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COUPLE, FUSION, CONFUSION suite

 

 


Projet 2007 comportant un vidéo poème
et un documentaire ayant pour titre :
"Couple, fusion, confusion"



Note d'intention du projet 2007
Couple, un ou une, s'entend au sens premier du terme, comme lien attachant deux êtres ensemble.
Deux films de 6 à 9 minutes chacun.
Tous deux trouveront leur justification dans la promotion d'un livre que prépare un éditeur avec les photographies de Jindrich Streit sur le thème « couple ».
Tous deux utiliseront les images issues d'un double multicaméra tourné pendant une conférence publique.
Leur matière sera constituée de portraits, d'interviews, de commentaires de photos ou de présentations de lieux visités. Nous nous arrêterons donc aussi bien dans une mairie que dans une église ou un temple, dans une prison comme dans le service qui s'occupe des femmes battues, des drogués ou des victimes du SIDA. Nous pourrons être amenés à visiter les promenades favorites des amoureux, ou bien les cimetières, ou l'hôpital psychiatrique. A nous de faire fructifier notre imagination et de faire ouvrir des portes plus ou moins bien fermées.
La recherche de l'insolite devrait nous préoccuper autant que l'ambiance des clichés du photographe que nous devrons servir.
Le plus grand soin sera apporté à la bande son qui sera constituée, dans la mesure du possible, d'une « musique » réalisée avec les voix enregistrées elles-mêmes.
Le second film devra être comme en négatif du premier. Tous deux présenteront donc des ambiances sonores et visuelles totalement différentes qui devront être envisagées dès le tournage ou corrigées en postproduction (montage et mixage).

Sujet 1 : Fusion
Avant d'unir intimement deux êtres, la fusion est changement d'état sous l'effet de la chaleur.
Des photographies montrant le bonheur des couples, qu'ils soient hétéro ou homosexuels, mais aussi le bonheur d'une relation d'amitié ou de paternité. Ce bonheur n'a pas de frontières, il est vécu de la même façon en Chine, en Amérique ou en France. Nous ferons commenter les photographies concernées par tous ceux que leur spécialité ou leur profession autorise à nous les présenter, si possible dans des lieux variés qu'on ne manquera pas de décrire au besoin.

Sujet 2 : Confusion
Il ya de l'embarras dans la confusion, voire une certaine humiliation.
Nous nous intéresserons aux victimes, à ceux pour qui l'intégration est difficile, voire impossible, aux couples désunis, implosés ou explosés, voire rendus impossibles. Cette vision-là prendra inévitablement un caractère politique en ce sens qu'elle touche l'organisation de la Cité. Nous nous intéresserons à la relation entre le maton et son prisonnier, entre le médecin et son malade, entre le prof et son élève... Nous nous interrogerons sur la place que nous offrons à la différence.

 

 


Le DVD de 2006 ayant touché Jindřich Štreit, à qui nous l'avons montré lors d'une de ses visites dans notre région, a été montré, nous lui avons proposé l'année suivante d'emboîter de nouveau ses pas. Jean-Jacques, personne ressource et commanditaire, se propose d'éditer un nouveau livre sur le photographe dont le film que nous ferions permettrait la promotion. La matière est fournie par une double série de photos sur le thème, sachant que « couple » est à prendre aussi dans son acception originelle, au féminin, désignant donc ainsi, aussi bien la relation entre deux humains vivant ensemble, qu'entre animaux (sens premier) ou entre animaux et humains. Nous avons fait commenter ces photos dans un LEP, dans la rue, dans un parc, dans une résidence pour autistes, dans un lieux de réinsertion des drogués, etc. ce qui a permis à nos étudiants de pénétrer les pires lieux d'exclusion existant dans notre environnement, qui aient pu accepté de recevoir une caméra. Plus besoin d'animer l'image fixe, comme en 2006, puisque sa force lui permet de dialoguer à égalité avec l'image en mouvement d'une caméra portée. Certaines images ont été choisies délavées pour atténuer la violence qu'elles peuvent véhiculer.


La pédagogie : toujours transgresser ses propres limites.


