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Une école du travail productif

Dans :  Sciences et Techno › Principes pédagogiques › 
Mai 1997

L'école devra être une branche de la production" (1)

(Célestin Freinet)
 
Hier, une carence conceptuelle...
 
"On imagine mal aujourd'hui ce que pouvait-être cet état de pauvreté documentaire d'un enfant de douze ans qui n'avait jamais vu un train, qui ne feuilletait aucun journal, ne voyait aucune vitrine ni étalage, n'entendait jamais parler autour de lui que des éléments de vie des travailleurs rivés au cycle des saisons..."
Ainsi Freinet en 1953, (1) évoquait-il sa propre jeunesse. et Michel Barre, rappor­tant les mots, de souligner sa "méfiance à l'égard des belles paroles, la priorité toujours donnée à ce qu'on fait" voire un certain "anti-intellectualisme" entraînés par pareille expérience et contre laquelle il aurait réagi par la place donnée à la correspondance interscolaire.
Du fond d'une telle pauvreté, comment aurait-on pu au début du siècle imaginer une carence symétriquement inverse chez les préadolescents de la fin du même siècle ?
 
Aujourd'hui l'obsolescence du réel
 
Pour des enfants gavés de télé et de jeux vidéos, promis à toujours plus de "réalité virtuelle" (2) ne voilà-t-il pas jusqu'à la technique en passe de se voir de plus en plus déréalisée et "cybernetisée", risquant en tous cas de les éloigner des réalités aussi bien du concret naturel et du monde du travail que du monde tout court.
La télématique quant à elle n'est certes qu'une technique qui ne vaut que par ce qu'on en fait : le meilleur comme le pire. au service d'une pédagogie de responsabilisation et de coopération s'appuyant sur échanges et communication, elle peut s'avérer un merveilleux outil.
Mais avec télétravail, téléachat, télécorrespondants, les gens ayant tout à portée d'écran et de moins en moins à se déplacer ; le "village global" à la Mac Luhan peut aussi bien amener renfermement et repli sur soi.3
Avec leurs conséquences inattendues, entre autres le bond de 43 % ces dix dernières années aux Etats Unis de l'obésité enfantine (4) attribué à la pub pour la junk food ou "nourriture pourrie" et aux grignotages devant la télé de ceux qu'on nomme là-bas "légumes de canapés".
 
Une désorientation des rapports
 
"Ce qui se prépare est un trouble de la perception du réel, une désorientation du rapport au monde et à l'autre" (5)
On imagine alors les conséquences envisageables au niveau de la socialisation et de l'acquisition des valeurs coopératives et fraternelles. Jusqu'à la solidarité qui se fait virtuelle : il n'est qu'entendre sur TF1 les jeunes otages de Dorothée bêlant : "nous allons changer tout ça !" Comme si Dorothée et TF1 pouvaient souhaiter changer quoi que ce soit !
Interpellé par Europe 1 sur la créativité des français à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage, (6) Pierre Gilles de Gennes de constater d'ailleurs :
"Autrefois l'école était essentiellement rurale et il lui revenait de communiquer le sens de l'abstraction.
"La situation étant aujourd'hui inversée, il lui faudrait redonner le goût du concret."
Paradoxalement, même si la problématique se trouve ainsi inversée, la direction péda­gogique demeure plus que jamais celle indiquée par Freinet : l'école du travail !
 
Actualité de la pédagogie du travail
 
"Création constante qui développe l'intelligence et la raison, tout en familiarisant avec les premières pratiques scolaires : lire, écrire, compter, mesurer, peser, etc... A mesure les élèves acquerront le sens de l'entraide et de la sociabilité ." (1)
Une pédagogie du travail devient donc incontournable, d'autant plus aujourd'hui en ce monde de chômage. et, plus précisément une pédagogie du travail coopératif face à un indivi­dualisme par trop triomphant.
Entraîner nos jeunes à prendre en main leur destinée, ne serait-ce que pour pouvoir choisir d'être indépendants et maîtres de leur travail - même très modeste - et donc en grande partie plus responsables de leur vie, est déjà un propos fort ambitieux par les temps qui courent.
 
Dans une demarche non seulement active ...
 
