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Avril 1995
Avignon, cloître des carmes du 9 au 15 mai 1994.
Organisée par le groupe vauclusien de l'Ecole Moderne - Pédagogie Freinet, cette manifestation rassemblait trois expositions et offrait diverses activités culturelles tout au long de la semaine : des ateliers, des moments de communication, d'ouverture, des débats.
Les expositions
* L'exposition de textes et de photos d'enfants faisant du théatre, était présentée par le groupe départemental. Les concepteurs de ce travail, des professionnels, avaient su magnifier l'expression des enfants intégrés dans une grande entreprise, un festival de théâtre, synthèse de mois de travaux obscurs, de longs tâtonnements et d'apprentissages difficiles.
* M. et C. Berteloot avaient réuni des oeuvres d'enfants d'âges, de milieux, d'époques, de pays différents, mais ayant ce point commun d'être toutes nées dans un contexte d'expression libre, respectueux du processus de création inhérent à la nature même de l'enfant.
* L'exposition imaginée : "L'état du monde vu par les enfants et les adolescents".
Les nombreux réseaux de communication du mouvement Freinet allaient tansmettre cet appel : un texte, un dessin, une création sur la vie quotidienne... et ce sont par centaines que les textes et les dessins allaient arriver chaque jour durant l'exposition, de tous les continents. Les textes étaient rassemblés dans un fichier envoyé à tous les participants.
Une délégation roumaine, un professeur, Christina Palimaru et deux de ses élèves qui correspondaient avec le Collège de Vedène depuis trois ans, représentaient les enfants du monde qui n'ont jamais la parole et ceux qui essaient de la prendre.
Les ateliers, moments de création, de communication, d'ouverture.
Dans les locaux de l'exposition fleurissaient des ateliers de création ouverts aux enfants et aux écoles, collèges et lycées du quartier.
Les cent vingt étudiants de l'IUFM d'Avignon ont visité l'exposition avant une présentation de la pédagogie Freinet. Tous les jours, des visites commentées par Clem et Maurice Berteloot attiraient de dix à cent personnes... Des projections de vidéos, reçues de tous les continents, montraient les activités des enfants du monde...
La délégation roumaine se déplaçait dans les collèges et lycées du Vaucluse... La correspondance par Fax émerveillait les visiteurs... Dans les vitrines des commerçants, sur les panneaux lumineux, le programme était présenté, annoncé...
Les débats
Des débats furent organisés :
-"Education, médias et citoyenneté" au théâtre des Carmes.
-"L'enfant, l'adolescent créateurs" au Centre d'études Linguistiques d'Avignon.
De ce dernier débat, centré sur le thème de "L'enfant, l'adolescent créateurs", animé par Maurice et Clem Berteloot, avec la participation de Georges et Annie Bellot, de Christina Palimaru de l'école de Iasi en Roumanie et de deux élèves du "Cercle de créativité" de l'Ecole 42, d'enseignants du Sud-Est, de parents d'élèves, nous retiendrons quelques moments forts des échanges :
- les pouvoirs créateurs de l'enfant et de l'adolescent.
- les conditions favorables à l'éclosion et à la fructification de la créativité pour l'épanouissement de leur personnalité.
- les limites actuelles de la mise en oeuvre de telles démarches, compte-tenu du contexte social et de l'institution scolaire.
- le refus de la résignation et l'engagement vers une école d'un autre type dont certaines perspectives prometteuses ont été approchées à l'Ecole Expérimentale Freinet de Vence, par M. et C. Berteloot.
Pourquoi un "Manifeste pour l'enfant créateur" ?
"Parce que la place de l'enfant, du point de vue culturel, social et même politique n'est pas tout à fait reconnue, et surtout pas au rang auquel nous voudrions l'y situer. Ce manifeste veut réaffirmer certains pouvoirs de l'enfance, en particulier ses pouvoirs créateurs. Les productions d'un enfant l'engagent globalement... C'est nous qui les éclairons, soit du côté scientifique, soit du côté mathématique, parfois historique, spécialisation dont l'enfant n'a pas tout à fait conscience, le phénomène qui déclenche l'acte créateur étant un phénomène interne et inconscient.
