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Les Dossiers Pédagogiques de l'Educateur n° 30-31 : Cinéma et télévision

Mars 1968

Les dossiers pédagogiques de l’Educateur n°30-31

du 1er mars 1968

Cinéma et télévision

L’emploi des moyens audiovosuels

Par Pierre Guérin et la commission

des « Techniques Sonores » de l’ICEM

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L’EMPLOI DES MOYENS AUDIOVISUELS

1 - GÉNÉRALITÉS

I - Techniques et moyens

par P. Guérin

A « Moyens audiovisuels », expression utilisée depuis une vingtaine d’années, nous avons toujours préféré « Techniques audiovisuelles » pour bien montrer que nous désirions une participation active des enfants s’exprimant à travers elles: l’enfant enregistre, photographie, filme, participe à une radiodiffusion et une télévision à sa mesure. La zone vraiment éducative de l’audiovisuel est atteinte seulement à ce prix. L’enfant peut facilement s’habituer à utiliser ces moyens d’expression. Il s’y consacre avec ferveur, apprécie à leur juste valeur le pouvoir des machines et ces techniques perdent leur caractère mystérieux, elles sont démystifiées.

Parmi l’arsenal des machines, une classification s’impose encore.

1) D’une part nous utilisons des appareils : électrophones, téléviseurs, récepteurs de radio, projecteurs cinématographiques qui diffusent mécaniquement un contenu préétabli devant convenir à des milieux scolaires les plus divers qui écoutent, voient et en principe ensuite doivent exploiter.

2) D’autre part, nous pouvons employer certaines machines qui sont avant tout des outil : magnétophones, appareils photographiques et qui permettent à l’enfant de s’exprimer, de créer.

C’est d’abord à eux que vont nos préférences puisqu’il est encore bien difficile d’utiliser la caméra et le circuit fermé de télévision. L’emploi de l’enregistrement magnétique et de la photographie est à la portée de l’enseignant, techniquement et financièrement parlant ; et nous pouvons affirmer que notre apport en ce domaine a été déterminant puisque nos réalisations rencontrent l’approbation de tous les milieux: celui des enfants, celui des enseignants, (le service des moyens sonores de l’Institut Pédagogique National répercute nos résultats dans son travail d’information) et aussi celui du grand public : plus de 180 émissions de l’O.R.T.F. ont donné les échos de la pratique par les enfants de la technique du son enregistré (environ une fois par mois l’émission de jean Thévenot « Aux quatre vents » - Intervariétés A.M. et F.M. samedi 23 h - 23 h 20 est consacrée aux scolaires).

Nous avons maintes fois précisé notre position en face de l’audiovisuel, notamment dans la B.E.M. 18-19 « Les Techniques audiovisuelles » par C. Freinet. L’an passé aussi dans le dossier n° 21 nous avons étudié les « B.T. Sonores », encyclopédie audiovisuelle enfantine, leurs buts, les pistes d’exploitation qu’elles offrent et aussi la façon dont elles naissent. Nous essayons de montrer ce que la pratique d’une technique audiovisuelle par les enfants - l’enregistrement magnétique - peut apporter de décisif dans la conception de la documentation audiovisuelle.

Le fond de notre pensée est que, en fait, on est d’autant bon utilisateur de l’audiovisuel qu’on a été un peu producteur, c’est-à-dire dans l’état de l’évolution actuelle, lorsque les classes se sont essayées aux « Techniques Sonores » mais ça, c’est une tout autre aventure...

Le téléviseur existe dans de nombreuses classes, les projecteurs de cinéma également ; c’est pourquoi nous avons cru bon d’apporter quelques réflexions sur l’emploi de ces machines qui ne restent encore que « des moyens audiovisuels » mais qui nous concernent de plus en plus. Notre dossier n’a point la prétention de faire une étude exhaustive, simplement il essaie de faire le point sur le « possible » du moment.

2 - L’illusion de la modernisation de l’école

par la seule introduction des moyens audiovisuels

Malgré les efforts de tous ceux qui, aux divers échelons de la hiérarchie, s’ingénient à faire évoluer l’école, la marche semble bien lente. On a nettement l’impression de sentir des officiels, conscients de la nécessité de la transformation, s’époumoner en vain pour modifier la route du vaisseau. Si maintenant il existe des textes, des instructions officialisant en grande partie l’orientation que Freinet a mise en lumière et rendue effective dans des milliers de classes, ce n’est pas pour autant qu’elle est répercutée correctement dans l’ensemble des enseignants.

Il serait intéressant de rechercher pourquoi. Je n’avancerai que quelques hypothèses, sans entrer dans le détail.

1) D’une part, le monde moderne évolue à une rapidité prodigieuse et l’accélération des transformations est un phénomène nettement perceptible partout dans l’industrie, en agriculture, dans les moyens de transports, la connaissance du monde et de l’homme, les moyens d’information (dont les moyens audiovisuels).

On assiste à une modification des structures, à des regroupements, des concentrations dans les domaines industriels et commerciaux ; la collaboration, la coopération, même entre concurrents, devient une nécessité. L’activité professionnelle s’exerce de plus en plus au sein d’équipes de collaborateurs dont on exige qualité et rapidité de l’exécution, précision, efficacité.

Chaque acte de l’homme dans la vie moderne devient à la fois plus complexe et nécessite un sens plus aigu de la responsabilité et de la solidarité: conduire une automobile sur une route par exemple.

Dans l’industrie, en agriculture, dans la vie quotidienne, les machines, les locaux qui permettent la plus grande efficience sont construits. Les cadres et ouvriers sont recyclés périodiquement.

2) Si tout est soigneusement étudié pour fabriquer des casseroles ou des automobiles ou des bas nylon, on est forcé de constater d’autre part qu’en ce qui concerne notre secteur, le bilan de modernisation est extrêmement maigre.

- Les structures de l’école et la situation administrative de l’enseignant ne permettent pas l’application rapide des options généreuses proposées par des cadres supérieurs avertis (état de dépendance quasi féodal pour son traitement, les «bons points», promotions au choix, maintenant le corps des Directeurs « agréés » etc.)

- Les locaux scolaires et le matériel mis à la disposition ne sont absolument pas ceux qui seraient nécessaires à une modernisation de l’enseignement.

- Avec le sous-équipement de l’école, il faut bien parler aussi de la sous information dans laquelle se trouvent tous les maîtres, et c’est bien là l’essentiel, ce qui passe encore avant le matériel.

D’abord la formation de l’éducateur est bien incomplète, tant en ce qui concerne les sciences humaines que la connaissance du monde qui l’entoure et pour lequel il prépare ses élèves.

Ensuite, l’isolement complet dans lequel il se trouve placé au cours de sa carrière, l’absence de stages de recyclage, (certains passent leur carrière sans jamais voir oeuvrer un seul collègue), tout cela contribue à un profond décalage entre les tâches qu’on est en droit d’attendre de lui et les moyens qu’il a à sa disposition.

Les enseignants qui luttent pour tenter de combler ce hiatus - et ils sont plus nombreux qu’on croit - abdiquent malheureusement souvent trop rapidement, broyés par les structures administratives et la tâche importante qui leur incombe s’ils veulent forcer l’évolution. Seuls surnagent ceux qui savent s’organiser pour oeuvrer coopérativement.

3) Il est bien certain que ce retard de l’école n’échappe à personne, aussi certains sont très normalement tentés d’essayer d’accélérer l’évolution en utilisant les moyens audiovisuels, surtout la télévision dont ils ont ressenti la force de frappe.

La télévision est devenue dans nos villes un merveilleux pédagogue à domicile et tellement pratique ! Si les enfants s’excitent, ne savent que faire, irritent les adultes : père, mère, concierge, parce qu’ils sont 85 dans l’escalier, sans aire de jeu pour s’ébattre (au prix du terrain en ville on ne peut penser aux enfants !), il existe un remède à tous ces maux : mettez-les devant la télé !

Une simple enquête permet, je crois, de nous rendre compte de l’emprise de « l’école parallèle » sur l’enfant et de réfléchir à ses conséquences : certains vont jusqu’à parler d’une modification de la mentalité. Voici les résultats d’un sondage effectué dans une ville de 100000 habitants, écoles de milieu populaire surtout.

Enfants de 11 à 14 ans les 9/10e ont la TV- saison d’hiver :

Durée de présence devant le poste chaque soir de la semaine en moyenne :
1 heure. 60%
2 heures: 30%
3 heures. 5%
Jusqu’à télé minuit pas tous les soirs : 5%
Le dimanche : 3 heures. 5%
De midi à 20 heures : 40% environ.
De midi à 22 heures : 55%.

Enfants de 7 à 11 ans, 8 sur 10 ont la TV.

Chaque soir :
Jamais : 30%
1 heure : 30%
2 heures : 20%.
Pas tous les soirs : 20.
Le dimanche :
1 heure à 2 heures : 20%
3 heures : 10%
De midi à 20 heures : 25%
De midi à 22 heures : 45%

Programmes préférés : feuilletons, westerns, films du soir (60% des grands préfèrent les films ou spectacles pour adultes avec carré blanc).

Ce sondage est seulement indicatif mais les pourcentages étaient extrêmement voisins d’une école à l’autre et je me demande s’ils ne représentent pas une situation très fréquente.

Les enfants sont extrêmement sensibles au dynamisme de la Télévision ; sensibles, c’est-à-dire également fragiles et les situations réelles ou imaginaires dont ils deviennent les témoins laissent des traces profondes.

Quelques exemple : réflexions entendues au cours de la journée dans le vestiaire entre enfants de 13 à 14 ans.

- Hier soir c’était un film de guerre. Y avait un gars qui se faisait écraser par un char, il hurlait, je l’ai entendu gueuler toute la nuit.

- C’était un film avec... oh ! les cuisses qu’elle a la pépée !...

A la maternelle, les jeunes enfants témoins des luttes raciales réagissent intensément et c’est avec une tension extrême parfaitement perceptible à l’écoute de l’enregistrement de leurs réflexions qu’ils adressent au « téléviseur », à ceux qui, quelque part, leur ont envoyé les images.

- Vous savez, faut plus le faire parce que ceux qui font cela on les appelle des criminels.
M. Mais de qui parles-tu ?
-Ceux qui tuent et ceux qui fouettent. Je vais vous dire quelque chose : il faut les faire entrer dans les restaurants, les cinémas. Je vais vous dire quelque chose : les blancs, si vous faites ça encore je téléphone à des policiers.
- Les noirs ils n’attaquent pas ?
M. Parfois, lassés, fatigués d’être fouettés, ils attaquent eux aussi, alors ça n’en finit plus ; les blancs frappent, les noirs frappent, les blancs refrappent, les noirs refrappent.
- Vous avez bien fait les noirs de les attaquer, de les fouetter, de les mitrailler.
M. Mais il faut trouver autre chose pour que ça s’arrête, ça n’en finit pas, c’est la guerre, qu’est-ce qu’il faut faire ?
- Se battre à l’épée !
M. C’est aussi grave, il ne faut pas toujours se battre.
- On dit : « au nom de la loi arrêtez ».
M. S’il veulent bien s’arrêter au nom de la loi ! Qu’est-ce qu’il faut faire ?
- Vous savez, les blancs, que vous les avez battus. Il ne faut plus faire ça, il faut leur serrer la main et leur dire maintenant on est votre camarade.

Recueilli dans
la classe maternelle de C. BERTHELOOT.

Le premier devoir de la maîtresse est d’être présente et de susciter des confidences pour clarifier un peu toutes ces perceptions. Sa présence devant le téléviseur chaque soir ne devient-elle pas un moment nécessaire de sa préparation de classe ?

Si la télévision confronte l’enfant avec les images et les sons qui font revivre les cataclysmes et les violences qui quotidiennement se déchaînent dans le monde, elle apporte aussi des richesses insoupçonnées. Il semble donc facile et rentable de pouvoir apporter à tous les enfants une information avec la force de frappe la meilleure afin qu’ils la perçoivent avec tous leurs sens. Il suffit de fabriquer des programmes de cinéma, de télévision, des séries de diapositives, des disques, établis avec soin par les meilleurs professeurs qui peuvent ainsi formidablement élargir leur auditoire.

On doit s’en réjouir, comme on s’est enthousiasmé pour le livre qui permet à qui sait lire de se pénétrer de l’expérience d’autrui. Mais on peut se demander aussi si le premier objectif de l’éducation consiste essentiellement à percevoir, à analyser et à apprendre l’expérience des autres ?