Notre système éducatif traditionnel - les pédagogies actives l'ont assez dénoncé - ne sait hélas, en dépit de l'emphase de son discours, que former des exécutants.
Et qui plus est de mauvais exécutants : des individus passifs, éteints par des années déprimantes d'obéissance, d'abord scolaire. Par une pédagogie étriquée pour de petits boulots à l'avenant, la galère scolaire préparant la galère sociale. Par une pédagogie subie et émiettée pour des jeunes ballottés ensuite de petits boulots en petits stages. Par une école passive qui prépare une dérive servile plus ou moins bien supportées, l'une et l'autre et débouchant sur une irresponsabilité aussi bien individuelle que collective.
"Nous voudrions bien qu'on ne nous oblige pas à poser à l'entrée des écoles l'inscription que Dante lisait aux portes de l'enfer : "laissez ici toute espérance." protestait déjà Freinet
 
Non seulement d'information et de communication ...
 
L'essentiel, en réaction, resterait pour certains d'entre nous de préparer des individus informés et conscients. Et c'est à coup sûr notre pédagogie qui, depuis l'imprimerie à l'école et le journal scolaire, s'avère la mieux placée pour ce faire.
Petits boulots peut-être, chômage hélas. "Est-il bien en notre pouvoir d'enseignants d'y changer quelque chose ?" pourraient-ils se résigner.
"Au moins luttons-nous pour former des individus plus libres, parce qu'entraînés à utili­ser, produire, traiter et échanger de l'information", pourraient-ils se consoler.
Que ce soit insuffisant au siècle où nous sommes est plus qu'évident mais au moins auraient-ils le sentiment d'avoir essayé de réagir par une pédagogie active contre l'envahisse­ment et l'abrutissement médiatiques ...
 
Mais aussi réactive ...
 
Car une pédagogie elle-même consciente et responsable ne saurait se limiter à l'infor­mation d'individus conscients sans les préparer non seulement à agir mais surtout à réagir.
Et qui sera le plus en situation de le faire : le demandeur d'emploi ou le créateur d'en­treprise ? Ce dernier ne choisissant pas, surtout à l'époque actuelle, la voie la plus facile.
L'esprit d'entreprise se trouve précisément au coeur de la démarche Freinet, pédagogie de la créativité s'il en fut. La coopérative scolaire, justement, ne demeure-t-elle pas un creuset où se développe ce goût du risque calculé et assumé qui semble tant faire défaut à une jeu­nesse que l'école a déjà trop contribué à désabuser ?
Pourquoi ne pas redonner toute sa place à la "coopé" en la confrontant davantage aux contraintes de la vie et de la rigueur du monde environnant ?
Contraintes qui ont aussi aujourd'hui noms : budget, investissement, coût de revient, amortissement, étude de marché, publicité, facturation, perte, bénéfice, etc...
"L'école devra être une branche de la production." Et de la production en vraie grandeur, qui ne se paie pas uniquement de mots pour le simple plaisir de l'expression libre.
Production "coopérative" en tous cas, et pas seulement dans la forme : "que l'étudiant se livre aux fantaisies intellectuelles qui lui plairont mais pas avant de s'être acquitté de ses premiers devoirs sociaux, c'est à dire d'avoir contribué par son travail à créer la richesse so­ciale" (1)
 
Une pédagogie du projet ...
 
"Des projets, c'est ce qui manque le plus à nos jeunes" entend-on ici ou là. Ce ne sont en tous cas pas les "projets technologiques" parachutés dans les collèges par les Inspections gé­nérale et régionales qui pourraient jamais y pallier. (7)
La "démarche de projet" développée par les pédagogies actives - en particulier le G.F.E.N. - implique bien autre chose : une production en vraie grandeur répondant à de véri­tables besoins d'abord, une implication véritable des jeunes au niveau des choix et des déci­sions ensuite.
A noter que le fondateur de l'O.C.C.E., B. Profit, était lui aussi en plein accord avec ces "petites entreprises économiques au bénéfice de la communauté scolaire propres à développer le sens social et l'esprit nécessaire à toute action collective".
Freinet tenant cependant à préciser qu'il ne saurait être question par là "d'organiser l'exploitation des possibilités financières de l'école ". Il ne souhaite pas en effet que l'état ou les Collectivités locales en profitent pour échapper à leurs obligations.
 
