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De l’idée de compensation culturelle à celle d’attelage éducatif

Juin 1992

Ecole et quartiers défavorisés

De l’idée de compensation culturelle à celle d’attelage éducatif

 
Compte rendu d’un travail de dix années autour de la revalorisation des parents en tant qu’acteurs responsables dans l’éducation de leurs enfants
 
C'est l'historique du travail réalisé depuis dix ans autour de la petite enfance dans un quartier défavorisé (cité de transit, HLM).
 
C'est un travail autour de la revalorisation des parents en tant qu'acteurs responsables dans l'éducation de leurs enfants. Ouverture des institutions éducatives et participatives des parents (écoles maternelles, haltes garderies...).
 
Louisette Guibert est inspectrice de l'Éducation nationale dans une circonscription du nord de Nantes. C'est un quartier de 40 000 habitants dont 15 000 sont en grande difficulté sociale La Proportion d'immigrés est de 15 %. Il est à noter que ceux-ci ne constituent pas la population la plus fragilisée. Dans ce quartier se trouve une cité de transit où séjournent entre autres des Tsiganes sédentarisés ; il présente un fort taux de délinquance.
 
En 1979, Louisette Guibert est entrée dans l'Association de prévention de la délinquance constituée sur le quartier. Celle-ci a cherché à connaître les raisons de cette délinquance. Elle a remarqué que les jeunes délinquants présentaient tous un parcours scolaire cahotique débouchant sur l'échec social : classe de perfectionnement, SES voire IME... On s'est rendu compte aussi que ces jeunes étaient repérés en difficulté dès l'école maternelle. On en a conclu dans un premier temps que, pour agir sur la délinquance, il fallait travailler sur l'école maternelle et sur l'école primaire. Qu'il fallait même travailler avant l'école, car ces enfants fréquentaient peu l'école maternelle et s'absentaient souvent de l'école primaire.
 
Quatre types d’actions entreprises au fil des ans
 
Une première investigation a été conduite pour savoir pourquoi les enseignants avaient, dès la maternelle, un pronostic très négatif par rapport à la réussite scolaire des enfants de ce quartier.
 
Deux enquêtes parallèles ont été conduites : l'une par un instituteur pour connaître l'histoire de la vie de chaque enseignant, l'autre par un éducateur de rue pour connaître l'histoire de la vie de chaque famille. Le but était de changer le regard des enseignants sur les familles et celui des familles sur les enseignants.
 
Une deuxième action a été entreprise à partir de l'opinion des ensei gnants qui disaient que les enfants étaient en échec scolaire car ils manquaient de stimulation. Une institutrice déchargée de classe a donc effectué une démarche auprès des familles pour stimuler les enfants en leur apportant des livres et des jeux et en leur montrant éventuellement comment les utiliser. Cette expérience, bien acceptée par les familles, a duré un an mais elle s'est révélée insuffisante dans la mesure où la fréquentation de l'école et la réussite des élèves ne se sont pas significativement améliorées.
 
On s'est alors rendu compte que c'était plus l'hostilité à l'institution éducative que le manque de stimulations qui occasionnait l'échec de cesjeunes.
 
La troisième action entreprise fut alors la création d'un lieu pour la préparation à l'école maternelle : une petite maison de la cité de transit « gérée » par une institutrice détachée et une éducatrice de la PMI. Cette maison servait de lieu d'accueil et de regroupement pour les enfants et leurs parents (les mères essentiellement). Elle était ouverte tous les soirs à l'accueil des enfants de moins de cinq ans. On y privilégiait le rapport au savoir lire-écrire-compter. On a créé un lien avec l'école maternelle: deux fois par semaine, la petite section se déplaçait dans la maison de la cité de transit pour y participer à des ateliers enfants et parents regroupés là.
 
Ceci constituait une transition entre le milieu familial et l'institution scolaire ; c'était un lieu non institutionnalisé où l'on venait librement. Cela n'aida pas non plus les parents à venir à l'école. Ils se sentaient jugés négativement par l'école en tant que parents d'autant que complètement démarqués de l'école, ils n'avaient que leurs souvenirs, souvent négatifs, pour comprendre ce qui s'y passait. Il en résulta des rapports conflictuels entre les parents et l'école.
 