Dans quelle mesure, comme les manuels scolaires, les moyens audiovisuels ne masquent-ils pas les véritables objectifs de l’éducation?

SUFFIT-IL D’INFORMER POUR FORMER?

Il est incontestable que la vision d’un film sur la grande pêche, le travail des mineurs, la vie en Afrique Noire, au Groenland, ou la fabrication de l’acier, apporte plus qu’un récit du maître sur ces thèmes. Il est certain aussi qu’une analyse, une exploitation des informations reçues s’imposent, qu’il est aussi nécessaire de savoir «lire» une image fugitive sur un écran ou un son diffusé par haut-parleur que d’apprendre à lire l’imprimé.

La perception de l’information audiovisuelle s’effectue surtout à l’échelle d’une collectivité avec une certaine solennité mais il est utile qu’elle soit suivie ou précédée par une perception individuelle dans le livre et la documentation; il n’y a d’ailleurs pas à pousser les enfants pour cela, il est certain que l’audiovisuel ne tue pas la lecture.

On peut particulièrement soigner le travail aux deux bouts de la chaîne. Les qualités de celui qui informe (le producteur) et de celui qui dirige l’analyse et l’exploitation (l’éducateur), sont déterminantes. Le dialogue entre les deux devrait être constant et l’exploitation de la documentation audiovisuelle ne s’improvise pas; on peut, on doit envisager des stages avec cet ordre du jour.

Malgré tous ces soins, bien nécessaires, aura-t-on franchi une étape fondamentale ? Un travail semblable a été fait pour l’utilisation des manuels. Comment le message est-il reçu par les enfants ?

La perception objective d’une information d’un phénomène existe-t-elle ?

La part de celui qui perçoit n’est-elle pas déterminante ? Quel est notre degré de perméabilité au récit de l’expérience d’autrui ? Comment réagissons-nous vis-à-vis de ceux qui veulent nous faire découvrir l’Amérique ? Sommes-nous vraiment toujours sensibles à « leur » expérience ?

Ne faut-il pas que nous découvrions nous-mêmes notre Amérique ?

L’efficacité de l’information dans un domaine, sa contribution à notre enrichissement, ne sont-elles pas surtout fonction de notre expérience directe en ce même domaine ? Si elle est faible, la trace ne reste-t-elle pas très superficielle ?

Enseigner est secondaire, le stade premier du processus éducatif est obligatoirement une action du sujet, une construction sur soi. A l’éducateur de rassembler les conditions qui permettent à l’enfant de se construire.

Ne prenons l’information que pour ce qu’elle vaut.

Il n’est pas, bien sûr, possible, ni nécessaire, de faire tout découvrir à l’enfant, mais l’essentiel de l’éducation plus encore peut-être à notre époque, est avant tout une formation d’esprit, une attitude devant les phénomènes naturels et sociaux. Des instructions officielles déjà anciennes ont insisté sur cette nécessité, mais la tentation du savoir encyclopédique est bien grande et les recommandations ne sont pas toujours mises en pratique.

Nous sommes continuellement sollicités par l’information. Il y a surabondance d’informations... Parce que c’est plus facile, parce que ça va plus vite, on peut être tenté de lui donner la primeur. D’autant plus que les élèves habiles ont bien moins besoin que les autres d’expérimenter par eux-mêmes. On « enseigne », on se contente d’un enseignement centré sur l’analyse : on analyse déjà un texte littéraire, une oeuvre musicale ou picturale, une classique observation, on ajoutera une autre analyse sans faire appel à la créativité, facteur essentiel et déjà réduit à la portion congrue.

La multiplication exagérée des moments de la vie scolaire où l’on a recours aux moyens audiovisuels n’est à notre avis nullement souhaitable et nous devons dénoncer vigoureusement la tendance qui se fait jour de ramener la modernisation de l’école à l’introduction de la télévision, de la radiovision, du cinéma, du seul laboratoire de langues dans toutes les classes.

On peut utiliser tous ces moyens sans qu’il y ait modification profonde de la relation éducative fondamentale maître-élève, en exagérant encore les contrôles d’acquisitions qui sévissent dans presque toutes les classes et qui malmènent tous les enfants. A notre sens, seul l’appel continuel aux facultés créatrices permet une formation valable. Donner à l’enfant un monde d’occasions motivées de créer, d’agir, doit être le premier souci de l’éducateur.

Cette transformation de l’école exige une modification complète du processus éducatif indépendamment de la présence de moyens audiovisuels. Elle suppose une maîtrise de l’éducateur dans l’art :

- d’élaborer une importante partie de son enseignement d’après les apports du milieu et des enfants,
- d’apporter l’indispensable part du maître,
- d’utiliser de nouveaux outils, nouveaux appareils, une nouvelle documentation, etc.,
- d’harmoniser tout cela avec l’ensemble du plan de travail scolaire, le degré d’évolution de ses élèves, etc.

Parmi les travaux scolaires se range alors l’utilisation par les enfants eux-mêmes de techniques audiovisuelles simples (enregistrements sonores magnétiques, photographiques, montages audiovisuels avec diapositives, courts films). C’est la clé qui leur ouvre à la fois la possibilité de dominer la ‘technique et de recevoir au mieux les informations lorsqu’ils sont spectateurs. Ce n’est pas bien difficile et les réalisations de ce genre sont effectives dans de nombreuses classes déjà.

Mises au service de l’expression de l’enfant en nourrissant des activités réelles riches, rattachées à des situations vécues, les techniques audiovisuelles permettent alors ainsi une authentique formation adaptée au monde futur.

3 - L’éducateur doit se sentir concerné par l’audiovisuel

par P. Le Bohec

Freinet avait donné à son mouvement le nom d’École Moderne. Pourquoi ? Parce qu’il voulait signifier que sa pédagogie était toujours à l’heure de l’époque, qu’elle tenait compte des variations du milieu et s’adaptait pour jouer son rôle qui consiste à préparer les enfants à la société future, lorsqu’ils seront adultes.

Sommes-nous toujours bien fidèles à cette pédagogie Freinet ? Sommes-nous suffisamment à l’écoute du monde pour adapter immédiatement notre pédagogie à ses moindres variations ?

Personnellement, non seulement je suis effrayé de mes propres insuffisances, mais je crois pouvoir affirmer que l’on court encore sous bâbord alors qu’il faudrait avoir viré de bord depuis un bon moment. Je pourrais presque préciser cet instant: autour des années 60-63.

Qu’est-ce qu’éduquer ? Pour nous, c’est favoriser le déroulement harmonieux de la trajectoire de chaque enfant à l’intersection de deux milieux : le milieu de nature et le milieu humain. Mais ces milieux eux-mêmes sont en cours d’évolution. Ils suivent aussi leurs trajectoires propres, et elles prennent maintenant une telle accélération qu’on est obligé de se poser de grandes questions. En particulier, celle-ci : « A quoi, maintenant, l’école doit-elle servir ? »

Si j’ai parlé de 60-63 c’est parce que, à cette date, la télévision s’est introduite dans la majorité des foyers français. Vous pensez bien que je ne veux pas faire ici un bilan de ce que peut apporter la télévision. Mais je puis vous proposer de petites réflexions.

Autrefois, l’école était la seule source d’information. Maintenant, chaque minute du petit écran apporte son contingent d’images : volcans, industries, inondations, lune, gens de toutes les couleurs, paysages de tous les horizons, iguanes, dragons et même iguanodons. A quoi bon insister d’ailleurs: tout le monde sait bien maintenant que l’école parallèle (télé, ciné, radio, illustrés, journaux) remplit parfaitement sa fonction... sans l’éducateur !

Il faut donc effectuer la mutation de l’école, qui ne doit plus être uniquement l’école des connaissances, mais d’abord une école de formation d’esprit, d’éducation.

Reparlons de trajectoires. Au train où vont les choses, où en seront la nature et la société en 1980 ? L’avenir est vraiment indéfinissable. On ne peut plus dire en toute sécurité : « Conduis-toi comme ceci ou comme cela et tu auras une belle situation. Toi, mon petit, tu feras math-spé et tu iras à Polytechnique ». Quelles seront les situations ? Quel sera le rôle d’un langage écrit ?

Ne nous affolons pas. Nous ne sommes pas du tout sûrs qu’il n’y aura plus d’orthographe, d’Académie Française et de Polytechnique. Il faut tout de même encore y penser. Mais il faut surtout penser que mille et mille choses deviennent possibles maintenant pour tout le monde et qu’elles ne sont plus réservées à quelques privilégiés.

Ouvrons les yeux. Moi, Guérin me les a ouverts au cours de ses stages. Maintenant, je sais voir le monde sonore. Il existe, il est varié, il est multiple, il est riche à l’infini. Et infinies également sont les combinaisons visuel musique visuel parlé, visuel chanté, visuel audio, etc.

Il faut ouvrir ces mondes aux enfants. Il faut leur donner des clés. Ils ont tout à y découvrir. Ils ont peut-être à y faire leur miel, à y trouver leur pain et leur bonheur quotidiens. Grâce à elles, ils peuvent prendre la tête du peloton: c’est par le sonore et l’oral qu’ils passeront peut-être pour aller jusqu’au bout d’eux-mêmes.

Le monde a changé : de nouveaux matériaux sont apparus sur le marché. Et comme pour chaque matériau qui se trouve en sa possession, l’homme peut en tirer un triple parti.

Ces matériaux nouveaux (l’image animée ou fixe, l’oral et le sonore) peuvent servir de base à des recherches, des investigations d’ordre scientifique. Et déjà, cela suffirait à ouvrir très grand le champ des possibilités.

Mais ces matériaux peuvent surtout servir à la communication. Et justement, il semble, en l’occurrence, qu’ils sont particulièrement appelés à rendre de grands services dans ce domaine: langage parlé, langues étrangères, correspondance par bandes, téléphone, radio-télé, théâtre, poésie. Enfin, ces matériaux peuvent servir de support à une projection psychologique et, en libérant les êtres, permettre un accrochage des connaissances par le biais de l’affectivité.

Dans ce domaine, il y a toutes les créations parlées, le théâtre, les dialogues, la musique, la poésie parlée, le chant, les complaintes, les psalmodies, les litanies qui bercent et favorisent l’affleurement de l’inconscient. Et toutes les combinaisons de ces diverses catégories de l’expression profonde de soi. Et leurs possibilités de s’agglomérer à la danse, à la marche, etc. Et aussi les échanges de bandes magnétiques et les B.T. Sonores (connaissance et affectivité).

Être éducateur, c’est ouvrir les yeux sur le monde. C’est le suivre quand ce n’est pas le précéder. C’est s’emparer de tous les moyens techniques de l’expression libre, c’est favoriser la communication, les échanges pour établir des relations, des correspondances. C’est organiser le travail dans tous les domaines. C’est permettre l’accès à tous les aspects, même contradictoires de la pensée des hommes. C’est favoriser partout la création pour permettre les compensations et -les sublimations.

Le monde audiovisuel doit être aussi le monde de la Pédagogie Freinet. Il nous faut être à l’heure. Il nous faut préparer l’avenir.

II - LE CINÉMA

I - Des efforts dans le passé

Le Pathé-Baby

 par P. Guérin

Freinet parlait souvent du « Pathé Baby» ». Savez-vous qu’en 1926, la classe de Bar-sur-Loup et celle de Trégunc dans le Finistère où exerçait Daniel, échangeaient des films de 9,5 mm tournés dans le village et l’école ?

L’expérience était descendue jusqu’au niveau de la pratique de la technique audiovisuelle dans la classe, c’est-à-dire à celui que nous essayons de promouvoir aujourd’hui et dont l’avenir n’est pas encore très bien assuré !...

Le petit projecteur dont l’éclairage était assuré par une magnéto que l’on tournait à la main, servait également à projeter les courts films d’une cinémathèque déjà généreuse. J’ai aussi souvenir des films 9,5 mm que nous avions au « cours complémentaire ». Notre coopérative était abondamment pourvue de ces « noir et blanc » de 4 à 8 mn et une ou deux fois par semaine nous organisions une séance. Pour nous, enfants d’ouvriers qui ne partions pas en vacances, c’est ce cinéma qui était notre porte ouverte et c’est de cette manière que les marais salants, la fonderie, un port, les plissements jurassiens devenaient un peu plus réels, que les phrases de nos manuels s’éclairaient un peu.

