître, à la seule condition que toute intervention écrite s’inscrive dans la sensibilité et la vérité du texte.
Le texte libre ne peut porter tous ses fruits que par la correspondance, le journal scolaire, la coopérative, qui ajoutent à cette technique épanouissante de construction vivante de la langue, une dimension sociale et humaine.
 

 

 

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