Que les étudiants n'aient pas la main sur la réalisation ne doit pas les empêcher de pleinement s'exprimer. Le jour du lancement de l'épreuve, le sujet est donné sans explication : cela tient davantage du cahier des charges et de la note d'intention n°4 que du scénario tel qu'on l'entend habituellement. Sont définies les intentions, les contenus et les matériels imposés pour chacun des métiers. Je viens revoir le groupe (deux chargés de production, deux monteurs, un exploitant et un ingé-son) pour répondre à leurs questions et les aider à se construire des images mentales du produit fini. Il revient aux chargés de production d'organiser les rendez-vous. Le premier qui leur est demandé concerne bien entendu la documentation sur le photographe : personne ressource, bibliothèques et internet. Ensuite il va falloir préparer le repérage et au plus vite rédiger les différentes fiches d'autorisation de filmer. Le plus rapidement possible, il faudra organiser un planning de rendez-vous pour une semaine ou deux de tournage.

Le tournage


L'équipe est toujours réunie avant le départ.
"- Où va-t-on ?
- Dans quel contexte allons-nous être » ou « quel paysage » ?
- Pour quoi faire ?
- Que va-t-on trouver et pourquoi ?"

Vérification du matériel à emporter pour qu'il réponde à tous les besoins et aux éventuels imprévus. Ma conception de la réalisation ne consiste pas à donner des ordres mais à questionner:
"- Que veux-tu montrer ?
- Pourquoi ce cadre ?
- Que nous dit cette image ?

Et jamais "que vas-tu filmer ?" pour ne pas obtenir la réponse absurde : "Je vais filmer un couple". On ne filme pas un couple, mais un couple qui... si on souhaite que l'image fasse sens. C'est difficile et je ne prétends pas que tout plan soit réussi. Par contre j'ai pris le risque d'imposer la caméra portée pour que jamais la vidéo ne se prenne pour une diapositive, avec une photo en couleur.
Le cas du multicaméra est très particulier. Si les étudiants sont invités à en réaliser quelques uns pendant l'année, en situation d'examen nous ne prenons pas de risques. Diriger une équipe de 20 personnes ayant chacune une charge définie suppose une compétence à laquelle nous ne formons pas nos étudiants techniciens. La préparation et surtout le direct à quatre caméras synchronisées sont donc sous ma seule responsabilité chacun étant comptable de l'aspect technique qui lui a été confié.


Le montage et le son.

Chaque fois que le tirage au sort nous offre un étudiant musicien, je fais du son une priorité. Dès le tournage je lui fais écouter les voix des personnes interviewées et les sons environnants. Nous discutons de la musique que nous pouvons élaborer avec, sans instruments, par simples étirements et superposition de couches de sons enregistrés. Je pars de la sensibilité de l'étudiant, et ne sais donc jamais à l'avance quelle musique sera notre support ni sur quels rythmes nous appuierons notre montage. Nous avons passé une demi-journée dans une imprimerie moderne pour filmer et enregistrer sur magnétophone numérique des machines, et nous imprégner de leur rythme. Ce sera notre base rythmique (Le cahier des charges ne sera pas respecté parce que le technicien chargé du son ne se sentira pas capable de créer une musique à partir de voix).
Pour le montage je demande donc en même temps, mais séparément au monteur et à l'ingénieur du son[3] (l’"ingé-son") de fournir une trame, de manière à obtenir progressivement un rythme sur lequel on soit en parfait accord. Il ne peut alors plus être changé sinon légèrement réajusté en cas de nécessité, pour ne pas parasiter l'image.
Le montage et la bande se construisent par un aller et retour permanent, sur la base des propositions de chacun-chacun proposant. Cette phase étant particulièrement difficile, je ne laisse pas un étudiant dans une impasse ou sur une fausse piste et je lui propose les modifications qui s'imposent à moi. A lui de les prendre ou de proposer autre chose. Cette conversation à trois dure environ une semaine et demie, sachant que je laisse à chacun une grande autonomie dans la limite du cahier des charges. C'est à moi d'exploiter leurs images mentales et non l'inverse, ou de les provoquer lorsqu'elles font défaut.
Le maître mot reste : "C'est bien, mais on peut encore faire mieux !" pour pousser chaque étudiant toujours au-delà de ses propres limites. Jusqu'au moment où on décide d'achever le film.