2 - Les films 8 mm muets de l’Institut Pédagogique National

 - par P. Guérin

Les petits films 9,5 mm ont vieilli et n’ont pas été remplacés. Depuis 1945 c’est la promotion du 16 mm qui a été encouragée grâce surtout aux efforts d’organismes postscolaires : Fédération du Cinéma Éducatif, Ligue de l’Enseignement.

Les collègues qui se sont faits les champions du cinéma éducatif devaient d’abord être des militants hors de leur classe, dans le village et ce n’est qu’indirectement que leur enseignement bénéficiait de leurs efforts.

Aux yeux des administrateurs, la possession d’appareils de plus de 300.000 AF ne se justifiait pas pour les classes, mais seulement au niveau du bourg.

L’Éducation Nationale tente, depuis quelques années, de combler le vide créé par l’abandon de ce petit cinéma, en lançant les films courts de 8 mm muets et de revenir à la cinémathèque d’établissement, au projecteur simple du format minimum.

Pourtant on ne peut affirmer que les possibilités d’équipement ont fait de gros progrès : 600 F est encore une somme inaccessible à de nombreux établissements, hélas !

Ces films en 8 mm classique ont été tournés en 35 mm couleur, ce qui permet de les convertir dans n’importe quel format (super 8 mm, si la guerre des petits formats continue).

Des journées d’information régionales réunissant chefs d’établissement, inspecteurs et quelques instituteurs, ont eu lieu, organisées par le service des moyens d’enseignement de l’I.P.N. Disons que tout ce qui nous a été donné d’examiner dans diverses commissions n’est pas d’égale qualité. On a voulu, comme souvent, faire trop dire à ce moyen d’enseignement et on est tombé dans l’erreur de la systématisation.

Un film sur la dissection de la souris est-il nécessaire, surtout si en définitive on ne voit que de nombreuses pinces et scalpels ? La construction du parallélépipède rectangle, est-ce un titre utile à l’éducation plastique ?

Par contre, il est incontestable que des films sur la digestion ou la circulation sanguine réalisés en radiocinématographie sont des documents que nous ne pouvons nous procurer nous-mêmes et par là indispensables.

En géographie, l’utilisation de l’hélicoptère amène d’excellentes images (exemple : presqu’île de Quiberon) mais hélas ! l’utilisation systématique et unique du procédé amène des catastrophes. Fallait-il produire des dizaines de films pour se rendre compte que vraiment le procédé devait être limité ?

Par exemple, après avoir survolé pendant 5 minutes le triage de Gevrey ou le port du Havre, on aimerait bien voir des plans plus rapprochés du sol afin de mieux suivre ce qui se passe. Le cinéma permet justement de présenter, par le montage, diverses visions d’une réalité afin de la mieux cerner. Or cette possibilité est totalement abandonnée dans ces films.

Une telle série a l’ambition de constituer un véritable vocabulaire géographique permanent à la disposition de la classe. C’est une excellente initiative mais je crois qu’il y aurait intérêt à ce que les responsables de l’I.P.N. collaborent étroitement avec les usagers un peu avertis.

Il est dommage que bon nombre de ces films soient conçus encore en vue de leur insertion dans une école traditionnelle, dommage que cette documentation ne s’inspire pas de ce que nous avons apporté de capital dans l’esprit qui doit animer une encyclopédie audiovisuelle enfantine.

Ce n’est pas l’introduction des moyens audiovisuels qui modifiera en profondeur l’école, mais la venue de documents d’esprit nouveau pourrait peut-être avoir le mérite de suggérer qu’il existe d’autres pistes.

Il ne nous sera pas possible à la C.E.L. d’éditer des 8 mm couleur. Aussi malgré les restrictions ci-dessus, il serait intéressant que les collègues qui possèdent des projecteurs 8 mm personnels se fassent connaître aux C.R.D.P., empruntent les films parus, établissent pour notre, usage commun des fiches critiques, essaient d’influer sur les productions futures en manifestant leurs désirs. Nous devons être présents.

Ces films 8 mm peuvent être vendus ou loués aux établissements scolaires.

3 - Le 16 mm sonore Exemples d’utilisation et réserves

 par P. Guérin

Les films proposés

LE CATALOGUE DES C. R. D. P. OU C. D. D. P.

Le 16 mm sonore n’est utilisé que par un minimum de classes, ceci malgré la gratuité des prêts dans certains départements. Il faut posséder un appareil cher et l’entretenir.

Utilisant régulièrement les services de la cinémathèque depuis plusieurs années, je connais la plupart des films. Le catalogue propose des documents d’origines très diverses.

a) Courts métrages que vous avez pu voir dans les salles commerciales (ex : Routiers du désert - Hommes de la nuit),
b) Films produits par de grands organismes (ex. S.N.C.F., Air-France, Prévention Routière ; etc.).
c) Films du Centre Audiovisuel de St-Cloud réalisés par des enseignants isolés aidés par le Centre (ex : la Martinique).
d) Adaptation de films éducatifs étrangers (Encyclopedia Britannica, ex. : Le Chevalier, Les Croisades, Le Japon, etc.).

Chaque film est marqué par ses origines et l’usager de l’École Moderne ne trouve pas l’idéal réalisant la synthèse des qualités qu’il souhaiterait rencontrer.

Il faut s’adapter à ce qui est proposé.

Les courts-métrages professionnels sont souvent excellents même si le commentaire est parfois mal adapté à un public d’enfants. Pour sensibiliser les jeunes aux problèmes posés par la grande pêche, rien ne vaut de voir vivre « le morutier » au jour le jour, à travers l’œil d’un cinéaste qui est un artiste et un pédagogue, en même temps. Renseignements géographiques, vocabulaire, leçons de morale prendront une autre résonance qu’à la simple lecture d’un texte... auquel nous viendrons d’ailleurs.

Le film nourrira la lecture. Si la piste sonore ne vous satisfait pas, vous avez toujours la possibilité, lors de la seconde projection, de la couper lorsque vous 1e désirez et d’y substituer votre commentaire direct.

Ce n’est pas difficile si vous avez pris soin, bien sûr, de visionner votre film avant la classe. Des élèves-maîtres, par exemple, ont réussi correctement, après quelques expériences, à organiser le travail autour du film sans être victimes de ses insuffisances.

Les films produits pour les enseignants ou les centres spécialisés sont de valeur inégale.

Si par exemple, ce professeur martiniquais réussit à nous donner une vision précise et réaliste de son île, en 15 mn, par contre ce film destiné aux petits, le « Printemps » avec un « commentaire spécialement conçu pour l’acquisition du vocabulaire » est tellement artificiel dans sa conception et conventionnel dans son langage qu’il porte à rire... Décidément les enseignants ont bien du mal à se dépouiller de leurs travers pour retrouver une vision normale des choses et des êtres !...

EXEMPLE DE PROGRAMMATION POUR CM, CFE OU 1er CYCLE

(cinémathèque nationale et CRDP)
- Grande pêche (sur un morutier, le travail et la vie des hommes)
- Embarquement pour le ciel (évocation des premiers vols en ballons 1780-1790, utilisation des gravures d’époques)
- Le train part à 13 h 10 (le travail des cheminots)
- Les glaciers (naissance, vie d’un glacier)
- Histoire de la banane (culture, récolte, expédition)
- Prêt à décoller (le travail de l’équipage d’un jet)
- Beautés souterraines (grottes, cavernes, travail des eaux)
- Comment fonctionne la télévision
 - Les 5 saisons de la Savoie (vie d’une famille savoyarde au cours d’une année complète)
- Hommes de la nuit (descente dans la mine de charbon avec les apprentis qui vont au fond pour la première fois)
- Le port de Paris (Paris, centre de la batellerie)
- La riziculture en France (nouveau visage de la Camargue)
- Le gaz naturel en France (comment on le capte - comment il est distribué dans toute la France. Une nouvelle énergie)
- Terre Adélie (activités des expéditions polaires françaises)
- Magie moderne (on suit les étapes de la naissance d’un boulon)
- Images de la guerre 1914-1918
- Hitler et l’hitlérisme
- Invasion juin 1940
- Paysages du silence (exploration sous-marine Cousteau)
- Routier du désert (d’Alger à Tamanrasset avec un camion apportant de l’essence)
- Grande sœur (activités de puériculture)
- Hiver au Canada (à Québec et dans la prairie, vie d’un jeune garçon)
- Teiva, enfant des Îles (vie dans une île du Pacifique)
- Zaa le petit chameau (vie en Tunisie)
- Films d’histoire (reconstitution de la vie à …..)
- Le château-fort (vie d’un seigneur et des serfs)
- Les chevaliers (éducation d’un jeune noble)
- Au temps des croisades, etc.

Exemples d’utilisation

Tous les éducateurs seront d’accord, je pense, pour bannir « la séance du samedi après-midi » où l’on entasse 5 ou 6 classes dans une salle peu spacieuse. Si la classe utilise la « salle audiovisuelle » c’est seule, avec son maître et il faut compter une durée d’utilisation d’environ trois-quarts d’heure à 1 heure pour un film de 15 mn.

Nous nous permettons de donner un schéma qui est utilisé avec succès par des classes de tous niveaux, depuis de nombreuses années.

a) Discussion maître-élèves ; Qu’aimeriez-vous savoir sur... ? On classe les questions.

Exemple de questions posées par les enfants AVANT la projection. Elles ont été, ici, regroupées et ordonnées, après le débat-discussion.

LA MARTINIQUE

- La Martinique est-elle indépendante ou bien à qui appartient-elle ?
- Y a-t-il un décalage d’heure entre la France et 1a Martinique ?
- A quelle distance de la France se trouve la Martinique ?
- Combien de temps faut-il pour y aller ? en bateau ? en avion ?
- L’île est-elle grande ?
- Y a-t-il des volcans ?
- Sont-ils toujours en activité ?
- Y a-t-il 4 saisons comme en Europe ?
- Les cyclones sont-ils très destructeurs ?
- Quels animaux vivent à la Martinique ?
- Est-ce que la vie moderne existe ?
- Y a-t-il des grandes villes ?
- La population est-elle importante ?
 - Quel est le travail des Antillais et Antillaises ?
- A quel âge les enfants vont-ils travailler ?
- Est-ce que tous les enfants vont à l’école ?
- Sont-ils obligés d’aller à l’école ?
- Comment sont-ils habillés ?
- Quels sont les jeux des enfants ?
- Quelles sont les productions principales de la Martinique ?
- Quels fruits mangent les Martiniquais ?
- Comment sont les maisons ?
- Comment s’éclaire-t-on ?
- Quelles sont les distractions ?

On peut remarquer que les enfants ont posé toutes les questions qui couvrent habituellement le plan d’une étude géographique classique, mais entre le fait de donner le plan et de le faire se dégager des préoccupations des enfants, la nuance est d’importance.

Après le film, nous verrons ensemble si celui-ci a répondu aux espérances que nous mettions en lui et les lacunes permettront la naissance de nouvelles recherches individuelles ou collectives.

b) Projection du film.

c) Discussion sur le film. Il peut être intéressant d’effectuer un sondage (écrit pour les grands) avec questions précises sur le film lui-même ou l’analyse de différentes images, afin d’entraîner à la lecture du document audiovisuel. Ce sondage n’a pas à être transformé en interrogation mais plutôt en : « Avez-vous bien vu ? Avez-vous bien entendu ? »

Un vocabulaire nouveau est précisé et généralement assez bien acquis puisque l’action a été mise sous les yeux. Exemple : à propos d’un film consacré au volcanisme, nous avons précisé le vocabulaire suivant :
- Une activité volcanique, des fumerolles, des émanations sulfureuses, un cratère, des bombes volcaniques, un vulcanologue, une nuée ardente, des lapilli.
On complète, on précise par d’autres sources que le film :
- Patricia, dans le fichier de la classe, trouve des pages de journal scolaire d’une école des Nouvelles-Hébrides avec laquelle nous avions correspondu et qui parle d’un cyclone.
- Un cyclone à l’île de la Réunion (bande magnétique).
- Dominique et Alain parleront de la banane (BT).
- Patrick et Jean-Claude de l’esclavage (BT).
- Annie apportera une noix de coco, nous en parlera, et nous mangerons le fruit.
- Sylviane se procurera des avocats et autres fruits que l’on a vus dans le film et que nous mangeons rarement.

d) On projette de nouveau le film, en introduisant des correctifs au commentaire si besoin est.

e) On résume le film, on écrit les mots nouveaux acquis, on peut faire un album.

f) L’idéal serait de revoir le film 8 jours après.

