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Un moment de travail individualisé

Juin 2000

Permettons aux enfants de maîtriser leur progression sans être assujettis à un parcours unique à un rythme imposé. Permettons aux enfants de travailler à leur rythme en se corrigeant eux-mêmes. Permettons-leur d’utiliser des outils appropriés, créons-en avec eux, adaptons-les à leurs besoins, à leurs envies.

 

 

Dans ma classe, ce moment d’apprentissage individualisé a lieu tous les matins de 9 h à 10 h15.
Les élèves ont prévu en début de semaine en liaison avec l’enseignant leur contrat. (Le contrat représente les activités correspondant à la fois aux « envies » et aux « besoins » de chacun.) Il est négocié entre chaque enfant et l’enseignant.
D’autres enfants, dit « autonomes », effectuent leurs activités au fur et à mesure. Ils n’ont pas de contrat. Leur liberté de choix est plus grande.
D’autres encore peuvent travailler sous tutelle ou sous tutorat.
Pour la tutelle, il s’agit de travailler sous la tutelle de l’enseignant qui vérifie chaque activité et indique les activités à effectuer.
Pour le tutorat, il s’agit d’un enfant « dit autonome » qui choisit d’aider un enfant sous tutelle et qui est donc présent dans le choix et suivi des activités.
Évidemment, ces différents statuts dans la classe ne sont jamais définitifs. Ils évoluent tout au long de l’année selon les diverses prises de conscience, selon les avancées, régressions, progrès, difficultés sur le chemin de l’autonomie et selon le degré de responsabilisation face aux apprentissages.
 
Il est 9h.
Chacun inscrit sur son cahier du jour l’heure, puis l’activité qu’il a décidé de faire.
Lucie et Louise (CE2) travaillent ensemble sur le brevet des mots contraires.
Jordi (CM2) écrit un texte libre sur son cahier d’aventure.
Benjamin M. (CM1) et Benjamin T. (CM2) ont décidé de finir leur recherche car elle doit être terminée cette semaine.
Etienne (CM1) aide Émilie sur un travail de lecture.
Ludivine (CM2) vient me voir pour me demander à passer un brevet. Elle s’isole et se met à travailler.
Aziza (CE2), Lucie (CM2) et Marjorie (CM1) préparent le « Super, c’est samedi » (moment de communication dans lequel tous les enfants de l’école sont rassemblés : présentations diverses de chants, musique, théâtre, poésies, recherches...). Elles sortent pour faire le tour des classes afin d’établir un ordre du jour.
 
Ainsi, chacun se met au travail... On se rend compte qu’un certain nombre d’enfants travaillent seuls, d’autres à deux et d’autres encore en petit groupe. La durée de l’activité peut être longue, mais aussi courte dans le cadre d’une aide ou d’un dépannage par exemple.
 
Il est 9 h 30.
Lucie et Louise ont terminé leur travail sur le brevet. Elles semblent avoir compris, elles se sont entraînées et ont réussi le test. Louise est, depuis, partie lire en BCD... tiens, avec Lucie d’ailleurs!
Jordi est toujours sur son texte, il a été entre-temps beaucoup sollicité pour l’aide.
Benjamin M. et T. sont toujours sur leur recherche. Ils n’auront pas le temps de la finir, mais ils ont prévu de la mettre au propre durant le temps de projet de l’après-midi.
Émilie, maintenant, travaille sur les opérations et se heurtent à quelques difficultés avec les retenues. Elle sollicite encore de nombreuses aides.
Jan recopie un texte pour le journal et Raphaël est rendu à l’ordinateur pour se familiariser avec le clavier.
Ludivine a réussi son brevet, elle l’a donc collé dans son cahier du jour et a pointé sa nouvelle réussite sur son livret de formation. En ce moment, elle tente d’aider Hermann (CE2) (car elle est sa tutrice), mais semble avoir des difficultés car elle ne paraît pas être beaucoup écoutée.
Lucie met au propre l’affiche pour le « Super c’est samedi ». Marjorie termine la lettre pour sa correspondante et Aziza corrige son dernier texte.
 
Et pendant ce temps là, qu’est-ce que je fais ?
Je suis intervenu dans la perte de temps de certains et j’ai donc pressé le rythme.
J’ai aidé Émilie qui ne savait plus comment se débrouiller de ses opérations, malgré les nombreuses aides sollicitées.
J’ai corrigé des brevets, des tests d’opérations. Beaucoup d’outils sont auto-correctifs, mais pas tous.
Je suis intervenu dans des groupes, quand je sentais la perte de temps ou la baisse de motivation de certains.
J’ai circulé dans la classe pour jeter un coup d’oeil sur les cahiers.
 
Les interactions sont incessantes dans une classe de cycle. Elles permettent d’utiliser les compétences de chacun et de mettre chacun dans un état de confiance envers les autres et envers l’adulte.
François Le Ménahèze,
école A.-Guépin, Nantes (44)
Article paru dans le dossier du Nouvel Éducateur n°94, « Les classes à cours multiples, où en est-on ? »