Et maintenant...

Les étudiants ayant participé à ces deux projets sont maintenant des professionnels. Parmi les difficultés rencontrées, par exemple, celle liée à la technique de la caméra portée : porter, pendant le direct d'un multicaméra, une caméra professionnelle est un exercice difficile auquel ne sont pas préparés nos étudiants puisque nous ne formons pas ce métier spécifique qu'est le cadrage (option image). Si l'intention était d'obtenir un léger bougé qui nous affranchisse de la photographie à cause de la confrontation entre la vidéo et la photographie, le spectateur est parfois gêné par un tremblé excessif. De la même manière il n'est pas toujours facile de bien se positionner par rapport à un sujet en action sur lequel on ne pourra pas agir. L'étudiant chargé de filmer le sortie des autistes n'a pas écouté la consigne et s'est placé du mauvais côté par rapport au fond de la scène ce qui a obligé la monteuse à modifier de manière outrancière la colorimétrie du décor. Le plus important lorsqu'on filme est d'arriver à intégrer totalement l'idée qu'on prépare une image pour un monteur, mais qu'en aucun cas nous faisons son travail à sa place.
Ces deux vidéogrammes peuvent trouver place sur le site noé-tv où ils sont programmés. Le livre est préfacé par Chico Whitaker, le co-fondateur des Forums Sociaux Mondiaux, prix Nobel alternatif de la paix et devrait paraître dans le courant du mois de mars 2009, accompagné d'expositions à Montbéliard en présence du photographe. Mais on ne s'arrêtera pas là. Dans le cadre d'un cours de communication à la fac de commerce de Belfort, à partir de mars 2009, les étudiants de première année vont ouvrir un musée virtuel international sur l'œuvre de Jindřich Štreit. Nous invitons dores et déjà à y participer des étudiants de Russie, de Roumanie et nous l'espérons vivement, de Tchéquie. Une vidéoconférence est programmée pour la fin du mois d'octobre 2008 qui devrait impliquer des étudiants du département de pédagogie de l'université de Campinas dans l'Etat de São Paulo au Brésil. Une première ébauche est déjà accessible à l'adresse [ http://www.fimem-freinet.org/CVC-fr/parcours/parcours-imagiers/streit ] avec des images qui sont proposées aux classes pour être titrées, analysées ou commentées.


Conclusion

L'invariant qui me motive est celui qui a fait dire à Freinet que la pire des choses est de tourner à vide. Peu importe le cadre, seule compte la liberté qu'on peut installer à l'intérieur. Aucune contrainte, fût-elle dictée par un programme, ne doit nous empêcher de faire œuvre d'imagination pour la contourner ou la digérer, et mettre en place une pédagogie responsabilisante. On peut même donner du sens à un examen. Mais, enseignant, je ne m'arrête pas là : tout projet doit aspirer à survivre à sa restitution. Il faut donc éviter d'y mettre un terme dès sa conception. Toute production peut survivre à sa réalisation au point que je considère que nous avons réussi pédagogiquement un projet lorsqu'il se nourrit de rebondissements imprévus et que d'autres s'en servent .


Michel Mulat, septembre 2008.

[1] Utilisation simultanée de 3 ou 4 caméras ce qui suppose un montage réalisé en direct pour que le candidat en ingéniérie des équipements puisse montrer ses capacités en installation du matériel de contrôle technique et à l'étalonnage des caméras en direct au niveau de la lumière, du contraste et du rendu colorimétrique.
[2] Voir la photo n°x qui donne une idée de ce qu'il a exposé : une vision du socialisme qui n'était pas de la propagande.
[3] J'utilise volontairement le terme d'ingé son, parce qu'il fait fonction sans être ingénieur du son. Nos étudiants sortant ne peuvent prétendre à ce titre et ne seront qu’assistants.

 

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