Réserves

a) Un complexe de travail à partir d’un film prend du temps, aussi la fréquence d’une séance par semaine est-elle suffisante.

b) Méfions-nous de la connaissance (fausse) retirée de la vision d’un film ou d’une émission de TV : le « voir faire » donne l’impression d’être un « savoir-faire »

Nos classes ont un impérieux besoin d’activités rattachées à des situations vécues et offrant des possibilités de création et d’expérimentation.

A l’école moderne, nous sommes assez bien armés en ce domaine. C’est pourquoi en fin de compte, nos élèves sont peut-être moins perturbés par « l’école parallèle ». Ils trouvent un antidote dans la pratique de nos techniques. Mais, sans révolutionner toutes les structures d’une classe encore traditionnelle, ne pourrait-on pas, au moins, « y faire du beurre » ?

c) On manque en effet de documents comme « Du blé au pain », « Le lait et le beurre de la ferme », qui permettraient à nos prisonniers des HLM des villes de connaître quelques aspects simples de la vie à la campagne dans laquelle ils circulent à grandes vitesses, sans la regarder vivre...

C’est avec beaucoup de plaisir que ma classe de grands élèves s’est passionnée pour fabriquer du beurre à la suite de la projection de ce film destiné aux petits et j’avoue, que c’est avec autant de curiosité et surtout d’intérêt que mes élèves, que j’attendais le moment où « notre beurre » allait se former sous les pales du batteur ménager !

Nous avons pesé, avant, après, établi des proportions, des prix ; il y avait là un apport plus important n’ayant jamais moi-même assisté à sa fabrication, j’ai bien été à même de comparer la différence de qualité entre la connaissance par l’audiovisuel et par l’expérience.

d) Les petits trouvent assez difficilement des films à leur mesure ; ils sont bien oubliés. C’est leur expérience directe qui nourrit leurs activités quotidiennes, mais le film n’est pas à exclure et voici par exemple, au cours de l’année, les documents qui ont pu être sélectionnés dans la cinémathèque régionale.

- Lait, beurre à la ferme
- Le domaine du hamster
- Animaux d’Afrique (dans leur milieu naturel)
- Printemps polaire (vie des Esquimaux)
- Vie des écureuils terrestres
- La tanière du renard
- Blanchette et ses biquets
- Blé et pain à la ferme
- Famille lapin gris
- Les abeilles
- L’hirondelle des cheminées
- Toute la série « Enfants de... »: Enfant d’Allemagne, de Suisse, des Pays-Bas, Les saisons de la Savoie, Hiver au Canada, Teiva, enfant des Îles, Zaa le petit chameau (déjà cités, etc.)
- Éléphants en apprentissage
- Moufettes et chatons

Il s’agit là de films extraits du catalogue et que nous connaissons bien pour les avoir utilisés. Ils sont dignes d’intérêt et encore bien valables pour les plus âgés.

4 - Le cinéma à l’école

Pourquoi pas ?

 par C. Charbonnier

J’enseigne le français dans une classe de 5e de 30 élèves. Presque tous regardent habituellement la télévision. Un bon nombre va au cinéma tous les quinze jours (ne serait-ce que les internes du lycée). Et dans les débats entre enseignants on en est encore le plus souvent à s’interroger sur le rôle des moyens audiovisuels, sur la place du film dans l’enseignement. Alors que la révolution est déjà faite ! Nos élèves passent autant, sinon plus, de temps à regarder (télé, films) qu’à lire. Or, notre enseignement apprend à lire, propose de beaux textes à étudier et ignore le film, sinon comme un moyen commode de remplir les caisses des coopératives scolaires. Ne pourrait-on y voir autre chose ? Voici une expérience, avec ses limites et ses imperfections.

Le mercredi, en séance d’activités dirigées, j’ai projeté Le cerf-volant du bout du monde. Je ne connaissais que la réputation de ce film dont le scénario me paraissait propre à intéresser mes élèves. Mais j’avais en ma possession le livre édité par l’UFOLEIS : A la découverte du cinéma - Le cerf-volant du bout du monde, qui me semblait une bonne base de documentation pour l’approfondissement de l’œuvre envisagée. Avant la projection, j’avais, en trois ou quatre minutes, situé le film : comment et pourquoi on l’avait tourné, mais de façon très vague pour ne pas influencer les réactions. J’avais aussi distribué une fiche que les élèves devaient remplir rapidement et me remettre le vendredi, les réponses devant orienter notre travail et nos discussions.

Le vendredi, après avoir revu le film pour compléter mon information, j’attendais avec un peu d’appréhension les résultats. Je n’ai pas eu longtemps à attendre: sur 29, 18 avaient beaucoup aimé le film (certains étaient allés le revoir à la séance du lycée à 20 h 30), 9 le trouvaient assez bien, 1 passable, 1 ne l’avait pas aimé du tout. A partir de ces réactions personnelles et des remarques de certains (gênés par la construction du film qui fait alterner rêve et réalité), nous avons été amenés à évoquer la construction dramatique du film, la façon de créer le suspense (bruits-rythme) et de mettre en valeur certaines images (la procession des empereurs) et surtout la façon dont le réalisateur s’y était pris pour passer du rêve à la réalité (les procédés de coloration de l’image, le commentaire qui précède et annonce l’image). Et je me suis aperçu qu’en définitive, les enfants étaient des spectateurs extraordinaires, privilégiés, que rien ne leur échappait et qu’on pouvait pousser très loin l’analyse : analyse des personnages, de leur psychologie.

Le samedi, je dus répondre aux questions. J’avais répondu à quelques-unes la veille, mais il y en avait 32 différentes et certaines me demandaient une recherche de documentation assez poussée. Cela allait de l’origine des acteurs, et du coût de la production, à la façon dont les trucages avaient été réalisés, en passant par l’aspect très technique: ils avaient vu la bobine de film et se demandaient comment le son pouvait être enregistré et reproduit (par bonheur la rubrique des « Merveilles de l’électronique » dans une BT répond à la question). Et ainsi nous avons été amenés à parler des trucages, de la réalisation d’un film, du montage, etc., de tous les problèmes techniques.

Les jours suivants, nous avons encore parlé du thème : l’amitié entre enfants « du bout du monde », qui a suscité une discussion assez vive car tous ne la jugeaient pas réalisable ni souhaitable. Ce qui nous a conduits à parler de la vie des enfants dans les autres pays (BTS : Amis du bout du monde + BT), etc. La période s’est achevée par l’explication de Page d’écriture, de Prévert (un autre rêve !) qui a eu beaucoup de succès, une discussion sur le rêve et ses caractéristiques et une dictée. Rues de Pékin.

Ce fut tout en classe, mais le film les a marqués je crois, ils en parlent souvent. Notre journal a pris pour titre Cerf-Volant et depuis, l’album UFOLEIS a circulé dans la classe et tout le monde l’a lu.

Réflexions à la suite de cette expérience :
- Les enfants sont des spectateurs très attentifs : parfois ils ont bien mieux saisi les nuances que moi et m’ont même fait remarquer certains détails qui ne m’avaient pas frappé.
- Le cinéma devrait être un moyen de culture privilégié : pourquoi ne pas remplacer l’analyse d’une oeuvre littéraire par celle d’un film ? On peut aller aussi loin dans l’étude des caractères, de la psychologie, etc. Et nos élèves se sentiraient davantage concernés. Pourquoi, au lieu de s’en plaindre, ne pas exploiter cet attrait de l’image ?
- La formule « Ciné-club », si souvent décevante dans son cadre normal, me semble très intéressante dans le cadre de la classe; elle permet une expression de chaque individu et aussi une analyse approfondie de l’œuvre; la discussion est très souvent féconde.
- Il y a là une voie à explorer. Comme me le disait un camarade à Perpignan, il faudrait pouvoir intégrer le film au centre d’intérêt du moment : c’est ainsi qu’en 2e, la projection de Mein Kampf a beaucoup apporté à la classe car elle s’insérait à la suite d’exposés, suivis de discussion, sur Hitler et La vie à Auschwitz. Les élèves y trouvaient matière à un approfondissement de leurs réflexions. Même expérience avec Le sel de la terre, qui suivait un exposé sur Germinal.

5 - La caméra, antidote du cinéma

Deux expériences cinématographiques

Une expérience de A. Hymon

Récemment, j’ai eu à ma disposition une caméra Super-8 mm. Je l’ai donc placée en classe un matin, à côté du tableau, bien en vue sur son trépied. La réaction ne s’est pas fait attendre; dès l’arrivée de mes 10 CM-FE, les questions ont fusé :
- Qu’est-ce que c’est ?
- On dirait un gros appareil photo !
- Moi, je sais ! C’est une caméra, pour faire du cinéma.
- C’est pour nous ?
- On va pouvoir faire un film !
Le mot était lâché, on allait pouvoir faire un film. Seulement, quel film ?
- Un film sur la classe, pour les correspondants !
- Malheureusement, les correspondants ne sont pas équipés en Super-8.
- Qu’importe, on le leur présentera lorsqu’ils viendront.
- Mais ils connaissent déjà la classe, et ils nous connaissent : on leur a envoyé un gros album sur la classe, et un montage diapos-bande sonore sur nous.
- Alors, faisons un film sur Liourdres !

Facile à dire, plus complexe à réaliser... Quel genre de film ? Qu’allons-nous présenter ? Sur ce sujet, on peut réaliser 30 films différents, et de grande longueur... Or, nous sommes limités par le prix de la pellicule, et acheter 60 m sera un gros effort.

Enfin une idée se dégage lentement de toutes les discussions : Liourdres étant une commune formée de villages très éloignés les uns des autres, on présentera les villages à tour de rôle, et pour qu’il y ait une liaison entre les séquences, on adoptera la présentation sous la forme d’une promenade.

Le gros travail commence alors : il faut chercher les caractéristiques de chaque village, aux points de vue des cultures, du tourisme, de la population, des maisons, etc., et étudier la manière de transcrire cela sur la pellicule.

Ce travail terminé (il a duré une semaine), nous partons un jeudi après-midi, le caméraman, le « scriptman » et moi, effectuer les prises de vues. Le technicien s’en sort très bien, mais mon Daniel est un peu perdu devant son bloc de papier et son crayon : nous ferons donc le script à deux, au moins au début. Nous inscrivons tout : le lieu de la prise de vue de chaque séquence, la durée de celle-ci.

Les quatre bobines terminées, nous les envoyons développer, et c’est l’attente fiévreuse du retour. Manque de chance, les films arrivent un jeudi. Surmontant mon impatience, j’attends le lendemain pour ouvrir les quatre petits paquets. Et le vendredi, c’est de la folie lorsque mes sauvages aperçoivent le film enfin revenu. Nous ouvrons, nous collons les quatre pellicules bout à bout, et nous projetons.

Magie du cinéma ! Féérie des couleurs et de l’animation ! Nous découvrons ici Liourdres, les villages, les bois, les champs, les vaches, les maisons, les tracteurs ! Nous voyons quotidiennement tout cela, mais maintenant, nous le regardons... Il faut projeter trois fois de suite pour assouvir cette curiosité ardente et réveiller le sens critique, bien endormi... D’ailleurs, celui-ci renaît peu à peu : les séquences ne sont pas dans un ordre logique, il y a des images sombres, donc il va falloir monter, c’est-à-dire couper, supprimer, déplacer, transformer, embellir.

Travail de Romain pour un long métrage et des adultes spécialistes, travail de Romain pour 60m et des enfants (et un adulte) inexpérimentés... Enfin, à force de visionner et de coller, on ne s’en sort pas trop mal, et l’on projette le film ainsi élaboré : c’est mieux, beaucoup mieux qu’auparavant. Néanmoins, on a tous une impression vague qu’il manque quelque chose.

- Il faudrait expliquer ce qu’on voit, et mettre de la musique !

En fait, nous enregistrerons quand même les quelques mots indispensables à une bonne compréhension.

Nous avons terminé. Nous sommes très fiers, tous. Bien sûr, il y a des fautes techniques, des défauts en pagaille... Mais c’est notre œuvre. Nous allons la présenter en public, et nous espérons que les gens seront contents.

Déjà, nous avons d’autres projets : faire un film poétique sur l’hiver, mes cinéastes liront leurs poèmes sur l’hiver sur des images de neige...

