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Ne dites pas à ...... que je suis nulle en orthographe, je l'enseigne

Mars 2011
.... à qui en fait ? les élèves ? les parents ? le ministre ?
 
Non, ne cherchez pas de fautes dans cet article, je sais me relire et utiliser les possibilités d'un traitement de textes ! mais ... je n'ose montrer à mes élèves (de la 6° à la 1°) mes résultats à la dictée de PIVOT, et il m'arrive d'oublier accents ou accords au tableau. De cela, je n'ai nulle honte ; après tout :
l. MÉRIMÉE avait conçu son texte comme jeu pour une société choisie. La télévision donne une autre audience à PIVOT sans changer l'objectif premier : multiplier les exceptions dans un texte artificiel rend hommage à l'invention des auteurs du texte et à la mémoire des participants, pas aux capacités d'ex­ression écrite.
2. Le nez sur le tableau et une oreille à l'écoute, je ne domine pas toujours l'ensemble de mes phrases.
 
Mais de mon rôle de professeur de Français dans ce domaine précis, oui, j'ai parfois honte. L'orthographe sert de critère de sélection partout et à tous les niveaux et chacun le sait, alors :
quelles en sont les conséquences sur l'esprit des jeunes ?
est-ce vraiment justifié ?
cela correspond-il au véritable rôle de l'orthographe ?
                 sa pédagogie est-elle à la hauteur de son importance sociale ?
... quelques questions qui me semblent fondamentales, j'en laisse de côté encore plus, tout aussi primordiales, et bien entendu je les formule parce qu'elles restent pour moi des interrogations sans réponse.
Quelques situations vécues :
1} l'élève de 5ième auprès duquel je pique une grande colère vers le mois de Mars (depuis un an et demi, il me rend des rédactions de 4 pages, pleines d'invention, mais sans un signe de ponctuation et j'ai essayé toutes mes idées -surtout l'expérience de la communication vraie- pour lui " apprendre " les règles de base et qui me dit : " Ah ... parce qu'il faut mettre la ponctuation dans les rédactions ? "
2} la petite élève de 6iéme, une semaine après la rentrée, quand j'effectue le sondage autour des activités possibles (correspondance, journal, informatique ...) qui me dit : " Madame, vous n'avez pas mis la dictée sur la liste."
3) les parents : " vous verrez, elle est mauvaise en orthographe, c'est normal, elle ne lit jamais de romans "
4) les collègues en conseil de classe de fin de 3ième : " Le passage en Seconde, avec son orthographe, pas question ! Comment, toi, peux-tu y être favorable ? »
J'ai choisi, résumé, mais rien déformé. Et hélas nous les avons tous et toutes connues, ces situations, au point que le témoignage devient cliché.
Ajoutons encore que, dans le Second Degré, la notion d'apprentissage de l'orthographe ne nous concerne pas, Nos élèves ou en ont acquis le sens d'entrée ou se préparent à entamer leur sixième (au mieux) année d'échec.
 
Comment faire dans ces conditions pour lutter contre la résignation et/ou dédramatiser, amener à prendre conscience des fausses représentations, introduire des techniques efficaces pour mobiliser les connaissances ....tout en appliquant les normes officielles d'évaluation ?
C'est qu'une réflexion pédagogique organisée et une politique de formation nous manquent cruellement.
Faute de savoir mettre en place une démarche pédagogique, je pratique quelques techniques ciblées, en rapport avec les principes qui me touchent le plus :
* l'orthographe n'est pas la dictée, mais un moyen de communication,
* on peut toujours progresser,
Donc...
1) réapprendre à VOIR ce que l’on écrit : par l'utilisation de l'outil informatique (distance et décomposition des mots), la calligraphie, la variation des supports, l'emploi de gros feutres. J'essaie de conseiller- à chacun la technique qui lui convient le mieux, c'est ça la personnalisation .... mais j'exige de tous qu'ils présentent convenablement copies et feuilles de classeur et qu'ils forment les lettres (je refuse de jouer aux devinettes avec des mots vaguement gribouillés)
 
2) éviter- d'enrichir son quota d'erreurs : autrement dit APPRENDRE JUSTE les mots nouveaux. On travaille donc sur les types de mémorisation (voir La Garanderie) avec mise en place d'un contrat.
Chaque semaine, chaque élève doit trouver (dans les documents scolaires ou ses lectures personnelles) un nombre défini de mots qu'il ne savait pas écrire et s'engager à les apprendre. Il s'agit d'orthographe d'usage, et il faut retenir la forme de base.
Les mots sont écrits à deux endroits : le plan de travail qui reste dans la classe et une partie spécifique du classeur, avec la date.
J'organise régulièrement des contrôles personnalisés.
3) se confronter aux autres :
* en s'entraînant à repérer et corriger les erreurs sur les écrits des camarades. Si les élèves savaient VOIR leurs fautes, ils les corrigeraient ; sur un texte qui leur est étranger, c'est plus facile. De plus l'échange et le travail en groupe permettent les déclics de la discussion.
            * en se posant des questions, en cherchant, par respect envers les correspondants.
4) éviter à tout prix le " zéro " en dictée (il faut bien en faire une de temps en temps) par l'emploi de grilles d'évaluation différenciées et la prise en compte des progrès,
et parallèlement, faire de l'orthographe un critère d'évaluation minime mais permanent, présent dans tous les écrits.
5) travailler l'attention : tout ce qui est recopié doit l'être parfaitement. Je fais preuve d'une extrême exigence sur ce point, en relevant régulièrement les classeurs, avec notation rigoureuse. Ce point rejoint en fait le premier.
6} et la lecture dont parlent les parents dans tout ça ? J'essaie d'expliquer aux parents comme aux enfants qu'il est normal de lire pour l'histoire, pas pour la forme des mots ou les accords. Je ne demande quelques lignes de lecture pour l'orthographe (en faisant jouer l'observation et la déduction) qu'à ceux qui aiment lire, et j'essaie de convaincre les parents de ne pas se livrer à la lecture obligatoire et la dictée hebdomadaire pour compenser les lacunes de mon enseignement.
El, j'aimerais bien apprendre des processus pour lutter contre les classiques fautes grammaticales : " les montagnent, ... ils son tristent, ... je joues, ...." et toutes les autres.
Marjolaine BILLEBAULT