... Et de la créativité (8)
 
Créativité que la démarche coopérative favorise tout autant dans le domaine manuel et technique qu'en ceux de l'art enfantin ou de la production de textes. Ma propre expérience me permet d'en aligner nombre d'exemples.
Créativité manuelle et technique (9) certes plutôt déprisée de nos jours mais dont nos jeunes, on le voit bien, ont nettement plus besoin que de baby sitting télé.
Leur soif d'activités manuelles restant au moins aussi vive qu'au temps des élevages et des jardins scolaires des premières classes coopératives ...
Avez-vous remarqué combien les jeunes qui n'ont pas la télévision chez eux sont sou­vent beaucoup plus friands d'activités manuelles et dégourdis à ce niveau ?
Ah ! si nous pouvions donner à d'autres le goût, de retour chez eux, plutôt que de con­templer Dorothée ou de se polariser sur leurs "vidéo-games", de donner suite entre copains à des entreprises lancées en classe !
 
Pour des individus responsables et solidaires ...
 
L'entreprise individuelle réussie est plus rare que ne veut le faire croire une illusion libé­rale trop répandue ; les entreprises qui ont pu se développer par exemple dans la fameuse "Silicon Valley" étant souvent en fait l'oeuvre collective de petits groupes d'individus complé­mentaires habitués à travailler ensemble. Coopérativement pourrait-on dire.
La gestion de l'entreprise coopérative sur ordinateur étant un premier moyen de redon­ner de la matérialité aux écrans et un caractère plus concret aux échanges interscolaires. Echanges d'idées, de tours de mains, de tuyaux, de croquis, mise au point collective de logi­ciels pour le calcul des coûts, le dessin ou la comptabilité de la coopé, projets à plusieurs classes, réponses groupées à des commandes importantes et - pourquoi pas ? - publicité et vente aussi sur réseaux ... 
 
Une pédagogie inter, voire télé-coopérative
 
La maîtrise acquise par les classes Freinet au niveau de la communication peut jouer ici un rôle non négligeable.(10)
Le cadre habituel de la coopérative de classe peut se voir en effet dynamisé par une synergie inter-coopérative déjà expérimentée mais encore largement à préciser et les outils conviviaux que sont par exemple télémessageries et fax peuvent se faire "interactifs" au plein sens du terme.
Car les réseaux I.C.E.M ne sont pas, comme trop de réseaux câblés de l'Education Natio­nale, de simples connections de machines mais répondent plus à l'acception humaine du terme retenue par le Larousse encyclopédique : "ensemble de personnes en liaison les unes avec les autres pour une action commune".
Pourquoi pas ici les "projets" d'autant de "sociétés coopératives de production" s'épau­lant télé-coopérativement ? (11)
Alex Lafosse

 

Quand je serai grande, j'veux être heureuse,

 

savoir me servir d'une perceuse,

 

savoir allumer un feu...

 

Si l'école permet pas ça

 

