Le point de vue la médiatrice
En début d’année scolaire 2010-2011, Katell Mancec qui occupait alors un poste d’assistante de médiation et moi avons accueilli plusieurs classes au sein de chapelles des XV et XVIème siècles situées au cœur de la Vallée du Blavet et du Pays de Pontivy. Dans le cadre du festival L’art dans les chapelles, ces édifices ont la particularité d’être investis chaque année à partir du mois de mai, par des artistes contemporains qui proposent des œuvres faisant écho à l’architecture, au mobilier ou à l’histoire des lieux. Les élèves des écoles maternelles ou élémentaires de Guern, Silfiac, Quistinic et Pontivy notamment, ont ainsi pu découvrir dans des lieux atypiques et souvent proches de chez eux, des œuvres faisant appel à des techniques et des univers très divers.
Je souhaite partager ici deux expériences qui se sont déroulées au mois de septembre, sur des temps courts d’une demi-journée environ. Ces deux actions concernaient la venue des classes des cycles 2 et 3 de l’école « Le Chat perché » de Quistinic et des élèves de CP-CE1 de l’école « Paul Langevin » de Pontivy.
Pour Quistinic, Marianne Debest et Janig Hélaine souhaitaient faire découvrir aux élèves l’œuvre qui se trouvait sur leur commune, à la chapelle Notre-Dame du Cloître. Compte-tenu du nombre d’élèves, il fallait impérativement prévoir deux groupes, l'un à l’extérieur qui observerait l’architecture et l’autre à l’intérieur qui étudierait l’œuvre. Je leur ai proposé de visiter une autre chapelle à proximité, en l’occurrence la chapelle Saint-Fiacre en Melrand, pour permettre aux élèves d’envisager la diversité de la création contemporaine mais aussi pour qu’ils puissent comparer les œuvres et les lieux.
Les élèves ont donc commencé par visiter la chapelle Saint-Fiacre. Ils ont découvert l’architecture, le décor de style gothique et l’histoire du lieu par le biais de croquis. Chaque élève a dû choisir un élément extérieur et le dessiner, confortablement installé dans l’herbe. Une mise en commun a été effectuée. Les élèves qui avaient dessiné les fenêtres ont ainsi fait remarquer aux autres élèves qu’elles avaient une forme particulière « comme une fusée ». Toutes les observations effectuées par les élèves ont constitué des occasions d’aborder des questions de vocabulaire et de donner des repères temporels « l’arc brisé » par exemple, caractéristique du style gothique, entre le XIIIème et le XVème siècle. Plusieurs élèves étaient tout excités d’avoir trouvé une porte « secrète » qui aurait pu être le départ d’un labyrinthe mais qui était simplement une ancienne porte murée. De la même manière, pour aborder l’œuvre à l’intérieur de la chapelle, nous sommes parties de l’observation des élèves pour construire un échange. J’ai vraiment été surprise par l’aisance qu’avaient les élèves à s’exprimer oralement. Ils n’ont pas semblé étonnés de voir une immense peinture - sous la forme d’un grand oreiller - occuper une grande partie de la nef !
A la chapelle Notre-Dame du Cloître, nous avons donc comparé les édifices et les œuvres. De nombreux élèves connaissaient plus ou moins précisément l’histoire tragique liée à cette chapelle et l’ont racontée à leurs camarades. L’œuvre de Jean-Marc Nicolas faisait écho à l’usage de la chapelle comme hôpital pendant la guerre et à la rafle qui s’y est produite. Des sculptures évoquant des lits étaient installées dans toute la nef. Je me suis demandé si les enfants allaient être plus « réactifs » face à une œuvre plus explicite. Cela n’a pas forcément été le cas.
Enfin, en préparant cette matinée, nous avions également envisagé la mise en œuvre d’un atelier de pratique artistique autour de l’œuvre de James Hyde à la chapelle Saint-Fiacre en Melrand. Que d’objectifs pour une matinée ! Globalement cet atelier consistait à expérimenter un maximum de supports possibles pour recevoir la peinture : polystyrène, bâche, tissu, carton, bois de cagette. Bien sûr, nous n’avons pas eu le temps de réaliser cet atelier sur place. Les enseignantes ont mené à bien l’atelier en classe et d’après les échos que j’ai pu en avoir, les réalisations des élèves sont très intéressantes. Je ne les ai pas encore vues mais celles-ci seront probablement exposées avant la fin de l’année scolaire à Pontivy.
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En ce qui concerne l’action menée avec l’école Paul Langevin, nous nous sommes concentrés sur la découverte de deux œuvres du même artiste : Nicolas Guiet qui intervenait à la chapelle Saint-Jean au Sourn et à la chapelle Notre-Dame de Joie à Saint-Thuriau. Il n’y avait qu’une seule classe de CP-CE1 et le temps imparti était un peu plus long. Nous avons commencé par découvrir l’œuvre qui se trouvait au Sourn. Il s’agissait d’une peinture monumentale dont la forme évoquait un cadre ou un miroir/vitrail brisé, au bout de la nef, du côté du chœur. Au départ, les enfants semblaient s’intéresser davantage aux vitraux et à des détails comme la clôture du chœur. Puis petit à petit, les regards se sont portés sur l’œuvre. Les enfants ont réalisé des dessins de l’œuvre, certains ont porté attention à une pièce plus petite, située dans un angle. Cette œuvre avait une forme « molle » et était plutôt difficile à dessiner. J’ai vraiment été très étonnée de voir la qualité de l’observation dont ont fait preuve les enfants à travers leur restitution par le dessin. Nous sommes restés pique-niquer autour de la chapelle Saint-Jean avant d’aller à la chapelle Notre-Dame de Joie à Saint-Thuriau.
Sur ce second site, les élèves ont découvert une installation du même artiste qui cette fois était placée à l’extérieur, tout autour de la chapelle. Des peintures en volume reprenant toutes une forme ronde centrale, insérée entre deux «barres» ont activé l’imagination des élèves qui y ont vu des éléphants, des montres, des lettres, des glaces. Ces formes, placées dans chaque angle rentrant de la chapelle, adhéraient complètement à l’architecture. Nous avons donc proposé aux élèves de réaliser à leur tour des œuvres qui viendraient « s’incruster » sur l’édifice. Nous avons mis à leur disposition du fil métallique pour qu’ils puissent réaliser un volume, une structure qu’ils devaient ensuite recouvrir avec du papier aluminium ou des bandes de papier plâtre. Tous ont joué le jeu du dialogue avec le lieu, chaque élève a investi un recoin de la chapelle : la poignée de porte, une niche, la grille du vitrail, certains ont occupé les branches des arbres. Je crois que les élèves ont pris plaisir à faire leur réalisation même s’ils ont rencontré une difficulté avec le fil métallique qui était trop épais et difficile à manipuler pour faire des volumes. Lorsque nous avons fait le tour des réalisations et laissé chaque élève s’exprimer, j’ai eu l’impression qu’ils étaient globalement fiers.
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Pour ma part, je me réjouis à chaque fois de voir comme les enfants découvrent les œuvres sans préjugés. Je suis aussi toujours agréablement surprise d’entendre tout ce qu’une œuvre abstraite peut évoquer chez eux ! Pour moi, l’objectif principal c’est de faire s’exprimer les élèves sur ce qu’ils voient, ce qu’ils ressentent, même si cette partie là est parfois plus difficile, de confronter des points de vue, d’amener les élèves à respecter le point de vue de l’autre. L’art c’est l’ouverture sur le monde, sur les autres.
Fanny Gingreau
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