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Le conseil, clé de voûte de l'organisation coopérative

Dans :  Principes pédagogiques › coopération › 
Juin 2000

Une réflexion de fond sur la classe coopérative, des conseils pratiques et clairs, Jean Le gal* a publié l’an passé un petit livre efficace sur lequel nous revenons avec plaisir en reproduisant quelques extraits du chapitre 5 portant sur la mise en place du conseil.

 
*  Dans le vaste champ de la pédagogie freinet, Jean Le Gal s’est consacré plus particulièrement à la défense des droits et des libertés de l’enfant, à l’autogestion et à l’exercice d’une citoyenneté participative à l’école.
 
 
Le conseil, une institution fondamentale
La richesse et la complexité des activités et des relations, au sein de la classe coopérative, nécessitent une organisation sociale réfléchie, la mise en place d'institutions qui répondent aux besoins identifiés par le groupe.
Pour Femand Oury (1), tout ce que le groupe institue en fonction des réalités qu'il vit, peut s'appeler institution : les "lois de la classe", les fonctions (responsabilités, services...), les rôles (présidence, secrétariat), les statuts de chacun, les équipes, les lieux de parole («quoi de neuf ?», conseils)...
 
Parmi ces institutions le conseil occupe une place essentielle.
Il est la structure instituante, le lieu d'échange de parole où, ensemble, les membres du groupe analysent les différents aspects de leur vie commune, confrontent leurs points de vue, prennent des décisions et en évaluent
l'application. Son organisation est donc fondamentale. Pour être crédible, il doit être efficace.
 
Organiser le conseil
"C'est quoi le conseil ? "
"Ça permet de faire respecter les règles, de communiquer les problèmes que l'on a, de parler, de faire des propositions, de trouver des solutions, d'aider ceux qui ont des problèmes... c'est bien car ce n'est pas que le maître qui décide. "
Pour ces enfants, le conseil est bien perçu comme un lieu important d'information, d'analyse, de régulation et d'organisation, où ils partagent le pouvoir collectif avec l'adulte. Ils ont une possibilité réelle d'influer directement sur leurs conditions de vie et de travail. Mais le pouvoir du conseil dépend des capacités de l'enseignant à faire respecter ses décisions : Je ne peux partager que le pouvoir que je détiens moi-même.
 
 Le fonctionnement du conseil
L'analyse du processus d'autogestion à l'école (2) m'a amené à distinguer quatre étapes principales : proposer, discuter, décider, appliquer. (...)
 
1) Avant le conseil
Chacun, enfant et adulte, a la possibilité d'émettre librement des critiques et de faire des propositions. Toute critique, qu'elle concerne une personne ou le fonctionnement de la classe, est signée. Celui qui l'émet sait qu'il devra la justifier. L'enseignant peut lui aussi être critiqué et aura donc à répondre de ses actes devant le conseil.
Pour Freinet, "lorsque le membre d'une communauté dit publiquement ce qu'il a à dire, si grave que cela soit, il doit être loué pour son courage moral et civique" (3).
Une proposition, pour pouvoir être comprise de tous et faire l'objet d'un débat sérieux, exige une réflexion préalable. L'exigence est évidemment à moduler en fonction des capacités des enfants.
 
2) Prévoir minutieusement le déroulement
Il n'existe pas de schéma-type de déroulement d'un conseil.. Cependant beaucoup débutent par un rappel et un contrôle des décisions prises lors de la dernière réunion. Ensuite, souvent l'ordre du jour se structure autour de
trois champs principaux :
a. les activités
Le bilan du travail individuel, des ateliers, des activités collectives de la semaine, et l'étude des nouvelles propositions débouchent sur une programmation des projets et la mise au point de l'emploi du temps. Ils impliquent parfois une réorganisation de l'espace, l'acquisition de matériel et un bilan financier de la coopérative.
b. l'organisation matérielle et institutionnelle de la classe
Pour répondre aux besoins, l'organisation de la classe doit être très structurée. Le fonctionnement des équipes, des ateliers, des responsabilités et des diverses institutions est donc soumis à une analyse permanente.
c. la vie du groupe
Le règlement des conflits et des problèmes relationnels, le respect des règles de vie et leur remise en cause éventuelle, constituent aussi une fonction importante du conseil.
 
Chaque point de l'ordre du jour retenu fait l'objet d'une discussion. Lorsqu'une décision est à prendre et qu'un consensus ne peut être trouvé, un vote a lieu.
La conception pédagogique, l'âge des enfants, le temps imparti au conseil, l'urgence d'une décision, amènent à privilégier parfois un champ plutôt qu'un autre.
 
3) "La part du maître "
(...) La "part du maitre" est donc un facteur principal dans la réussite mais elle est difficile à apprécier. Elle exige beaucoup d'attention pour respecter les tâtonnements nécessaires tout en évitant les échecs démotivants : laisser
au groupe le maximum d'initiative mais l'accompagner vers son autonomie ; intervenir pour l'aider à clarifier un problème, à choisir une solution, à gérer les perturbations... et refuser, en l'expliquant, les décisions contraires aux finalités, principes et valeurs de la classe.
 
4) Faire respecter les décisions
Les décisions, aboutissement d'un choix réfléchi et lucide, doivent être appliquées : chacun en est responsable solidairement avec les autres. L'enseignant en est le garant mais les enfants doivent aussi y contribuer en exécutant les tâches prévues et en s'engageant dans les responsabilités dont le besoin a été déterminé. C'est la part coopérative de chacun.
Exercer un pouvoir de décision a pour corollaire le devoir de participer à l'application, chacun à la mesure de ses capacités.
 