alors j'dis halte à tout

Renaud

 
Réalisation d'objets en bois en cycle 3
 
Le fait d'avoir pour objectif de vendre nos réalisations présente de nombreux intérêts éducatifs mais aussi quelques inconvénients : peut-on accepter un produit impropre à la vente, mal fini, en comptant sur la complicité du client ? Faut-il réserver le projet aux enfants capables de réaliser seuls un produit commercialisable?
Je réponds non aux deux questions bien entendu. Je pense que les enfants, habitués qu'ils sont à consommer sans construire, ont perdu une certaine habileté gestuelle qu'avaient par exemple leurs grands parents. Nous avons d'ailleurs reçu une collection d'objets artisanaux réalisés par nos correspondants du Burkina Faso qui a proprement époustouflé les élèves.
La confrontation au matériau, à l'outil, ses contingences, contraintes, insoumissions... est prodigieusement enrichissante...
J'en veux pour preuve, le long tâtonnement (deux mois) de Malak et Anne-Héloïse pour réaliser un projet élémentaire en bois que Juliette a finalement exécuté seule en une heure. Evidemment pour Malak et Anne-Héloïse le risque est de se décourager. Ma part de respon­sabilité dans leur perte de temps est réelle dans la mesure où j'aurais pu leur éviter de nom­breux tâtonnements. J'ai le plus souvent choisi de les laisser tâtonner car elles sont toujours apparues motivées; outils et matériaux exercent une telle attraction !
Je suis persuadé qu'elles ont plus progressé à travers cette expérience que Juliette qui, elle, avançait en terrain connu.
D'autres élèves ont mené à bien des projets sur deux mois : réalisation de mobiles-oiseaux en bois. Ces projets, réalisés exclusivement avec de la récupération, permettront de substantiels bénéfices pour la coopé.
Par contre, ils ne permettent pas de mesurer l'aspect "rentabilité - concurrence" en faisant un calcul de prix des matériaux (si instructif pour Malak et Anne-Héloïse) ou la prise en compte du temps de réalisation.
Cet aspect des choses me semble important car les traditionnelles activités lucratives de l'école reposent malheureusement sur des bases artificielles : les parents achètent (objet, prestation... ) pour l'enfant ou l'école et non pour l'intérêt marchand.
Je suis convaincu de l'utilité éducative que dégage en cycle 3 la confrontation à la réa­lité économique même si, idéologiquement, on est naturellement tenté d'en préserver les enfants. Ne pas gaspiller les matériaux relève certes de l'éducation morale mais aussi de la réalité économique.
Malak et Anne-Héloïse l'ont bien compris mais tout le monde, dans la classe, est d'ac­cord pour reconnaître le droit à l'apprentissage.
Pour les objets réalisés avec des matériaux achetés par la coopé, des prix de revient seront calculés pour permettre une estimation raisonnée des prix de vente en tenant compte des prix du commerce.
Yves Fradin - Ecole Ange Guépin - Nantes
 
Entreprise de production en C.L.I.S.
 
Au risque de casser le marché et de faire s'envoler le prix des matières premières, je vous révèle dans le détail de son organisation, les techniques, les méthodes de vente de l'en­treprise qui finance nos bonbons, nos cinés, nos anniversaires... Et qui sponsorise nos sorties de ski.
Le produit fini : un récipient en verre contenant différents sels colorés et harmonieusement disposés. Prix de vente publicTTC: entre 5 F et 20 F.