Les disciplines scolaires inscrites dans un emploi du temps compartimenté scindent l'enfant, le saucissonnent, et tout cela parce que la globalité de sa production n'est pas reconnue. Cette vue de la globalité de l'activité de l'enfant serait donc en opposition avec le système scolaire actuel.
Si cette exposition ne nous offre que des oeuvres dites d'art plastique, c'est parce qu'elle est ainsi plus médiatiquement accessible aux visiteurs.
Mais ces réflexions sont également valables pour des productions littéraires, musicales, informatiques, cinématographiques, vidéo... Encore une fois, ne séparons pas affectivité des fonctions cognitives ou des relations sociales...Tout est lié, existant à l'état global dans chaque individu. Une précaution oratoire : Dans les échanges, nous donnerons à "création" un sens qui n'est peut-être pas le sens habituel : pour nous, est création tout ce que l'enfant ne connaît pas encore et qu'il va découvrir. "L'enfant crée pour se créer" comme l'affirmait la présentation de l'exposition.
Des créations peuvent être pour nous un texte libre, un problème mathématique que l'enfant se pose. Il le résoud et c'est dans cette résolution qu'il découvre des éléments nouveaux, qu'il a créés, car pour lui, véritablement, il les a créés.
Cela peut être une création totale dans le sens commun du terme, ce peut être une re-création (parce qu'il ne crée pas tout), ce peut être une recherche, une expérience. Une expérience n'est peut-être pas une création par les objets que l'expérimentateur utilise, mais par les relations qu'il instaure entre et avec les objets".
M. Berteloot
"La créativité, c'est déjà un problème pédagogique et en même temps un problème social. En Roumanie, un problème culturel vient de l'enseignement roumain en général, parce que nous ne pouvons parler de créativité que lorsque nous parlons d'un enseignement formatif. Quand un enseignement formatif existe, il peut donner la liberté de s'exprimer aux élèves ; on peut parler de la créativité.
Et puis, c'est le côté social, parce que nous avons beaucoup d'élèves créatifs. En Roumanie, j'ai fait un sondage. J'ai testé beaucoup d'élèves. 80% de nos élèves sont créatifs. Un problème se pose : Comment peut-on aider nos élèves à développer leur créativité ? Quelle est notre méthode pour développer leur créativité ? Où se trouve cette méthode ? Dans les maisons, les écoles, à côté de l'école, dans les autres activités où se trouvent d'autres gens semblables ?
Je crois que toutes les choses qui peuvent se faire dans mon pays peuvent venir par l'entrée de la démocratie et la "collaboration" entre les enseignants. Si nous pouvons apprendre cette démocratie et cette "méthode de coopération, de communication" dans le futur, cela sera très bien pour nous. Ce n'est pas très facile de trouver ces pratiques de coopération, mais enfin...
Je crois que si l'enseignement se libère un peu de l'uniformisation, il deviendra formatif, comme je l'ai dit au début..."
Christina Palimaru de Iassi (Roumanie), Conseillère d'orientation et psychologue.
"Représentants d'un même courant de pensée, nous ne sommes pas tous parvenus aux mêmes étapes, et nous ne sommes pas dans les mêmes conditions de travail.
La réponse que donne un éducateur à cette question de "créativité" dépend d'abord de lui-même, de la conjoncture dans laquelle il est placé, de l'espace de liberté qu'on lui laisse pour appliquer ses idées et chacun d'entre nous a une réponse qu'il essaie d'adapter aux circonstances.
C'est le cas de Christina..
C'est aussi le cas par exemple d'Annie et de Georges Bellot. Dans leur situation respective, eux aussi ont une réponse. Je l'ai appelée "la réponse débordante".
En effet, votre expérience relatée dans Le Nouvel Educateur d'avril 1994 montre que vous "débordez" largement l'institution d'origine. La classe est un endroit très étroit en définitive... Dans l'environnement scolaire, vous n'avez pas toujours les réponses escomptées, donc vous avez élargi votre terrain, vous avez débordé en créant des Associations loi 1901, des clubs... et vous formez à côté tout un ensemble qui doit favoriser la création".