Une expérience de M. Tabet

Comment la caméra fut confiée à l’enfant :

C’est ma Bernadette qui a eu l’idée, et aussitôt l’évidence nous saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles. Il va donc falloir écrire un commentaire et choisir une musique appropriée aux images. Une équipe se charge du commentaire, une autre vient avec moi à l’appartement choisir des disques. On écoute, on écoute de tout: jazz, variétés, classique... et leur choix se fixe très vite (sans aucune intervention de ma part) sur « Les quatre Saisons » de Vivaldi, « L’automne ». Je dois dire que si j’avais choisi moi-même, je n’aurais pas trouvé mieux... Nous l’enregistrons au magnétophone, nous repartons en classe et nous repassons le film avec le seul accompagnement de la musique : on croit rêver. Ce n’est plus le même film, l’enchantement de la musique et des images combinées a transformé un documentaire en chose poétique. Ma pauvre Bernadette, qui avait préparé trois pages de commentaires, les déchire et s’écrie :

- II ne faut rien dire, ça gâcherait tout...

Lors de ma première année au Bouchet (1) je pensais préparer une petite fête pour Noël. J’avais quelques films d’amateur que j’avais tournés pendant les vacances. Mais il me manquait la participation enfantine. Je montrai, les films à mes élèves en leur expliquant que je pourrais les filmer et qu’ils se verraient eux aussi sur l’écran. Ils n’en crurent rien. Nous tentâmes une bobine d’essai, l’enthousiasme des enfants m’encouragea. Nous fîmes alors un petit film : « Dédé écolier savoyard ». Le jour de la fête arriva, mes quelques films plurent aux parents (beaucoup n’étaient jamais allés au cinéma). Mais lorsque je passai « Dédé », ce fut le délire, je dus le repasser une deuxième fois, il eut autant de succès.

La soirée terminée, les gens ne voulaient pas quitter la salle, les commentaires allaient bon train, je sentis que je les avais touchés profondément. Ceux qui jusqu’alors me témoignaient une certaine indifférence, changèrent d’attitude dès le lendemain. Une chaleureuse sympathie me fut dès lors témoignée par les parents et les enfants. J’étais, je le crois, adopté.

La recette de la fête servit à l’achat d’un appareil de photos « Brownie Kodak », d’une tireuse et de produits de développement... L’on m’appela dans le village pour filmer toutes sortes d’événements : mort du cochon, fête des pompiers, Victor chasseur, un lâcher de lièvres, etc. Au magnétophone, j’enregistrai le commentaire des films par les acteurs eux-mêmes et en patois. Avec les enfants, je fis un petit film sur le texte libre, sur notre première rencontre avec nos correspondants et, pour l’expliquer aux parents, sur la méthode de lecture que j’utilisais en classe...

Les séances de cinéma ont permis à notre coopérative scolaire de faire l’acquisition d’une caméra Kodak 8 mm.

Comment les enfants utilisent la caméra :

Trois élèves savent déjà s’en servir, ce sont eux qui présenteront l’an prochain les actualités du Bouchet. Ils viennent de réaliser leurs 8 premières bobines. Ils ont présenté leur film devant toute la classe. Et tous ensemble, comme pour un texte libre, nous en avons fait la critique. Nous avons suggéré la coupure des passages ratés. Nos opérateurs nous ont proposé un plan de montage que nous avons discuté. La mise au point faite, notre équipe est passée au montage et a utilisé colleuse et visionneuse. Ce travail les a passionnés plus que tout : Le soir le film a été présenté à la classe. Une équipe a été désignée pour la sonorisation qui se fait librement après plusieurs visions successives du film...

Dans ces premières bobines, comme dans les photos précédemment réalisées, je retrouve des vues originales et débordantes de vie. J’ai compris que les enfants ne troublent pas le milieu qu’ils expriment: lorsque j’arrive chez les gens avec ma caméra, ils se composent une attitude, maintiennent une certaine réserve. Devant les enfants, leurs gestes sont plus normaux, plus détendus, aussi les scènes ont-elles vérité et naturel.

Les enfants n’ont pas notre vue stéréotypée et conformiste. Ils s’expriment par l’image de la même manière que par le dessin et la graphie.

Comme en peinture libre, il faut laisser à leur disposition le matériel approprié, afin qu’ils puissent s’en servir lorsqu’ils en ont besoin et que l’usage en est motivé.

Jamais un de mes élèves ne m’a demandé la caméra ou l’appareil de photo pour prendre n’importe quoi et « jouer avec l’appareil ». Chaque fois qu’ils ont utilisé l’un ou l’autre, c’est par besoin de fixer quelque chose qui les touche profondément. Ainsi évitent-ils l’habitude qu’ont un grand nombre d’adultes de « mitrailler » à droite et à gauche. Parfois les appareils restent un bon mois au repos. Et je pense, adulte, que ça ne les intéresse plus. Mais, que surgissent un événement dans la commune, une question de correspondants et aussitôt les appareils entrent en action. Ce n’est plus à moi de dire : vous devriez prendre ceci ou cela, comme ceci ou comme cela. C’est à eux de découvrir par tâtonnement. Mon rôle doit se borner à les encourager, à fournir pellicules et films, à donner un conseil lorsqu’ils me le demanderont.

Ce que l’on peut penser à partir d’une telle expérience :

« C’est avec une caméra en mains, qu’un enfant fera librement la conquête du cinéma. Il fera lui-même ses premiers balbutiements cinématographiques. Il apprendra à s’exprimer à travers sa caméra, avant de lire le langage cinématographique.

Une telle pratique ayant contribué à une formation de l’enfant, celui-ci sera à même de juger la production cinématographique commerciale. Il pourra disséquer une oeuvre, en déceler le montage, le truquage, démasquer la duperie. A l’inverse, il saura saisir la valeur d’un film.

Sa propre expérience lui permettra de mesurer la distance qui sépare l’image de la réalité, il ne succombera pas à l’envoûtement traumatique de l’excès d’images, mais saura s’en servir comme outil de perfectionnement. »

Il y a là une voie ouverte, un domaine à explorer. Il faudrait, comme en photo, des concours de films d’enfants, avec au départ, s’il le faut, prêt de matériel. Ce matériel doit faire l’objet d’une recherche, d’une étude, d’une mise au point afin qu’il soit accessible aux enfants, par sa maniabilité et son prix; qu’il soit d’un rendement de qualité pour permettre des projections semi-publiques, voire des passages sur antenne de T.V. (qui seraient les aboutissements les plus motivants d’œuvres collectives).

(1) Le Bouchet-Mont-Charvin 1960-63

III - LA TÉLÉVISION

1 - Généralités

Télévision et éducation - par P. Guérin

Psychologues et sociologues se sont penchés sur le phénomène « Télévision » et il n’est pas dans nos intentions de l’analyser à leur manière.

Pour l’éducateur la Télévision offre :

1) D’une part un aspect plus pratique que le cinéma; la seule manipulation est celle de quelques boutons. Il n’a plus à posséder les rudiments de formation « d’un opérateur », il n’a plus à recevoir, expédier, manipuler des films, s’occuper de leur location. De plus, l’installation de la machine est moins onéreuse que pour un 16 mm sonore.

2) D’autre part elle impose un asservissement plus grand à la machine.

a) Il est certain que la télévision scolaire arrive parfois en intruse, elle rompt le rythme du travail puisque son horaire est fixe (alors que la diapositive ou le film sont proposés au moment utile choisi par l’utilisateur).

b) Elle impose un contenu qui, même s’il est intéressant, peut être sans rapport avec les besoins du moment. Si l’émission présente peu d’intérêt, elle laisse une irritante impression de « temps perdu ».

c) D’autre part, un handicap principal réside dans l’impossibilité d’organiser une exploitation souple avec plusieurs projections enrichies d’exposés préparés à l’aide de documents complémentaires sur le même thème. Mais l’émission est reçue dans les mêmes conditions que la télé habituelle et sa «lecture» est la même, il faut donc apprendre à l’exploiter comme elle est...

C’est ainsi que l’enfant devra en tirer partie lorsqu’il sera seul, dans sa famille, lorsqu’il sera adulte.

d) En utilisant le cinéma, l’éducateur possède encore en partie possibilité d’influer sur le contenu (comme nous l’avons montré); cette possibilité lui est totalement retirée par la télévision. Il est esclave de la machine. L’éducateur est asservi au « tout ou rien » et la responsabilité des producteurs est encore plus grande.

Comment nous utilisons la télé scolaire

I - La lacune, moteur de l’activité pédagogique

R. Dufour

Aux temps, il est vrai, où la télé scolaire balbutiait, elle n’avait encore qu’un quarteron d’écoles à se mettre sous la dent pour ses expériences. Le tableau des classes qui se signalaient était présenté à chaque émission par Mlle J. Haslé, des cartes d’écoute étaient remplies par les maîtres et retournées pour exploitation à la rue Cognac-Jay (ou rue d’Ulm).

Le « renseignement » de ces cartes constituait pour les élèves la première exploitation sous la forme d’un court télé-club scolaire. La motivation n’était pas des plus naturelles, car les indications à fournir étaient administratives, générales et succinctes... Autre chose était la motivation découlant naturellement de l’émotion-choc rarement indifférente, parfois mal décelée, souvent puissante (côté spectateurs).

Autre chose était l’exploitation qui en découlait, souvent immédiate, de temps à autre résurgente (après quelques jours), presque jamais généralisée.

Il était assez difficile, avec une trentaine d’élèves des C.M. - F.E. d’obtenir une exploitation en commun comme celle du texte libre et nous n’avions pas encore (1953-54-55) mis au point avec sûreté le montage des bandes enregistrées au magnétophone. Aussi, après quelques soubresauts anarchiques des élèves les plus dynamiques: texte, dessin, peinture, compte rendu, modelage..., le souvenir de l’émission s’en allait « dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts... »

L’inauguration de l’emploi du questionnaire tout prêt (v. ci-contre) dont le libellé fut tâtonné trois ou quatre fois avant l’impression définitive, nous amena une plus large liberté d’expression, une plus grande sincérité, une plus riche moisson. Les réponses portées par les enfants étaient peut-être télégraphiques (mais elles permettaient évidemment le chiffrage des statistiques) et quelquefois imprécises car il n’était pas toujours possible de faire expliquer à chaque enfant son propos évasif ou son absence de réponse. Toutefois la rubrique « Que désirez-vous faire ? » n°6 était plus fournie et les promesses mieux tenues. La possibilité d’expression libre, au verso (non publique) avait un pourcentage de rendement nettement supérieur à celui du seul entretien oral primitivement pratiqué.

Il paraît important de signaler que la préparation de l’émission par un petit monologue du maître, quelques instants avant la séance, a été toujours réduite à sa plus simple expression.

Deux raisons à cela: nécessité, d’une part, de ne pas déflorer le sujet pour laisser sa chance à l’émotion-choc, mais d’autre part, fait souvent répété, parce que les prévisions aventureuses improvisées du maître, selon ses conceptions personnelles du sujet ne correspondaient que très rarement aux séquences offertes par le réalisateur. D’où, rires sous cape des jeunes téléspectateurs quand la déconvenue du montreur de la lanterne magique était flagrante.

Autre fil conducteur, même si une courte enquête avait auparavant permis d’évaluer le degré des connaissances acquises - sur le sujet donné - l’émission aurait pu, permettre une telle exploitation. Nous ne considérions pas que cette émission doive être «une révision», ni une manière exhaustive de traiter la question. (Cette position, par contre était partagée par certains de nos collègues).

Au contraire nous préférions (et les enfants donc! crainte instinctive du préfabriqué, qui sait ?) l’inattendu, l’inconnu, le nouveau, même le suggéré et pourquoi pas... la lacune...

La lacune, qui est aussi le moteur de la recherche, de l’activité. Les lacunes (les producteurs de la Télé le savent bien) sont le ressort de la critique constructive et elles amènent, sinon une création de la part du spectateur, une re-création, un effort, un élan vers la quête (ne pas confondre avec l’exercice à trous !).

Les deux lacunes majeures de la télé (lacunes de formes, mais il y en a d’autres) étaient et sont encore pour un temps l’absence de couleur et de troisième dimension (relief). Les enfants y remédiaient vite : rouges et jaunes fulgurants après une émission sur la guerre de 14-18 (le Fort de Vaux) bleu marine de l’Atlantique, bleu clair des yeux d’Alain Bombard ou acier du dos des requins qui le taquinaient, modelages de mon petit André G. qui ne manquait jamais de fixer dans l’argile les animaux présentés par G. Salesse (émission de langage pour C.E.) avec une sûreté de main qui n’avait d’égale que celle du choix des tons pour le barbouillage ultérieur...