Le sel est fin, de bonne qualité, acheté 3 francs 10 centimes le kilo. Les pots de verre sont récupérés ou achetés à nos sous-traitants 20 centimes pièce. Actuellement notre pool de sous-traitants se compose de trois coopératives de l'école. Lorsqu'un lot de pots nous est proposé, nous ne choisissons que la meilleure qualité (bocaux d'asperges, ketchup, ...).
Nous réglons ces achats sous une semaine (la formation du service financier est à amé­liorer...).
Traitement du sel : il est coloré par des encres. Trois jours sont nécessaires à la fabrication d'un bocal d'un kilo de sel coloré.
Prendre une bassine en plastique d'environ 30 cm de diamètre, verser deux cuillerées à soupe rases d'encre (mélange d'encres permis), étaler l'encre sur toute la surface. Saupoudrer d'un kilo de sel, brasser le tout énergiquement sans avoir peur de se salir, puis travailler comme le couscous pour éviter les grumaux.
Il faut un certain "tour de main" qui ne vient qu'avec l'expérience. Verser alors ce mé­lange légèrement humide dans une boîte de conserve vide et propre de 5 kg. Poser sur un radiateur, laisser sécher. brasser une fois par jour pendant trois jours.
Verser alors dans un bocal de verre d'un litre (genre jus de fruit).
Fabrication :
elle demande un outillage simple : un entonnoir en plastique (investissement d'environ 3 F 40) qui, judicieusement orienté, permet de déposer délicatement les couleurs à l'endroit désiré dans le pot. Lorsque le pot est plein, il faut tasser le sel sans déranger les motifs. On peut taper de petits coups secs et répétés sur un coin de table mais, là aussi, c'est l'expérience qui fait la qualité. Fermer le pot par un bouchon de bougie.
Organisation de l'atelier
Installé en permanence dans l'une des deux classes que nous utilisons, il en utilise un tiers de la surface. Chacun peut y travailler à tout moment. C'est évidemment pris sur les heu­res d'éveil... Et pourtant c'est du sport !
La fabrication d'un petit pot peut ne prendre que cinq minutes. Lors d'une grosse com­mande ou avant les fêtes, la fabrication est inscrite au plan de travail de la classe.
Circuits de vente
Ecouler la production est notre principal souci et nous devons de ce fait suivre au plus près les goûts des consommateurs, ce qui nous a amené à produire la bouteille de Coca d'un litre. Deux circuits de vente :
- l'un directement de l'usine, à 16 H 30 devant l'école le vendredi, mais un magasin est toujours ouvert dans la classe,
- l'autre par un revendeur franchisé, la coopérative d'une école proche qui achète notre production en demi-gros à des prix évidemment étudiés et qui possède ses propres tarifs et méthodes de vente.
Une ouverture sur une exportation plus lointaine pose problème du fait même du produit. Tout trajet ayant tendance à mélanger les couleurs.
La concurrence
Devant le succès du produit, elle commence à se développer, mais ne nous fait pas peur. Des gosses du quartier avec des méthodes artisanales - coloriage du sel avec des feutres - se sont mis en tête de faire "de la thune" en dehors de l'école et tiennent un stand au pied des im­meubles le dimanche matin. Mais la qualité est vraiment inférieure, semblable à ce que nous produisions tout au début...
Perspectives de développement
Elles sont limitées par les problèmes de conditionnement du produit pour l'exportation. Mais, pour l'instant, tout le monde a du travail et les bénéfices couvrent nos besoins essen­tiels... Alors ...
Renseignemnts :
coopé. de la C.L.I.S. Ecole F.G..Llorca 1, rue Desnos 69 120 Vaulx en Velin (joindre une enveloppe timbrée !)
Patrick Chrétien  Vaux en Velin
 