M. Berteloot
Avec nos élèves, nous sommes des créateurs de situations. Dans les structures qui nous enferment, si nous ne voulons pas devenir fous ou neurasthéniques, il nous faut agir.
Ce que nous ne pouvons pas faire dans la classe parce qu'il y a trop d'élèves, parce que les programmes sont trop sérieux, parce que nous avons un chef d'établissement qui nous ennuie, ou pour toutes sortes d'autres raisons, nous pouvons le faire dans les clubs ou en dehors des heures de classe.
S'il est facile de favoriser la création de textes pendant les heures de cours, nous pouvons faire en sorte que ces textes soient arrangés, valorisés, envoyés aux correspondants des différents réseaux pendant les clubs et les ateliers.
Si le temps manque, on peut très bien prendre le temps de rencontrer les adolescents pendant un week-end afin de terminer les travaux commencés... On risque alors d'être accusé de créer une sorte de réserve, mais on se donne les moyens de se faire plaisir et de prendre le temps, ce qui est souvent impossible à réaliser dans les collèges où les locaux sont trop étroits et l'ambiance souvent désagréable et paralysante.
A l'inverse des enseignants roumains, nous n'avons pas de problèmes matériels, mais seulement des difficultés administratives avec les petits chefs et relationnelles avec les collègues. Cela facilite et explique la communication avec tous ceux qui vivent des situations délicates, quelles qu'en soient les causes. Mais c'est à chacun de trouver les moyens de mieux vivre sa vie professionnelle.
G. Bellot
A propos des débordements vers les associations, vers les clubs.
Cela va poser des questions dans l'avenir. Nos enfants vont petit à petit passer 4 jours à l'école, 3 jours en dehors. Autrement dit moitié moitié.
En dehors de l'école commencent à se créer des activités pour les enfants et il faudrait analyser l'efficacité de telles activités, savoir si elles sont véritablement dans le sens que l'enfant voudrait lui donner. Dans ces centres, ceux qui s'y dévouent n'ont peut-être pas toujours de connaissances suffisantes de l'enfant pour juger bon de lui laisser le champ libre nécessaire à toute activité.
Mais ceci est une question annexe...C'est également une question de "débordement" des classes - débordement qui va être de plus en plus effectif, à mesure que l'école va diminuer d'influence.
Il existe aussi le débordement des médias extrêmement important qui pose des problèmes. L'enfant est submergé par le fatras de la télé, de la publicité : agressions visuelles et auditives. Il ne retrouve plus ses propres chemins, noyés dans un déluge d'informations qu'il ne peut structurer : informations artistiques, sociales, cognitives... Il finit par se créer une image du monde au second degré.
En fait, l'image du monde qu'il a en lui ne vient pas d'un contact avec la réalité... Elle passe à travers un écran, toujours déformant, et ce que l'enfant prend pour la réalité n'est qu'un reflet de l'écran. Il y a là un problème qui va se poser dans l'avenir et qu'il nous faudra bien résoudre, nous, enseignants et éducateurs surtout.
D'où lui viennent ses pouvoirs créateurs ?
Sont-ils réels ?
Ne sont-ils qu'une invention de notre esprit ?
Ils viennent, et c'est un avis personnel dont on pourra discuter, ils viennent de sa nature même.
Quelle est cette nature qui lui permet d'apprendre, de connaître, d'agir ?
Comment arrive-t-il par exemple à parler ? Tout simplement parce qu'il "émet" des actions, (oui, je dis émettre des actions) dans son milieu linguistique ; il en reçoit des réponses qui, pour lui, donnent un sens à ce qu'il a émis.
Potentiellement, chaque enfant va pouvoir apprendre toutes les langues, mais il en sélectionne une et c'est le milieu environnant qui va déterminer cette sélection. Chaque fois qu'il exerce une action sur son système vocal, le milieu, par la réponse qu'il lui renvoie donne ou ne donne pas de sens à cette action, mais le fait que la réponse donne un sens à l'action l'amène à la répéter parce qu'à chaque fois il attend la même réponse.
