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Le texte libre dans ma classe

Dans :  Français › Techniques pédagogiques › 
Mars 2011


Dans l'enseignement spécial comme dans l'enseignement ordinaire., le texte libre reste un moyen d'apprentissage et garde sa dimension thérapeutique.
C’est ce que nous montre Monique Leyder, au travers d'exemples clairs et une pratique rigoureuse.

 
 
 

En quelques lignes, je vais essayer de rendre vivant le texte libre que nous pratiquons dans notre classe.

Dans ma classe, j'ai 10 enfants de 8 à I0 ans qui se situent tout au début de l'apprentissage de la lecture et 2 enfants lecteurs de courtes phrases.

 
 Tous les lundis (et les autres jours) nous partageons les nouvelles lors de l'entretien familier.

  Mes enfants parlent de choses importantes qu'ils ont vécues à l'école ou à la maison. J'écris ce qu'ils racontent dans mon " cahier des enfants ".
 
 J'écris également leurs textes en grand (album de papiers peints), et s'ils me le demandent dans le cahier " les jolis textes ".
 

A la fin de l'entretien, les enfants sélectionnent eux-mêmes leur histoire qu'ils ont envie de dessiner et d'écrire au cahier de textes.

 Plus tard dans la matinée, quand arrive le moment d'écriture, chaque enfant choisit son atelier d'écriture :
 - imprimerie
 - cahier de textes 1 ou 2
 - machine à écrire
 - les textes des amis
- la boîte à images
 - la boite à mots
 
 

 A l'imprimerie

 Deux élèves choisissent d'imprimer un texte important pour eux ou pour la classe. Ce texte, illustré par au suite en travail manuel, paraîtra ensuite dans le 'journal de la classe.
 Pourquoi 2 enfants ? Afin de favoriser l'entraide , le dialogue, la confrontation.
 
 

Au cahier de textes

 Dans le cahier n°l, les enfants commencent leur dessin ; par la suite, ils le racontent, Je questionne beaucoup, pour approfondir leur message (ex : c'était qui ? C'était triste, Pourquoi ? ... Tu as bien aimé ? Pourquoi ?) pour ne pas en rester à une simple énumération de faits. Puis on sélectionne ce que .je vais écrire, on prépare oralement la phrase à écrire pour qu'elle soit correcte et l'enfant me la dicte.
 

J'écris et on lit la phrase au fur et à mesure de l'écriture. On relit la phrase et on entoure ou colorie les points de repère connus de l'enfant.

Après l'enfant recopie lui-même et relit son texte : il est aidé par l'enseignant ou un de ses amis.

 L'autre groupe d'enfants qui choisit le cahier de textes n-2 reprend ceux qui se " débrouillent " déjà un peu plus en lecture et écriture. Ceux-ci peuvent déjà écrire seuls la date du cahier de textes (par exemple ).
 

Ensuite, je leur propose un moment de réflexion afin de coucher sur le papier un texte cohérent que je corrigerai encore avec eux oralement. Vient le moment d'écrire. Je prépare une " histoire " à la fois avec tous les enfants de ce groupe-là.

 ex. Sandrine voudrait écrire :
l. Je suis allée chez ma marraine.
2. J'ai ramassé les oeufs dans le poulailler.
3. Elle est vieille.
4. Elle était contente.
 
 Pour écrire ce texte, on rappelle ensemble la majuscule en début de phrase et puis on réfléchit : par ex...: Je suis allée. Sandrine l'a déjà écrit dans une histoire précédente. Elle ira le chercher elle-même.
 Je prépare alors les emplacements. Plus tard dans l'année, je ne les prépare plus.
 
 Chez ma marraine. Sandra l'a déjà écrit précédemment. Les enfants s'en rappellent. Sandra montrera la bonne page de son cahier de textes à Sandrine.
 La première phrase est prête.
 
 Parfois des structures de phrases ou des mots ne sont pas .familiers ou affichés dans la classe. Mon intervention est alors plus importante.
 
Par ex : elle est vieille.
 L'écriture de " elle est " n'étant pas connue des enfants, je l'écris moi-même ; " vieille " n'est dans aucun écrit de la classe, Sandrine ira le chercher au mini-dictionnaire.
 Si ce mot n'y est pas, je l'écris moi-même dans son mini-dictionnaire.
 
 Voici donc la structure pour les phrases I et 3 de Sandrine:
 

On procède de même pour les autres " histoires ". Il existe bien sûr d'autres référents en classe : les histoires affichées, le cahier des jolis textes, le livre de vie de la classe, les lettres des correspondants et en plus, ce qui sera expliqué plus bas. Ma part d'intervention est plus importante en début d'année. Par la suite, les enfants savent où chercher d'eux-mêmes. Cette évolution pour les enfants de l'enseignement spécial est évidemment assez lente.

 
Machine à écrire
 

Les enfants qui choisissent l'atelier " machine à écrire " tapent en général des histoires de leur- cahier de textes qu'ils aiment beaucoup ou des textes du livre de vie de la classe, les moments qu'ils ont beaucoup aimés. Avant que les enfants ne tapent seuls à la machine, on a appris ensemble son utilisation. Au début de l'année, je prépare avec eux l'histoire à taper. Je transcris le texte avec les lettres telles qu'elles sont sur les touches :

 
Par ex : Je suis allée chez ma marraine devient
 JE/SUIS/ALLEE/CHEZ/MA/MARRAINE/./
 
 Plus tard dans l'année, je transcris le texte avec les lettres telles qu'elles apparaissent sur la feuille de la machine à écrire.
 
