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Les Francas : de l'éducation...

Mai 1997

Se référant à la laïcité, ce mouvement d'éducation intervient hors structures scolaires, lors du temps libre des enfants et des jeunes. Il est surtout connu pour son action dans le domaine des centres de loisirs et d'accueil.

La Fédération Nationale des Francas, c'est :
- 5000 centres d'activités affiliés, gérés par les organisateurs locaux, accueillant plus d'un million d'enfants par an,
- 30000 adhérents individuels, bénévoles ou professionnels (animateurs, enseignants, travailleurs sociaux, éducateurs...).
- 25 délégations régionales et 100 associations départementales.
 
A la différence des adultes, les enfants sont eux-mêmes à la recherche d'éléments permettant d'enrichir une identité conçue comme mouvante, sans que cette recherche s'inscrive dans le cadre d'objectifs prédéfinis. Par conséquent, ils sont beaucoup plus sensibles aux influences éducatives qu'ils exercent dans leurs différents cadres de vie, soit l'école et la famille, mais aussi le temps libre. Ce dernier représente le premier temps de vie éveillé de l'enfant, même si aucune institution ne peut prétendre l'incarner à elle seule. La différence la plus fondamentale, en ce qui concerne les enfants, est que l'éducation est aussi un processus volontaire et finalisé.
La finalisation de ce processus recouvre trois dimensions, l'instruction, la qualification et la socialisation. Si toutes trois concernent le devenir de l'enfant et son accession à l'âge adulte, elles n'en diffèrent pas moins essentiellement quant à leurs champs de préoccupations.
Si la qualification vise à préparer l'enfant, puis le jeune, à l'exercice d'un métier, l'instruction est la transmission d'un patrimoine de connaissances plus générales, moyen et condition d'un choix d'orientation, mais aussi minimum commun aux membres de la société. La socialisation enfin, prépare à vivre dans une société hautement complexe, et à intégrer ses règles, lois, fondements et valeurs, au sein des pratiques quotidiennes et des représentations. Les liens entre ces trois éléments sont évidemment nombreux ; ainsi, l'un des fondements de l'identité sociale des individus demeurant le travail, l'échec de la qualification peut avoir des conséquences lourdes sur le plan de la socialisation.
Ce triptyque définit les capacités d'adaptation de l'enfant et du jeune à l'ensemble social, grévant ses probabilités d'intégration en cas de difficultés. L'évolution économique mène à une très forte réduction des emplois supposant un faible niveau d'instruction ou de qualification. Aussi le monde du travail sanctionne-t-il durement l'échec dans l'une de ces deux dimensions.
Quant à la socialisation, elle n'est généralement évoquée que lors d'événements tragiques dans les "quartiers" ou les banlieues ; événements qui révèlent la réalité de l'échec et handicapent   durablement les possibilités d'adaptation. Les jeunes concernés, en effet, sont entrés dans une logique de refus qui rend difficile tout retour vers l'ensemble social. De plus, l'image acquise par ces quartiers stigmatisés rend encore plus difficile, à la simple mention du domicile, l'obtention d'un emploi salarié. Pour être mis en avant, cet échec n'est cependant pas unique : les accidents d'automobile, produits par des excès de boisson ou de vitesse, la multiplication des cas de non assistance à personne en danger en milieu urbain, ou la relative désaffectation électorale sont des phénomènes qui relèvent tous, à des degrés divers, d'une non appropriation d'un des fondements de notre société : la responsabilité. Ils en illustrent bien les périls.
La tendance à l'uniformisation autour d'une culture commune rend cette situation particulièrement alarmante. Les cultures régionales, ouvrières ou paysannes constituaient en effet des recours et des déclinaisons sociales permettant de pallier une difficulté d'insertion. Or, les cultures subsistant sont les cultures ethniques de communautés en passe - ou en mal - d'intégration. Elles sont fermées et n'offrent, en tout état de cause, que peu de recours. Parallèlement, l'étiolement et le recentrage des sociétés familiales font disparaître un garde-fou. Par là, une mauvaise adaptation à la société prédispose fortement à la vie en marge, qui s'oriente vers les risques de délinquance ou d'exclusion. Tels sont les enjeux de l'éducation : réussir à ce que l'individu s'intègre actuellement et à l'avenir à l'ensemble social et contribue positivement à sa production.
 
Jean Paul Henri
(extrait de Le temps libre des enfants
Editions Milan, 1995)