Entre lui et le milieu ambiant s'établissent des circuits non pas en flèche n'indiquant qu'une seule direction, : non, constamment s'effectue un aller et retour.
C'est dans l'établissement de ces circuits innombrables qu'il se crée.
Notre pédagogie est basée sur ces possibilités de l'enfant : C'est pour cela que j'appelle "création" une expérience tâtonnée, dûe au hasard quelquefois, puis véritablement expérimentale, dans laquelle le tâtonnement prend tout son sens, et c'est ce tâtonnement expérimental qui se révèle l'une des démarches, je dis l'une (pour moi ce serait presque exclusif) des démarches d'apprentissage.
Comme le dit Freinet, l'expérience vécue est fondamentale, parce que, dans l'expérience vécue il y a toujours la société. Et l'action de la société qui l'entoure se révèle, pour la formation d'un individu, très importante.
Cette société comprend aussi la famille de l'enfant : il établit donc des relations, des circuits non seulement avec le monde physique mais également avec sa famille, le monde animal etc...
Il établit ainsi tout un réseau de relations entre des circuits qui le construisent. Chaque fois se créent en lui des schémas que j'appellerai : schémas projecteurs, parce qu'ils se manifestent sous forme de projet d'action potentielle. Tous ces schémas se conjuguent en réseaux. On dirait que dans chacun des neurones se trouve tout le cerveau, c'est à dire toutes les relations qu'il contient ; autrement dit le tout est dans le neurone et s'y trouve en partie. Ceux qui connaissent la mathématique de l'hologramme savent qu'à partir d'une parcelle infime de l'hologramme on peut reconstituer le tout. C'est donc que cette parcelle infime contient les relations qu'il y a au tout. C'est un des principes que nous n'avons pas encore élucidé mais auquel, par expérience, nous croyons.
Faut-il cultiver ces démarches ?
Oui, parce que ce sont des démarches naturelles et que si on les entrave, on va "contre nature", ce qui peut provoquer des inconvénients, voire même des catastrophes. En effet, si on entrave ces démarches, l'enfant ne se construit que très mal, très difficilement et nous aurons un enfant qui "s'autoconstruira" en fonction du milieu et des réactions qu'il en a, et qui va donc en souffrir, parce qu'il faut bien dire qu'il se construit affectivement.
Il se construit cognitivement, socialement et familialement, en fait, il se construit globalement et les découvertes faites en neurophysiologie nous révèlent que presque toutes les actions intéressent les trois cerveaux. On a l'habitude de dire que chaque hémisphère du cerveau a un rôle : l'un, siège des sentiments, l'autre siège des raisonnements... D'accord, mais en réalité, chacune des activités de l'enfant met en branle les trois cerveaux, l'un ou l'autre plus ou moins, mais toujours les trois.
Les neurophysiologistes ont également découvert que les traces sont d'autant plus inscrites que les trois cerveaux ont été sollicités : autrement dit, on retrouve dans ce fonctionnement la globalité qui caractérise la démarche de l'enfant. Nous agissons beaucoup en fonction de cette globalité, mais hélas, la pédagogie arrive difficelement à en tenir compte, et c'est là un sujet de réflexion pour l'avenir.
Pourquoi cultiver ainsi ces créations ?
Parce que la société galope autour de nous. En effet, nous arrivons à une société dans laquelle l'imagination, la créativité deviennent de plus en plus essentielles. On sait que les actes répétitifs sont de moins en moins tolérés, et on s'en décharge sur la modernisation. Donc, petit à petit, le robot se chargera de la répétition et nous, nous allons créer des robots et ensuite nous allons nous créer nous-mêmes à côté des robots. Mais cela prendra une autre allure que maintenant puisque nous aussi, petit à petit, nous serons amenés à ne vivre le scolaire que 4 jours. Que ferons nous pendant les trois jours qui restent ? La question va se poser...
Nous savons que c'est dans la créativité, dans la création, dans notre action personnelle et responsable que nous allons signer un complément de vie.
