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Pédagogie Freinet à Diawar (Sénégal)

Février 1996

La citoyenneté, on l'apprend à l'école, selon la pédagogie Frei­net. Ce principe, transformé en pratique d'éducation, a dépassé les frontières françaises pour ga­gner les confins du Sénégal grâce aux efforts d'un instituteur de Rezé (44), Jean Le Gal, qui a éta­bli des relations étroites de par­tenariat avec l'école de Diawar, un village situé dans le nord de ce pays. Le directeur de l'école, Papa Meïssa Hanne, après avoir participé aux journées nationales du Groupement des Retraités Educa­teurs sans Frontières (GREF) à Lille, a été accueilli par l'association des Amis de Diawar, à Rezé, qui apporte son soutien à la modernisation de l'école : eau potable, jardin scolaire, fourni­tures...

Cette coopération a vu le jour en 1986, par une correspondance sco­laire entre l'école de Diawar et celle de Ragon à Rezé, où la classe de perfectionnement de Jean Le Gal fonctionnait selon le mo­dèle Freinet. Elle proposait une nouvelle forme d'apprentissage scolaire, centré autour du vécu de l'enfant. Ses principes, qui favo­risaient l'ouverture de l'élève sur son environnement, sa partici­pation à l'organisation de l'école, s'est rapidement avérée efficace au Sénégal.
Sa pratique, enseignée à titre ex­périmental à Diawar, a fourni un modèle pertinent de "pédagogie du projet". Selon Papa Meïssa Hanne, "l'enfant doit être l'acteur de son propre savoir. Les enfants puisent leurs connaissances dans leur propre village en intégrant leur établissement scolaire au sein de la vie locale.". Ils écri­vent un journal, gèrent les acti­vités du jardin d'enfants, forment des conseils pour proposer des initiatives et prendre des déci­sions concernant la vie de leur établissement.
Dans une société rurale, centrée sur la cellule villageoise, comme celle du Sénégal, Freinet a rapi­dement fait école. On enseigne aux enfants la lecture et l'écriture à partir de textes qui ont un lien avec leur vie quotidienne. Les en­fants apprennent très tôt à s'exprimer et à assumer des res­ponsabilités qui les touchent per­sonnellement.
Depuis 1986, la méthode a fait son chemin. Deux promotions d'élèves sortis de l'école primaire pour­suivent leurs études dans des col­lèges des villes voisines et se font remarquer par leur vivacité d'esprit et leur personnalité. Les enfants sont à la fois débrouil­lards et conscients de l'intérêt de suivre des cours. Ils travail­lent par eux-mêmes ou avec l'aide d'un instituteur, ce qui les aide à être moins tributaires du manque d'instruction de leurs parents.
Ils doivent cette autonomie rela­tive à l'aménagement de leurs ho­raires : la classe a lieu de 8H à 13H, ce qui leur laisse l'après-midi pour faire leurs devoirs, mais aussi pour enquêter dans le village, écrire et tirer leur journal, travailler au jardin co­opératif.. Souvent ils décident eux-mêmes de rester à l'école. C'est dire si elle a pris, à leurs yeux, un caractère de véritable lieu de vie.
L'école de Diawar accueille au­jourd'hui 237 enfants, soit envi­ron quatre fois plus qu'en 1986. Le problème crucial reste le manque de professeurs : l'établissement ne dispose que de 3 instituteurs. L'Etat a dû enga­ger des formations accélérées d'enseignants pour répondre à la demande. De nombreux instituteurs s'intéressent aujourd'hui à la Pé­dagogie Freinet. Dans une cinquan­taine d'écoles, des techniques Freinet sont pratiquées. Pour les aider dans leur formation et les rassembler, Papa Meïssa Hanne a créé en 1989 l'Association Sénéga­laise de l'Ecole Moderne (ASEM). Il compte sur la collaboration des pouvoirs publics de son pays "Dans une démocratie, c'est moins le problème d'autorisation que les déficiences matérielles qui nous pénalise", explique-t-il. Une ré­forme de l'école est en cours qui favorise le développement de la pédagogie Freinet.
D'autant que la coopération avec l'étranger a su déployer ses mé­rites : un partenariat entre l'ASEM, l'ICEM, le GREF et le Conseil régional du Nord-Pas de Calais a permis la mise en place d'actions de coopération pédago­gique, directement dans les classes, pour l'initiation à la correspondance, au journal sco­laire tiré au limographe, à l'étude du milieu, à l'éducation coopérative.
L'école de Diawar expérimente des techniques d'apprentissage indivi­dualisé dans des classes de plus de 60 élèves. Elle est la première école Freinet de l'Afrique noire.
Il reste à promouvoir et dévelop­per la pédagogie Freinet dans d'autres pays africains. En Sep­tembre 95, le premier séminaire africain de l'Ecole Moderne a ré­uni des instituteurs des pays voi­sins, à Saint Louis, dans le but d'échanger leurs pratiques et de fonder une Fédération africaine de l'Ecole moderne. On y a parlé cor­respondance, apprentissage, mais aussi éducation à la citoyenneté.
 
 

 

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