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Plaidoyer pour l'art à l'école

Février 1997

L’homme est un être qui cherche... Mais aussi qui réalise, et les arts permettent cette deuxième attitude plus que toute autre activité.

La pratique des disciplines artistiques oblige à la prise en compte de chacun et de tous, en tant qu’individus, par des approches personnalisées incontournables où la parole, l’intellect et le corps sont partie prenante.
L’élève est, là, obligatoirement sujet, grâce aux différentes fonctions de l’art :
- esthétique : expérience et apprentissage du « beau », dépassement du subjectif.
- culturelle : autres références.
- civique : partage du bonheur et de l’émotion
- pédagogique : apprentissages par l’expérience, où l’agir ne se distingue pas du réflexif. On n’est pas du côté de la transmission des savoirs, mais du côté des expériences et des pratiques.
En permettant de construire son rapport au monde, son rapport à l’autre, l’art permet de construire sa personne
L’art est aussi un garant, un garde-fou pour les valeurs et les critères démocratiques. Il modifie les attitudes formalistes. Il est significatif, à ce sujet, que les régimes totalitaires s’attaquent en premier aux symboles de la culture et de l’art : les exemples ne manquent pas, aussi bien historiquement que récemment dans certaines municipalités.
En ce domaine, l’inégalité est hélas de mise, ainsi que le reconnaît le Président de la République dans Le Monde de l’Education de décembre 1996 :
« Que l’on naisse dans un petit village ou dans une grande métropole, dans une famille aisée où les pratiques culturelles vont de soi, ou dans une famille défavorisée, qui ne possède d’autre espace culturel que la télévision, et les cartes sont distribuées parfois pour toujours...
... L’essentiel doit se passer à l’école et par l’école »
Qu’en est-il en réalité ?
La valorisation de l’art ne peut se suffire de mots, et les faits semblent très éloignés du discours.
Le système tend à évacuer l’art de plus en plus du lieu le plus démocratique qui soit, c’est à dire de l’école :
- trop peu de temps réservé dans les horaires officiels ;
- aide financière de plus en plus congrue de la DRAC et de l’Education Nationale, alors que les projets se multiplient heureusement ;
on oppose et hiérarchise de plus en plus l’intellectuel et le sensible sous prétexte de respect des rythmes scolaires, choisissant de placer les uns le matin, les autres l’après-midi, voire hors temps scolaire. On confie de plus en plus la culture et l’art aux collectivités territoriales, avec entre autres les «expériences G. Drut » où l’on emploie des intervenants à moindre coût, à moindre qualification pédagogique.
Nous devons refuser cette réduction de la mission éducative de l’école et les transferts de fonds qui s’en suivent, pour éviter que l’inégalité s’installe et s’accroisse. Nous devons protéger cette mission et combattre pour sa qualité au sein de l’école, service public, lieu d’exercice démocratique.
Ce combat reste à mener pour une éducation dont les enjeux sont la formation de l’être global. On ne fait pas évoluer par décret. Il est nécessaire de mener un travail interne pour convaincre que l’éducation artistique doit prendre toute sa place, dans l’égalité et non l’uniformité.
Pour que l’art ne soit pas une matière mais une manière, un projet de vie.
 
N. Bizieau   Présidente de l’ICEM