Mais les lacunes de contenu suscitaient les glanes diverses: images pour albums (automobiles de toutes sortes avec la Vie de André Citroën, émission de Perriot), dessins de costumes, échantillons, cartes postales, idées de travaux, documents de toutes sortes collectés par tous et que certaines séquences avaient suggérés plus ou moins nettement. Il va de soi que le compte rendu illustré à l’occasion, rédigé ou corrigé en commun paraissait comme article dans le journal scolaire (voir pages 29 et 35)

Les sujets anodins pouvaient faire déferler une avalanche d’activités. L’éléphant (par exemple) avec les ressources des fichiers de la classe, permit une exploitation typique par sa polyvalence : sciences naturelles, bien sûr, géographie, histoire (Annibal) mais également littérature (Flaubert, Kipling, etc.) et même le calcul...

D’autres sujets apportaient par leur caractère insolite une émotion collective, plus subjective qu’objective, parfois tellement puissante qu’il n’y avait pas lieu d’abîmer par l’exégèse plus ou moins scolaire, le retentissement sensoriel et cérébral obtenu. Je me souviens de la croisière à 130 à l’heure d’un train électrique aux environs de Londres et le voyage à l’intérieur des poumons, par la trachée artère : « Certains moments privilégiés doivent être respectés, quand ils s’installent dans la classe » (Freinet nous l’a dit bien des fois !)

Ces expériences, où se cherchaient une pédagogie d’utilisation de la Télé par nos élèves, en même temps qu’une pédagogie de production, de réalisation, de programmation par le centre pédagogique distributeur avaient aussi une autre utilité. L’émission n’était pas qu’un catalyseur pour renouveau de travail mais aussi un moyen nouveau d’exploration pour le maître dans la connaissance de l’enfant (peut-être aussi de la connaissance de leur maître par les enfants ?).

Les résultats obtenus, l’activité déployée en étaient des éléments-preuves. L’étude du comportement des spectateurs pendant le déroulement des images nous enseigna une révision de nos attitudes habituelles. (Mais ceci n’est pas notre propos. D’autres l’ont fait plus longtemps et mieux que nous, qui n’y avions pas été préparés). Mais nous n’avons jamais regretté cette aventure.

Comment nous utilisons la télé scolaire

2 - Dans un C. E. de ville - par N. Gloaguen

Quand l’école a été construite en 1958, une salle dite de « travaux pratiques » y était réservée. C’est là que le poste de télévision a été installé. L’accès était donc libre et facile. Certaines classes suivaient les émissions, parfois d’une manière anarchique. Pour moi, suivre les émissions, impliquait une exploitation.

Par suite de la pénurie de locaux, cette salle a été transformée en classe (cours élémentaire). J’ai demandé à pouvoir suivre les émissions puisqu’elles correspondaient à mon cours et à celui des élèves occupant la salle. Quand un changement de maître a pu le permettre, j’ai demandé cette salle pour ma propre classe.

Ainsi j’ai le poste de télévision sur place, et, en outre, mon local est équipé de rideaux noirs (forts précieux pour l’utilisation de diapositives).

Nous recevons, pour les émissions du C.E., une classe parallèle. Évidemment il serait souhaitable que le poste soit dans une salle accessible à toutes les classes.

En fait il est agréable (évidemment) de ne pas avoir à se déplacer et aussi de voir les émissions avec un effectif réduit (60 environ), les 4 C.E. de l’école réunis nous conduiraient à 120 ! ce qui est bien trop devant le petit écran.

Dès la fin de l’émission les enfants ont la parole. Le plus souvent j’enregistre en vue d’envoyer - éventuellement - aux correspondants les remarques les plus intéressantes.

L’expression orale immédiate peut permettre de redresser des erreurs : ainsi après l’émission sur le village minier, la plupart des enfants pensaient, pour en avoir vu dans la cave que les mineurs ramassaient le charbon, accroupis, munis de la pelle à charbon de la ménagère !

Nous avons décidé de « mettre à la porte », autant que possible, les « j’ai vu » et les « y avait » dont les répétitions sont fastidieuses, si bien que les enfants font un excellent effort de correction. Au lieu de « y avait des enfants qui jouaient, y avait un monsieur qui... » : des enfants jouaient, un monsieur... etc.

L’expression orale permet parfois d’amorcer un débat qui approfondit un aspect traité dans l’émission, ce qui ne serait pas possible avec le seul compte rendu écrit. Exemple : rôle des machines dans la mine (bande à la sonothèque de l’I.C.E.M.), naissance des petits cochons.

Si l’émission n’a pas été intéressante, ce compte rendu oral s’éteint faute de « contenu » et les enfants prennent facilement conscience de ce manque d’intérêt et en arrivent à critiquer (éducation du futur téléspectateur). Dans ce cas l’exploitation est alors terminée.

Si le sujet me semble valable, j’exploite l’intérêt suscité par un titre prometteur, exemple : « la montagne », pour amorcer une recherche de documents.

Le compte rendu oral est doublé, si l’intérêt est réel, de dessins et d’un compte rendu écrit. Celui-ci est souvent très bref en début d’année. Les enfants savent qu’il sera utilisé pour la conception d’un album (parfois très modeste) et aiment y participer.

Dans la mesure du possible, je corrige ce texte avec chacun. Au cours d’une autre séance (dès le lendemain si possible) l’album prend forme.

La difficulté vient de ce que tout est mélangé. Il est possible de refaire, avec les enfants, à la fin de l’émission, le plan de celle-ci et chacun peut rédiger le paragraphe qui l’intéresse le plus. Ceci me semble trop contraignant en début d’année avec de jeunes enfants, aux prises avec les mots, les idées, c’est pourquoi ils écrivent tout à fait librement leurs réflexions. Je dois remarquer que certains élèves construisent eux-mêmes très bien leur texte.

Nous essayons d’élaborer en commun un plan pour l’album en projet. J’écris au tableau toutes les suggestions des enfants puis nous les classons rapidement:

1° Où vivent les manchots ?
2° Comment ils sont ? Leur démarche.
3° L’œuf - la couvée.
4° Les petits, etc.

et les enfants écrivent sur leur feuille dans la marge, les numéros du plan en face des passages correspondants. Ceux qui ne savent pas faire cette classification demandent l’aide collective au moment de la lecture de leur texte. Lorsque j’ai leurs feuilles rassemblées il m’est facile de repérer d’un coup d’œil -ce qui correspond à chaque chapitre.

Je le recopie alors selon le plan choisi. Chaque paragraphe (parfois réduit à une phrase) est suivi du nom de l’auteur. Certains sujets étant traités en plusieurs exemplaires, je ne conserve souvent que le plus caractéristique en veillant soigneusement à ce que chaque enfant soit «représenté».

Les feuilles ainsi mises au net sont distribuées aux auteurs qui recopient chacun leur texte, ce qui constituera, une fois illustré et relié, l’album des correspondants.

Chacun fait, pour ce travail définitif, un gros effort de netteté dans la présentation.

L’exploitation peut se prolonger selon les documents dont nous disposons: gravures exposées, textes d’auteurs, B.T. brochures et B.T. sonores.

L’an dernier, au C.E.2, les enfants avaient souhaité questionner les enfants des mineurs de Harnes vus dans l’émission « le village minier ». Nous disposons donc d’un dossier intéressant sur la mine et des réponses copieuses à notre questionnaire reçues de Harnes, outre la B.T. n°150. Ainsi Yvon et Gildas pourront-ils nous parler de la mine puisqu’ils ont souhaité en savoir plus long pour nous renseigner tous. Après l’émission « phoques et manchots » je présente la B.T. sonore n°815. Cette présentation peut engendrer le désir de mieux connaître les régions polaires et nous aurons recours aux B.T. n°66 et 95 Azack et Ogni, à l’album du Père Castor « Apoutsiak » et aux B.T. sonores n°814 et 821.

Le manchot, oiseau qui nage et ne vole pas : voilà bien un sujet qui permet un riche entretien sur les oiseaux (thème favori !) et des essais de classification...

Les oiseaux en hiver: parlons des saisons.

L’importance de l’exploitation est fonction de l’intérêt des enfants. Pour une émission donnée elle peut être très différente d’une année à l’autre selon les enfants concernés et surtout la richesse du milieu au moment où la télévision nous impose un sujet que nous n’avons pas choisi.

Si l’émission est présentée (série: le monde animal) juste avant la récréation de l’après-midi, l’exploitation immédiate est tronquée.

Il est certain que de nombreuses émissions ne justifient pas une exploitation approfondie, ce qui est regrettable. Nous avons alors beaucoup mieux à faire que de nous y attarder.

EN BREF

1°) Aussitôt après l’émission : compte rendu oral enregistré (si la fin de l’émission ne correspond pas avec le début de la récréation) débats possibles ou critique de l’émission.
2°) Dès que possible les enfants écrivent « quelque chose » sur l’émission et dessinent.
3°) Si l’intérêt est réel, les textes rédigés sont utilisés pour la confection d’un album destiné aux correspondants.
4°) Si le sujet ouvre des portes, l’exploitation peut se prolonger par conférences d’enfants sur la mine et le charbon (village minier), la fabrication du fromage, du yaourt, (village de montagne), etc. Présentation de B.T. sonores.

Entretiens - réflexions: sur les oiseaux (le manchot: oiseau qui nage mais ne vole pas) le mode de vie des animaux, essais de classements sur les saisons (les oiseaux en hiver - le renne).

Enquêtes: à la ferme (la vache), chez le cordonnier, le menuisier.

Quel que soit le sujet, l’exploitation est fonction de l’intérêt des enfants. Il est de nombreuses émissions qui ne justifient pas une exploitation approfondie.

Un compte rendu écrit réalisé à la suite d’une émission TV

Comment nous utilisons la télé scolaire

3 - Dans un C. E. rural

par M.-L. Crochet

Le lundi matin, au cours de l’établissement du plan de travail de la semaine, la date et le sujet de l’émission (lundi ou mercredi selon l’intérêt) sont discutés en commun :

Ainsi, un lundi de Novembre, Marianne annonce:
- Cet après-midi, c’est la loupe.
- Et mercredi, phoques et manchots, dit Gérald.

La seconde émission a été vue l’an dernier par 25 élèves, aussi la majorité de la classe choisit (doigt levé) l’émission sur la loupe que personne ne connaît. Bien sûr, il y a eu discussion: attrait pour les animaux, impossibilité de regarder les 2 émissions car nous ne pourrions pas exploiter convenablement les deux.

Nous amorçons une recherche :
- Où sont les loupes de la classe ? Quand ont-elles servi ? Pourquoi ? (petites fleurs, étamines, pollen...).

Pierre décrit celle de sa maison et raconte une expérience : montée sur trois pieds, dans un rayon de soleil, elle jaunit la feuille de papier placée dessous. L’émission ayant lieu l’après-midi même, nous n’aurons pas d’autre préparation. Mais quand nous avons davantage de temps une enquête s’amorce: exemple pour un animal, le taurillon.

- Avez-vous vu des taureaux ? dans quelles fermes ?
- Quels herbages ?

Des élèves éprouvent la nécessité d’apporter des textes libres sur le sujet. Luc a cinq taureaux, il donne leur âge et leurs couleurs. Nil raconte comment celui de M. Coyot les poursuit derrière son barrage le jeudi. Pierre a vu des domestiques monter sur le vieux noir de M. Villette. Béatrice raconte comment on ramène les vaches chez elle avec son drapeau qui n’est plus assez rouge ! Gérald, Robert ont dessiné des taureaux. Chantal apporte une carte postale sur la corrida et cherche dans les journaux scolaires reçus un texte qu’elle a lu un jour sur la corrida. Dominique prête un porte-clés (une tête de taureau) et Marianne un jouet en plastique appartenant à son petit frère.

L’exposition hebdomadaire, sur la table du fond, est commencée. La fiche parue dans « Dossiers pédagogiques de la R.T.S. » me permet de décider si je peux emmener mes élèves sans autre préparation devant le petit écran (animaux familiers, objets usuels : la loupe, le petit ours, la poule...) ou si je dois aborder le thème de l’émission, donner quelques termes nouveaux qui gêneraient la compréhension: ainsi pour le « taurillon », j’ai abordé l’histoire du petit adopté, éveillé l’intérêt, mais sans entrer dans les détails, sans donner le dénouement et j’ai expliqué ce qu’était une « manade ».