 
Fusées fiction, fusées passion ...
 
Une micro-fusée est un modèle réduit carton et balsa qui peut peser 80g et atteindre une altitude de 250 m grâce à un propulseur à poudre. Son coût de revient est d'environ trente francs.
Ayant découvert l'activité au cours d'un stage BAFA de perfectionnement organisé par l'ANSTJ, j'eus envie de l'introduire auprès de mes élèves. Je l'ai donc proposée à mes classes de troisième où douze garçons se sont engagés à participer toute l'année à un P.A.E sur le thème. Activité de création dans un cadre coopératif, le projet fut l'occasion d'un enrichisse­ment culturel en matière spatiale, scientifique et technologique et éveilla la curiosité sur un sujet non abordé par les programmes officiels.
Une collaboration interdisciplinaire put être mise en place, avec le collègue de physique d'une part, avec le collègue d'arts plastiques d'autre part pour la décoration.
Le travail démarra par un tâtonnement expérimental autour d'une construction sauvage de micro-fusée. Le jeune créant en fonction de ce qu'il savait déjà sur le sujet et sans apport théorique ou technique de ma part. Ceci permettant à la fois de développer l'esprit de création, l'imagination, le sens de l'organisation ainsi que les qualités manuelles et de démystifier certaines idées préconçues. Aucune documentation ne fut donnée pendant cette phase : je répondis seulement à certaines questions.
La phase suivante permit de découvrir, à partir de formes et de dimensions différentes comment aller encore plus haut. j'apportais alors des renseignements plus précis grâce à la documentation fournie par l'ANSTJ et le CNES.
Les analyses faites permirent alors d'aborder les phases de vol, les forces en présence : poussée du moteur, poids de la fusée...ainsi que la stabilité... ou l'instabilité de la fusée.
Cette étape permit aux jeunes de développer des qualités d'observation, d'analyse, de synthèse et de réflexion, de travailler en équipe avec d'autres équipes et d'acquérir des con­naissances scientifiques et technologiques.
Chacun avait des talents parfois insoupçonnés et le travail de groupe mit en évidence ces capacités individuelles au niveau du bricolage, de la menuiserie, de la science, de la technologie ou de la physique...
Ceci à l'occasion du travail du carton, du balsa : coupe, collage, etc ...autant que des phénomènes physiques : poussée, poids, résistance, forces, aérodynamique, électricité ou des mathématiques : étude de l'altitude du vol, géométrie, calcul d'accélération et de vitesse et du dessin technique, de l'ébauche au dessin final.
La diversité des tâches dans l'activité micro-fusée exige en effet une mise en commun des connaissances aussi bien intellectuelles que manuelles.
Le jeune était désormais plus à même d'élaborer son projet.
Capacités d'initiative, d'invention, de responsabilisation et d'écoute encore sollicitées durant la phase suivante où furent abordés des montages plus complexes : fusées à deux étages, pupitre de mise à feu.
Un élargissement de l'activité fut aussi possible dans le domaines informatiques et au niveau communication. furent ainsi utilisés les logiciels de dessin assisté par ordinateur, par exemple pour tracer les plans de fusées ou de traitement de texte ou publication assistée par ordinateur pour rendre compte du vécu de l'activité dans le journal de l'établissement, réaliser des affiches ou participer à la rédaction d'une brochure.
Le groupe s'est montré enthousiaste car c'était pour lui la découverte et l'inconnu. Le projet était aussi original que marginal dans l'établissement.
Les élèves travaillaient par équipes de deux. Dans l'étape de fabrication, il y eut peu d'originalité et de différence entre les différentes fusées. Les différents groupes s'observaient et avaient tendance à reprendre les idées des copains.
Ceci fut très vrai dans la partie dite "sauvage". Les différences se situèrent surtout au niveau de la longueur des micro-fusées ainsi que du nombre et de la forme des ailerons.
Ce n'est que lors des lancements que se manifesta une émulation entre des équipes qui pouvaient comparer leurs performances. Chaque couple souhaitait que sa fusée atteigne l'apogée le plus haut possible, que l'atterrissage se fasse après une belle descente et l'ouver­ture du parachute.
La responsabilité des jeunes doit impérativement s'exercer à ces moments-là où de strictes règles de sécurité sont à observer.
Le premier lancement, effectué sur le terrain de foot municipal, apporta un tel agrément, une telle valorisation du travail des jeunes aux yeux du public (autres classes, parents d'élè­ves, professeurs, administration... ) qu'il amena une forte mise en avant de l'activité. Ces lancements ont toujours un côté spectaculaire qui intéresse et draine le public.
Un deuxième lancement permit aux équipes ayant "raté" leur premier vol d'analyser leur échec et de se rattraper. Un article dans le "dauphiné libéré" vint même relater la chose.
Je leur ai bien sûr parlé de l'agrément micro-fusée que l'on obtient suite à un stage spécifique d'animateur d'atelier et les ai informé de l'existence de centres de vacances scienti­fiques où ils peuvent pratiquer l'activité en tant que participant ou en tant qu'animateur ; façon intelligente de gagner de l'argent pendant les vacances...
Ayant ensuite changé d'établissement, je me suis engagée avec une classe de qua­trième à rédiger une B.T2 sur le sujet.
L'intérêt de cette nouvelle activité étant de faire une large place à la rédaction d'un texte du domaine technique. Cela s'avéra très enrichissant pour des élèves souvent plus à l'aise dans la réalisation de choses que dans l'explication écrite de ces choses.
Ce travail leur a demandé beaucoup d'efforts et ils en attendirent avec impatience l'aboutissement.(1)
Bernadette Sauzee 47, rue Francis Chirat 26 100 Romans
 