En conséquence, si, dès l'école, on entrave les processus de créativité, ils seront altérés et nous aurons une civilisation de mutilés ; d'où l'essentiel, pour nous, qui demeure de préparer nos enfants (et ils se prépareront eux-mêmes si on les laisse dans une certaine atmosphère), à organiser un plan de société qui leur convienne.
Comment peut-on y arriver ? Vers quel type d'école faut-il aller ?
L'école du 1er type
C'est l'école du Moyen - Age qui s'est poursuivie presque jusqu'à Napoléon et encore bien après, dont certains textes qui la régissaient existent encore de nos jours et demeurent de véritables forteresses à enlever. C'est l'école qui répondait à un type de société parce que l'école répond toujours à une société ; elle est, qu'on le veuille ou non, traversée par la société.
Quelle était cette société ?
C'était une société fixée par des classes sociales, c'est à dire qu'un enfant de paysan n'envisageait qu'une chose et il n'en existait qu'une pour lui, en gros, c'était d'être paysan.
Où apprenait-il la vie ?
Dans son milieu paysan par rapport à son père, à ses parents. Une fois pour toutes, sa destinée était fixée.
Bon gré mal gré il devait s'y soumettre. Elle répondait, peut-on dire, à la tradition.
D'où notre définition de cette école comme une école traditionnelle qui renforçait la société.
L'école du 2ème type
Quand est venue l'industrialisation, puis une société de communication, avec possibilité de travail à distance, celle que nous connaissons maintenant, tout cela a changé. Nous sommes arrivés à l'école du 2ème type... et que nous le voulions ou non on a commencé à parler de "Méthodes actives".
Le directeur d'une entreprise, d'une usine sait que ses ouvriers ont une certaine "image" du patron, il essaie de tisser avec eux des liens qui engendreront cette image. L'action du patron, l'image qu'il veut en donner, sont déterminées par l'image qu'en ont les ouvriers. J'appelle cela une société extravertie.
Les méthodes actives répondent à cette extraversion, c'est à dire que les actions de l'un sont motivées par le regard des autres. L'enfant agit. Certes, c'est là un progrès sur la tradition qui conduit tout de même notre enfant vers une autodétermination.
L'école du 3ème type
Elle sera celle qui respectera intégralement les possibilités de la nature humaine, qui sont énormes, immenses.
Attention ! Elle se développera d'après l'environnement, et cet environnement, nous le conditionnons, parce que nous agissons selon lui, mais lui réagit sur nous,il nous conditionne également... C'est dans ce circuit que nous instaurerons l'école du 3ème type qui sera celle de l'autodétermination. On laissera chaque individu s'autodéterminer et poursuivre son développement jusqu'aux limites qu'il a lui-même fixées.
L'école du 3ème type réfléchira intégralement les possibilités de la nature humaine. Elle sera la réponse globale que nous ferons. Or, il se trouve que cette école je l'ai connue pendant huit années à l'école Freinet de Vence.
C'est cela l'avenir pour nous. Et cela c'est la pédagogie Freinet, c'est son ouverture vers l'avenir dans le respect de la nature de l'espèce humaine... Je ne pense pas que nous soyons dépassés".
M. Berteloot
Les limites actuelles
"Je n'appartiens pas au groupe Freinet. Je suis à Marseille. Je trouve cela très beau, mais on se sent frustré. Ce que je demande, c'est comment une telle école - avec laquelle je suis à moitié d'accord au point de vue idéologique - peut trouver sa place dans une période où s'installe partout la concurrence liée à la crise économique mondiale, où les valeurs sont véhiculées, alors que ce qu'on cherche dans les classes le plus souvent, c'est à être le meilleur pour pouvoir échapper à la crise et pour pouvoir ne pas faire partie des millions de chômeurs. Comment une telle école peut trouver sa place ?
A. Gava
J'ai parlé aussi d'environnement.
