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Changer l’école, changer la société

Décembre 1996

Voilà un an, des centaines de milliers de manifestants défilaient dans les rues. Ils exprimaient leur refus de la politique de rigueur voulue par le gouvernement. Ils réclamaient la construction de nouvelles perspectives sociales et politiques.
Cette réaction sociale, d’une ampleur inégalée depuis longtemps, n’en restera sans doute pas là. Déjà, les premiers mouvements sociaux de la rentrée ont montré que la mobilisation était toujours forte et que des couches sociales de plus en plus larges prennent conscience qu’elles sont touchées durement par la politique libérale.
Le gouvernement, confronté à une dose d’impopularité jamais égalée, sourd même aux injonctions des siens, poursuit sans vergogne sa politique. Il semble se précipiter inexorablement contre un mur.
Contre vents et marées, il continue imperturbablement à distribuer la manne financière à ceux qui en ont le moins besoin. Il dilapide le patrimoine industriel. Il démantèle le secteur public. Il donne l’exemple des licenciements en exhortant les entreprises à embaucher, ce
qu’elles se garderont bien de faire, ainsi qu’elles l’annoncent déjà.
Contre vents et marées, il organise ou cautionne peu à peu la casse du système de protection sociale.
Jusqu’où ? Jusqu’à quelle explosion sociale ?
Nous nous devons de lutter contre ces projets. Sinon, de renonciations en renonciations, qu’accepterons-nous demain ? Tolérerons-nous de voir s’imposer le modèle social de la Grande-Bretagne qui, selon l’OCDE, va dans la « bonne » direction ? Une société où les inégalités sociales sont les plus importantes du monde occidental. Une société ou seulement un jeune de 18 ans sur deux est scolarisé aujourd’hui. Une société où 1 500 000 enfants de moins de 16 ans travaillent illégalement. Une société où un enfant sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté. Si l’on pense à l’augmentation en France du nombre d’enfants qui ne fréquentent plus les cantines scolaires en raison de l’absence de moyens financiers de leurs parents, nous n’en sommes peut-être pas si loin.
C’est aussi pour cela que, de toute urgence, nous devons tirer le bilan des échecs conjoints du libéralisme, de la social-démocratie et des pays de l’ancien bloc de l’Est. Nous avons, surtout, à inventer un modèle de société économiquement viable et obéissant à une autre logique sociale que celle en vigueur actuellement.
Mais un nouveau projet de société ne peut se passer de la formation que cela exige. Cette lutte se mène dans l’école dont le  fonctionnement coopératif et démocratique est à construire à chaque instant. Cette lutte se poursuit dans l’engagement social et politique de chacun.
Voilà la leçon de Freinet et de ses compagnons que nous avons voulu rappeler lors de notre congrès. Voilà le chantier auquel nous convions tous les éducateurs qui croient encore au lien indissociable entre la transformation de l’école et celle de la société.