Atelier lattes de bois en CE2
 
Suite à la présentation d'Alex au stage Sud Ouest de Labenne, j'ai - ainsi que déjà indiqué dans la multi lettre n°3 du secteur création manuelle et technique - installé dans ma classe durant l'année 95/96 un atelier lattes de bois.
Dans le coin "atelier bois" déjà existant, j'ai ajouté :
¤ une boîte de rangement / classement de ma conception : les lattes y étant rangées verticalement elle reste pratique et prend peu de place.
¤ une vingtaine de sortes de lattes achetées en "supermarché du bricolage" : de section carrée, rectangulaire, rectangulaire avec bords arrondis, rond, quart de rond. Je me suis rendu compte que quatre ou cinq formes différentes et pour chacune d'elles quatre ou cinq dimensions permettent de créer des volumes variés et donc beaucoup d'objets différents.
¤ une boîte à onglets achetée à laquelle j'ai rajouté deux serre-joints fixés en pemanence, très pratiques pour serrer rapidement et efficacement la latte avant sciage.
¤ une scie relativement lourde à manche droit et dents fines. Ce que j'ai trouvé de plus efficace pour le sciage, opération difficile pour les enfants, je m'en suis rendu compte. Il faut donc à ce niveau de très bons outils. pour scier sans les déchirer les lattes de petite section une lame de scie à métaux fait bien l'affaire.
¤ les roues : je les ai fabriquées à l'aide d'une scie à cloche - outil très dangereux à ne pas mettre entre toutes les mains - mais conseille de les acheter toutes faites (catalogue OPITEC - gratuit pour les établissements scolaires - 7, rue du Clos 75 020 Paris).
J'ai découpé plusieurs "morceaux gabarits" de 5 cm de chaque type de latte et en ai coloré la section en noir. Je me rends compte à l'usage qu'il en faut beaucoup plus et de longueurs différentes : 1 cm, 8 cm, 10 cm, etc... qui seront très utiles à chaque étape du projet : à la conception, au moment de faire le dessin du modèle de l'objet et pendant toute la fabrication de celui-ci.
Ces morceaux, en quelque sorte calibrés, permettent, comme un jeu de construction modifiable, de visualiser en volume l'esquisse de l'objet à réaliser. Ils permettent de déterminer les morceaux de lattes qu'il faudra choisir, mesurer, découper et assembler. Le procédé, surtout utile au moment de la conception de l'objet, permet de se passer, préalablement à sa fabrication, d'un dessin côté difficilement réalisable par les plus jeunes.
C'est en cet état que j'ai présenté l'atelier aux enfants, leur expliquant qu'on pouvait concevoir et réaliser toutes sortes d'objets en lattes à condition d'imaginer un modèle ou de reproduire un modèle, par exemple d'après plan ou photo, de mesurer, scier, poncer et assembler les morceaux par collage.
Je ne leur ai proposé au départ qu'un modèle de boîte à crayons - dessin côté - et, voulant leur laisser bien sûr une grande liberté de création, la base - plateau + 2 longerons + 2 axes + 4 roues - d'un véhicule que j'avais fabriqué.
Une surprise fut de voir tout au long de l'année la grande variété d'objets imaginés et fabriqués par les enfants : plusieurs modèles de voitures et de camions, d'autobus, de tracteurs, de motos, de scooters mais aussi une armoire de poupée, des boîtes à bijoux ou des coffrets de rangement de cassettes.
Une autre de constater l'aboutissement de tous les projets. Grâce sans doute au début à beaucoup d'aide de ma part mais aussi ensuite à l'entraide et l'échange de savoir faire acquis.
Avec des enfants de huit à neuf ans je m'attendais à des difficultés. Mais part du maître et coopération ont permis à la créativité de se manifester constamment.
Magie de voir l'idée de départ, esquisse sur papier ne permettant que difficilement d'imaginer l'objet futur, se transformer petit à petit, au fil d'une activité de deux ou trois jours représentant deux à quatre heures d'atelier, en un objet beau et fonctionnel !
Pendant ces séances, où souvent deux enfants travaillent ensemble, interviennent toute une suite de tâtonnements ou de manipulations non programmées pour réaliser l'objet : copier un modèle, mesurer un schéma, empiler des "morceaux gabarits", copier un élément de l'objet d'un camarade, couper un morceau, se tromper de mesure, recommencer la coupe, se faire aider par le maître ou un camarade lors d'un passage délicat ou pour un tour de main ...
C'est vraiment une activité complète et très riche de recherche, de création et de réalisation technique faisant appel à de multiples savoir-faire : imaginer un objet en volume, copier un modèle, mesurer, couper ou découper, poncer, coller, assembler, calculer - par exemple le prix de revient - mais aussi s'entraider, expliquer, guider ...
Difficultés rencontrées :
¤ Au démarrage de la fabrication : par quel élément commencer ? Sur quelle base ? (quelle pièce ?)
¤ Mesurer avec précision, au mm prés.
¤ Scier. même avec une boîte à onglet il faut une certaine dextérité. D'où l'utilité d'un système de serrage efficace et adapté ...
Pistes :
¤.Echanger des modèles d'objets entre classes : schémas, croquis côtés, photographies de chaque face ...
¤ Peut-être avec des enfants plus grands -C.M - travailler la conception de l'objet ou son croquis en D.A.O : dessin assisté par ordinateur ...
Serge Durrieux 9 bis, av. de Courpian 47 000 Agen
 