M. Berteloot
L'environnement, c'est ça. Et moi, j'ai envie de parler d'acte de résistance. Je travaille dans un collège et dans un lycée du centre de Marseille, une grande école où il y a l'élite de la Provence. Et je dois dire que faire un peu de correspondance scolaire, faire un peu d'initiation individuelle. Faire tout çela, c'est presque faire acte de résistance par rapport à l'environnement. Parce qu'il y a la pression de la bourgeoisie qui envoie ses enfants dans ce collège, ce lycée; la pression des familles, la pression des collègues qui valorisent absolument toutes les filières math, physique. Tout ça parce qu'il y a ensuite les Grandes Ecoles et tout le reste. Et la créativité en particulier n'y a pas sa place. Comment peut-on faire pour résister ?
A. Gava
J'ai bien parlé de réponses personnelles et conjoncturelles, dans un espace de liberté défini. Tu travailles certainement sur les mêmes fondements que les nôtres dans un espace totalement contraignant. Tu ne peux pas résoudre seule cette question. C'est à dire que nous ne prétendons pas que nos positions, actuellement, soient entièrement valables. Je l'ai bien dit au départ. Et ne te sens pas dévaluée parce que tu ne peux pas faire l'école du 3ème type maintenant. Ce que je désirerais, c'est que certains d'entre nous aient une réponse...
Savoir vers quoi l'on va. On sait d'où l'on vient, par conséquent, on saura où l'on va. Et c'est cela qu'il nous faut poursuivre. Ne perdons pas le but que nous nous sommes fixé à travers toutes les vicissitudes, nous n'y arriverons peut-être pas, tout au moins notre génération.
Je n'ai simplement que l'espoir d'un changement. Et j'y oeuvre le plus possible.
Si nous n'avions rien fait, si nous avions dit : "Non, ce n'est pas possible", nous n'aurions pas eu - je suis modeste, là, j'espère - des résultats que tu as vus par exemple à l'exposition. Il faut savoir que cela existe quelque part, que c'est une réalité relativement solide pour marcher sur l'avenir. Si nous n'avons pas la lumière vers laquelle nous nous dirigeons, nous marchons dans l'obscurité et à tâtons et nous pourrions prendre des mauvaises directions.
M. Berteloot
On a besoin d'autre chose, on a besoin sur le plan humain comme sur le plan d'une cité, sur le plan d'un pays, de former des gens qui ont de l'imagination, qui ont le sens des relations humaines. On en a assez de voir des "bêtes d'université". C'est bouché, complètement bouché. On va bien être obligé de s'apercevoir qu'il y a une demande de l'école du 3ème type.
Je suis prof de Lettres, de Lettres vivantes.... J'ai envie qu'il y ait ce travail sur l'imaginaire. Il ne faut pas seulement un conditionnement à un certain nombre d'outils, de techniques, de ce qu'on sait faire par exemple pour les fautes d'orthographe... C'est pas la peine d'avoir des habitudes, des dressages. Pour rassurer, je dirai qu'il me semble bien, qu'à bien des égards l'école du second type a fait long feu. On va bien être obligé de changer... Voyez comment "ça bouge" dans les lycées !
Il y a plusieurs niveaux d'engagement dans la Pédagogie Freinet. Il y a ce qu'il faisait, qui est le rêve dans une classe de village et où tu peux faire tout le jour de la Pédagogie Freinet à 100% et il y a ce que fait Christina, qui "dérobe" les trois heures non payées de sa semaine de travail parce qu'elle croit à autre chose, et parce qu'elle a envie de voir se réaliser complètement cet espoir d'une autre école ou d'une autre pédagogie.
Et puis il y a ce qu'on fait dans les établissements, avec les clubs, où l'enseignant se repose un peu du "type 2" en faisant une heure de "type 3" de 12 à 13 heures . Où est-ce que l'on arrive plus profondément à insufler notre souci de l'enfant et de la vie, et de la pédagogie de l'intelligence et de l'imagination dans les cours qu'on fait ?
Jo Carret
Moi je voudrais déculpabiliser l'enseignant qui dit : Je ne fais pas ce que je souhaiterais.
