Les sorties du samedi matin au musée
ou une façon d’intégrer les jeunes par l’accès aux lieux de culture
Dans le collège situé en zone d’éducation prioritaire où je suis professeur d’arts plastiques, les disciplines artistiques sont largement valorisées et animent régulièrement l’établissement par des projets qui prennent leur développement tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du cadre scolaire.
Depuis le début de l’année 1997-1998, avec une collègue de lettres classiques et une surveillante, sensibles comme moi à la mise en place d’actions favorisant l’intégration des jeunes en situation d’échec scolaire, j’organise des sorties le samedi matin dans les musées de Dijon.
Peu d’élèves ont cours ces matins-là et nous avons la chance d’habiter la banlieue d’une ville dotée de beaux lieux culturels. Sortir pendant le temps scolaire avec son professeur est plutôt courant mais toujours apprécié. Notre action est différente.
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Eveiller la curiosité, susciter l’envie de sortir, le désir de se cultiver en allant voir des œuvres d’art sont nos principaux objectifs.
Nous proposons des dates et des horaires précis. Nous informons les élèves de chaque classe oralement, à partir de documents photos, d’affiches, de cartes postales. Nous essayons de les sensibiliser afin qu’un grand nombre de volontaires s’inscrivent spontanément. Le prix de revient est modique : 2 F., ce qui correspond au prix du transport en bus urbain. La coopérative prend en charge le complément.
Nous limitons chaque sortie à des petits groupes de 12 à 15 élèves, car ces sorties culturelles sont aussi des moments privilégiés de rencontre : avec des copains de la même classe ou d’autres classes, avec des enseignants, surveillants ou membres de l’administration, dans un cadre différent, avec une conférencière , avec un autre public…
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** Ces sorties ont une fonction socialisante et civique évidente. Nous prenons le bus de la ville et nous nous déplaçons en groupe en respectant les lieux et les personnes que nos côtoyons, sans nous faire remarquer par des cris ou des bousculades de toute sortes.
Mes collègues et moi-même, nous avons mis en place une charte du voyageur pour faire prendre d’autres habitudes comme rester groupés, savoir où on va, cracher son chewing-gum avant d’entrer regarder les œuvres sans les toucher, utiliser les sièges pour s’asseoir sans se coucher, parler bas…
** Nous essayons bien sûr de travailler avec les conférencières sur l’objectif de ces visites, car nous y allons certes pour apporter une certaine culture à nos élèves, mais notre souci relève aussi de l’émotion et du plaisir. Nous ne voulons pas les assommer de notions complexes ou de vocabulaire rébarbatif, nous souhaitons au contraire qu’ils gardent une trace positive de cette visite et qu’ils aient envie de retourner au musée.
Ces sorties ont un certain succès ; il nous est même arrivé à plusieurs reprises de grossir nos troupes pour pouvoir satisfaire toutes les demandes. Les conférencières sont pour beaucoup dans cette réussite ! Nous avons constaté qu’elles savent très souvent s’adapter aux opportunités et passer rapidement à une autre œuvre lorsqu’elles sentent une baisse d’intérêt ou de la fatigue.
Près du tiers de l’effectif du collège s’est déplacé volontairement cette année, une ou plusieurs fois et ceci sur les deux premiers trimestres seulement.
** Qui sont ces élèves demandeurs ?
Souvent toujours les mêmes, à savoir ceux qui s’en sortent en général, mais aussi beaucoup d’autres entraînés par la dynamique du projet. Et c’est sur ces enfants qui ont le plus de mal à faire une démarche personnelle que nous portons tous nos efforts, car ils ont besoin qu’on les aide à faire naître cette envie.
** En parallèle, nous organisons pour la troisième année un voyage à Paris, en TGV, avec des groupes de plus de 25 jeunes et principalement des élèves de sixième et cinquième. Au programme figurent le Musée d’Orsay, le Musée du Moyen- Age. Pour se rendre à ces musées, le chemin à parcourir à pied passe par le Louvre, l’île de la Cité, le Quartier latin… Paris reste un lieu magique et très attractif pour les jeunes provinciaux, l’afflux des demandes n’est pas facile à gérer. Deux réunions de préparation obligatoires précèdent ces voyages. Après la visite du Musée d’Orsay avec une conférencière, nous abordons le Musée du Moyen Age différemment, avec de petites fiches découverte que nous avons fabriquées autour des six tapisseries de la Dame à la Licorne. Enfin, nous donnons nous-mêmes quelques explications sur les thermes de Lutèce.
** Concernant l’impact et les retombées de ces visites, mes constats sont très variables d’un enfant à l’autre. Pour certains (et nous ne manquons pas d’en reparler à notre retour) de sont d’agréables souvenirs, des impressions, des bons moments. D’autres ont intégré des noms d’artistes à leur vocabulaire, ils sont capables d’expliquer un tableau ou une sculpture !
Ce qui nous réconforte, ce sont les sourires, les yeux rêveurs lorsqu’on évoque une visite, et surtout les demandes pour retourner au musée (lorsqu’il y a un certain temps que je n’en parle plus)
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Début juin, des élèves de troisième très «accrochés» passent me voir et me demandent s’il n’y a pas une autre sortie au musée prévue. Je leur réponds qu’une nouvelle exposition s’ouvre prochainement mais que je suis débordée et que ne n’’ai plus, hélas, le temps de m’en occuper. Ils partent en me disant qu’ils vont réfléchir.
Quatre jours plus tard, ils reviennent me voir pendant une récréation : le groupe s’est élargi. Ils m’annoncent qu’ils se sont organisés, qu’ils souhaiteraient aller au musée le 13 juin, et ils me tendent une liste toute prête où chacun s’est inscrit, avec l’argent pour le transport.
Eh bien, nous y sommes allés, bien sûr !
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J’évoquerai pour finir une petite anecdote concernant notre visite à Orsay en février dernier. La conférencière expliquait un tableau de Degas. Elle a demandé aux enfants s’ils connaissaient d’autres peintres impressionnistes (notre visite commençait). Deux ou trois petits « sixièmes » ont immédiatement proposé toute une série de noms d’artistes tchèques moins connus, que nous avions pu admirer en octobre au Musée des Beaux-Arts de Dijon. La conférencière s’est alors tournée vers moi en m’interrogeant : «Qui sont-ils?»
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