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Texte libre (parcours)

Dans :  Principes pédagogiques › Techniques pédagogiques › 
Février 2011
Afin de voir à quelles conditions on peut réellement parler du texte libre, il me semble important de s’attarder sur les cinq invariants d’une pratique du texte libre décrite par Pierre CLANCHÉ dans son livre « L’enfant écrivain »
 
 
                        1) La pratique du texte libre n’est pas isolée dans l’espace et dans le temps mais fait partie d’un ensemble de pratiques regroupées sous le terme générique d’expression libre.
                     2) Les diverses formes d’expression libre sont étroitement conditionnées par la présence d’outils spécifiques.
En ce qui concerne le texte libre, les véritables outils ne se situent pas en amont de sa production (papier, crayon) mais en aval de celle-ci. C’est ce qui va advenir du texte, son « avenir communicatif », qui motive sa production.
Les outils spécifiques qui garantissent l’horizon communicatif sont de deux sortes :
-          les moyens physiques de la reproduction, de la transmissibilité et de la conservation (traitement de textes, photocopies, magnétophone, classeurs thématiques, …)
-          les instances sociales de communication : Quoi de nouveau ? moments institutionnels de lecture, correspondances scolaires, journal, album, …)
                      3) Le texte libre n’est pas une pratique «scolastique», elle est une pratique de communication.
Cela implique :
-          une liberté totale quant à la taille du texte, sa forme, son rythme de production, sa périodicité,
-          l’absence de sanction des erreurs,
-          choix libre du thème même si cette liberté peut paraître formelle.
                      4) le texte libre n’est pas noté. Il s’adresse au goupe-classe (et/ou aux correspondants), rarement au maître.
                       5) Le texte libre n’est pas la seule pratique d’écriture de la classe Freinet.
À côté du texte libre, les enfants doivent avoir de multiples occasions de produire des textes référentiels et conceptualisés : compte-rendu d’expériences, enquête, lettre aux correspondants, résumé de livres ou revues documentaires, secrétariat de conseil, etc …
 
Genèse d’un texte libre : le texte de Magalie
 
            Magalie, 11 ans, est en CM2 et écrit avec difficultés. Elle trouve dans la classe des poésies d’auteur, les textes des élèves de la classe, des textes d’enfants d’autres classes. Elle peut aussi écouter des poèmes lus par des adultes et des musiques enregistrées par thème.
            Elle a, depuis le début de l’année, écrit quelques textes qui s’apparentent pour elle au registre poétique. Il s’agit en fait bien souvent de reproductions de rimes.
            Début avril, elle apporte le texte suivant et demande au maître ce qu’il en pense (chose rare !) afin de l’aider :
 
 
            Magalie et le maître dégagent une partie du texte qui semble ne pas « coller » avec la structure principale et le thème général.
            Il reste donc le texte suivant et des mots jetés sur une feuille quand le maître demande à Magalie les mots qu’elle pourrait employer pour dire ce qu’elle voudrait exprimer:
  
 
            Puis Magalie est en panne et le maître ne voulant trouver trop de mots à sa place sent qu’elle reste en demande d’idées. Elle est en effet perméable aux textes d’un autre. Le maître remet à Magalie deux textes : un texte de Samuel, enfant de la classe et un texte tiré d’un recueil de poèmes d’un collègue de l’I.C.E.M (collège) : La fin d’un monde
 
 
 
            Très vite « rentrée » dans ces deux textes, elle griffonne sur son cahier quelques idées.
 
 
 
            Puis le lendemain matin, écrit enfin son texte :
  
 
            La lecture aux autres a l’effet un peu attendu par le maître : respect, admiration peut-être, émotion sûrement.
            Voilà entre autres une remarque d’un enfant de la classe après la lecture du texte de Magalie :
« J’aime bien ton texte car on sent que tu as su exprimer ce que tu ressens vraiment. »
 
            Les trois jours qui suivent, Magalie relit une autre fois son texte et écoute plusieurs fois des textes et des musiques sur le thème de la tristesse et sur l’amitié (ne serait-ce pas la répétition de l’acte réussi ?)
            Les jours qui suivent sont remplis de créations textuelles particulières comme le texte de Nathalie B., élève qui a perdu son grand-père il y a un mois et qui est orientée en S.E.S pour l’année prochaine
  
 
            Comme le signale d’ailleurs Pierre CLANCHÉ, j’ai retrouvé dans le mois qui a suivi ces deux textes une « chaîne » de textes qui gardaient une unité de thème on de structure avec les écrits précédents. On pourra relire les passages du livre « L’enfant écrivain » où l’on parle de séries liquides, de séries solides et de séries percolées.
Je pense en outre qu’il y a un tâtonnement expérimental du groupe lui-même qui fonctionne, un peu à la manière d’un individu, aussi par essais-erreurs-répétitions d’actes réussis-retours, mais à distance … Par une méthode heuristique, le groupe suit les chemins qui lui sont propres vers le concept, la loi trouvée. On retrouve alors les « mélanges » de culture, c’est-à-dire un métissage de quatre cultures :
-          les cultures personnelles
-          la culture de classe
-          la culture de l’enseignant
-          la culture «sociale» construite, normée aussi
 
S.HANNEBIQUE
(Extrait de CH’TI QUI, Juillet 95)