Notes
(1) Célestin FREINET Article publié dans la revue CLARTE d'Henri BARBUSSE le 1er Juillet 1924 rapporté par Michel BARRE dans "Célestin FREINET, un Educateur pour notre temps" PEMF édit.(2) L'Educateur N° 4 - rapporté
par Michel BARRE ibidem -
(3) Comme si les deux termes n'étaient pas irréductiblement antinomiques !
(4) cf. témoignages de collègues in N°spécialsur INTERNET Nouvelles Technologies du Lire~écrire - 30 F aux éditions ICEM 18, rue Sarrazin 44 000 NANTES
(5) "Les enfants malades de la publicité" Le Monde Diplomatique Septembre 95
(6) Paul VIRILIO "Alerte dans le cyberspace" Août 95 "Le Monde Diplomatique"
(7) "LES OBJETS FRAGILES" Plon édit.
          (8) Cf à ce sujet "JOLIE, LA TECHNO ?" in Cahiers Pédagogiques N°348 - Nov. 96 ou la significative polémique suite à la parution dans "Le Nouvel Educateur' N°59 de Mai 94 de l'article de l'auteur : "POUR UN PLUS LIBRE TRAITEMENT DE TEXTES PLUS LIBRES" sous le titre "ETERNELLE CONTROVERSE", "Coopération Pédagogique" N°81 Mars 95.
          (9) SUR LA CREATIVITE : *La leçon d'imagination Créations n° 0 Juin 81 *De l'irrespect comme source de créativité L'éducateur N° 9/10 Juin 83 *L'imagination au mouroir" Créations Juillet 83 *Créatitudes L'Educateur Mars 86* Grammaire de l'imagination L'Educateur n°7- 87 * Objets inanimés L'Educateur n°3 Novembre 87
          (10) SUR LA CREATION MANUELLE ET TECHNIQUE : *Comment démarrer en Création Manuelle et Technique au second degré" L'éducateur Dossier Pédagogique N°10 Mars 82 *Comment démarrer en C. M.T. à l'école élémentaire Document de l'Educateur N°173 *Quelle place pour le monde technique dans la culture de notre temps ?" L'Educateur Oct 82 *La technique des lattes de bois l'Educateur n°1 septembre 86*
          (11) SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION A L'ECOLE : L'Educateur spécial télématique n°6 Mars 85 - La télématique dans une pédagogie de la communication Collection Pourquoi, Comment ? P.E.M.F. - De la communication créative à la créativité communicative L'éducateur N°132 - Mai 87. *Télécopie et Pédagogie Coopérative Document du Nouvel Educateur N° 219 Oct.90
          (12) SUR LES STRUCTURES INTER COOPERATIVES : Conseil inter-coopératif au collège Nouvel Educateur n° 23 Décembre 90 -
                (13) BT2 N°287 "LES MICROFUSEES" en liaison avec le CNES (Bibliothèque du Travail Second Degré - aux P.E.M.F.)
 
 
 
 
Le secteur création manuelle et technique de l'Institut Coopératif de l'Ecole Moderne -Pédagogie Freinet
Il a organisé des stages autogérés sur différents sujets incluant créations manuelles, informatiques, électroniques, robotiques et télématiques ... il a produit des docu­memts de démarrage en école et en collège et publié aux P.E.M.F un "fichu fichier" en instance de refonte qui reçut en 82 le prix "jeunes années"...
L'utilisation de la télécopie en réseau lui valut aussi le premier prix 91 des professionnels de l'Education.
En cours de réactivation, il regroupe pour l'instant témoignages, questionnements, docu­ments écrits ou vidéos, logiciels, etc... selon trois axes en fonction des âges :
1/ les plus jeunes enfants : fichier d'activités, créations à l'aide de la scie électro-magnéti­que, puzzles, livres animés, jeux de construction divers, quizz auto-correctifs...
2/ cycle 3 : création, dessin, production, gestion, échanges coopératifs et inter-scolaires d'objets les plus variés en lattes ou lamelles de bois collées, jeux logiques ou de constructions, montages scientifiques, énergies douces, fichiers, etc...
3/ collèges : recherche-action I.C.E.M/A.E.A.T (Association des Enseignants d'Activités Technologiques) autour d'une conception active de la pédagogie de projet.
Echanges inter-coopératifs en pédagogie active en liaison avec les enseignants d'Ecole. Utilisation éventuelle des nouvelles technologies de communication, interventions, regroupe­ments, stages ...