 Par ex: Je/suis/allée/chez/ma/marraine/./
 
 Ensuite, petit à petit, l'enfant se débrouillera seul avec son texte manuscrit.
 
 Les enfants sont motivés dans cette activité par la manipulation de l'outil " machine à écrire ".
 
 D'autre part les enfants sont .fiers de coller leur histoire imprimée dans leur cahier de textes et de le photocopier pour leurs amis. Ces ateliers ne sont pas immuables et chaque année, j'adapte en fonction des enfants que j'ai. L'année passée, par exemple, j'avais quelques enfants qui n'étaient pas motivés du tout pour apprendre à lire et à écrire.
 

Ces enfants n'éprouvaient vraiment pas le besoin de raconter. De plus, ils n'avaient pas encore compris le lien entre l'oral et l'écrit, et encore moins la fonction d'une phrase comme véhicule d'un événement, d'un sentiment. Pour eux, plusieurs mots agencés en phrase équivalent à plusieurs " choses " mises les unes à côté des autres. J'avais créé pour eux l'atelier " boîte à images ".

 
Boîte à images
 

Les enfants choisissaient des images qui avaient un certain. rapport entre elles (une dizaine maximum), par exemple des images d'animaux, des images dans lesquelles on entendait un même phonème, des images d'enfants ...

 
 Ils les collaient. Ensemble, nous cherchions un titre à cette page. J'écrivais les mots en-dessous des dessins. On les (re)lisait en­semble. J'écrivais ensuite les mots sur des bandelettes. Les élèves jouaient à reconnaître les mots par rapport à sa .fèuille-référence.
 En plus, à partir de cet atelier, on pouvait imaginer des petits jeux.
 
Boîte à mots
 

Je peux encore ajouter l'atelier " boîte à mots " :

 En début d'année, j'écris l'histoire des enfants sur des bandelettes (après préparation orale, voir plus haut).
  Nous lisons l'histoire mot à mot.
 Chaque enfant reçoit un morceau, le lit et tous les élèves reconstruisent l'histoire.
 Au fur et à mesure des créations d'histoires, nous réutilisons d'abord le capital-mots de la boîte.

Par exemple : " Je suis allé " ne peut pas se trouver deux fois dans la boîte.
A la fin de ces ateliers, nous prenons un moment de partage des " travaux " : chacun présente, lit son travail pictural et écrit.
 A la maison, les enfants partagent avec les parents, relisent leur histoire, recherchent des mots, des structures de phrase, de la documentation demandés, terminent leur écriture, leur dessin, certains réécrivent leur texte.
 De retour en classe, nous prenons encore un moment pour que chacun lise son histoire. Ces histoires, nous les partageons également avec une autre classe de plus grands et ceux-ci nous partagent les leurs. De temps en temps, nous éditons un livret " Les textes des amis " comprenant les histoires préférées des enfants transcrites en manuscrit et en imprimé.
 D'autres histoires encore paraissent dans le Journal scolaire ou sont envoyées aux correspondants. Ces ateliers d'écriture trouvent leur prolongement dans la création d'une " farde­outils " :
 Quand la nécessité d'un approfondissement de structure de phrase se présente, nous la fixons dans lafarde-outils :
 Par exemple : J’ai. Les enfants recherchent d'abord oralement puis dans leur cahier de textes des phrases commençant par " J'ai ". J'en transcris quelques-unes puis les enfants en écrivent chacun une. Cet exemple vaut aussi pour d'autres petits mots : dans, chez, on, est ...
 Un autre prolongement est l'exploitation des textes des amis sous forme de " lecture silencieuse ", recherche de " sons ", recherche de sens et intuitivement de structure orthographiques et grammaticales (voir exemple).
 D'autres histoires encore trouvent leur prolongement en activité d'éveil : exploitations, début de projets, créations de livres et d'albums.
 Voilà, j'espère que cet article vous aura intéressés. Si vous avez quelques critiques ou suggestions à .formuler,je serais heureuse si vous les partagiez- avec moi.
 

Monique LEYDER.

 * Cet article est issu de la revue Éducation Populaire. (Mouvement Belge P.F)
 
POURQUOI COMMENT
LE TEXTE LIBRE
par
Denis Roycourt et
Roger Crouzet.
Le texte libre a toujours suscité des débats passionnés à l'intérieur du mouvement Freinet et à l'extérieur où il est quelquefois considéré comme le degré zéro de l'écriture.Encore aujourd'hui, il est considéré sans tenir compte de son caractère historique de rupture et de sa dimension psycho-sociale dans la classe.Ce pourquoi comment dépasse ces polémiques et s'attache à faire le point aujourd'hui sur la technique du texte libre, outil de structuration de la pensée de l'enfant et de l'apprentissage de la langue.Il vient à point nommé pour réaffirmer la spécificité de cette technique et en justifier la cohérence grâce aux apports théoriques de la linguistique de la sociologie et de la psychologie.
Éditions PEMF