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Le coin que j'aime

Janvier 1999

 

 

Le coin que j'aime

"Bien des rêveurs veulent trouver dans la maison,
dans la chambre, un vêtement à leur taille."
Gaston Bachelard.

 

Dans un autre livre intitulé Puni Cagibi (A. Serre et GK. Dubois, Ed. Ecole des loisirs), un petit garçon se voit puni par ses parents et enfermé dans un débarras abritant tout un bric-à-brac d´objets au rebut. A l´insu de ses parents, c´est finalement avec délice qu’il se réfugie là pour s´inventer des vies multiples. Je demande aux enfants s´ils ont, quant à eux, un lieu de prédilection semblable. Pour la plupart, ce lieu élu est clos, soustrait aux regards et à la mesure de leur intimité profonde : placard, baignoire, débarras, toilettes, table, lit, canapé, couverture, bras de maman, etc. Ces refuges, plus ou moins apparentés au nid, à la coquille, au berceau, au giron maternel, traduisent bien ce besoin fondamental de protection. Le calme, la profondeur, la chaleur et le secret y dominent. On s´y blottit, on s´y recroqueville, parfois pour trouver une consolation : mais aussi et surtout pour goûter au repos de l´être qui peut ainsi se consacrer tout entier au jeu et à la rêverie.
D´autres liens avec le monde peuvent alors se nouer ou se renouer: les trous du canapé d´où «je peux voir des choses», le compagnon de cache-cache, la souris tant attendue, la présence du magicien ou de la mère, la porte que l´on peut à tout moment rouvrir, les jouets sont autant de médiateurs symboliques qui garantissent la possibilité de conserver, dans cet isolement tout choisi, le droit de libre participation au monde. Les enfants dessinent leur chambre.
Dans leurs représentations de l´espace, certains abandonnent toute prétention au réalisme intellectuel naissant. L´accent est alors porté sur les objets (le beau tapis, l´oreiller ou la couverture douillette, la boite à jouets) qui les touchent au plus profond d´eux –mêmes et les font rêver ; tandis que les autres objets réellement présents et constitutifs de leur environnement sont relégués dans l´ombre. Dans ces croquis de l´intimité retrouvée se profile non plus seulement la rêverie du constructeur ni celle du décorateur, mais bien celle du jeune « rêveur de demeure », qui garde, dans le cœur du foyer, la clef de ses trésors intérieurs. Comme le souligne Gaston Bachelard, «(…) on peut donner comme loi générale le fait que tout enfant qui s´enferme désire la vie imaginaire : les rêves, semblent-ils, sont d´autant plus grands que le rêveur se tient dans un plus petit réduit.» (La Terre ou les rêveries du repos, Ed. Jose Corti, 1992.)
Cet espace rêve se matérialise sous la forme d´une «boîte à secret»: chaque enfant récolte ses trésors dans la salle de classe, la cour, le jardin, les champs ou chez lui. Cette sollicitation de notre part s´appuie bien sûr sur ce penchant naturel qu´il a de s´approprier, d´amasser des petits objets de toutes sortes, petites miettes d´univers, dans son casier de rangement, pour les emporter ensuite chez lui, c’est-à-dire dans un lieu plus intime que l’école.

   

                             

Je leur propose d´abriter ce trésor dans une boîte, de façon à ce qu´ils aient du plaisir à en compulser le contenu et, pourquoi pas, à nous la montrer, s´ils le souhaitent. L´idée d´une mise en scène et d´un cache cache au niveau de l´objet les séduit. Ils proposent aussitôt de peindre leur boîte, d´en aménager l´intérieur, avant de lui confier tous les trésors qu´ils complètent parfois d´accessoires. «Les objets de rebut font rêver, peut-être parce qu´ils sont les fragments (des rébus) d´ensembles organisés que l´imagination cherche à reconstituer.» (D. Lagoutte, Enseigner les arts plastiques, Ed. Hachette, 1994).
 
Les enfants prennent plaisir à présenter leur boîte à la classe : «les choses toutes douces que j´aime toucher», «mon lit au milieu des fleurs et des feuilles », « la forêt que j´aime et le bûcheron », « ma clef », etc. Ces petits autoportraits déclenchent un jeu de devinettes où les enfants cherchent spontanément à reconnaître «l´habitant» de chaque boîte !
 

 

 

Maisons réelles-Maisons imaginaires
Barrières et façades

Toits et charpentes
Le coin que j'aime
Fenêtres, vitraux et rideaux
Le coin qui me fait peur
Peindre à partir de Paul Klee

Maisons imaginaires en volume

 
                                          

SOMMAIRE CREATIONS N°85

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