Des enfants de la cité de transit, testés systématiquement, ont montré des capacités intellectuelles tout à fait satisfaisantes, mais souvent démarquées des contenus scolaires.
 
Une quatrième action est envisagée. Il s'agit cette fois de travailler au sein de l'école avec les parents. Ainsi, dans toute la circonscription, l'école maternelle s'est ouverte pour montrer aux parents ce qui s'y faisait. Pendant la première semaine de classe, les parents étaient accueillis avec leurs enfants s'ils le désiraient. Cela s'est encore révélé insatisfaisant : les parents les plus défavorisés ne restaient pas. Ils ne savaient pas quoi faire dans l'école, n'y trouvaient pas leur place.
 
Une activité obligatoire fut donc envisagée pour les parents accompagnant leur enfant : il s'agissait de tâches d'aide à l'enfant (enlever ses chaussures, l'inscrire à la cantine...). Cette activité obligatoire était suivie de jeux facultatifs. Le but était de faire comprendre à l'enfant que l'école et la famille travaillaient dans le même sens.
 
 
L’attelage éducatif
 
L'attelage éducatif consiste dans le fait que les parents et l'école travaillent dans le même sens (même s'ils ne sont pas d'accord) et, d'autre part, que les enseignants comprennent où en sont les parents dans leurs processus éducatifs. Dans ce but, les enseignants privilégient la communication individuelle fréquente avec les parents.
 
Autres activités dans la maternelle Les deux institutrices des classes d'adaptation rattachées à l'école maternelle organisent un groupe de langage le samedi matin pour les enfants en difficulté en présence (facultative) des parents. Ceux-ci y viennent. Pendant cette séance, des jeux sont organisés avec les parents et les enfants pour montrer comment favoriser l'évolution des enfants.
 
Les haltes garderies
Parallèlement à tout ce travail, depuis cinq ou six ans, un important travail a été réalisé sur les quatre haltes garderies en considérant celles-ci comme des possibilités de passage entre la famille et l'école maternelle.
 
Un groupe de réflexion s'est mis en place. Il est constitué d'institutrices de petites et moyennes sections, d'institutrices de classes d'adaptation, de monitrices de haltes garderies, de personnel de la crèche, du médecin de la PMI, d'ASEM de petites sections et de parents. Le but de ce groupe est le décloisonnement institutionnel.
 
D'autres actions encore
Les directrices d'écoles rriaternelles vont présenter des documents vidéo sur l'école maternelle aux parents dans le cadre de la PMI. Une éducatrice de quartier fait le même travail directement auprès des familles.
Dans les classes maternelles les ASEM sont associées au travail des enseignantes, elles prennent en charge des ateliers, elles ont participé à un stage de formation à l'Ecole normale sur l'accueil des enfants de deux ans. Elles constituent souvent un bon relais entre l'école et les parents.
 
Au bout de dix ans de travail et de réflexion, bien qu'aucune quantification précise n'ait été réalisée, nous sommes cependant en mesure de montrer combien la delinquance des adolescents est liée au jugement négatif des institutions sur les parents… et réciproquement. Dans ces conditions, les jeunes ne peuvent s'identifier aux acteurs éducatifs. Il convient donc de revaloriser les parents et les institutions éducatives les uns aux yeux des autres. Ceci entraînant une considération réciproque et une intégration plus positive des enfants dans le système scolaire.
 
Il convient de mettre l'accent sur la mise en oeuvre de la synergie des différents acteurs intervenant sur la population avec la participation active de celle-ci.
 
Compte rendu de Michel Albert
 
 
 
UN JOUR D'ÉCOLE
 
Lundi, huit heures au soleil
trente et un dans la classe.
L'interrogation, la feuille
blanche comme l'interminable
chemin et puis des lignes
autant d'embûches au savoir.
Et puis l'envol de main en main
vers l'incroyable chiffr, le seul
l'unique, le plusieurs, la fraction,
le multi.
Et puis la sonnerie de ma liberté.
Un miracle passe dans ma tête
polluée d'idées, d'avenir.
Après les barbelés de ma certitude
le rouge des lèvres, les plissures
d'un sourire, c'est elle : l'espérance.
 
 
Emmanuel, 2e
Lycée de Font-Romeu