Cinq minutes avant l’heure de l’émission, il faut gagner, chaises au-dessus de la tête, la classe des grands où trône le téléviseur. Installation rapide, à des places adoptées au début de l’année, tandis que les « grands » installent les panneaux qui assurent l’obscurité. Les élèves de mon mari assistent à l’émission. Si elle est valable pour les petits, ils en tirent profit aussi. Nous suivons donc, dans le plus grand silence, le déroulement de l’émission. Je ne répète des mots ou expressions essentiels, après la présentatrice, que si cela est possible et utile.

Dès le bouton tourné, nous revenons dans notre classe.

Aussitôt des doigts se lèvent: élocution spontanée qui fait surgir des impressions, des émotions. On raconte : Claude : « L’émission (la loupe) m’a plu parce que j’ai vu comment on les fabriquait. »

Son frère : « C’est comme chez un potier : une roue tourne, l’ouvrier surveille et fabrique la loupe. »

On revoit aussi : Catherine évoque la petite fille toute seule devant la mer (émission. la plage). Les autres ne la voient plus seule, discutent. Alors nous évoquons les différentes images de la petite fille et un silence émouvant me prouve que beaucoup de mes élèves envient la fillette qui aimait tant la mer !

On pose des questions :
- Poids ? tailles des animaux ?
- Nous cherchons les réponses (dictionnaires, B.T.).

On compare : poids du taureau par rapport à celui de 2, 3 élèves. Nous dessinons sa hauteur sur le tableau, sa longueur est délimitée le long du mur.

On critique : la présentatrice n’a pas donné l’âge du taurillon, ni la grosseur du biberon.

Puis c’est le travail personnel.

Nouveaux textes libres. De nouvelles idées sont nées : Michel cherche combien de temps vit un taureau coupé et nous apporte le mot « ruminant ». Dessins : Beaucoup de corridas, mais fantaisistes, Béatrice dessine un taureau de cirque gentil, gentil, soutenant un bonhomme tout droit portant un pot de fleurs sur la tête!

Découpages : maquettes en carton. Elles naissent isolément, puis sont reprises par des groupes de 2 ou 3. Je peux laisser commander Pascal là-bas au fond : « Mais non, Daniel, ta loupe n’est pas ronde, recommence » Il sera mieux obéi que moi car Daniel est un « dur », mais accepté dans une équipe de 4 ou 5, il travaille correctement. Loupes, lunettes, monocles, faces-à- main, jumelles s’alignent, colorés, papier transparent remplaçant les verres (Philippe s’obstine à faire tenir un vrai verre d’une vieille paire de lunettes sur un pince-nez en carton).

Et l’on fait des découvertes: quelle stupéfaction en essayant les jumelles (2 cylindres de carton collés l’un contre l’autre) : il y a un tube devant chaque oeil et l’on ne voit qu’une image ! Dominique, Gérald tournent et retournent les vraies jumelles : combien peut-il y avoir de lentilles pour qu’on voie plus gros d’un côté et plus petit de l’autre ?

Nos meilleures oeuvres sont discutées, appréciées, critiquées, retouchées. Nous cherchons la meilleure façon de les présenter à nos correspondants. Pour un animal, chaque élève se munit d’une page de carton léger : pour le taurillon, nous avions choisi la couleur jaune, décidant ainsi que, cette année, nous prendrions toujours du jaune quand il s’agirait d’un mammifère (commencement de classification, la semaine suivante, c’était rouge pour la poule). Nil, Luc, Béatrice, Robert... et ceux qui ont mis leur texte au net le collent, accompagné de leur dessin ou de celui d’un autre mieux réussi.

Marianne recopie le vocabulaire acquis grâce à l’émission : il est fort, puissant, nerveux, brutal... ses cornes...

Christiane écrit la page « sciences » mammifère, ruminant, dessine l’estomac, les dents, et ajoute une liste de ruminants.

Chantal applique le timbre de la carte de France, situe Ons-en-Bray, la Provence où les taurillons vivent en liberté, elle inscrit 900 km tandis que Rémi répète sans arrêt à côté d’elle : « faut que tu y mettes l’Espagne, y a les corridas. » Pascale pleure parce qu’elle a raté son tableau. Chez Béatrice : 3 hollandaises, 13 normandes. Chez Michel : 5 hollandaises, 0 normande, etc. Bien sûr, c’est la faute de Bernard qui l’aidait, mais il faut recommencer puisque Claude a dessiné une si belle vache de chaque race !

Catherine surveille l’équipe d’imprimerie qui tire son texte : Madame Bigot trait ses vaches, elle en a 9. Elle...

Je crois que le lino sur lequel s’entête Dominique ne pourra jamais servir, tant pis.

Mais le groupe des plus petits là-bas découpe, découpe : un taureau blanc à la tête triangulaire, 2 noirs, 2 noirs et blancs. On les colle. On dessine de l’herbe, des arbres rouges (pourquoi ???) : « Madame, c’est la manade ». Il ne reste plus qu’à réunir les feuilles avec du scotch, et il en faut ! Le dépliant est prêt. Naturellement, la semaine n’y a pas suffi. Il a fallu empiéter sur la semaine suivante, déjà chargée elle aussi. Car nous pesions la poule de Luc dans son panier, puis le panier vide... et Christiane ne savait pas si on allait peser sa cayenne dans le même panier.

Une émission pour nous est très souvent valable puisqu’elle nous apporte une motivation de travaux, permettant de stimuler les dons d’observation, d’expression verbale, écrite, esthétique de chacun. Mais bien sûr, ce n’est pas la source unique de nos activités, l’expression libre restant le moteur essentiel.

Comment nous utilisons la télé scolaire

4 - Dans une classe de grands

par Bouvier

Nécessité d’un choix

A la réunion de coopérative du samedi, le Président, qui a consulté les programmes de radio et télévision, inscrit les titres, dates et horaires des diverses émissions qui nous sont proposées.

Exemple : Semaine du 4 au 9 décembre 1967, je vois écrit au tableau :

Lundi 4. décembre, télé : 14 h 24 - 14 h 44 : Les mariniers - C.E.

15 h 06 - 15 h 26 : La circulation CM.. - F.E.

Mardi 5, radio : 15 h 45 - 16 h  Au pays noir.

Mercredi 6, radio : 15 h 30 - 15 h 45 : Initiation à la musique. 15 h 45 - 16 h : A la recherche d’une cité médiévale C.M. - F.E. 15 h 06 - 15 h 26 : L’ours C.E.

Vendredi 8, radio. 15 h 45 - 16 h : Talleyrand.

Il est bien entendu que nous faisons un choix, en fonction de nos intérêts et du travail prévu auparavant.

La discussion s’engage. Un élève qui a un travail en cours sur la Seine a remarqué, sur les gravures dont il dispose, le nombre important de péniches ; d’ailleurs nous les avons aperçues lors du voyage scolaire de juin dernier. Nous retenons donc l’émission Les mariniers.

Nous avons disséqué un cœur de mouton au mois de novembre et nous avons étudié l’appareil circulatoire, l’émission sur la circulation ne me paraît pas avoir un grand intérêt. Objection : plusieurs élèves se plaignent de n’avoir rien vu lorsque Bernard montrait le cœur, ils étaient trop loin (nous sommes 36), nous regarderons donc l’émission, cela fixera les souvenirs.

L’émission radio sur le pays noir ne recueille aucun suffrage ; d’abord les filles seront en couture avec ma femme dans la cantine et puis nous avons eu une émission en novembre sur le même sujet et cela ne nous a pas du tout intéressés.

La première audition du chant du mercredi (Nous étions trois bergerettes) ne nous a pas plu. Nous avons décidé de ne pas l’étudier.

Nous étudions en ce moment la Révolution et l’Empire ; par conséquent nous laissons de côté « A la recherche d’une cité médiévale ».

Par contre les plus jeunes sont toujours passionnés par le monde animal et nous avons parlé des ours en étudiant les Pyrénées. Ils demandent que mercredi nous prenions l’émission sur L’ours. Un volontaire se propose pour en faire le compte rendu, car dans le fichier nous n’avons pas grand-chose. Ainsi notre choix est fait (1)

Je note ce choix sur mon journal de classe ainsi que les horaires. Un bref échange de vue a lieu sur les sujets choisis et déjà nous faisons un rapide inventaire des documents s’y rapportant. Exemple: Les mariniers:

B.T. 132 : je serai marinier.
B.T. 483 : Jean-Claude fils d’éclusier.
B.T.S. 831 :  En péniche : de Givet à Duisbourg.
B.T. sonores - gravures du fichier.

Des volontaires se manifestent pour un travail éventuel à propos de l’émission. Ceci est inscrit sur les plans de travail, le lundi matin.

(1) A propos de ce choix, je regrette que le contenu de la revue Documents pour la classe, ait considérablement changé car autrefois il était possible de se faire une idée à peu près exacte de ce que serait l’émission et le maître pouvait ainsi orienter le choix d’une façon judicieuse. Je dois dire que depuis trois ans, travaillant dans l’inconnu (car j’ai renoncé à faire la nouvelle dépense que représente l’abonnement au Bulletin de la Radiotélévision scolaire) nous avons dû subir un certain nombre d’émissions qui ne présentaient que peu d’intérêt. Exemple : « la table », « le livre », émissions absolument puériles qui n’apportaient rien aux enfants. « Visite au salon de l’Équipement du Bureau » (images totalement dépourvues d’intérêt et commentaires beaucoup trop techniques).

La réception

L’heure H étant arrivée, je m’installe au fond de la classe avec un bloc muni d’une ou deux feuilles de carbone, les élèves qui le désirent prennent des notes sur leur cahier d’essai, tout en regardant et en écoutant. Je rédige sur le champ une fiche-guide (en double ou en triple) qui permettra aux volontaires de fixer les notions nouvelles qui nous ont été apportées.

Exemple de fiche-guide rapide : Emission du 27 novembre : L’avion. Observe comment on sort l’avion du garage. Que penses-tu du poids d’un appareil de tourisme ? Renseigne-toi. Où sont placés les réservoirs d’essence ? Fais le schéma de l’appareil en indiquant les différentes parties (B.T. n°84 : « Comment volent les avions »). Comment l’avion décolle-t-il ? Comment apparaissent les paysages à différentes altitudes ?

Comment le pilote peut-il se repérer ? Utilisation de la carte, du compas, de la radio.

L’exploitation

L’émission terminée, nous discutons de son intérêt, de ce qu’elle nous a appris. Je dois avouer que, assez souvent, nous sommes déçus et nous abandonnons purement et simplement. Toutefois certaines émissions de travaux scientifiques ont amené les enfants à faire des expériences, des observations. Certaines émissions sur le corps humain, le monde animal, la géographie ou l’actualité ont été bien accueillies et ont donné naissance à des travaux intéressants avec graphiques et dessins.

Par exemple, après l’émission sur la Beauce:

2 élèves ont décidé de reproduire le plan du Bourg de Tourgeville d’après le cadastre en l’agrandissant.

1 fera le plan d’une ferme du pays d’Auge que nous comparerons avec la ferme beauceronne.

1 reproduira l’exemple d’assolement triennal tel qu’on le pratique en Beauce; utilisation des dias de la Radiovision). (l’équipe se livrera à une enquête afin de faire un graphique des superficies des exploitations agricoles de Tourgeville. Nous en ferons profiter les correspondants).

Selon le niveau, les moyens et le désir des volontaires, le travail se fait seul ou en équipes.

Ces réalisations seront d’autant plus profitables à l’ensemble de la classe qu’elles auront été terminées et présentées rapidement, car si on -tarde trop à faire le compte-rendu, l’intérêt est tombé et on a l’impression de « réchauffé ».

Si l’utilisation d’autres documents n’apporte que peu de notions complémentaires nouvelles, le compte rendu devient vite ennuyeux pour ceux qui n’y ont pas pris une part active (2).

En conclusion...

La télévision présente un intérêt dans la mesure où les émissions apportent un message profond et vivant, une information que l’enfant ou le maître peuvent difficilement trouver ailleurs.

Exemples : Phoques et manchots ; Panorama vu d’avion ; Émissions sur les pays étrangers.

Pour ma part je pense que ma façon de l’utiliser fait en sorte que nous ne la subissons pas.

Nous la regardons en fonction d’un choix que nous avons fait, nous recherchons toujours avant ou après l’émission d’autres sources d’information (fichier, B.T., gravures, B.T. sonores, témoignages humains si possible), nous pouvons ainsi faire des comparaisons.

