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La vraie réforme de l'orthographe

Dans :  Français › Orthographe › 
Mars 2011
" Les mots ont un visage et une âme "

Le fait nous est intolérable, mais il convient de

l'assumer : l'orthographe reste un facteur majeur dans notre société culturelle et économique ; loin de l'amoindrir, l'informatique en fait un courant impérieux. Jean LE GAL a dit qu'il nous faut, sur ce plan aussi, hisser les enfants du peuple au niveau de leurs condisciples.
 
Et voilà une réforme dont il importe de tenir, de rendre compte. Certains auraient souhaité une révolution, une orthographe " fonétic ", un alignement strict de la graphie sur la prononciation. Mais quelle prononciation ? Celle de Haïti ou de Tahiti ? Celle de Paris sans doute ! Et de répondre, suivant l'humeur : " Voui, M'sieur " ou " Chépas " ! D’ailleurs untel boul(e)versement nous priverait de ce trait heureux de notre langue : la différenciation graphique des homophones. Comment parvenir à une communication, à une compréhension si (l'écrivain ne faisant plus l'effort nécessaire pour économiser celui du lecteur) les graphies sont unifiées. (sin sin sin de corps et d'esprit avaient le sin du sin du sin Père ?)
Au reste, on ne nous a pas laissé le choix (1)
Point positif : l'éviction de quelques anomalies : ainsi se trouve renforcée la cohérence des familles de mots.
Désormais nous écrirons : « BOURSOUFFLER » « CHARRIOT » " chausse-trappe ", " imbécilité ",Mais aussi, plus simplement en respectant la prononciation : " assoir ", " chamelier ", " dentelière ", " douçâtre ", " bestiole ", " interpeler ", " ognon ", " relai ». " quincailler "- Même souci dans le pluriel des " mots empruntés " (à l'étranger ): les " scénarios ".                                          .
Le problème devient plus complexe avec les mots composés- Le trait d'union est supprimé dans les mots composés d'un verbe et d'un nom : un " couvrepied ", un " fourretout ", un " portemanteau " (pluriel : des couvrepieds, des fourretouts). On écrit également des " millefeuilles ", des " platebandes ". En revanche, le trait d'union est étendu au delà de cent, à tous les nombres : " quatre-vingt-trois ". Nous le retrouverons dans " le{s) pèse-lettre(s) ", " le(s) cure-dent(s) ", " les prie-Dieu " (sans x).
Le tréma (qui fait prononcer la lettre "trématisée": aigüe", cigüe") est étendu logiquement à gageüre, mangeüre.
 
Pour les accents, quelques remises en ordre. L’accent est rétabli là où il avait disparu (asséner, sèneçon) et il est modifié selon la prononciation (allègement, cèleri, crèmerie, évènement, sècheresse (2). II est créé sur les mots oralement, accentués d'origine latine (média, mémento, référendum, véto) ou étrangère (révolver). On écrira comme il se doit : " j'allègerai ", " je cèderai ". Plus étonnante est la réforme de l'accentuation des verbes en "-eler" et " eter ". Jusqu'ici le "l» et le "t" doublaient sauf pour " geler ", " peler ", " acheter ". Dès lors, ce sont ces verbes qui font la loi : " il ruissèle ", " il étiquète"  (toutefois : "il rappelle ", " iljette ").

Même complexité pour  l'accent circonflexe- Il disparait (d'abord dans " disparaître ") presque partout. (la voute) pour les voyelles "i" et "u", sauf dans deux cas : les formes verbales des 1 et 2 personnes du pluriel du passé simple (nous écrivîmes) ainsi que la 3° personne du singulier de l'imparfait et du plus que parfait du subjonctif (qu'il mourût, il eût aimé) ; les cas où l'accent signifiait la différenciation d'homophones (dû, jeûne, mûr, sûr), ce qui est de bon sens. D'où l' " abime " (y a plus de chapeau), la " piqure " ou le " traitre ", mais aussi les adverbes terminés par «ument" qui s'écriront (congrument) sans accent.

Tout cela ne rend que plus singulier cette note des auteurs de la réforme : " Les personnes qui ont déjà la maitrise (sans accent) de l'orthographe ancienne pourront, naturellement, ne pas suivre cette nouvelle norme." Type de démocratie pédagogique : si nous comprenons ce qu'écrire veut dire, les nantis n'auraient aucune dépense à faire.

La réforme, en tout cas, ne répond que modestement à la demande de M. le Premier Ministre. Quant aux participes passés " pronominaux ", il est simplement dit que " laissé " s'alignant sur " lait " reste invariable devant un infinitif (elle s'est laissé mourir) . Nous laisserons donc aux disputes des grammairiens le soin de résoudre les énigmes fréquentes dans la forme pronominale.

