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logo ressource btn Les Trouvères

Niveau de lecture 3
Dans :  Histoire-Géo › 
Avril 2011
Poètes et musiciens, ils composent leurs textes en langue populaire. Les trouvères sont, dans la France du nord, les héritiers des troubadours.
 
 Les premiers d’entre eux apparaissent vers les années 1180.
Ils s’expriment dans différents dialectes de la langue d’Oïl, et reprennent dans cette langue les thèmes poétiques développés par les troubadours, et en particulier amour de la femme idéalisée, avant de développer des thèmes nouveaux : chants à Dieu ou à la Vierge Marie, chants de croisade, thèmes populaires ou folkloriques, chants à danser où interviennent déjà princes et bergères – thèmes également abordés par les troubadours.
 
L’essor du chant poétique en langue d’oïl est sans doute dû à la comtesse Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine, qui tient au XIIe siècle une cour cultivée et raffinée, où les poètes du nord ont sans doute eu l’occasion de côtoyer leurs prédécesseurs en langue d’Oc et d’apprendre les règles de la poétique des troubadours.
Ne faisons pas d’ailleurs d’opposition trop systématique entre les pays de langue d’oc et ceux de langue d’oïl : du XIe au XIVe siècle, les maisons princières de France du nord, du sud, d’Angleterre et d’Espagne sont intimement liées par des liens familiaux étroits, et malgré les guerres, les conflits et les langues différentes, des échanges économiques et culturels importants ont lieu dans tout cet espace et au-delà.
 
Le Châtelain de Coucy (mort en 1203)
Il participe à la troisième et à la quatrième croisade. Il meurt en mer au retour de la quatrième en 1203. Il est issu d’une grande famille du nord de la France. Nous connaissons de lui au moins treize chansons d’amour et de croisade – une dizaine d’autres lui sont attribuées.
Quan li estés et la douce saisons… est l’un de ses poèmes. « Quand l’été et la douce saison font reverdir feuille et fleur et prés […] Hélas, chacun chante et je pleure et soupire. »
Le thème de l’opposition entre une nature éternelle et exubérante, d’une part, et la tristesse de l’homme abandonné par sa dame, d’autre part, n’est pas nouveau. Mais ici, le poète laisse entrevoir un espoir : la Dame est trompée par les méchants, elle reviendra quand elle aura compris que « jamais ne voulus lui mentir ».
Le mot « Dame » - « Dona » pour les troubadours - a alors un sens très fort : c’est l’image idéalisée d’une femme, (souvent d’ailleurs mariée) à laquelle le poète voue un amour éternel, exigeant, et souvent déçu. La Dame idéale deviendra vite la Vierge Marie, mère de Jésus, à laquelle de nombreux poèmes sont dédiés à partir du treizième siècle. Le mot a perdu beaucoup de force avec le temps… mais nous disons toujours « madame » – ma Dame, disaient les trouvères.
Le Châtelain devient dès le treizième siècle un personnage romanesque : à partir de ses chansons est imaginée une intrigue dans laquelle le Châtelain, amoureux de la Dame du Fayel, est éloigné par l’époux de celle-ci – par un stratagème, le seigneur du Fayel envoie son rival à la croisade, où il tombe malade. Avant de mourir, il fait promettre à son serviteur d’embaumer son cœur, et de le porter à sa Dame. Mais avant d’arriver au Fayel, le serviteur est arrêté par le seigneur, qui se saisit du cœur, le fait cuisiner et le fait manger par son épouse. Lorsque celle-ci apprend ce qu’elle vient d’avaler, elle déclare qu’elle n’a jamais rien consommé de si bon et que jamais elle ne mangera rien d’autre. Et bien sûr, elle meurt à son tour…
 
Guillaume de Machaut (vers 1300 – 1377)
 
Guillaume de Machaut, né en Champagne, est considéré à la fois comme le dernier des trouvères et comme l’un des premiers représentants de l’Art Nouveau, théorisé par le compositeur Philippe de Vitry (1291 – 1361). Il est proche des milieux dirigeants de l’époque, depuis le roi de Bohême Jean de Luxembourg, puis les rois de France Jean le Bon et Charles V. C’est un artiste largement reconnu de son vivant. Sa Messe Notre Dame est un chef-d’œuvre de la musique de tous les temps.
Comme les trouvères, il compose sur des poèmes de sa création une musique monophonique qui adopte parfois la technique du chant en canon. Une musique monophonique peut être interprétée par un ou plusieurs chanteurs et musiciens, mais elle n’a qu’une seule ligne mélodique. C’est la tradition des troubadours et des trouvères, qui composent un air simple sur lequel musiciens et chanteurs brodent des variations.
Mais Guillaume de Machaut utilise aussi la forme polyphonique dans d’autres œuvres, et c’est une innovation majeure : le morceau est interprété à plusieurs voix sur plusieurs lignes mélodiques qui se superposent. L’effet en est beaucoup plus riche, c’est une écriture musicale bien plus savante que l’écriture monodique.
C’est à partir de cette époque – le XIVe siècle - que naît l’opposition entre musiques savantes et musiques traditionnelles. En effet, jusqu’aux trouvères, la mélodie pouvait se transmettre à l’oreille – comme on chante une chanson qu’on a entendue et mémorisée – ou par une notation musicale sommaire, qui en indiquait la ligne musicale de base. A partir du moment où 2, 3 4 voix ou davantage se superposent, la notation devient plus complexe, le musicien a moins de latitude dans son interprétation – s’il en dévie, il compromet tout l’ensemble savamment mis au point – et il doit connaître des règles musicales plus élaborées, qui deviennent de fait l’apanage de quelques-uns.
 
« Moult sui de bonne heure née… » est un virelai, c’est-à-dire un poème sur deux rimes, lié à la danse. Le thème en est la joie et le bonheur d’être aimée, exprimés par une jeune femme. La forme, héritée du passé, est simple. Mais ici, Machaut utilise la polyphonie, ou voix et instruments se superposent et se complètent, ce qui donne une profondeur surprenante à ce chant. 
 
 
Des pistes de recherche :
 
Il existe de nombreux ouvrages consacrés aux troubadours ; des sites leurs sont consacrés sur internet. Par ailleurs, des musiciens, poètes, chercheurs, ont tenté de recréer l’art des troubadours à partir des rares indications qu’ils avaient en leur possession. On peut donc facilement trouver des CD qui leur sont consacrés.
On peut aussi s’intéresser aux instruments de musique utilisés par les musiciens de l’époque. Nous en avons plusieurs représentations sur des miniatures (peintures de petit format), des sculptures, etc. des instruments ont été reconstitués de nos jours, qu’on peut entendre jouer dans les enregistrements récents.
 
 
 
À lire :
Terre des troubadours de Gérard Zuchetto. Une anthologie commentée des troubadours, par l’un des meilleurs spécialistes de la question, accompagnée d’un CD.
Éditions de Paris, Max Chaleil éditeur, 1996.
Voir aussi la BT 1111 « Troubadours au Moyen-âge » éditions PEMF, octobre 1999