 Créer les conditions de la mise en place
Au départ, susciter le désir du conseil, créer le besoin de cette réunion qu'ils ne connaissent pas, faire qu'ils s'interrogent : "Qui c'est l'conseil ?" (4) est une nécessité pour qu'ils s'y engagent pleinement.
Cela peut se faire rapidement ou on peut attendre que les activités qui suscitent l'échange et la coopération soient bien en place.
Un enfant vient rapporter un problème, émettre une proposition, lui répondre "On en parlera au conseil ! ".
Et puis un jour : "Nous nous réunirons en conseil, lundi !"
Ce jour-là, tout est prêt : les chaises en rond, l'ordre du jour, la règle de parole... Le moment est solennel.
"Le conseil est ouvert! Vous avez le droit de dire ce que vous voulez sur la vie de la classe."
Jean LE GAL
Extrait de Coopérer pour développer la citoyenneté : la classe coopérative. Edition Hatier. Collection Questions d'École.
 
NOTES :
1) OURY Fernand, VASQUEZ Aïda,. De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Maspero, 1971.
2) LE GAL Jean, "Une aventure autogestionnaire dans le mouvement Freinet", In Les pédagogies autogestionnaires, Patrick Boumard, Ahmed Lamihi, Ed. Yvan Davy, 1995.
3. FREINET Célestin, L'éducation morale et civique, Bibliothèque de l'École Moderne, 1960.
4. POCHET Catherine, OURY Fernand, Qui c'est l'conseil ?, Maspero, 1979.
 
Encart 1ère page :
Certaines classes n'ont qu'un seul type de conseil, d'autres en ont plusieurs. Dans ma classe de perfectionnement, nous en avions trois :
- le conseil hebdomadaire de coopérative avait pour fonctions, d'organiser les activités et les projets collectifs, d’analyser la vie du groupe, de rechercher des solutions aux dysfonctionnements et aux conflits et d'élaborer les "lois de la coopérative". Il était dirigé, chaque lundi, par une équipe nouvelle comprenant un président et deux secrétaires.
- le conseil-bilan du soir permettait de faire un point rapide de la journée et à chacun de dire ses réussites, ses problèmes et ses critiques. Il était animé par le responsable de jour.
- le conseil extraordinaire avait lieu pour régler "à chaud" un problème grave, pour mener une réflexion approfondie sur une de nos institutions ou pour organiser un projet collectif.
Il était animé par moi-même.
J. Le Gal
 
Encart 2ème page :
Quelques conditions pour la réussite
Des expériences diverses nous pouvons dégager des conditions indispensables à la réussite, autour de quelques facteurs importants :
- la parole :
Tous les enfants doivent pouvoir participer à l'échange, mais pour qu'une parole vraie, authentique, puisse s'exprimer, il faut que la confiance règne au sein du groupe, que les moqueries soient interdites, que tous écoutent et acceptent les différences.
Des règles précisent les modalités d'exercice du droit à la parole et en fixent les limites et les obligations :
- "Chacun a droit à la parole.
- On demande la parole en levant la main. On écoute celui qui parle. On ne se moque pas.
- Celui qui ne respecte pas les règles aura un avertissement. S'il continue, il sera exclu du conseil".
Respecter soi-même les règles communes est un principe majeur pour l'enseignant.
 
- l'animation du conseil :
L'efficacité du conseil dépend de la qualité de l'animation. (...)
Chacun a le droit d'animer le conseil mais les compétences ne se construisent que progressivement. Chaque animation est donc suivie d'une analyse de fonctionnement. Chacun peut aussi s’entraîner dans d'autres lieux de parole : l'entretien du matin, le bilan du soir, les débats, les conférences...
Il est important de mettre en place rapidement un rituel stable constitué :
- de règles précisant l'élaboration de l'ordre du jour, le déroulement de la réunion, la distribution de la parole.
- de maîtres - mots, choisis ensemble, ritualisant l'animation :
. le conseil commence
. la parole est à...
. questions ? propositions ?
. décision, on vote...
Une fiche-guide à l'usage du président de séance, rappelle le déroulement de la réunion et les maîtres-mots.
 
- la régularité :
(...) Chacun sait qu'un lieu existe, qu'un temps est réservé à l'emploi du temps, qu'un ordre du jour, toujours le même, ouvrira un espace de parole et de décision : le travail cesse, on s'installe comme convenu ensemble, le conseil commence.
 
- les outils du conseil :
Ils accompagnent les différentes étapes du fonctionnement : avant, pendant, après :
. le journal mural de Freinet avec ses quatre colonnes (je critique, je félicite, je voudrais, j'ai réalisé), la boite à idées, le carnet du conseil... permettent aux enfants d'émettre des avis, des critiques, des propositions...
. la fiche-guide du président de séance, le cahier du secrétaire, des affiches présentant les règles du conseil et son déroulement, sont des supports pour un fonctionnement efficace.
. affiches. tableau de la coopérative, classeur, cahier des lois, tableau des projets... gardent la mémoire des décisions, enregistrent les lois et sont les outils de référence pour la mise en oeuvre des décisions.
Si la coopérative a une structure légale, un registre conserve le procès-verbal des réunions.

 

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