Nous ne sommes pas sûr d'avoir tout dit sur la réforme. Mais pour nous, elle détourne, en fait, du vrai problème: celui du comment? de la manière (plus que de la matière) donc des responsabilités propres aux enseignants.
Car nous pensons que l'orthographe est enseignée à partir de moyens ineptes ou inutiles.
Inepte, l'assimilation faite entre l'orthographe et la dictée: celle-ci est une excellente épreuve de contrôle terminal. C'est. un désastreux exercice d'acquisition: on ne peut ni isoler la difficulté à surmonter, ni progresser logiquement, ni réviser méthodiquement. L'institution (car c'en est une) est (lugubrementdramatisée) un instrument de sélection d'autant plus atroce qu'il est négatif, fondé sur l'examen, non des graphies correctes, mais des "fautes": avec 90 réponses "bonnes"sur 100 possibles, l'élève obtient zéro pointé en orthographe et: l8/20 dans une autre matière. Il peut à ce niveau progresser et combler la moitié de ses erreurs, il aura toujours zéro. Abattoir mérite de s'écrire avec 2 t.
Les règles, telles quelles sont traditionnellement administrées, restent artificielles, compliquées, imposées,-, du dehors, donc si étrangères à l'esprit de l'enfant que, les sachant par coeur, il oublie de !es appliquer au moment opportun.
Or, si nos amis lecteurs s'intéressent à ce problème, nous pouvons leur montrer que la langue française n'est: pas un monstre arbitrairement conçu. Elle est régulée par des conventions établies qui couvrent 95% de la grammaire et 90% du vocabulaire. Ces règles (traits propres aux voyelles mais aussi aux consonnes, aux syllabes et aux accents, aux affixes et aux mots-clés des familles, caractères tenant au vocabulaire d'origine populaire ou d'origine savante, règles d'accord, finales des verbes par- personne (3), formules de mutation (mettre au féminin un masculin douteux, au pluriel un singulier... il est: un corpus logique, qui s'explique historiquement ...
Et que l'on peut enseigner expérimentalement en quelque sorte.
Simple exemple: les 1300 noms terminés (sauf 2) par -ation.
Prenez un dictionnaire (4)! Trouvez 20 noms terminés par le son -ation (ou -assion)  Comment se terminent-ils?
- Tous par -ation
- Bien, vous en trouverez à chaque page. Il y en a 1300. Trouvez la règle ..."1300 mots terminés par le son ation s'écrivent -ation sauf "passion" et `'compassion". Je vais vous expliquer pourquoi. Comme la vieille langue apportée en Gaule par les soldats romains manquait de mots, à partir du XII siècle les savants, qui connaissaient le latin des écoles, fabriquèrent les termes dont ils avaient besoin au plus près des mots latins qui convenaient: natio, - nation. Et ils continuent encore de nos jours. Mais quand ils imaginèrent ces créations, cesfabrications, ces élaborations, il existait déjà le mot passion pour désigner la mort de Jésus-Christ. Et ils n'ont pas osé changer ce mot religieux... Recopiez la règle (n x) sur votre carnet d'orthographe, mettez la date ...
et d'interroger !es élèves le lendemain, la semaine d'après, sur l'ardoise ou avec des petits cartons.
 
Que conclure? Que l'annexion de la langue écrite est à la responsabilité de chaque maître, de chaque professeur, l'orthographe du mot (son visage) accompagne sa compréhension: que cette annexion peut: être enjouée, vivante, considérée comme un enchantement -et on sait le contentement du jeune enfant apprenant un mot nouveau. C’est une discipline à rénover à partir de deux conditions: qu'elle devienne rationnelle et qu'elle s'appuie sur une lecture consciente et, sur une écriture rapide et lisible.
 
(1)    J.O, 100, Décembre 1990 «les rectifications de l’orthographe»
(2)    Nous ne faisons que suggérer la mutation sur «avoir».
«les rois se sont succédé»(?) Les rois ont succédé à qui? pas de complément direct, pas d’accord; «ils se sont craint (?), qui? eux! c’est-à-dire se place avant donc accord: craints. C’est ce que nous nommons la règle des 3 AV, Avec, Avoir, Accord si AVant un COD
(3)    Un million de terminaisons verbales ramenées à une page et dix «leçons» dont une sur les verbes en «-dre». Nous = «s», toujours: «-nt» = terminaison du pluriel (toujours); vous = «ez» (son é) ou «-tes» (son t)
(4)    Il est dommage que chaque classe n’ait pas un dictionnaire de rimes
 
 
Courrier des lecteurs
Dans le dernier N° de French Cancan, je relève dans le très intéressant article de Michel Bonnetier concernant- la grammaire:
"Dans l'expression "accord sujet-verbe", on mélange deux grammaticales. sujet, fonction et verbe, classe de mot".
Je me permets de ne pas être d'accord avec cette affirmation. En effet, le verbe est à la fois une classe de mots et une fonction. Le verbe n'a pas toujours la fonction verbe mais parfois celle de sujet ("souffler n'est pas jouer") ou complément ("J'aimerais bien lui plaire").
Par contre, il y a une chose que l'on ne met pas assez en valeur à mon sens, c'est que le verbe s'accorde non seulement avec le sujet mais aussi avec le temps de la phrase où il est employé.
Christian Montcriol
 
 
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