La télévision présente au moins l’avantage de me demander un minimum de préparation. Dans un autre ordre d’idées, j’essaie ainsi de former des téléspectateurs avertis qui choisissent leur programme en fonction de leurs intérêts propres et attribuent à l’information donnée la valeur qu’elle a, sans plus.

(2) Ce que je regrette aussi, c’est la -facilité et la fréquence avec laquelle on nous ressert des émissions plus ou moins valables des années précédentes.

Exemple d’émissions médiocres rediffusées : « Le vent », « Au pays des mineurs ».

Quelques réflexions

par P. Guérin, N. Gloaguen et M. Tabet

Quelles critiques constructives pouvons-nous formuler puisque notre seule action se situe à ce faible niveau ?

1) Nous pensons qu’il serait préférable de ne pas présenter les veilles des congés de plusieurs jours des émissions qui pourraient être exploitées assez largement, que certaines émissions doivent s’intégrer dans le cycle saisonnier (les oiseaux en hiver ne doivent pas se situer au printemps).

2) Nous pensons que les responsables doivent veiller à ce que des erreurs grossières soient évitées tant sur le plan technique qu’en ce qui concerne le contenu. Etre au niveau des enfants, ce n’est pas sacrifier à la facilité, à la mièvrerie, à l’esprit des bandes dessinées (un certain western leçon de français), répétitions grotesques (policeman de Londres, etc.).

3) Il semble parfois que des productions ne s’appuient pas sur une connaissance précise de ce que l’on attend d’elles, de ce dont nous avons besoin dans les classes. On souffre encore souvent de réalisations trop copieuses ou mal adaptées. Exemple: la visite des fouilles préhistoriques de Fontainebleau fut précédée d’un cours sur les périodes préhistoriques... l’image ne présentant que le visage de l’étudiante conférencière. Ce qui nous intéressait, c’était la manière d’effectuer les fouilles. Ce préambule est du domaine du maître ou du livre et non du monologue d’un présentateur.

4) La télé scolaire doit offrir, avant tout, des documents à exploiter, et s’interdire de remplacer le maître. Cette conception a encore des opposants. Ne va-t-on pas jusqu’à proposer un moment de silence lorsque le présentateur pose une interrogation : certainement pour que tous les élèves de France et de Navarre répondent en chœur !

Il faut encourager la télévision scolaire.

La plupart des lauréats des concours annuels de travaux se trouvent parmi nos camarades rompus aux techniques Freinet, qui ont justement pour but l’exploitation des complexes d’intérêts s’insérant dans le plan de travail général des classes. Participez aux réunions des utilisateurs de la Télévision Scolaire afin de confronter les techniques d’exploitation des émissions et de rassembler des opinions qui puissent avoir une influence bénéfique sur l’évolution de ce service public. Il faut que ce moyen audiovisuel d’une importance capitale et dont les services officiels ont le monopole, s’oriente vers la diffusion de documents que la classe peut ainsi se procurer et qu’elle laisse le soin à l’éducateur d’exploiter, quitte à organiser des stages pour lui apprendre à tirer le meilleur parti du contenu des émissions.

La télévision scolaire permet une meilleure lecture de la télévision familiale.

Dès l’entrée en classe, les enfants sont familiarisés avec le petit écran. Un bon nombre voit même les émissions dotées du carré blanc. Si la télévision entre à l’école, indiscutablement l’attitude de l’enfant se modifiera à son égard. Au début de l’année scolaire il est fréquent de remarquer que certains enfants (saturés d’images) sont inattentifs, quel que soit l’intérêt de l’émission. Peu à peu cette dispersion disparaît : l’enfant sait qu’il utilisera ce qu’il a vu pour l’exploitation... Celle-ci pouvant se limiter à -une critique lorsque le sujet est sans intérêt ou traité d’une manière décevante.

L’analyse de l’image et du commentaire sont des éléments utiles pour lutter contre la passivité et développer le sens critique du téléspectateur.

L’émission de télévision scolaire est une excellente ouverture sur le monde extérieur et même si elle explore un sujet familier aux enfants, ceux-ci peuvent prendre conscience à travers elle, par comparaison, par analogie, de leur propre milieu. Ainsi l’émission sur la plage a révélé à certains enfants du bord de mer, l’origine du sable, a attiré leur attention sur l’aspect de la côte, etc.

I1 est évident aussi que certains documents tels le déroulement de la mue de la chenille ou la nage de la raie, etc., sont précieux surtout lorsque le gros plan vient faciliter leur observation.

C. Freinet nous dit : « L’information apportée par les moyens audiovisuels est nécessaire lorsqu’elle est utile; l’excès d’information encombre l’individu et l’empêche de réfléchir. L’information n’a de valeur que si elle s’intègre à la culture et à la vie de l’individu. »

Un grand nombre d’émissions de télévision sont uniquement didactiques, formelles, et viennent, telle une leçon, se plaquer à côté de l’intérêt de l’enfant, de ses préoccupations essentielles, elles sont alors « un encombrement de l’individu » et détournent les êtres de leurs problèmes.

Quel sera le rôle de cette T.V. par rapport à la T.V. adulte ? Une information secondaire qui veut supplanter la puissance d’information parallèle ? Si l’on se sert de la T.V. pour faire des leçons formelles, l’enfant n’est pas dupe. L’élève de classe traditionnelle y trouvera peut-être une amélioration à son sort: des illustrations, du mouvement, un visage nouveau et surtout un moyen de fuir les quatre murs qui l’enserrent.

Mais pourquoi la T.V. Scolaire doit-elle être une Télévision si différente de l'autre ?

J'ai toujours été frappé par la passion dévorante qu'ont les enfants, même jeunes, pour une émission, tels que " Cinq colonnes à la une ". J'ai, chaque fois, eu à répondre à des questions très pertinentes. Je me souviens de l'intérêt pour une émission faite pour l'U.N.I.C.E.F., concernant la faim et l'enfance malheureuse dans le monde. J'ai questionné des enfants qui avaient assisté à cette émission. Ils m'ont dit que ce qui les intéressait le plus ce n'était pas ce que disaient le speaker ou l'interviewer mais ce que racontent les enfants eux-mêmes, de leur vie, de leurs malheurs, sans fausse affectivité. Les enfants devant l'écran s'étaient sentis concernés.

Jusqu'à maintenant, la T.V.S. agit sur l'enfant par le biais habituel de l'adulte.

Les émissions, étant conçues par des pédagogues, débouchent généralement sur une tendance livresque.

Celles destinées au cours élémentaire, bien que plus motivantes que les autres, ne peuvent apparaître que comme des livres attrayants, concédant parfois à l'enfant une part active voulue par l'adulte. Or, on peut se demander si à force de vouloir se mettre à la mesure de l'enfant, on ne néglige pas la nature réelle est vécue de l'enfant.

Perspectives

Le circuit fermé de T.V.

par M. Tabet

De tous ces outils démystificateurs de l’audiovisuel, il en est un qui à mon sens domine tous les autres : Le circuit fermé de T. V.

Actuellement certaines écoles, certains lycées en possèdent un. École Alsacienne, Lycée de Sèvres, le collège expérimental de Marly, des lycées techniques tels que celui de Liévin, Toulouse, des facultés, le Conservatoire des Arts et Métiers, etc.

Dans ces écoles, le circuit fermé est utilisé de façon encore traditionnelle bien qu’avec des variantes: leçons de professeurs avec des documents et usage du télécinéma, ce qui rend déjà les leçons moins monotones, mais surtout oblige les professeurs d’une même série de cours à un travail d’équipe à la fois pour la conception et l’exploitation d’une émission (qui pour sa réussite nécessite une attitude active de la part du maître et des élèves, comme nous l’avons vu à propos des émissions de T.V.).

Le circuit fermé de T.V. antidote de la « grande T.V. ».

Si actuellement, à notre connaissance, aucune classe active n’emploie encore le circuit fermé de T.V. comme outil démystificateur de la T.V., dans le même esprit que la caméra ou l’appareil de photo, nous sommes persuadés que dans un proche avenir (lorsque les circuits fermés de T.V. seront mieux connus, et deviendront par leur diffusion très peu coûteux) de nombreuses écoles actives l’utiliseront. Qu’il nous soit permis de rêver un peu, d’imaginer ce que pourrait apporter la T.V. en circuit fermé, en plus des documents habituels qu’elle doit véhiculer.

Si en cinéma ou au magnétophone, l’expression peut être corrigée au montage, ici nous avons affaire à du direct. Les enfants doivent réussir du premier coup, sans bavure, sans possibilités de rattrapage, ce qui nécessite d’autres qualités.

Les possibilités du circuit fermé sont immenses dans une classe active.

L’expression libre peut jaillir sous toutes ses formes : expression orale, peinture, céramique, chant, poésie, scénettes, théâtre, marionnettes...

Les comptes rendus d’enquêtes ou les conférences d’enfants avec toutes sortes de documents à l’appui, les réunions de coopérative, etc...

Les enfants peuvent être facilement initiés au maniement des divers appareils, caméra, éclairage, régie.

En somme le circuit fermé de T.V. apparaîtrait comme l’outil de couronnement de l’expression. Il obligerait de plus à une très grande, rigueur dans la façon de s’exprimer, à penser plus en profondeur ce qui va se dire.

Il obligerait les enfants à un travail d’équipe extrêmement rigoureux; maniement des appareils en synchronisme, limitation de durée, organisation et conception de l’émission, etc. Il ne s’agit plus là, comme pour le magnétophone, la caméra, l’appareil de photo, du travail d’une équipe, mais du travail de plusieurs équipes, voire de toute une classe, chacun ayant un rôle bien défini.

Le circuit fermé étant un appareil extrêmement motivant, une sorte de «télévision active», on peut penser que les enfants s’adapteraient et domineraient plus vite cet outil que le professeur. S’il y a possibilité d’enregistrer au magnétoscope les plus belles émissions et de les échanger avec des écoles correspondantes, s’il y a le fait que, dans les autres classes de l’établissement, d’autres élèves assistent à l’émission, le besoin de perfection devient tel, que certaines émissions d’enfants peuvent, après un certain temps de pratique et d’adaptation, atteindre le chef-d’œuvre et peut-être en couronnement passer à la T.V.S. L’usage du circuit fermé devrait alors être le pendant de la T.V.S. que les enfants doivent suivre puis concurrencer, obligeant celle-ci à la recherche d’une perfection.

N’est-ce pas là le meilleur démystificateur de la T.V. ? Le besoin des jeunes d’imiter les vedettes dans les activités ludiques, ne s’effacera-t-il pas au profit d’un réel travail d’équipe allant vers la domination d’un outil aux possibilités merveilleuses ?

TABLE DES MATIÈRES

I.                     GÉNÉRALITÉS
1.        Techniques et moyens ………………………………..P.Guérin
2.        L’illusion de la modernisation de l’école
par la seule introduction des moyens audiovisuels………………..P.Guérin
3.        L’éducateur doit se sentir concerné
par l’audiovisuel…………………………………………………. P.Le Bohec

II.                   LE CINÉMA
1.        Des efforts dans le passé………………………..…….P.Guérin
2.        le 8mm muet…………………………………………..P.Guérin
3.        le 16mm sonore………………………………………..P.Guérin
4.        Le cinéma à l’école? Pourquoi pas…………………...C.Charbonnier
5.        La caméra, antidote du cinéma………………………..A.Hymon et M.Tabet

III.                 LA TÉLÉVISION
        1.Généralités……………………………………………………P.Guérin
        2. Comment nous utilisons la TV scolaire
                        a) la lacune, moteur de l’activité pédagogique …..……R.Dufour
                        b) dans un CE de ville………………………………….N.Gloagen
                        c) dans un CE rural…………………………………….M.L Crochet
                        d) dans une classe de grands……………………………M.Tabet
        3. Quelques réflexions…………………………………………P.Guérin, N.Gloagen, M.Tabet
        4. Perspectives…………………………………………………M.Tabet

Bibliographie

Bibliothèque de l’Ecole Moderne n°18-19

  • Les techniques audiovisuelles – C. Freinet

Dossier Pédagogique n°21

  • L’emploi des moyens audiovisuels

En vente à la Coopérative de l’Enseignement Laïc

B.P. 282 – 06 – CANNES

Films pour la jeunesse

  • Quatre années au banc d’essai

En vente au comité français du cinéma pour la jeunesse

410, rue des Pyrénées – Paris XXe