Freinet l'a toujours dit : "Il ne faut pas se lâcher les mains avant d'avoir touché terre des pieds", il faut toujours assurer quelque chose, une prise quelque part de façon à ne pas se lacher dans le vide total. Et puis, on fait de la pédagogie à 5%, l'année d'après à 10% et puis, si à la fin de sa vie on arrive à un pourcentage important, à cause d'un environnement qu'on a pu créer, qui peu à peu s'est amélioré, tant mieux. L'enseignant sera heureux.
L'idéal n'existe pas. On y tend tous sans pouvoir y arriver.
André...
Dans des pays comme le nôtre, France, Angleterre, Allemagne, où nous ne vivons pas dans la misère, nous mangeons à notre faim et dormons comme nous le voulons, on a tendance à réprimer cette faculté de création. Les jeunes des pays de l'Est qui ont vécu cinquante ans éloignés du reste du monde, n'avaient plus rien, et créer est devenu aussi naturel que de respirer ou de rêver.
Pour nous, français, c'est tellement facile d'allumer la télé, qu'à force on ne se crée plus. Ce sont les autres qui le font.
Marion : élève française de troisième, qui recevait Oana, une Roumaine.
Conclusion
Il existe des démarches fondamentales qui président à la construction de tout être humain. Contrarier ces démarches fondamentales ou croire que le temps accordé aux activités créatrices est du temps volé aux leçons et aux devoirs, seules bases de l'évaluation, c'est enfermer l'enfant dans un conformisme passif et stérilisant, c'est l'amener à "une spontanéité tapageuse et incohérente, à des révoltes incontrôlées, voire incontrôlables". C'est le contraindre à la négation de lui-même, de ses possibilités, c'est infirmer la construction de son être...
... c'est le mutiler.
M. Berteloot
L'état du monde de 1994
Dans des lettres venues d'ailleurs
Dans des lettres écrites par des enfants et des adolescents
Tu décris, seul ou avec ta classe, ta vie quotidienne dans ton pays.
Tu choisis un dessin ou une création...
Tu les envoies...
Ils seront exposés à Avignon du 9 au 15 mai 1994
Adresse : Marion Moulin classe de 3ème collège "Lou Vignares" 84270 Vedène
TO : Exposition : L'enfant et l'adolescent Créateurs. Avignon
Down Under en Australie
Bonjour à Tous. Nous sommes Australiennes de Sydney et nous allons vous parler de notre pays.
En Australie l'environnement est très varié. On trouve de belles plages, des montagnes neigeuses, des déserts, des forêts tropicales et des îles isolées. Comme il fait souvent beau, les Australiens ont l'habitude de passer beaucoup de temps en plein air à faire des activités diverses : le sport, les pique-niques ou les promenades (à pied, à cheval, à bicyclette ou en bateau, surtout à Sydney).
En Australie l'environnement est très varié. On trouve de belles plages, des montagnes neigeuses, des déserts, des forêts tropicales et des îles isolées. Comme il fait souvent beau, les Australiens ont l'habitude de passer beaucoup de temps en plein air à faire des activités diverses : le sport, les pique-niques ou les promenades (à pied, à cheval, à bicyclette ou en bateau, surtout à Sydney).
En Australie, il n'y a que 17 millions d'habitants et la population est aussi diverse que le paysage. Il y a des gens de toutes nationalités donc notre culture est un mélange.
En ce moment nous sommes en train de finir notre dernière année au lycée. Après, on peut aller à l'université ou travailler immédiatement. L'Australie, c'est un pays très jeune qui est, pour l'instant mal connu par le reste du monde, mais on espère que tout ça va changer parce que l'Australie a beaucoup de potentiel pour être un pays de progrès.
Pour nous, les jeunes, l'avenir est plein d'occases surtout à cause des Jeux Olympiques en l'an 2000. Le choix de Sydney a créé beaucoup de fierté parmi la population. Nous sommes pleins d'espoir.
Ecrit par :
Felicity Datton, Sarah Morgan, Nicole Swarbrick et Sarah Mc Kinnon (16 et 17 ans), élèves à Loreto Collège, Normanhurst à Sydney. Australie.
Fax : 19 61 2 189 23 48
Auteurs :